Corps de l’article

1. Introduction

Impulsée par les recherches en didactique du français qui en décrivent les possibles bienfaits (Chapelain, 2017, p. 45-56; Lacelle et Lebrun, 2016, p. 14-15; Penloup, 2017, p. 57-70), la mise en place d’espaces numériques d’échanges au sein des classes devient une pratique en voie de développement (Ahr et al., 2010; Brunel, 2018a, 2018b, 2019; Jacamon, 2017; Moinard, 2015, 2017a, 2017b; Regnard, 2012). Dans cette perspective, le présent article souhaiterait faire état d’un dispositif pédagogique mis en place dans un collège rural du Var (Le Beausset, France)[1] auprès d’une classe de 3e : les élèves disposent d’une plateforme s’ouvrant sur deux espaces. Le premier espace se calque sur les pratiques extrascolaires du forum de fanfiction[2], lieu d’échanges et de libre circulation de la parole : asynchrone, public et collectif[3], le forum permet aux adolescents de s’exprimer sur des thématiques variées qui leur sont proches[4]. Transféré dans le cadre scolaire, le forum devient une agora littéraire aspirant à faire travailler l’interprétation de « textes résistants » (Tauveron, 2002) et à confronter les points de vue; les élèves sont alors indirectement invités à aiguiser leur sens de l’analyse et à se montrer sensibles à la réception d’une oeuvre, ouverte (Eco, 1965), l’asynchronie favorisant une prise de distance et une réflexion par rapport aux différents motifs échangés[5]. Le second espace s’inscrit dans la continuité de travaux d’écriture faits en classe[6]; dans une perspective collaborative, les élèves portent un jugement esthétique et critique sur les productions de leurs pairs à travers des commentaires numériques.

Dans le cadre de la présente étude, nous souhaiterions nous focaliser sur l’analyse du second espace décrit et voir si les commentaires postés influent sur les travaux d’écriture des élèves : l’expression de la parole d’autrui, exprimée sur ce forum, induit-elle une modification des pratiques scolaires d’écriture telles qu’elles peuvent se déduire du produit fini que constitue la version finale de l’écrit ? Et si oui, est-il possible d’en proposer une description raisonnée qui prenne en compte non seulement les modifications faites et les savoirs mobilisés, mais également les lacunes persistantes (dans les commentaires restés sans répondant dans les versions ultérieures) ? Côté commentateur, enfin, quels acquis cette parole numérique manifeste-t-elle ? Il s’agit, en définitive, de voir dans quelle mesure les commentaires numériques peuvent avoir une incidence positive réciproque : sur le scripteur et ses commentateurs.

Pour ce faire, notre travail se développera en deux temps : une première partie, à visée théorique, reviendra sur les vertus didactiques des forums littéraires, puisque ces derniers travaillent à affiner les compétences lectorales (2.1.) et scripturales des élèves (2.2. et 2.3.). Cette première partie s’achèvera sur notre question de recherche et sur une présentation du contexte didactique (participants, méthode; voir 2.4.). Toutefois, dans la mesure où cet échantillon d’élèves et les productions associées ont déjà donné lieu à des travaux antérieurs (Brunel, 2018a, 2019; Brunel et Taous, 2018), nous ne nous appesantirons pas sur le détail du dispositif. Dans une seconde partie, nous réfléchirons sur les commentaires postés par les élèves et sur leurs éventuelles répercussions sur les écrits fictifs des pairs : après avoir sélectionné et justifié le corpus de productions retenues et présenté le contexte didactique de leur réalisation (3.1. et 3.2.), nous proposerons une analyse des données en termes quantitatifs (3.3.1.) et qualitatifs (3.3.2.). Le présent article est donc à lire comme le prolongement des travaux didactiques antérieurs (Brunel, 2018a, 2019; Brunel et Taous, 2018; Taous, 2018), dont il se veut complémentaire par la perspective et l’éclairage proposés.

