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L’économie de la Tunisie repose essentiellement sur quatre secteurs stratégiques : l’agriculture, la production de phosphate, l’industrie agroalimentaire et le tourisme. Ce dernier constitue une source importante de devises et a un effet d’entraînement sur d’autres secteurs, entre autres l’artisanat et le commerce. Le développement des travaux sur le tourisme a donné naissance à une conception plus différenciée : le « tourisme novateur ». Plusieurs efforts sont réalisés en Tunisie pour favoriser l’innovation dans le secteur touristique. Le programme de mise à niveau des établissements hôteliers (PMNH) en est un bon exemple. Il constitue une initiative de l’État pour introduire le principe d’innovation dans la politique stratégique des hôtels – c omme améliorer la qualité des services, augmenter le rendement des hôtels, renforcer leur compétitivité et leurs capacités à résister aux aléas extérieur – afin de consolider le positionnement du secteur touristique à l’échelle mondiale.

La relation innovation–tourisme a suscité l’intérêt de nombreux chercheurs. Abdul Talib Bon et Esam Mustafa (2013) ont souligné l’impact positif de la gestion de la qualité totale sur l’innovation dans les services. Aude Ducroquet et Philippe Viallon (2017) ont traité l’innovation comme une pratique managériale à envisager « incontestablement » dans les hôtels. L’étude de Hsin-Hui Hu , Jay Kandampully et Thanika Devi Juwaheer (2009) a mis en évidence les effets positifs et directs de l’innovation dans les services hôteliers sur la qualité du service, la valeur perçue et la satisfaction du client. Enfin, Manish Srivastava et Devi Gnyawali (2011) ont montré l’impact positif de l’innovation technologique dans des services divers de l’industrie hôtelière. Toutefois, si la prospérité du tourisme, notamment dans le cas du secteur hôtelier, est conditionnée par le succès des innovations dans les services, d’autres auteurs perçoivent le tourisme, et particulièrement l’hôtellerie, comme une activité risquée dont la performance commerciale varie selon la catégorie de l’hôtel, la qualité de ses services et la conjoncture économique (Mattsson et Orfila‐Sintes, 2013).

La relation performance–tourisme a de même fait l’objet de nombreuses recherches. Kashif Hussain, Rupam Konar et Faizan Ali (2016) ont proposé une approche PLS ( partial least squares ou moindres carrés partiels) pour mesurer la performance de l’innovation des services hôteliers grâce à la culture d’équipe et au comportement de partage des connaissances dans les services. Abbas Al-Refaie (2015) a mis en évidence l’effet du facteur humain, notamment la gestion des ressources humaines, sur la performance de l’hôtel. Ursula Scholl-Grissemann, Andreas Plank et Alexandra Brunner-Sperdin (2013) ont analysé les possibilités d’amélioration de la performance des hôtels en s’appuyant sur le rôle de l’innovation et de l’orientation client. Ana Isabel Jimenez-Zarco, Inés González-Gonzáles, María Pilar Martinez-Ruiz et Alicia Izquierdo Yusta (2015) ont quant à eux examiné la robustesse des indicateurs de performance des entreprises à la suite des mises en place d’innovations dans les services. Enfin, Antonio Lau, Richard Yam et Esther Tang (2010) ont montré l’effet des capacités d’innovation technologique sur les performances des entreprises de services.

Malgré la diversité des études dans le monde du tourisme, rares sont les recherches qui traitent la question de l’influence de l’innovation dans les services sur la performance commerciale des hôtels, ce qui peut s’expliquer de plusieurs façons. D’abord, la littérature s’est concentrée davantage sur l’innovation dans les biens tangibles et non dans les services, bien que des études montrent clairement la dépendance des économies des activités tertiaires (Bowie, 2018). D’autres recherches encore ont mis l’accent sur le faible intérêt pour l’analyse de la relation services–innovation, étant donné la sous-estimation importante de l’apport d’un certain nombre de spécificités réelles ou supposées des services (immatérialité, interactivité) à l’innovation ( Gallouj et Leroux , 2011 ).

Dans cet article, nous proposons d’examiner la relation entre l’innovation dans les services et la performance commerciale des hôtels en Tunisie. Nous mettrons en évidence les enjeux et les stimuli de l’innovation dans les services hôteliers, puis montrerons leur rôle comme levier de la performance commerciale des hôtels.

Enjeux et stimuli de l’innovation dans les services hôteliers

Les services ont évolué pour atteindre une place importante dans l’économie. Il y a plusieurs raisons qui peuvent expliquer cette croissance. D’abord, les indicateurs de mesure, comme la production de services marchands et l’évolution du nombre d’emplois dans les services, aident à identifier les faiblesses des activités de services et à intervenir pour des finalités d’optimisation . Ensuite, la demande globale en services augmente, qu’il s’agisse de services traditionnels ou nouveaux, et les entreprises externalisent toujours davantage certaines activités. En outre, la barrière entre les biens et les services disparaît progressivement. Les entreprises industrielles font de plus en plus appel aux services (design, gestion, marketing, conseil…) pour se différencier et mieux répondre aux attentes des consommateurs.

Les innovations ont contribué considérablement à la croissance du secteur des services. Parmi les secteurs reconnus qui s’appuient fortement sur les services innovants figurent le tourisme et particulièrement l’hôtellerie. Il s’agit d’un domaine fertile pour les recherches sur le tourisme, car son évolution oblige les professionnels à se remettre en cause régulièrement. Le paysage hôtelier a évolué au fil des années sous la pression des exigences des consommateurs. Celles-ci obligent les hôteliers à être avant-gardiste et à proposer de nouveaux services pour se démarquer sur le marché. Ils se retrouvent devant un défi majeur et récurrent : innover ou se mettre en marge du marché jusqu’à disparaître à terme. L’innovation offre aux hôtels l’opportunité de devenir des précurseurs dans leurs démarches et leurs actions destinées à satisfaire la clientèle et à atteindre un niveau plus élevé de performance commerciale. Cet objectif n’est pas aussi facile à atteindre à cause de la nature complexe du service hôtelier.

Si certaines recherches montrent clairement l’importance de l’innovation pour le dynamisme du secteur des services, d’autres limitent son rôle et la considèrent comme un changement structurel de fond envisagé pour transformer peu à peu les économies industrielles en économies de services ( Badillo, 2013 ). Cette distinction nous a permis d’aborder l’innovation en écartant l’approche purement technologique. Nous avons préféré une description où elle est le produit d’un processus innovant qui n’est pas lié qu’à une caractéristique technique, mais qui dépend de l’utilisation qui en est faite. Nous considérons que l’innovation n’est pas incorporée exclusivement dans le système technique, mais également dans les changements qu’elle introduit dans les autres systèmes et dont les effets vont apparaître grâce aux apprentissages qui vont avoir lieu.

Plusieurs éléments peuvent influencer l’innovation dans les services hôteliers. La littérature nous a permis de distinguer les quatre éléments les plus cités en sciences de gestion. Le premier correspond aux caractéristiques spécifiques de l’hôtel. En effet, l’hôtellerie se distingue des autres activités du tourisme par trois caractéristiques spécifiques. Il s’agit de la classification des hôtels selon la catégorie (nombre d’étoiles), du système de gouvernance (qui prend les décisions : un seul directeur, une équipe dirigeante, des consultants spécialistes, une société de leasing) et de l’indépendance ou l’appartenance à une chaîne hôtelière. Ces caractéristiques influencent les décisions managériales d’innovation dans les services hôteliers. L’étude menée par Francina Orfila-Sintes, Rafel Cespi-Cladera et Ester Martinez-Ros (2005) sur 331 hôtels dans les îles Baléares en Espagne et celle de Mar Vila, Cathy Enz et Gerard Costa (2011) sur les hôtels de chaîne en Espagne ont conclu que les grands établissements et ceux appartenant à une chaîne sont plus enclins à l’innovation, tout comme les hôtels de 3 et 4 étoiles et les ceux qui investissent dans le développement des capacités humaines. La classification des hôtels selon la catégorie (de 1 à 5 étoiles) peut indiquer le degré de complexité des services offerts et influencer leur propension à l’innovation. Plus le nombre d’étoiles d’un hôtel est élevé, plus les services sont nombreux, ses équipements sont complexes et la diversité des formes d’innovation dans les services est grande. Ces résultats sont aussi affirmés dans l’étude menée par Maria Concepción López-Fernández, Ana Maria Serrano-Bedia et Raquel Gomez-López (2011) sur les facteurs internes qui encouragent les hôtels à innover. Selon ces auteurs, faire partie d’une chaîne permet à l’entreprise hôtelière d’acquérir un savoir-faire, d’accéder à de nombreuses informations sur le marché et de bénéficier d’une image de marque importante. À ces facteurs, les auteurs ajoutent que la volonté de mettre en place des nouveautés organisationnelles renforce la capacité à adopter des innovations dans les services. Le système de gouvernance de l’hôtel a aussi sa part d’influence sur l’innovation dans les services hôteliers. En effet, souvent le propriétaire d’hôtel se voit incapable, seul, d’assumer les responsabilités d’un dirigeant. Il fait appel alors soit à une compagnie spécialisée, soit à un manager qualifié pour diriger son établissement. Dans ce cas, le degré de dépendance à d’autres structures organisationnelles peut influencer les décisions d’innovation dans les services hôteliers. De même, l’affiliation de l’hôtel à une chaîne hôtelière lui donne la possibilité de contrôler ses différentes attributions, mais pas forcément ses décisions d’innovation dans les services. Wen-Jung Chen (2011) a observé qu’une décision d’innovation dans les services peut être imposée à un hôtel s’il fait partie d’une chaîne ou d’un regroupement d’hôtels.

