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Introduction

Au Canada, l’enseignement postsecondaire regroupe des universités, collèges et instituts. Ces établissements, lorsqu’ils se soumettent à un contrôle de la qualité de la part du gouvernement, sont reconnus officiellement pour décerner des grades, des diplômes, des certificats et autres qualifications. Au Québec, les collèges dont il est question dans ce numéro thématique se nomment les collèges d’enseignement général et professionnel, c’est-à-dire les cégeps.

La persévérance dans les études postsecondaires est une grande préoccupation. Le Conseil supérieur de l’éducation en aborde quelques enjeux dans un avis de 2013, en appelant à une lecture complexe des profils des étudiante⋅s et à une approche différenciée de leur formation et de leur encadrement, en vue de soutenir leur persévérance dans les études. Affiner la compréhension de cette complexité peut emprunter plusieurs chemins qui mettent l’accent sur un enjeu particulier, sur un contexte donné, sur une catégorie d’étudiant⋅e⋅s ou sur la combinaison de tous ces angles de traitement.

Le numéro thématique que nous proposons aborde la situation dans l’enseignement postsecondaire au Canada des étudiant⋅es récemment immigré⋅e⋅s ou ayant un profil ethnoculturel minoritaire spécifique, ainsi que des étudiant⋅es internationaux⋅les ou étranger⋅ère⋅s. Ce numéro s’intéresse aussi à la situation de membres du personnel universitaire en situation de minorité ethnoculturelle. La trame de fond s’inscrit dans l’analyse de l’expérience de ces acteur⋅rice⋅s et de la manière dont les établissements d’enseignement postsecondaire au Canada transigent avec la diversité ethnoculturelle. Cela étant dit, nous rappelons que la diversité ethnoculturelle n’est pas définie par l’immigration et la mobilité étudiante, bien que ces deux phénomènes l’alimentent fréquemment. En effet, au Canada, les enjeux de diversité ethnoculturelle sont également en lien avec la situation des communautés autochtones. Cependant, l’analyse de cette situation demande une théorisation qui ne se superpose pas nécessairement avec celle utilisée pour comprendre l’acculturation des personnes immigrantes. C’est pour cette raison que les contributions à ce numéro thématique ne traitent pas de la situation des personnes autochtones dans l’enseignement postsecondaire canadien.

La mobilité étudiante à l’échelle internationale est une réalité dont l’ampleur croît et interpelle les établissements d’enseignement postsecondaire (Bureau canadien de l’éducation internationale, 2014 ; Gohard-Radenkovic, 2017). Cette mobilité est le fait d’étudiant⋅e⋅s immigrant⋅e⋅s et internationaux⋅les. Pour ce qui est des immigrant⋅e⋅s accueilli⋅e⋅s au Québec et au Canada, certain⋅e⋅s planifient un retour aux études dans le cadre de leur projet migratoire, d’autres s’y engagent à cause d’expériences vécues de non-reconnaissance d’acquis de formation et de déqualification professionnelle (Chicha, 2013 ; Homsy et Scarfone, 2016). Plusieurs études ont montré que les étudiant⋅e⋅s internationaux⋅les, récemment immigré⋅e⋅s ou appartenant à certaines minorités ethnoculturelles, sont susceptibles de cumuler stress relatif aux études et stress d’acculturation (Berry, 2005 ; Harrison et Peacock, 2010 ; Hung et Hyun, 2010 ; Kanouté, Guennouni Hassani, Arcand et Rachedi, 2017; Kanouté, Hohl et Chamlian, 2002 ; Wang, Schwartz et Zamboanga, 2010).