2. Aperçu des potentialités offertes par les forums littéraires dans le cadre scolaire

2.1. Des forums d’adolescents aux forums littéraires scolaires

L’analyse récente des forums pour adolescents révèle une tension entre des dehors prosaïques (« parler jeune », thématiques en lien avec les préoccupations de la vie ordinaire des adolescents) et un rapport sensible et intime à l’écriture où « l’émotionnalité forte » répond à un « besoin de se faire entendre », « d’exposer et d’imposer son moi par l’écriture » (Gruppioni, 2009, volume I, p. 85 et 131). Toutefois, une enquête sur les pratiques avouées des adolescents quant à leur fréquentation des réseaux sociaux indique, pour le panel interrogé, une fréquentation relativement modérée des forums et une préférence pour les clavardages (ou chats) et courriels, lieu d’une correspondance privée (Gruppioni, 2009, volume I, p. 263, note 170). Le forum, parce qu’il implique un décentrement de l’individu et une correspondance avec des inconnus ayant des centres d’intérêt analogues, serait moins prisé que ses équivalents numériques privés. Le cadre scolaire, en investissant ce domaine[7], inviterait donc à développer un espace de parole où la part d’émotivité conserverait toute sa place, mais serait mise au service de la réflexion collective, pratique renouant précisément avec le forum romain et remotivant ainsi cette dénomination. Aussi, les programmes officiels français de cycle 4 voient-ils dans l’utilisation des « plateformes collaboratives numériques » le moyen le plus efficace de développer la « coopér[ation] » (Ministère de l’Éducation nationale [MEN], 2015, p. 384).

À côté de cette dimension civique, le forum offre la possibilité de se faire littéraire; les enseignants de lettres ne s’y sont pas trompés et se sont emparés de ce dispositif afin de le transférer dans leurs classes (Becchetti-Bizot, 2012 ; Brunel, 2018a, 2019 ; Moinard, 2015, 2017a, 2017b). Cette transposition ne s’effectue cependant pas sans heurt (Ahr et al., 2010, p. 473-474) et nécessite donc, de la part de l’équipe professorale, un important travail de préparation et de réflexion didactique pour être pleinement bénéfique[8]. Avant de décrire plus précisément les potentialités offertes par ce transfert de l’extrascolaire au scolaire, nous souhaiterions ouvrir une parenthèse digressive sur les compétences lectorales à développer chez les élèves pour en faire des lecteurs accomplis, et les mettre en lien avec les modes de lecture tels qu’ils ont été didactisés par Poslaniec et Houyel (2000).

Dans la figure 1, nous proposons une synthèse de nos différentes lectures sur le sujet : les quatre rubriques principales de la figure 1 ont été largement diffusées par Cèbe et Goigoux (2006, p. 48) et font généralement consensus auprès des didacticiens. En réalité, la notion foisonnante de « (compétences) encyclopédique(s) » appartient à la terminologie d’Eco (Baroni, 2005, p. 113-114, note 5) et a investi le champ didactique par le biais de Slama (Dufays et al., 2005, p. 156-157 et note 8); les qualificatifs spécifiques (voir, par exemple, séquentiel, intratextuel, transtextuel, architextuel, etc.) proviennent de diverses sources dont le signe « < » indique l’autorité (voir figure 1) :

Figure 1

Typologie synthétique des compétences lectorales à développer chez les élèves et des modes de lecture associés

Typologie synthétique des compétences lectorales à développer chez les élèves et des modes de lecture associés

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Les difficultés terminologiques et définitionnelles se portent essentiellement sur la notion d’encyclopédie, qui recouvre grossièrement deux aspects (Baroni, 2005, p. 114, synthétisant Eco) : d’une part, celui portant « sur le codage des séquences d’action » et qui permet au lecteur d’« avancer des hypothèses concernant le développement ultérieur de la fabula » et, d’autre part, celui invitant le lecteur à « appréhender […] les structures idéologiques véhiculées par l’oeuvre » et à « évalu[er] éthique[ment] » « les actions figurées ». Nous avons retenu les qualificatifs de transtextuel (Genette, 1982, chapitre 1) / intertextuel (Kristeva, 1967), pour le premier aspect, et celui d’extratextuel, pour le second, ce qualificatif désignant un « hors-texte – qu’il soit littéraire ou non » (Baroni, 2005, p. 117)[9]. L’enjeu, pour les élèves, est alors de mobiliser leur « “encyclopédie” personnelle » (Dufays et al., 2005, p. 246) pour dépasser le cadre interne de l’oeuvre étudiée. Ce processus intellectuel et cette capacité à développer et à analyser une oeuvre – qui sont au coeur des compétences lectorales que cherche à travailler tout enseignant – peuvent encore gagner en étoffe en étant mis en perspective avec les « trois modes de lecture » de Poslaniec et Houyel (2000, p. 17). Les compétences stratégiques – par le retour sur le texte et le travail de compréhension et de maîtrise sur le texte qu’elles traduisent – entrent en lien avec le mode de lecture « impliqué ». La « lecture impliquée » est également de mise avec les compétences encyclopédiques de type extratextuel, parce que celles-ci impliquent précisément l’affectivité et les ressentis du lecteur : l’« identification aux personnages », son désir de « connaître la fin » (Poslaniec et Houyel, 2000, p. 17) induisent, en premier lieu, une lecture impliquée dont le mode peut et doit évoluer vers une prise de distance par rapport aux ressentis, de façon à ce que la lecture première, impliquée, soit dépassée et se mue en une lecture méta-, plus « experte », conduisant le lecteur à affiner son regard et à déterminer à quel(s) registre(s) peut appartenir le passage lu. La lecture « experte » est, enfin, celle qui est à l’oeuvre dans toutes les compétences encyclopédiques, qu’elles soient transtextuelles ou extratextuelles. Quant au mode de lecture « littéraire », Poslaniec et Houyel (2000, p. 17) le définissent comme « la capacité à percevoir, au-delà du sens immédiat, au-delà du sens implicite, le mode de construction d’un livre » : le mode de lecture littéraire est alors le centre d’« un véritable plaisir » « intellectuel », parce qu’il mobilise toutes les « compétences textuelles » décrites dans l’encadré correspondant (voir figure 1) et qu’il se nourrit des compétences encyclopédiques architextuelles avec lesquelles il entre en réseau (voir figure 1). Ici s’achève notre parenthèse digressive.