Le deuxième élément qui peut influencer l’innovation dans les services hôteliers est la taille de l’hôtel. L’influence de la taille sur le comportement d’innovation dans les services a été décrite dans les travaux de Wesley Cohen et Richard Levin (1989). Cette influence peut être positive lorsqu’il y a une économie d’échelle sur l’activité d’innovation, ou négative lorsqu’il est question de l’effet de la flexibilité sur l’introduction de changements. La dépendance de la taille à l’intensité de l’innovation dans les services a été démontrée plus tard par Erik Brouwer et Alfred Kleinknecht (1997) dans leur analyse de la distribution de la taille de l’activité innovatrice. Orfila-Sintes et ses collègues (2005) ont observé que la taille de l’hôtel peut servir à déterminer le succès et la rentabilité des innovations dans les services. Ainsi, plus la taille de l’hôtel est grande, plus les équipements et les ressources humaines sont nécessaires dans le processus de prestation des services et plus l’innovation est essentielle. Les travaux de Vila et ses collègues (2011) ont pareillement conclu que les grands hôtels innovent beaucoup plus que ceux dont la taille est petite ou moyenne. Ils expliquent que les grands hôtels disposent de plus de ressources financières, de meilleurs équipements techniques, et de personnel professionnel et qualifié. Sans oublier que ces hôtels peuvent facilement réaliser des économies d’échelle car ils adaptent régulièrement leur politique de prix ; certains d’entre eux préfèrent cesser leurs activités pendant la basse saison pour accroître leur rentabilité, ou proposer des produits touristiques hors saison (courts séjours, voyages d’affaires, etc.).

Le troisième élément qui peut influencer l’innovation dans les services hôteliers est la gestion du processus d’innovation dans les services. En effet, les hôtels constituent un espace favorable pour la mise en place d’idées innovantes sur ce plan. Ces innovations sont des changements visant à satisfaire les attentes tant « exprimées » que « non exprimées » des clients. Le besoin continu en idées innovantes a poussé des dirigeants d’hôtels à étendre l’innovation à l’ensemble de leur entreprise afin de profiter pleinement de la créativité de leurs collaborateurs. L’innovation n’est plus alors le produit d’individus exceptionnels, mais plutôt d’une démarche collective organisée et structurée suivant des processus prédéfinis. La principale valeur ajoutée de ce type d’organisation est l’apport d’une cohérence et d’un pilotage unique à un ensemble d’activités élémentaires contribuant à une même finalité. Les objectifs seront plus rapidement atteints, les dysfonctionnements mieux détectés et les performances optimisées. Plusieurs raisons expliquent pourquoi l’innovation dans les services hôteliers se prête tout particulièrement à une description par processus. D’abord elle mobilise un grand nombre de fonctions de l’hôtel, parfois sur plusieurs projets en parallèle. Ensuite, en devenant un axe stratégique de croissance, elle s’est standardisée. Enfin, c’est une activité risquée qui peut s’avérer particulièrement gourmande en ressources : la gestion des risques est d’une importance capitale à laquelle seule la vision consolidée qu’apporte un processus détaillé peut répondre. La plupart des hôtels ont saisi l’importance de bien décrire les processus et, aujourd’hui, ne se pose plus la question de sa nécessité mais celles de sa gestion et de son optimisation.

Le processus d’innovation dans les services hôteliers est défini comme un processus intégrant des mécanismes de sélection par filtres successifs (ou jalons) qui facilitent les prises de décision. L’objectif est l’exploration en amont d’un maximum d’idées innovantes (avant qu’elles ne coûtent cher) pour ne conserver, dans les phases aval, que celles dont les chances de succès technique et commercial sont élevées. Ce processus se décompose en des phases de réflexion stratégique ; de génération et de maturation d’idées ; de gestion de projets ; et d’exploitation commerciale. Des outils d’aide au processus d’innovation peuvent assister les dirigeants d’hôtels dans leurs décisions pour mettre en place des idées innovantes dans les services. Les nouvelles technologies apportent une forte valeur ajoutée à la performance du processus d’innovation dans les services. Les outils de travail collaboratif, les applications de messagerie instantanée, de forum de discussion ou encore l’intranet de l’hôtel y contribuent déjà indirectement. Mais la difficulté si la coordination de plusieurs fonctions est favorisée est que cela oblige de plus en plus les hôteliers à faire appel aux solutions de gestion des idées innovantes. Il s’agit de solutions «  web-based  » – des applications spécifiques – facilitant la conception, la capture et le partage d’idées innovantes dans l’entreprise hôtelière. Ces solutions aident à gérer le processus de maturation des idées depuis leur création jusqu’à la décision de leur mise en œuvre. Elles peuvent structurer en amont un processus de développement de nouveaux services ou renforcer une démarche d’amélioration continue (initiatives de réduction de coûts, amélioration des processus opérationnels, communication interne, ressources humaines, etc.).

L’étude de Michel Phan (2007) fait de l’hôtel Plaza Athénée de Paris un bon exemple d’entreprise où tout le personnel participe au processus de création d’idées innovantes dans les services. L’auteur souligne que cette pratique est un facteur clé de succès, voire indispensable pour implanter des innovations dans les services. Le choix des innovations à commercialiser dépend des finalités recherchées par les hôtels. Par exemple, l ’innovation technologique peut être utilisée par les hôtels qui cherchent un avantage concurrentiel ou des services plus différenciés en termes de qualité, de coûts et de rapidité. De même, l’innovation radicale peut être envisagée par les hôtels qui cherchent une solution à un problème non encore résolu ou résolu d’une manière inefficace. Toutefois, le processus d’innovation dans les services de l’hôtel ne se limite pas à l’incorporation des nouveaux éléments technologiques ou de ceux modifiés. Tout l’effort doit être investi dans leur mise en œuvre, leurs ajustements et leur utilisation efficace, afin de développer les compétences requises pour mener à bien les innovations dans les services de l’hôtel . Ainsi, l’organisation et la formation des employés peuvent aider l’hôtel à atteindre un fonctionnement optimal des services nouveaux ou sensiblement améliorés ( Hersh, 2010).

Le quatrième élément qui peut influencer l’innovation dans les services hôteliers correspond aux facteurs du marché et à la concurrence. En effet, l’analyse de ces éléments est essentielle au succès de l’innovation. L’étude de Michael Ottenbacher et Jürgen Gnoth (2005) menée auprès de 312 gestionnaires d’hôtels a démontré que la taille suffisante du marché ciblé peut améliorer la rentabilité du service innovant. De même, la réactivité du marché à l’innovation aide à comprendre si le service innovant proposé est celui qui correspond à la demande actuelle et future du marché. Ces résultats ont été corroborés par Kayhan Tajeddini (2011), qui souligne que les hôtels doivent être proactifs dans l’anticipation des besoins latents des clients. L es stratégies de management , la synergie de marketing, les réactions du marché, la collaboration des employés, la formation des employés et l’évaluation de leurs compétences de base sont des facteurs liés au marché, tout comme la segmentation du marché, et tous influencent, directement ou indirectement, l’innovation dans les services hôteliers (Chand, 2010). L’activité hôtelière vise des segments de marché spécifiques associés à des niveaux de qualité et de catégorisation ainsi qu’à la saisonnalité et aux possibilités de différenciation des produits. Selon Donald Arthur Norman et Roberto Verganti (2014), le segment de marché peut être abordé par les canaux utilisés dans la commercialisation du service et le degré de fidélisation de la clientèle. La propension de l’hôtel à innover dans le service peut être explorée en fonction des caractéristiques du marché. Les canaux utilisés pour commercialiser le service peuvent aussi être novateurs grâce aux nouvelles possibilités qu’offrent les technologies de l’information et de la communication (TIC) (par exemple, la réservation via Internet) ou encore une meilleure utilisation des nouvelles technologies. La différenciation des services ( activités de sport, Internet, santé, réduction des prix, qualité des chambres, facilités de consommation, etc. ) constitue un avantage concurrentiel surtout pour les hôtels situés dans une même zone géographique. Cette différenciation peut se faire au moyen des innovations technologiques qui offrent à l’hôtel la possibilité de fournir des services additionnels d’hébergement touristique ou des services de meilleure qualité que ceux des concurrents.