Le stress relatif aux études est lié aux exigences d’adaptation aux études postsecondaires (Coulon, 1997) et il concerne l’ensemble des étudiant⋅e⋅s. À l’université, que ce soit au premier cycle ou aux études supérieures, tout⋅e étudiant⋅e est appelé⋅e à transiger, à des degrés divers, avec l’explicite et l’implicite d’un habitus de formation dans un programme donné, ancré dans des pratiques pédagogiques et un champ disciplinaire spécifiques (Millet, 2010 ; Wagner, 2010). Le stress relatif aux études est induit par différents facteurs individuels et contextuels, dont la charge de travail liée aux études et la gestion du temps, les évaluations, le manque de soutien aux études, les difficultés financières, l’isolement et le manque de soutien social, les inquiétudes relatives à l’insertion professionnelle, etc. L’enseignement collégial comporte ses spécificités, mais les étudiant⋅e⋅s sont aussi exposé⋅e⋅s au stress qui est en général étudié sous l’angle de la transition école secondaire-collège et des conditions de persévérance (Picard, Kamanzi et Labrosse, 2013). La gestion efficace de ce type de stress par les étudiant⋅e⋅s, notamment grâce aux conditions facilitantes de l’établissement d’enseignement, contribue à la persévérance dans les études (Bouteyre, 2008 ; Coulon, 1997 ; Dubet et Martuccelli, 1996 ; Loiola et Romainville, 2008 ; Sauvé, Debeurme, Martel, Wright, Hanca, Fournier et Castonguay, 2007 ; Tinto, 1993).

Aux défis généraux d’adaptation à l’enseignement postsecondaire s’ajoutent des défis spécifiques d’acculturation pour les étudiant⋅e⋅s internationaux⋅les, récemment immigré⋅e⋅s ou appartenant à des minorités ethnoculturelles. Selon Berry (2005), l’acculturation est un processus marqué par l’influence entre des groupes ethnoculturels, avec des modifications subséquentes dans leurs références identitaires initiales. Les défis qui accompagnent ces changements sont d’intensité variable, allant d’ajustements faciles à des situations plus difficiles (incertitude, anxiété, dépression) liées à ce que l’on appelle le stress d’acculturation (Berry, 2005). Les étudiant⋅e⋅s étranger⋅ère⋅s et récemment immigré⋅e⋅s sont porteur⋅se⋅s d’un habitus relatif aux études forgé dans un contexte autre. Elles⋅ils doivent alors composer avec les règles de l’habitus dominant dans les contextes d’enseignement postsecondaire au Canada. Des difficultés liées à la maitrise de la langue d’enseignement, à la méconnaissance de la structure et du fonctionnement des établissements d’enseignement, aux attentes implicites relatives à l’évaluation, au manque de soutien dans l’effort d’ajustement aux pratiques éducatives canadiennes représentent autant de sources de stress à l’université (Duchesne, 2010 ; Kanouté et coll., 2017 ; Kanouté, Hohl et Chamlian, 2002) et au collège (Gaudet et Loslier, 2011 ; Fournier et Lapierre, 2010). Des recherches montrent aussi l’impact des stéréotypes sur la performance dans les études de certains groupes d’étudiant⋅e⋅s issu⋅e⋅s de minorités ethnoculturelles (Harrison et Peacock, 2010 ; Owen et Massey, 2010). Les recommandations visant à mieux soutenir ces étudiant⋅e⋅s soulignent l’importance d’un système officiel de soutien dans les établissements d’enseignement, d’une sensibilisation-formation du personnel enseignant concernant les enjeux interculturels en lien avec les pratiques pédagogiques et le cursus collégial ou universitaire (Gaudet et Loslier, 2011 ; Fournier et Lapierre, 2010 ; Hung et Hyun, 2010 ; Kanouté et coll., 2017).