L’innovation dans les services comme levier de la performance commerciale des hôtels

Dans les services, les entreprises innovantes sont plus performantes que celles qui ne le sont pas (Tajeddini, 2011). En hôtellerie, précisément, les entreprises qui impliquent leurs employés dans le processus d’innovation dans les services sont les plus productives et les plus performantes (Phan, 2007). Encore plus, les entreprises qui innovent pour différencier leurs services dominent leurs concurrents en termes de parts de marché ou de rentabilité croissante (Damanpour et al ., 2009). De même, les entreprises qui réalisent des innovations inédites à l’échelle mondiale sont celles qui ont les meilleurs niveaux de performance commerciale (Chand, 2010).

La performance commerciale issue de l’innovation dans les services varie considérablement d’un hôtel à un autre. Elle peut se traduire par une rentabilité commerciale accrue provoquée par un projet d’innovation dans les services de l’hôtel. Comme principal exemple de ce genre de projet, citons l’innovation par la technologie de l’information (Perera, 2014). L’Internet permet en effet à l’hôtel de développer une gamme de services personnalisés (service de consultation d’informations à distance, fidélisation des clients, facilitation du processus d’accès au service, etc.), accessibilité efficace, gain de temps, meilleure interactivité avec les clients, productivité et rentabilité commerciales accrues. Ainsi, l’usage de l’Internet permet à un hôtel de desservir des consommateurs de zones géographiques de plus en plus larges, ce qui rejoint son objectif de conquête de nouveaux marchés locaux et internationaux. De même, l’adoption des réseaux performants peut conduire à une réduction des coûts et à des économies d’échelle substantielles (comme la réduction des coûts associés aux tâches répétitives, aux frais de transaction, aux frais de promotion et de publicité pour commercialiser les services) en offrant la possibilité de communiquer des informations à un coût très bas et à une clientèle très vaste.

Par ailleurs, la concurrence est aussi un facteur qui peut agir considérablement sur la relation entre innovation dans les services et performance commerciale. En effet, pour mieux servir ses clients et se démarquer de la concurrence, l’hôtel peut transformer son système d’offre pour en faire un package global, plus cohérent, plus riche, plus innovant à la fois pour le client et pour lui-même. Il peut même intégrer à son offre de nouveaux services liés ou non à son activité de base. Cette gamme de services diversifiés peut aider l’hôtel à maintenir et à renforcer sa relation avec la clientèle et à mieux répondre à l’intensification de la concurrence afin de conserver sa part de marché (Chen, 2010).

Toutefois, la relation innovation dans les services et performance commerciale des hôtels n’est pas toujours positive ou directe. Certaines des innovations mises en œuvre sont parfois difficiles à évaluer. Dans ce cas, des risques peuvent restreindre la performance de ces hôtels. La catégorie et les attributions technologiques peuvent également menacer leur performance commerciale (Parnian et al. , 2013). De même, les hôtels peuvent procéder simultanément à plus d’un type d’innovation. Ils se trouvent alors devant la difficulté d’isoler le type d’innovation qui a des effets nocifs sur leur performance.

La mesure de la performance commerciale des hôtels reste souvent difficile si l’on se limite aux données des profits ou du chiffre d’affaires, étant donné la diversité des caractéristiques spécifiques de chaque hôtel ainsi que l’impossibilité d’accéder à leurs données commerciales détaillées(Scholl-Grissemann et al ., 2013). Que ce soit en Europe ou en Amérique du Nord, les normes comptables définissent clairement les critères de performance commerciale, à savoir la marge bénéficiaire, l’intensité d’investissement et surtout le taux d’occupation et le revenu par chambre disponible (RCD). À l’échelle internationale, le RCD, même s’il présente certaines limites, reste l’indicateur de mesure le plus performant, plus significatif même que le taux d’occupation puisqu’il intègre non seulement celui-ci, mais aussi le prix moyen par chambre. Par exemple, un RCD logiquement élevé constaté dans l’hôtellerie de luxe n’est pas forcément plus générateur en termes de marge ou de revenus nets que celui naturellement moins élevé des segments inférieurs. De même, le RCD ne prend en compte que le chiffre d’affaires généré directement par la chambre et non les éventuelles sources de revenus annexes (bar, spa, petits déjeuners, location de salle, etc.). Certains segments de clientèle peuvent parfois se situer dans la moyenne en termes de RCD constaté, mais plus rentable au volet des revenus annexes. Pour cette raison, le RCD est parfois remplacé par le taux d’occupation moyen, un critère reconnu mondialement pour établir une mesure acceptable, facile et fiable de la performance commerciale des hôtels (Orfila-Sintes et al ., 2005 ; Yang et Cai, 2016).

Méthodologie et résultats de la recherche

Collecte de données et hypothèses de recherche

La population visée par cette étude est l’industrie hôtelière, soit 603 hôtels répartis dans des régions variées de la Tunisie. Mais, en raison de l’accessibilité, de la disponibilité et du coût, il n’a pas été possible de collecter et d’analyser les informations relatives à l’ensemble de la population. Une des techniques couramment utilisées en sciences sociales pour remédier à cette lacune est l’échantillonnage, c’est-à-dire étudier une fraction de la population de référence ciblée (Tremblay, 1991). Il s’agit de faire une sélection suivant des critères statistiques de manière à reproduire un échantillon aussi représentatif que possible de cette population, dans le but d’en extrapoler les résultats à la totalité de la population (Ardilly, 2006). Parmi les méthodes d’échantillonnage, notre choix s’est porté sur l’échantillonnage stratifié. La stratification consiste à subdiviser la population en plusieurs groupes appelés « strates », puis de prélever des échantillons indépendants dans chaque strate. L’objectif est double : il s’agit, d’une part, de permettre une amélioration de la précision (pour une même taille d’échantillon) ou une réduction de la taille de l’échantillon (pour un même niveau de précision) ; et, d’autre part, de garantir la représentation dans l’échantillon des sous-populations correspondant à chaque strate (Malhotra et al ., 2014). Cette méthode permet aussi de s’assurer que l’effectif est suffisant pour attester de l’exactitude des résultats obtenus (Davison, 2009).

Au début, notre échantillon s’est construit en se basant sur l’apport de l’étude de Vila et ses collègues ( 2 011) pour classer les 603 hôtels en fonction de leurs caractéristiques spécifiques : catégorie, structure de gouvernance et appartenance à une chaîne. Or, comme la plupart des hôtels n’appartiennent à aucune chaîne et que leur majorité est dirigée par un seul directeur et non un groupe de gestionnaires, notre échantillon est déterminé sur la base d’un profil qui prend en considération la catégorie des hôtels comme principale caractéristique. En plus, les hôtels de 4 et 5 étoiles représentent 47 % de la structure hôtelière, ce qui reflète la poursuite de la hausse du standing de l’hôtellerie tunisienne, d’où l’intérêt de l’innovation. Nous avons préféré aussi une répartition géographique équilibrée des hôtels choisis entre les régions du Nord comme Tabarka, Hammamet et Tunis ; du Centre comme Sousse, Mahdia et Kairouan ; et du Sud comme Tozeur, Djerba et Tataouine.

Les données de cette recherche sont de deux natures : des données issues du terrain et des données secondaires. Pour la collecte des données du terrain, nous avons utilisé l’outil d’analyse des activités d’innovation dans l’industrie hôtelière proposé par Orfila-Sintes et ses collègues (2005). Il comprend plusieurs dimensions : la catégorie de l’hôtel ; l’appartenance à une chaîne ; la structure de gouvernance ; la taille de l’hôtel ; la gestion du processus d’innovation (la propension de l’hôtel à l’innovation et les types d’innovations réalisées) ; la prise en considération des facteurs de marché et de la concurrence (la relation client, le centre de réservations et la formation du personnel) . Ces dimensions ont été regroupées dans un questionnaire administré par interview direct auprès des directeurs et des responsables des hôtels en Tunisie. Certains renseignements collectés sont relatifs à l’hôtel, comme l’âge, la taille, les canaux de commercialisation, la technologie utilisée, etc. ; d’autres sont associés aux dépenses consacrées par les hôtels aux activités d’innovation ; d’autres encore traitent de la question des obstacles rencontrés par les hôteliers pour mettre en place des innovations dans les services ou pour développer de nouveaux services. Outre les données du terrain, nous avons utilisé des données secondaires. Ces données sont couramment collectées pour les activités associées à la gestion, les fonctions de contrôle et l’utilisation de la recherche dans de nombreux domaines. Elles sont rassemblées par des tiers tels que les gouvernements, les entreprises commerciales ou des chercheurs universitaires. Il est qu’à noter qu’en Tunisie, malgré la baisse des paramètres du dynamisme du secteur hôtelier depuis 2016, notamment du volume des recettes en devises (‑47,6 %), des nuitées hôtelières (‑43,8 %) et des arrivées aux frontières de non-résidents étrangers (‑19,7 %), l’image du pays dans le monde en tant que destination de rêve n’a pas changé. Selon le rapport du Forum économique de Davos sur la compétitivité du secteur touristique dans le monde, la Tunisie est deuxième dans le monde arabe après le Qatar. Elle se distingue notamment par la durabilité du développement de l’industrie du tourisme et des voyages (4 e  mondial), sa politique de visa (12 e ), la privatisation dans l’industrie du tourisme et des voyages (7 e ) et l’indice des prix dans les hôtels (10 e ). Ces positions obligent le secteur hôtelier à innover sans cesse. Dans cette recherche, les données secondaires ont été recueillies auprès de trois sources principales : l’Institut national de la statistique (INS), l’Office national du tourisme en Tunisie (ONTT) et le site TripAdvisor.com . L’INS et l’ONTT sont reconnus comme étant les sources les plus valides et les plus fiables de mesure des données du secteur hôtelier. Ces organismes suivent, entre autres, les données récentes relatives à l’offre, à la demande et aux performances du secteur hôtelier dans toutes les régions du pays. Le site TripAdvisor.com nous été très utile aussi pour affiner le choix des hôtels. Ce site publie des évaluations et des classements des hôtels les plus connus et les plus visités en Tunisie. L’indice de classement de TripAdvisor.com nous a permis de repérer 50 hôtels parmi les mieux notés sur une échelle de 5 points à intervalles de 0,5. Nous avons classé ces hôtels par région. Ainsi, comme il existe cinq catégories d’hôtels (allant de 1 à 5 étoiles), nous avons préféré administrer notre questionnaire à 10 hôtels dans chaque catégorie. En définitive, la taille retenue de notre échantillon est de 30 hôtels. Le principal motif sur lequel nous nous sommes appuyés pour éliminer les 20 hôtels restants est l’absence d’activités d’innovations dans les services. Le tableau 1 présente les pourcentages d’hôtels inclus dans l’échantillon, par catégorie et par région.

Tableau 1 

Pourcentage d’hôtels inclus dans l’échantillon par catégorie et par région

Pourcentage d’hôtels inclus dans l’échantillon par catégorie et par région
Source : Les auteurs, 2020

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Dans ce travail, nous avons identifié les stimuli de l’innovation dans les services hôteliers. Nous avons montré aussi que l’innovation dans les services peut être appréhendée comme un levier de la performance commerciale des hôtels. Partant de l’hypothèse de l’existence d’une relation entre l’innovation dans les services et la performance commerciale de l’hôtel, nous avons pensé contribuer au développement théorique du domaine de l’hôtellerie en construisant un modèle économétrique qui permet de mesurer et de comprendre la nature de cette relation. Ce modèle, représenté dans l’ illustration 1 , comporte deux variables : une variable dépendante, la performance commerciale de l’hôtel, et une variable indépendante, qui correspond à l’innovation dans les services hôteliers. Empiriquement, notre modèle de régression est représenté par l’équation suivante :

Illustration  1 

Modèle d’analyse de la relation entre l’innovation dans les services et la performance commerciale de l’hôtel

Modèle d’analyse de la relation entre l’innovation dans les services et la performance commerciale de l’hôtel
Source : Les auteurs, 2020

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Dans ce modèle, Y est la performance commerciale de l’hôtel mesurée par le taux d’occupation moyen ; le paramètre µ est l’ordonnée à l’origine de Y et représente le taux d’occupation minimal de l’hôtel ; X1 est la catégorie de l’hôtel ; β1 est le coefficient (pente) de X1 ou l’effet de X1 sur la performance commerciale de l’hôtel ; X2 est la structure de gouvernance de l’hôtel ; β2 est le coefficient de X2 ; X3 est l’appartenance à une chaîne ; β3 est le coefficient de X3 ; X4 est la taille de l’hôtel ; β4 est le coefficient de X4 ; X5 est la gestion du processus d’innovation ; β5 est le coefficient de X5 ; X6 représente les facteurs du marché et la concurrence ; β6 est le coefficient de X6 ; ε étant le terme d’erreur ou la notation des déviations du modèle.

Si les travaux de Tajeddini (2011) et ceux des équipes de Vila (2011), de López-Fernández (2011) et de Hossain (2010) traitent chacun un seul stimulus de l’innovation dans les services hôteliers dans sa relation avec la performance commerciale de l’hôtel, l’apport de notre recherche réside dans le choix d’une démarche systémique combinant simultanément des stimuli de l’innovation dans les services hôteliers dans leur relation avec la performance commerciale de l’hôtel. Nous avons choisi d’analyser la conception économique de la performance parce qu’elle met en évidence un aspect fondamental pour toute organisation, c’est-à-dire la création d’une valeur ajoutée. Notre choix de la performance commerciale s’appuie sur les études où cette dimension est la principale variable dépendante analysée.

Nous avons ainsi choisi la Tunisie comme terrain d’investigation pour tester nos hypothèses de recherche qui sont :

H0  : L’hypothèse nulle : « Il n’y a pas de relation significative entre l’innovation dans les services et la performance commerciale de l’hôtel. »

H1  : L’hypothèse alternative : « Il y a une relation significative entre l’innovation dans les services et la performance commerciale de l’hôtel. » De cette hypothèse découlent six sous-hypothèses :

  • SH1  : La classification, selon la catégorie (de 1 à 5 étoiles), de l’hôtel qui innove dans les services influence positivement son niveau de performance commerciale. Plus la catégorie de l’hôtel qui innove dans les services est élevée, plus son niveau de performance commerciale est élevé.

  • SH2  : La structure de gouvernance de l’hôtel qui innove dans les services influence positivement son niveau de performance commerciale.

  • SH3  : L’appartenance (ou l’affiliation) à une chaîne hôtelière d’un hôtel qui innove dans les services influence positivement son niveau de performance commerciale.

  • SH4  : La taille de l’hôtel qui innove dans les services influence positivement son niveau de performance commerciale. Plus la taille de l’hôtel qui innove dans les services est grande, plus son niveau de performance commerciale est élevé.

  • SH5  : La gestion du processus d’innovation dans les services influence positivement le niveau de performance commerciale de l’hôtel. Plus l’hôtel dispose d’un mode de fonctionnement en ce qui concerne la conception d’innovations dans les services (personnel impliqué, ajustements ou utilisation efficace des technologies avancées, informations liées à la prospection des clients potentiels ou à leurs demandes, compétences requises pour mener à bien des innovations dans les services, formation des employés), plus son niveau de performance commerciale est élevé.

  • SH6  : Les facteurs du marché et la concurrence influencent positivement le niveau de performance commerciale de l’hôtel qui innove dans les services .

Analyse descriptive des données : état des lieux des stimuli de l’innovation dans les services hôteliers en Tunisie

Le tableau 2 fournit les données descriptives par région des hôtels retenus dans la présente recherche. Les résultats montrent à la fois des similitudes et des différences entre les marchés des hôtels dans les trois grandes régions de la Tunisie. C’est dans les régions du Centre que se trouvent les hôtels dont le prix moyen est le plus élevé, avec 220 dinars tunisiens (TND) la chambre par nuit ; tandis qu’au Sud, le prix moyen le plus élevé est de 82 TND la chambre par nuit. Ce sont aussi dans les hôtels du Centre que le pourcentage d’occupation moyen est le plus élevé, avec 61,78 %, par rapport aux hôtels des deux autres régions. Les statistiques affichent aussi des valeurs proches en ce qui concerne la demande dans les hôtels du Sud et ceux du Nord en comparaison avec ceux du Centre. Le tableau 3 fournit les données descriptives des hôtels en rapport avec les variables étudiées dans cette recherche.