Les enjeux relatifs à la diversité ethnoculturelle dans l’enseignement universitaire ne se rapportent pas seulement à la situation des étudiant⋅e⋅s. Des études s’intéressent de plus en plus à la situation des professeur⋅e⋅s, des chercheur⋅se⋅s, des formateur⋅rice⋅s et des gestionnaires issu⋅es de minorités ethnoculturelles (Henry Dua, James, Kobayashi, Li, Ramos et Smith, 2017 ; Nakhaie, 2004). Si l’expérience de ces acteur⋅rice⋅s est influencée par leur capital humain et socioculturel ainsi que leur agentivité, elle l’est aussi par les pratiques mobilisées par les établissements de formation pour prendre en compte la diversité ethnoculturelle, par la promotion de l’inclusion et de la lutte contre les discriminations. Les établissements d’enseignement font partie d’une institution, c’est-à-dire d’un système qui répond à une demande sociopolitique (Van Zanten, 2008). Selon Bonny (2012), l’institution

[…] trouve sa source première dans le processus par lequel le pouvoir structure, encadre et régule la vie sociale à travers des principes et des valeurs, des missions et des finalités, des domaines de compétences, des qualifications professionnelles, des mandats, des statuts et des rôles, des formes organisationnelles, des cadres matériels d’exercice, des référentiels et des paradigmes, des modes de régulation.

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Une institution possède donc un réflexe de résistance qui a tendance à s’arcbouter à la forme et à l’esprit initiaux de cette commande sociopolitique, même si la conjoncture exige du changement. Transformer des pratiques institutionnelles demande donc un travail en collégialité, une visibilité des intentions de changement sous forme de politiques institutionnelles et un accompagnement des différent⋅e⋅s acteur⋅rice⋅s pour les rendre opérationnelles. Lorsqu’il s’agit de prise en compte de la diversité ethnoculturelle, les défis de transformation institutionnelle sont plus sensibles, plus ardus. On ne peut pas nier un intérêt certain des établissements postsecondaires pour la problématique de la prise en compte de la diversité ethnoculturelle. Cependant, la concrétisation de cet intérêt laisse à désirer. Ainsi, le présent numéro thématique est d’une grande pertinence sociale et scientifique en ciblant la problématique de la prise en compte de la diversité ethnoculturelle dans l’enseignement postsecondaire canadien.

De manière générale, les contributions à ce numéro thématique ont choisi une conceptualisation relative au processus d’acculturation (défini au début du présent texte), mais aussi en lien avec les mécanismes d’exclusion (préjugé, racisme, discrimination, etc.). Selon Ndobo (2010), le préjugé peut être défini « […] comme une prédisposition à adopter un comportement négatif envers un groupe ou envers les membres de ce groupe, sur la base d’une généralisation erronée et rigide » (p. 36). Le préjugé est le reflet de la nature de rapports intergroupes ; il sert parfois à justifier des rapports sociaux inégalitaires. Pour ce qui est du racisme, il est un phénomène social qui procède par l’essentialisation et la réification de l’autre, usant de l’effet structurant de préjugés, afin de dominer, d’exclure, de discriminer (Juteau, 1999) ; il est une idéologie de l’inégalité des communautés humaines (Girod, 2004). Quant à la discrimination, dans la continuité d’un préjugé ou d’un contexte raciste, elle consiste en un traitement inégal que l’on fait subir à autrui du fait de sa catégorie sociale ou d’un trait arbitraire (Ndobo, 2010). Pour finir avec ce bref survol de certains mécanismes d’exclusion, il est intéressant d’aborder la caractérisation qui leur est souvent accolée, celle de « systémiques » ou d’« institutionnels ». Selon Bennett (2007), le racisme institutionnel enrobe des politiques et des pratiques et normalise à la longue leurs facettes discriminatoires. Pour ce qui est du racisme systémique, il est fait de « micro-iniquités » récurrentes ainsi que de procédures de traitement différentiel, « […] les deux formes étant incorporées aux règles éthiques et socioculturelles du fonctionnement ordinaire des institutions, des organisations et, plus largement, de la société tout entière […] » (De Rudder et Vourc’h, 2008, p. 10).