Tableau 2 

Données descriptives par région des hôtels de l’échantillon

Données descriptives par région des hôtels de l’échantillon
Source : Les auteurs, 2020

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Tableau 3 

Données descriptives des hôtels étudiés

Données descriptives des hôtels étudiés
Source : Les auteurs, 2020

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Pour la variable « caractéristiques spécifiques de l’hôtel », nous avons constaté que, à l’inverse des hôtels des catégories 4 et 5 étoiles, les hôtels de 1 à 3 étoiles offrent peu de services à leurs clients et que le degré de complexité des services et des équipements est moyennement faible. En plus, la majorité des hôtels n’appartiennent pas à un chaîne. Cette indépendance les prive de profiter que leurs différentes attributions soient orientées et contrôlées par une chaîne hôtelière spécialisée en matière de management des hôtels. Ainsi, la plupart des hôtels adoptent un système de gouvernance centralisé. Il s’agit d’hôtels gérés par un seul dirigeant qui prend toutes les décisions, y compris celles liées à l’innovation dans les services. Dans les autres hôtels, les propriétaires éprouvent des difficultés à gérer seuls leur établissement. Ils s’adressent à des consultants spécialistes ou à des gestionnaires qualifiés pour profiter de leur savoir-faire et de leur expérience en matière de management des hôtels et pour obtenir de l’information précise, facilement accessible, aisément manipulable et fréquemment mise à jour, ce qui constitue un élément incontournable pour la prise de décisions rapide. Néanmoins, leurs décisions d’innovation dans les services hôteliers restent influencées par leur degré de dépendance aux autres structures organisationnelles.

Pour la variable « taille de l’hôtel », nous avons classé les hôtels non seulement en fonction de la moyenne du nombre de lits, mais aussi en considérant leur niveau de propension à l’innovation dans les services. Nous avons observé que la plupart des hôtels sont de grande taille et ont aussi une forte propension à l’innovation dans les services. La grande taille d’un hôtel le rend très vulnérable aux chocs externes comme une crise économique ou sanitaire (la COVID-19, par exemple) ou encore un changement ou une réforme imposé par la révolution tunisienne. Ces événements ne font que détourner les touristes de l’hôtellerie, un effet constaté à la suite des baisses de fréquentation étrangère et nationale qui sont reliées à la baisse du chiffre d’affaires de ces hôtels pendant ces périodes. C’est pourquoi leur propension à l’innovation dans les services hôteliers est élevée afin de se moderniser pour mieux répondre aux nouvelles exigences de la clientèle touristique. L’hôtellerie indépendante a ainsi été plus touchée par ces crises que l’hôtellerie de chaîne. Pendant ces années, les chaînes hôtelières concentraient plus de 27 % du nombre des unités hôtelières et 36 % de la capacité d’hébergement totale en Tunisie. Les hôtels de petite taille, comme les indépendants qui ont eu du mal à se moderniser, ont été victimes de leur obsolescence. La variable taille a joué un rôle essentiel pour promouvoir la mise en place de l’innovation dans les services hôteliers et fidéliser de plus en plus les clientèles. En effet, en Tunisie, qu’il s’agisse d’individus ou d’organisations, les clients des grands hôtels manifestent un désir croissant de se voir considérés et traités de manière personnalisée. Les hôtels qui offrent des services haut de gamme ont naturellement réagi très tôt à cette pression croissante. Une des chaînes d’hôtellerie a par exemple mis au point un système d’information permettant de suivre et d’analyser les comportements de consommation de ses clients. Grâce à la connaissance accumulée, et sans que cela lui soit communiqué explicitement, l’usager régulier des hôtels du groupe bénéficie d’un traitement particulier et discret, depuis la réservation de sa chambre jusqu’à son retour chez lui. La fidélité des usagers se serait accrue de plus de 25 % depuis la mise en œuvre de ce système.

Pour la variable « gestion du processus d’innovation  » , nous avons observé que plus de la moitié de l’échantillon, soit 60 % du total des hôtels, considèrent que développer et renforcer le processus d’innovation est essentiel pour rester dans la course, se démarquer de la concurrence et s’adapter aux nouvelles tendances de consommation et de voyage. Dans ces hôtels, la mise en place d’innovations dans les services a pris des formes diverses : certaines sont technologiques, d’autres non technologiques ou radicales. Les innovations technologiques ont été adoptées par presque la moitié de l’ensemble des hôtels afin de réduire les coûts d’exploitation ou satisfaire et attirer davantage de clients. Il s’agit de l’utilisation de douches et de toilettes autonettoyantes ; des nouvelles technologies de construction comme les blocs préfabriqués ; des technologies de gestion et d’économie d’énergie telles que la régulation du débit d’eau et la régulation du chauffage ; des technologies liées à la propreté comme les robots et les aspirateurs. Ces transformations des technologies sont poussées par les attentes des clients en termes d’économies et de gain de temps. Aux yeux des dirigeants d’hôtels, l’intégration des TIC dans les chambres permet de surprendre les clients, de leur proposer un confort accru, une ergonomie et des services qu’ils ne trouvent pas dans leur foyer. Il s’agit de nouveautés qui sont pourtant des standards (écrans plats, Internet à haut-débit , points de connexion MP3 : iPod et iPhone), la biométrie utilisée pour assurer le contrôle d’accès à la chambre, les bornes d’accès qui permettent au client de personnaliser son séjour (choisir sa chambre, réserver, payer, obtenir sa clé). L’automatisation de ces tâches à l’aide des TIC permet aussi de réduire la masse salariale et de sensibiliser le personnel à la personnalisation du service. L’innovation technologique a touché aussi les centres d’affaires des hôtels, constituant un outil de différenciation et un véritable générateur de valeur ajoutée. L’objectif est de créer un espace de communication (ou Web corner ) doté de matériel informatique dernier cri et d’un service de carte électronique ( e-card ) permettant aux clients de suivre à distance leurs affaires ou simplement d’envoyer une carte postale numérique en ligne. L’innovation technologique a ciblé aussi les modes de commercialisation et de gestion des hôtels. En effet, l’Internet, un bon référencement et les sites Web des hôtels ont contribué à donner une visibilité aux offres commerciales et aux services existants. De même, le Web 2.0 et le concept Évolution offrent à ces hôtels l’occasion d’être présents sur des blogues, Facebook, YouTube, Twitter… Cela leur permet d’offrir à leurs clients un accès à leur système de réservations en un seul clic, depuis leur page « fan » ou leurs réseaux sociaux. Dans une logique de fidélisation, ces hôtels offrent à leurs clients des avantages promotionnels ou une tarification spéciale. Par ailleurs, les innovations non technologiques ont été adoptées aussi par presque la moitié de tous les hôtels. Celles-ci ont fait l’objet principalement du soin accordé à l’architecture, au design ou au service personnalisé. Les motivations de cette adoption sont souvent économiques et/ou commerciales, comme nos entretiens l’ont révélé. Les hôtels s’attendent à ce que l’usage de ce type d’innovation leur permette de rentabiliser rapidement l’investissement financier initial.

Enfin, un nombre très réduit d’hôtels font des innovations radicales. Ces dernières supposent de nouvelles connaissances techniques et prennent la forme de la création d’un nouveau produit ou service. Il s’agit davantage d’innovations qui augmentent la valeur de l’offre. Elles peuvent être associées soit au produit soit au processus de livraison de la prestation touristique. Nous avons effectivement constaté l’existence de produits (hébergement, restauration, activités) destinés à une nouvelle clientèle cible : les femmes d’affaires. Nous avons remarqué aussi l’existence de communautés virtuelles qui, par le principe de « co-création », donnent aux clients la possibilité de définir les offres de ces hôtels ou de leur proposer de nouveaux produits. Ces innovations sont qualifiées de « radicales » parce qu’elles ont modifié tout le système de gestion, y compris les modes de réservation et de tarification.

Finalement, pour la variable « facteurs de marché et concurrence », nous avons observé que la majorité des hôtels y accordent beaucoup de considération. Celle-ci peut même être intense, surtout chez les hôtels situés dans des zones touristiques à forte concentration hôtelière. Ces hôtels peuvent être proactifs dans l’anticipation des besoins latents de leurs clients. Ils s’assurent de la taille suffisante d’un nouveau marché cible avant de lancer un service innovant. Ils vérifient, à partir de la réactivité du marché à l’innovation, que le service proposé est celui qui correspond à la demande du marché. Ils cherchent constamment les possibilités d’intégrer les bonnes pratiques managériales et de marketing dans leur système de management hôtelier. Ils s’assurent aussi de la collaboration de leurs employés et du développement de leurs compétences. Ils testent fréquemment les possibilités de segmentation du marché, tout en considérant les niveaux de qualité et de catégorisation ainsi que la saisonnalité et les possibilités de différenciation des produits. Par ailleurs, le tiers de notre échantillon possède un centre de réservations qui se charge de la gestion des modes de réservations et de tarification. Ainsi, la plupart des dirigeants des hôtels qui ont une forte propension à l’innovation dans les services font de la formation du personnel à la dynamique d’innovation hôtelière un avantage concurrentiel ainsi qu’un atout pour faire face aux pressions qui menacent leurs activités.

Distribution des notes d’évaluation des hôtels en Tunisie par TripAdvisor.com

L’histogramme de la distribution des notes d’évaluation d’hôtels de TripAdvisor.com ( illustration 2 ), montre que les données sont normalement distribuées : il y a très peu de variation dans l’échantillon total. L’échantillon de 50 hôtels n’a fourni qu’un écart de 3,5 à 5 étoiles. Bref, il n’y a qu’un léger écart dans les 50 évaluations des hôtels les mieux classés par région. En raison de l’échelle de classement adoptée par TripAdvisor.com (1 à 5 par incréments de 0,5), la plupart des hôtels sont notés (et regroupés) 4 étoiles ou 4,5 étoiles. Plus précisément, environ 40 % des hôtels ont reçu une note de 4 étoiles et 50 % une de 4,5 étoiles. Dans l’échantillon, les hôtels notés 3,5 étoiles ou 5 étoiles sont très rares. Ainsi, dans l’illustration  3 , la boîte à moustaches nous permet de distinguer les évaluations d’hôtels sur TripAdvisor.com par région. Cette figure présente les moyennes et les plages de classement des 30 meilleurs hôtels classés dans les régions du Nord, du Centre et du Sud. Il y a trois résultats intéressants à noter. D’abord, les hôtels de la région du Nord et ceux de la région du Centre partagent la même fourchette d’évaluations et d’interquartiles au sein de l’échantillon. Les cotes attribuées aux hôtels de ces régions vont de 3,5 à 5 étoiles sur une échelle de 5 points avec un intervalle de 0,5 ainsi que la plage interquartile de 4 à 4,5 étoiles sur une échelle de 5 points à un intervalle de 0,5. Cela révèle que ces deux régions partagent des caractéristiques communes. Ensuite, il n’y a pas d’hôtel qui a été classé 3,5 étoiles dans la région du Sud. En outre, dans la troisième parcelle, il n’y a pas de moustaches révélées dans la figure, avec seulement une boîte allant de 4 à 4,5 étoiles sur une échelle de 5 points avec un intervalle de 0,5. Cela signifie que l’ensemble des notes attribuées aux hôtels du Sud ont deux résultats possibles : 4 étoiles ou 4,5 étoiles. Finalement, nous n’avons pas identifié d’hôtel présentant une minime variation dans l’intervalle interquartile, c’est-à-dire n’ayant ni case ni moustaches révélées sur la figure. Cela suppose que la majorité des notes attribuées à ces hôtels sont classées 4 étoiles et que très peu d’entre eux sont classés 3,5 étoiles ou 4,5 étoiles. Aussi, en l’absence de valeurs aberrantes, il n’y a pas d’hôtel classé 5 étoiles. L’analyse des évaluations d’hôtels de TripAdvisor.com a montré l’existence d’une variation par région entre les hôtels du Nord, du Centre et du Sud et que ces derniers, par leurs caractéristiques et architectures spécifiques, sont encore une destination de rêve.

Illustration 2 

Histogramme de la distribution des notes d’évaluation des hôtels sur TripAdvisor.com

Histogramme de la distribution des notes d’évaluation des hôtels sur TripAdvisor.com
Source : Les auteurs, 2020

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Illustration 3 

Distribution des notes d’évaluation des hôtels sur TripAdvisor.com par région

Distribution des notes d’évaluation des hôtels sur TripAdvisor.com par région
Source : Les auteurs, 2020

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Analyse du pouvoir explicatif et de la significativité des stimuli de l’innovation dans les services

Nous avons cherché à tester le pouvoir explicatif et la significativité des stimuli de l’innovation dans les services. Les données des variables quantitatives « catégorie de l’hôtel » et « taille de l’hôtel » sont résumées dans le tableau 4. Pour la première variable, nous avons créé deux classifications : une qui regroupe les hôtels de 1 à 3 étoiles, et une autre qui réunit les hôtels 4 et 5 étoiles. Nous avons adopté cette classification en considérant le degré de propension des hôtels à l’innovation. Le test de Student a montré que les hôtels de 4 et 5 étoiles innovent dans les services, à l’inverse des hôtels de 1 à 3 étoiles, ce qui nous permet de confirmer que « plus le nombre d’étoiles de l’hôtel est élevé, plus sa propension à l’innovation dans les services est forte ». Ce constat corrobore les résultats des équipes d’Orfila-Sintes (2005) et de Vila (2011) qui affirment : « La classification des hôtels selon la catégorie peut influencer leur propension à l’innovation. Plus le nombre d’étoiles d’un hôtel est élevé, plus les services sont nombreux et innovants »[1]. Pour la deuxième variable (taille), nous avons trouvé que les hôtels d’une taille moyenne de 399 lits ont une propension plus élevée à l’innovation dans les services que ceux de taille plus modeste. Le test de Student a montré que les grands hôtels innovent dans les services à l’inverse des petits et moyens hôtels, ce qui nous permet de confirmer que « plus la taille de l’hôtel est grande, plus sa propension à l’innovation dans les services est forte ». Par ce constat, nous rejoignons Orfila-Sintes et ses collègues (2005), qui affirment : « La taille de l’hôtel peut influencer sa propension à l’innovation. Plus la taille de l’hôtel est grande, plus il a besoin d’innover » ; nous rejoignons aussi Vila et ses collègues (2011) qui concluent que « les grands hôtels innovent beaucoup plus que ceux dont la taille est petite ou moyenne » ; ainsi que López-Fernández et ses collègues (2011) qui affirment pareillement que « les grands hôtels sont plus innovants ».

Tableau 4 

Analyse du pouvoir explicatif et de la significativité des variables quantitatives « catégorie de l’hôtel » et « taille de l’hôtel »

Analyse du pouvoir explicatif et de la significativité des variables quantitatives « catégorie de l’hôtel » et « taille de l’hôtel »
Source : Les auteurs, 2020

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Par ailleurs, les données des variables qualitatives « structure de gouvernance des hôtels », « appartenance ou affiliation à une chaîne hôtelière », « gestion du processus d’innovation », et « facteurs de marché et concurrence » sont résumées dans le tableau 5 . Pour la première variable, nous avons trouvé que dans les hôtels qui ont un système de gouvernance centralisé, les décisions liées à l’innovation dans les services sont prises seulement par les dirigeants. De même, dans les grands hôtels qui ont une forte propension à l’innovation, ces dirigeants sont capables de gérer seuls leur hôtel en s’appuyant sur leur savoir-faire, sur la technique de benchmark , les propositions du personnel et des clients, et sur leur expérience en matière de management des hôtels. Nous avons constaté ainsi que la majorité des décisions d’innovation dans les services hôteliers en Tunisie sont prises par des grands hôtels, indépendants ou appartenant à une chaîne, et qui ont des systèmes de gouvernance centralisés. Les tests de Khi-deux de Pearson (0,014) et de Phi de Cramer (0,45) ont révélé l’existence d’une relation significative entre le système de gouvernance de l’hôtel et la mise en place d’innovations dans les services. Cela nous amène à confirmer que plus le système de gouvernance de l’hôtel est centralisé, plus sa propension à l’innovation dans les services est forte. Pour la deuxième variable (appartenance ou affiliation à une chaîne hôtelière), nous avons remarqué que le tiers de l’échantillon concerne de grands hôtels qui appartiennent à une chaîne hôtelière et qui ont une forte propension à l’innovation. Bien que la plupart aient un système de gouvernance centralisé, dans d’autres hôtels dépendants avec d’autres structures organisationnelles, des décisions relatives à l’innovation dans les services hôteliers sont souvent dictées par les propriétaires des chaînes. Les tests de Khi-deux de Pearson (0,002) et de Phi de Cramer (0,577) nous permettent de confirmer que « l’appartenance à une chaîne hôtelière stimule le comportement innovateur de l’hôtel et rend plus forte sa propension à l’innovation dans les services ». Ce constat corrobore encore une fois les résultats de Vila et ses collègues (2011) qui affirment que « les établissements appartenant à une chaîne sont plus enclins à l’innovation ». Pour la variable « gestion du processus d’innovation », nous avons observé que plus de la moitié des hôtels de notre échantillon considèrent que l’amélioration continue du processus d’innovation est essentielle pour faire face à la concurrence et s’adapter aux nouvelles tendances de l’hôtellerie. Ce support s’est traduit par des efforts pour impliquer le personnel et le choix de mécanismes adaptés pour mettre en place des innovations technologiques, non technologiques et radicales dans les services des hôtels. Les tests de Khi-deux de Pearson (0,023) et de Phi de Cramer (0,397) ont montré qu’il existe une relation significative entre la gestion du processus d’innovation, qui définit souvent des lignes directrices à suivre pour développer un nouveau service hôtelier, et la réalisation concrète ainsi que la commercialisation des meilleures idées innovantes proposées dans les services. Ces résultats rejoignent ceux de Hossain et ses collègues (2010) et confirment que « plus la gestion du processus d’innovation de l’hôtel est basée sur un mode de fonctionnement qui fait de l’implication du personnel un critère essentiel à la conception d’innovations, plus sa propension à l’innovation dans les services est forte ». Enfin, pour la variable « facteurs de marché et concurrence », nous avons trouvé que la plupart des hôtels, surtout ceux implantés dans des zones touristiques à forte concentration hôtelière, prennent en considération les facteurs de marché et la concurrence avant de mettre en place des innovations dans les services leur permettant de rester compétitifs et d’absorber les chocs des pressions externes qui menacent leurs activités. Les tests de Khi-deux de Pearson (0,003) et de Phi de Cramer (0,511) ont montré qu’il existe une relation significative entre « considération des facteurs de marché et de la concurrence » et « conception ou développement d’idées innovantes dans les services hôteliers », ce qui nous mène à conclure que « la considération des facteurs de marché et de la concurrence est un facteur clé du succès de la mise en place des innovations dans les services hôteliers. Plus les facteurs de marché et la concurrence sont pris en compte, plus le service innovant proposé par l’hôtel est celui qui correspond à la demande du marché. »