Comme réponses aux mécanismes d’exclusion, les cadres d’analyse des contributions au présent numéro s’inspirent également de théories à visées émancipatrices (antiracisme, équité, interculturalisme, multiculturalisme, etc.). Selon Gillborn (2005), l’antiracisme est une perspective qui offre un cadre théorique de compréhension du racisme et les orientations générales pour s’y opposer par des pratiques émancipatrices. L’antiracisme permettrait de s’interroger sur ce qui fait en sorte que des politiques et pratiques institutionnelles ont le potentiel de générer des inégalités de réussite dans les études et de promotion dans la carrière. Pour ce qui est de l’équité dans le milieu de l’éducation, elle englobe des pratiques pédagogiques et structurelles afin d’offrir des chances équivalentes aux membres de différents groupes sociaux (Solar, 2007). Ces pratiques doivent participer à promouvoir, entre autres, la parole pour contrer le silence, la mémoire pour contrer l’omission, la participation pour contrer la passivité (Solar, 2007). Quant au multiculturalisme et à l’interculturalisme, au-delà d’un certain regard qui semble les opposer dans le débat politique au Canada, ils « renvoient à une philosophie politique de reconnaissance de la diversité, à un ensemble de dispositifs juridiques, politiques et institutionnels d’aménagement de cette diversité […] » (Labelle, 2015, p. 31).

Dans le présent numéro, cinq articles traitent de l’expérience de formation d’étudiant⋅e⋅s : deux articles portent sur l’expérience au cégep, deux autres sur l’expérience à l’université, le cinquième sur le continuum cégep-université. Un sixième article porte sur la situation de personnes de minorité ethnoculturelle assumant des responsabilités de gestion dans des universités. Quatre terrains de recherche sont situés au Québec, un en Alberta et un autre dans six provinces canadiennes.

Voici un survol des six contributions au numéro thématique avec une synthèse reprenant le discours des auteur⋅e⋅s.

Dans leur article, Lafortune, Prosper et Datus traitent de l’expérience d’étudiant⋅e⋅s d’origine haïtienne dans deux cégeps de Montréal, en particulier des facteurs influençant leur persévérance et leur réussite dans leurs études. Les auteures mobilisent un cadre de référence basé sur les approches théoriques de la persévérance et de la réussite dans les études postsecondaires ainsi que sur les défis d’acculturation des personnes en situation de minorité ethnoculturelle. La méthodologie de recherche est qualitative (entretiens individuels et de groupe) et les participant⋅e⋅s sont des étudiant⋅e⋅s aussi bien que des enseignant⋅e⋅s et autres professionnel⋅le⋅s. Les résultats montrent que ces étudiant⋅e⋅s, tout en rencontrant les défis usuels auxquels font face les cégépien⋅ne⋅s en général, voient leur expérience fortement marquée par l’histoire migratoire familiale, leurs conditions de vie et leur situation de minoritaires. Les auteures appellent à plus de vigilance concernant les manifestations de préjugés et de comportements discriminatoires, souvent banalisés sous forme de plaisanteries et de maladresses. Il importe aussi de ne pas occulter l’impact de facteurs systémiques qui contribuent à marginaliser et à exclure certains groupes minoritaires, de ne pas « culturaliser » les défis des étudiant⋅e⋅s.

Pour leur part, Bikie Bi Nguema, Gallais, Murray, Gaudrault et Arbour ont étudié la question de l’intégration et de la réussite scolaire des étudiant⋅e⋅s internationaux⋅les dans des cégeps d’une région à faible densité ethnoculturelle du Québec, le Saguenay-Lac-Saint-Jean. L’étude s’est basée sur les concepts d’intégration, de représentations sociales et de réussite scolaire. L’approche méthodologique est qualitative, prenant la forme d’entretiens semi-dirigés avec des étudiant⋅e⋅s internationaux⋅les de trois cégeps. Les résultats de l’étude révèlent, entre autres, que ces étudiant⋅e⋅s affrontent de nombreux défis liés à la barrière de la langue, au choc culturel, aux exigences pédagogiques et au réseautage social. En conclusion, il est souligné que l’internationalisation de la formation, qui attire de plus en plus d’étudiant⋅e⋅s internationaux⋅les dans les cégeps, demande de mettre en place des conditions gagnantes pour relever ces défis. Des pistes d’intervention sont proposées : offrir un accueil personnalisé, expliquer l’esprit général du parcours de formation et les attentes qui y sont reliées, tenir compte de la diversité portée par ces étudiant⋅e⋅s dans l’enseignement, outiller le personnel collégial en fonction de la réalité des étudiant⋅e⋅s, promouvoir des projets interculturels.

Darchinian et Kanouté, quant à elles, décrivent les parcours postsecondaires et professionnels au Québec de jeunes adultes, femmes et hommes, issu⋅e⋅s de l’immigration. Elles adoptent une perspective interactionniste et relationnelle pour comprendre le processus de négociation des relations « majoritaires/minoritaires » dans lequel s’engagent ces jeunes adultes. De l’analyse qualitative d’entrevues biographiques émerge une typologie de quatre types de parcours désignés par les termes suivants : « facilité », « réajusté », « regretté » et « vagabond ». Le premier type renvoie à une image de soi de la⋅du jeune minoritaire perçue comme respectée dans les relations avec les majoritaires et la société d’accueil, ainsi qu’à une identification au parcours. Le deuxième type correspond à une image de soi finalement sauvée, avec distanciation à l’égard des membres du groupe majoritaire combinée à une inclusion partielle dans la société par l’insertion professionnelle. Le troisième type véhicule une image de soi ayant souvent été menacée dans les relations entretenues et négociées avec les majoritaires, avec une remise en cause du processus d’orientation. Le quatrième type de parcours illustre une négociation repoussée de l’image de soi, avec une quête d’inclusion socioprofessionnelle dans la société. Ainsi, même dans leur rapport subjectif avec leur image de soi, les acteur⋅rices sociaux⋅les peuvent être contraint⋅e⋅s par les rapports de pouvoir inégaux qui régissent leurs relations sociales.

L’article de Kanouté, Darchinian, Guenounni Hassani, Bouchamma, Mainich et Norbet s’intéresse aux défis d’intégration et d’adaptation d’étudiant⋅e⋅s universitaires résident⋅e⋅s permanent⋅e⋅s du Québec, en lien avec leur persévérance dans les études et leur processus général d’acculturation. Afin d’examiner ces défis, les auteures ont effectué une analyse qualitative des réponses des étudiant⋅e⋅s à des questions ouvertes d’une enquête en ligne. L’analyse révèle que les étudiant⋅es résident⋅e⋅s permanent⋅es, donc récemment immigré⋅e⋅s, conjuguent stress d’acculturation et stress relatif aux études. Les lacunes dans la reconnaissance des acquis de formation et d’expérience de travail, le sentiment de subir de la discrimination dans le cadre de la recherche d’un emploi, ainsi que la difficulté de subvenir aux besoins de leur famille, illustrent éloquemment le stress d’acculturation vécu par plusieurs étudiant⋅e⋅s résident⋅e⋅s permanent⋅e⋅s. Le fonctionnement institutionnel des universités reste plus ou moins opaque pour les étudiant⋅e⋅s résident⋅es permanent⋅e⋅s. De manière variable, elles⋅ils s’approprient difficilement certaines modalités pédagogiques, comme le travail en équipe, signalent des aspérités et des malentendus dans la relation avec le personnel enseignant ainsi qu’avec des pairs non immigrants. Pour les auteures, il faut consolider l’accueil des immigrant⋅e⋅s dans la société, notamment par plus de reconnaissance équitable de leur capital humain à l’arrivée et plus d’ouverture à la diversité ethnoculturelle. De plus, il faut améliorer le processus d’adaptation systémique des universités à la diversité.