Tableau 5 

Analyse du pouvoir explicatif et de la significativité des variables qualitatives « structure de gouvernance des hôtels », « appartenance à une chaîne hôtelière », « gestion du processus d’innovation » et « facteurs de marché et concurrence »

Analyse du pouvoir explicatif et de la significativité des variables qualitatives « structure de gouvernance des hôtels », « appartenance à une chaîne hôtelière », « gestion du processus d’innovation » et « facteurs de marché et concurrence »
Source : Les auteurs, 2020

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Analyse de régression : étude d’impact entre les stimuli de l’innovation dans les services et la performance commerciale des hôtels en Tunisie

Avant de procéder à la régression, quatre critères doivent être respectés. D’abord, il faut s’assurer de la linéarité de la relation entre les variables dépendantes et indépendantes. Le facteur d’inflation de la variance (VIF) est un indicateur de la multicolinéarité présente dans les modèles de régression multiple. Les VIF pour les variables étudiées sont énumérés au tableau 6 . Étant donné que les valeurs VIF sont autour de 1 et ne dépassent pas 10, l’hypothèse est satisfaite. Ensuite, il faut s’assurer de l’indépendance des erreurs. Le test de Durbin-Watson a été utilisé pour tester l’indépendance. Le résultat montre que la statistique Durbin-Watson est égale à 1,885, ce qui signifie que l’échantillon est indépendant et donc cette hypothèse est satisfaite. Il faut aussi s’assurer de la normalité de la distribution d’erreur. Pour tester la normalité, un histogramme a été réalisé sur la variable dépendante (voir l’illustration  4 ). Il montre que les données pour la variable dépendante de la « performance commerciale des hôtels » sont normalement distribuées et que cette hypothèse pour la variable dépendante est satisfaite. Des histogrammes ont également été réalisés pour des variables indépendantes ( illustrations 5 à 10) . Les résultats des histogrammes montrent que les données des variables « catégorie de l’hôtel », « structure de gouvernance », « appartenance ou affiliation à une chaîne », « taille de l’hôtel », « gestion du processus d’innovation dans les services » et « facteurs de marché et concurrence » sont normalement distribuées. Finalement, il faut s’assurer de l’égalité de variance ou de la variance constante des erreurs : les significations statistiques de Levene ( tableau 8 ) vérifient l’hypothèse nulle que les variances sont égales. En résumé, les quatre critères sont respectés.

Tableau 6 

Facteur d’inflation de la variance (VIF) des variables

Facteur d’inflation de la variance (VIF) des variables
Source : Les auteurs, 2020

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Illustration 4 

Histogramme de normalité de la variable « performance commerciale des hôtels (taux d’occupation moyen) »

Histogramme de normalité de la variable « performance commerciale des hôtels (taux d’occupation moyen) »
Source : Les auteurs, 2020

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Illustration 5 

Histogramme de normalité de la variable « catégorie »

Histogramme de normalité de la variable « catégorie »
Source : Les auteurs, 2020

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Illustration 6 

Histogramme de normalité de la variable « structure de gouvernance »

Histogramme de normalité de la variable « structure de gouvernance »
Source : Les auteurs, 2020

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Illustration 7 

Histogramme de normalité de la variable « appartenance ou affiliation à une chaîne »

Histogramme de normalité de la variable « appartenance ou affiliation à une chaîne »
Source : Les auteurs, 2020

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Illustration 8 

Histogramme de normalité de la variable « taille »

Histogramme de normalité de la variable « taille »
Source : Les auteurs, 2020

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Illustration 9 

Histogramme de normalité de la variable « gestion du processus d’innovation »

Histogramme de normalité de la variable « gestion du processus d’innovation »
Source : Les auteurs, 2020

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Illustration 10 

Histogramme de normalité de la variable « facteurs de marché et concurrence »

Histogramme de normalité de la variable « facteurs de marché et concurrence »
Source : Les auteurs, 2020

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Tableau 7 

Analyse de la significativité de la relation « innovation dans le service hôtelier » et « performance commerciale des hôtels » en Tunisie

Analyse de la significativité de la relation « innovation dans le service hôtelier » et « performance commerciale des hôtels » en Tunisie
Source : Les auteurs, 2020

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Tableau 8 

Analyse de la relation entre « Innovation dans le service hôtelier » et « performance commerciale de l’hôtel – taux d’occupation moyen »

Analyse de la relation entre « Innovation dans le service hôtelier » et « performance commerciale de l’hôtel – taux d’occupation moyen »
Source : Les auteurs, 2020

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Les résultats de l’analyse de régression révèlent une relation de dépendance significative entre les stimuli de l’innovation dans les services et la performance commerciale de l’hôtel mesurée en termes du taux d’occupation moyen ( tableau 7 ). Le test de Student (0,183) confirme que « les hôtels qui innovent dans les services ont des niveaux élevés de performance commerciale ». Ce constat corrobore les résultats de Chen (2010), c’est-à-dire qu’une « gamme de services innovants et diversifiés peut aider l’hôtel à maintenir et à renforcer sa relation avec la clientèle et à mieux répondre à l’intensification de la concurrence afin de conserver sa part de marché et améliorer sa performance commerciale ». Le tableau 8 résume les mesures du degré d’influence possible de chaque stimulus de l’innovation dans les services hôteliers sur la performance commerciale des hôtels en Tunisie. Les données de ce tableau sont tirées de trois tests. D’abord, le test de corrélation de Pearson, qui affiche deux valeurs significatives pour les relations « catégorie de l’hôtel – performance commerciale » (82 %) et « taille de l’hôtel – performance commerciale » (62,5 %). Ensuite, le test de l’analyse de la variance, qui affiche une valeur significative pour la relation «  structure de gouvernance de l’hôtel  – performance commerciale ». Enfin, le test de Student, qui affiche trois valeurs significatives pour les relations « appartenance à une chaîne hôtelière – performance commerciale » (0,075) ; « gestion du processus d’innovation dans les services – performance commerciale » (0,183) et « facteurs de marché et concurrence – performance commerciale » (0,069). Ces trois tests nous ont permis de conclure que les stimuli de l’innovation dans les services hôteliers en Tunisie influencent significativement la performance commerciale de l’hôtel. Subséquemment, nous avons utilisé la méthode des moindres carrés ordinaires (MCO) pour tester la qualité d’ajustement linéaire de notre modèle de recherche et estimer l’effet de chaque stimulus de l’innovation dans les services sur la performance commerciale de l’hôtel. Le tableau 9 révèle une bonne qualité d’ajustement linéaire du modèle, puisque 81,7 % de l’évolution du taux d’occupation moyen est attribuable à l’évolution des variables explicatives. Ce test est complété par un test de la significativité globale du modèle qui correspond à vérifier simultanément la nullité de l’ensemble des paramètres en dehors de la constante. Les résultats de ce test sont résumés au tableau 10 et l’estimation des paramètres de notre modèle se présente comme suit :

Tableau 9 

Test de la qualité d’ajustement du modèle de recherche

Test de la qualité d’ajustement du modèle de recherche
Source : Les auteurs, 2020

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Tableau 10 

Estimation des paramètres du modèle de recherche

Estimation des paramètres du modèle de recherche
Source : Les auteurs, 2020

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Discussion

Plusieurs constats peuvent être tirés de l’analyse de régression. D’abord, les deux variables « structures de gouvernance » et « gestion du processus d’innovation dans les services » ont des significativités positives respectives de 0,038 et 0,031 (<0,05) et leurs coefficients estimés respectifs, 11,046 et 24,96, sont les plus élevés par rapport à ceux des autres variables. Cela montre que l’évolution de la performance commerciale des hôtels en Tunisie dépend fortement et directement des rôles joués par leur structure de gouvernance et la gestion de leur processus d’innovation dans les services. La validité de l’hypothèse SH2 « La structure de gouvernance de l’hôtel qui innove dans les services influence positivement son niveau de performance commerciale » et celle de l’hypothèse SH5 « La gestion du processus d’innovation influence positivement le niveau de performance commerciale de l’hôtel qui innove dans les services » sont donc confirmées. En effet, 60 % des dirigeants des hôtels en Tunisie sont conscients de l’importance de l’innovation dans les services comme facteurs clés de succès et de survie. Pour eux, une des finalités majeures de l’idée d’innover est l’amélioration de la performance commerciale de l’hôtel. Pour arriver à relever ce défi, ils concentrent leurs efforts à mettre en place des innovations technologiques de pointe et à développer leur processus de prise des décisions d’innovation dans les services hôteliers. Bien que les comportements d’innovation varient largement d’une structure de gouvernance à une autre, le succès des idées innovantes mises en place par des dirigeants dans les services de leur hôtel dépend de leur capacité à identifier et à résoudre les principaux obstacles à l’innovation. Dans l’ensemble, nous pouvons identifier le manque de technologies clés, une mauvaise élaboration de la structure organisationnelle, les innovations trop faciles à imiter, les innovations jugées superflues, un manque de personnel qualifié, des clients peu intéressés par les nouveaux services, les réglementations, les coûts/risques trop élevés de l’innovation, et les réticences/incapacités des clients à payer pour de nouveaux services. Toutefois, comme les principales entraves ont trait aux forces du marché, il est question, aujourd’hui, de savoir comment promouvoir les meilleures pratiques de gestion de l’innovation dans les services auprès des entreprises hôtelières. La formation en interne et le développement des compétences selon les besoins spécifiques des différents types de services sont fort utiles pour promouvoir l’innovation dans les services. Des efforts supplémentaires doivent être consentis pour sensibiliser davantage les hôtels à la nécessité d’élaborer une politique d’innovation des services et des programmes pour les hôtels, et pour créer et adapter des programmes de soutien plus cohérents et plus utiles.

Ensuite, les trois variables « catégorie de l’hôtel », « appartenance ou affiliation à une chaîne hôtelière » et « taille de l’hôtel » ont des significativités positives respectives de 0,202, 0,342 et 0,956 et des coefficients estimés respectifs de 4,371, 4,257 et 8,406, attestant que l’évolution de la performance commerciale des hôtels en Tunisie dépend de la catégorie de l’hôtel, de son appartenance ou affiliation à une chaîne hôtelière, et de sa taille. Cela confirme la validité de l’ hypothèse SH1 «  La classification, selon la catégorie, de l’hôtel qui innove dans les services influence positivement son niveau de performance commerciale. Plus la catégorie de l’hôtel qui innove dans les services est élevée, plus son niveau de performance commerciale est élevé » ; celle de l’ hypothèse SH3 « L’appartenance ou l’affiliation à une chaîne hôtelière d’un hôtel qui innove dans les services influence positivement son niveau de performance commerciale » ; et celle de l’ hypothèse SH4 « La taille de l’hôtel qui innove dans les services influence positivement son niveau de performance commerciale. Plus la taille de l’hôtel qui innove dans les services est élevée, plus son niveau de performance commerciale est élevé. » Il faut préciser que la différence entre les hôtels ne se joue plus uniquement sur des standards de qualité classiques (classement de l’hôtel, marque ou appartenance à une chaîne connue, taille de la chambre, etc.). Désormais, la différenciation entre hôteliers se fait suivant des critères tels que la personnalisation du service, un facteur difficilement mesurable dans un classement. Pour accroître sa performance commerciale, l’hôtelier est invité à mieux comprendre les attentes des clients. En Tunisie, les dirigeants des hôtels sont conscients que le client n’est plus en recherche uniquement d’un lieu où dormir, mais plutôt d’une expérience unique, sans pour autant que ce soit systématiquement dans un hôtel de prestige. Dans cette logique, ils proposent des standards de qualité similaires, avec toutefois une identité unique, propre à leur histoire, leur région. Même si le classement n’apporte pas la réponse à toutes les questions que doivent se poser les hôteliers, il a le mérite d’apporter à une hôtellerie parfois vieillissante des outils pour se remettre en question, se renouveler et proposer des standards de qualité essentiels aujourd’hui.

Enfin, la variable « facteurs de marché et concurrence » a une significativité positive de 0,293 et un coefficient estimé de ‑10,806, preuve que l’évolution de la performance commerciale des hôtels en Tunisie dépend indirectement de la considération des facteurs de marché et de la concurrence. Cela confirme, en sens inverse, la validité de l’hypothèse SH6« Les facteurs du marché et la concurrence influencent le niveau de performance commerciale de l’hôtel qui innove dans les services. » En effet, l’avancée des technologies, l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché tunisien tels que les agrégateurs d’avis, ou encore les sites d’achat groupés mettent en exergue de nouvelles problématiques touchant le secteur et obligent les hôteliers à se renouveler constamment. Les innovations peuvent être liées à la décoration, à l’architecture de l’hôtel et/ou aux services proposés aux clients, le tout dans le respect des standards de qualité internationaux. Pour faire face à la fragmentation et à l’évolution de la clientèle, certains hôtels ont proposé de nouvelles solutions de réservations en accord avec les attentes des clients, particulièrement grâce aux nouvelles technologies et aux appareils « mobiles ». Avec le lancement des applications mobiles de réservation et l’amélioration des sites mobiles, certains hôtels en Tunisie ont réussi à multiplier leurs canaux de réservations et ont offert aux internautes la possibilité de réserver de partout avec n’importe quel outil. Lors des réservations, certains internautes souhaitent aussi connaître les activités qu’ils pourront faire lors de leur séjour. En Tunisie, il y a des hôteliers qui se sont adaptés à ces besoins et ont proposé de mettre à la disposition de leurs clients des contenus chronogéolocalisés qui donnent tout un éventail d’informations relatives à des activités culturelles ou musicales qui se tiendront pendant leur séjour.

Conclusion

Dans cet article, nous avons montré que la performance commerciale d’un hôtel en Tunisie peut être améliorée en tablant sur des stimuli d’innovation dans les services, surtout la structure de gouvernance de l’hôtel et la gestion du processus d’innovation dans les services hôteliers. Ce résultat met en valeur le rôle capital du facteur humain, notamment les dirigeants, le personnel et les clients de l’hôtel, dans les choix et la mise en œuvre d’innovations dans les services. En effet, si la production d’un service implique l’interaction du personnel avec le client, l’innovation naît précisément de cette réciprocité. Afin de promouvoir la culture d’innovation dans les services, certains hôtels en Tunisie incluent l’inventivité et l’aide à l’innovation dans la liste des tâches officielles du personnel. D’autres incitent à l’innovation par le biais de systèmes de récompenses. Ainsi, pour innover et accroître sa performance commerciale, l’hôtel doit cibler un marché porteur qui s’appuie non seulement sur une clientèle de loisirs qui est généralement saisonnière, mais qui est aussi complété par une clientèle d’affaires. Il doit aussi maintenir de bonnes relations avec des partenaires commerciaux (prestataires de loisirs, commerçants, loueurs d’équipements de loisirs, office de tourisme, etc.), sans oublier d’optimiser ses différents canaux de distribution afin d’assainir son chiffre d’affaires en limitant l’effet des commissions des agences sur son taux d’occupation. À titre d’exemple, avoir un programme de fidélisation de la clientèle constitue le principal levier pour recruter des clients de distributeurs concurrents. Rénover régulièrement, moderniser ses équipements, jouer la « gadgétisation » et la surprise dans l’offre, créer des forfaits thématiques, animer son hôtel, sont tout aussi importants que savoir lire, écouter et observer les clients et traduire leurs besoins en prestations adaptées. Toutefois, il faut souligner que notre recherche s’est basée sur le calcul du taux d’occupation moyen pour mesurer la performance commerciale des hôtels en Tunisie. Même si nous avons réussi à obtenir toutes les données nécessaires pour utiliser l’indicateur d’exploitation le plus courant, le RCD, pour mesurer le revenu dégagé par chambre, soit l’efficacité du centre de profit « hébergement » d’un hôtel, il faut admettre qu’il y a d’autres centres de profit dans les hôtels qui permettent de proposer une offre commerciale étoffée et adaptée aux attentes des clients et des prospects (spa, thalasso, séminaire, restaurant, etc.). Nous pensons que l’utilisation de l’indicateur RTCD (revenus totaux nets par chambre disponible) – qui prend en considération l’association de l’ensemble des centres de profit au calcul du RCD et qui permet d’évaluer la performance de l’hôtel dans sa globalité et non plus uniquement sur les revenus dégagés par la vente des chambres – aurait apporté plus de profondeur à cette recherche.