Dans sa contribution, Jacquet s’intéresse à l’expérience des étudiant⋅e⋅s formé⋅e⋅s à l’étranger qui suivent une formation en enseignement dans une université en milieu francophone minoritaire, en Alberta. Cette étude exploratoire confronte trois analyses : celle des politiques institutionnelles sur l’inclusion, celle du discours de responsables institutionnel⋅le⋅s et celle du discours des étudiant⋅e⋅s formé⋅e⋅s à l’étranger. La conceptualisation aborde les enjeux du processus d’acculturation ainsi que ceux de l’adaptation institutionnelle et du changement, avec, comme toile de fond, les spécificités d’une communauté d’accueil elle-même en situation linguistique minoritaire. Les politiques institutionnelles révèlent une vision envisageant la diversité comme légitime, constitutive, constructive. Toutefois, l’analyse des données montre le flottement existant entre les politiques institutionnelles inclusives et les défis rencontrés par les étudiant⋅e⋅s formé⋅e⋅s à l’étranger appartenant à des minorités visibles, ainsi que la désynchronisation entre le bilan de l’expérience de ces étudiant⋅e⋅s-stagiaires fait par les acteurrice⋅s institutionnel⋅le⋅s et le bilan de cette expérience fait par les étudiant⋅e⋅s elleseux-mêmes. La période de stage est intense et stressante pour les étudiant⋅e⋅s formé⋅e⋅s à l’étranger. Leur capital d’expériences, au lieu d’être un atout, apparait davantage comme une contrainte du point de vue des acteur⋅rice⋅s institutionnelle⋅s. Selon l’auteure, la révision en cours des programmes en enseignement devrait tenir compte des besoins d’étudiant⋅es dont l’expérience et le profil sont bien différents de celles⋅ceux pour lesquel⋅les ces programmes ont été conçus initialement.

La dernière contribution au numéro est celle de Ka et Jacquet, qui traitent des expériences de leadeurship de personnes noires d’origine africaine dans l’enseignement supérieur, dans six provinces canadiennes. Une conceptualisation basée sur les concepts de leadeurship institutionnel, de « race », de discrimination et de capital social soutient l’analyse qualitative des données recueillies au moyen d’entrevues individuelles avec des leadeur⋅se⋅s noir⋅e⋅s. Ces dernier⋅ère⋅s soulignent l’importance, au-delà de la compétence de la personne candidate à un poste, de faire appel à un capital social de type « bridging » qui consiste dans le fait de nouer des liens avec les membres d’exogroupes. Une forte majorité de participant⋅e⋅s déclarent avoir de bonnes relations avec les collègues, les supérieur⋅e⋅s et les étudiant⋅e⋅s, les interactions n’étant pas toutes exemptes de difficultés. Les participant⋅e⋅s reconnaissent que le racisme est présent au sein des universités canadiennes. Mais il est souvent indirect, subtil et l’on a de la difficulté à en faire la preuve. Ce racisme s’exerce aussi de l’extérieur des campus, avec le sous-entendu que ces leadeur⋅se⋅s noir⋅e⋅s n’étaient pas bien placé⋅e⋅s pour exercer les responsabilités administratives qu’elles⋅ils assument. D’autres participant⋅e⋅s ont mentionné que le racisme est présent dans le domaine des publications universitaires, même si l’arbitrage est à double insu. Tous ces constats entrainent de la résignation chez certain⋅e⋅s participant⋅e⋅s et un surinvestissement dans le travail chez tou⋅te⋅s et toutes et afin de déconstruire les préjugés à leur endroit.

Le survol des six contributions au présent numéro étant fait, nous espérons que les différents angles de réflexion sur la thématique inspireront des pistes d’amélioration ou de transformation des pratiques de formation et de gestion dans l’enseignement postsecondaire, afin que la diversité ethnoculturelle soit mieux prise en compte. Bonne lecture !