Aussi, lorsque le contexte didactique et les mises en place pédagogiques sont mûrement réfléchis par les enseignants, les dispositifs numériques permettent-ils aux élèves de développer des compétences de lecture spécifiques : par les gestes émergents découlant du mode de lecture sur écran, les élèves « s’initie[nt] » tout particulièrement « à l’activité d’interaction, telle que prévue par la lecture ergative conceptualisée par Vandendorpe » (Buim Arena et al., 2016, p. 16). De fait, la lecture sur écran, par sa visée « ergative » ou « ergodique » (Aarseth cité dans Bouchardon, 2011, p. 2), engage le lecteur à manipuler le texte dans sa matérialité et à orienter ses « gestèmes » vers une action conduisant, en dernier ressort, à un « discours interactif », niveau ultime du répertoire de gestes liés à la lecture numérique tel qu’il a été théorisé par Bouchardon et son équipe (Bouchardon, 2011, p. 9; Buim Arena et al., 2016, p. 17-18)[10]. Toujours dans l’idée d’une interactivité, le support numérique facilite les échanges oraux en fédérant la classe autour d’un point focal qui favorise alors « la participation, la collaboration et la mise en activité de la classe » (Becchetti-Bizot, 2012, p. 44).

Face à ces compétences de lecture spécifiques, relatives à la réception et à l’interprétation, l’utilisation de livres numériques ou de textes numérisés permet également à l’élève de développer des compétences stratégiques, en ce sens que la lecture, facilitée par une itinérance plus libre à l’intérieur du texte sur écran (Benhamou, 2009, p. 82-83; Fraisse, 2012, p. 33)[11], peut se faire volontiers rétroactive et permettre de vérifier a posteriori les potentialités interprétatives offertes par le texte. De là découle l’importance des travaux des « designers » qui, en développant des « stratégies d’écriture », cherchent à anticiper les attentes des lecteurs, afin de créer un cadre de lecture à la fois agréable et fonctionnel (Lacelle et Lebrun, 2016, p. 5) : il y aurait alors tout intérêt à initier les élèves à cette « rhétorique de la réception » (Saemmer et Tréhondart, 2014) afin de développer chez eux un regard critique leur permettant de se défier des dérives du marketing[12].

À côté de ces usages, liés aux fonctionnalités pratiques de la lecture sur écran, l’utilisation de forums favorise le développement de compétences textuelles et encyclopédiques[13] : les échanges entre élèves, au départ fait de volontaires souhaitant s’exprimer sur les textes, sont soigneusement choisis pour gagner l’espace public de la classe et être réinvestis par les enseignants, suivant une « conduite professorale » que Moinard appelle « hybridation » (2017a, p. 73 et note 4) et qui rappelle le blended learning ou « apprentissage mixte » recommandé par Lacelle et Lebrun (2016, p. 16). Moinard souligne alors le trajet cognitif qui conduit d’une « lecture subjective » – nécessaire, mais limitée – à une « lecture littéraire », perceptible au travers de billets dépassant la lecture impressive et axiologique, pour allier à la fois « participation » et « distanciation » et, en somme, aller vers la portée signifiante des oeuvres.

Le forum littéraire offre également la possibilité de renouveler les approches en matière de productions d’écrit : le dispositif numérique constitue alors un tremplin pour une écriture collaborative qui se nourrit des remarques commentatives.

2.2. L’écriture collaborative

Benhamou (2009, p. 83) rappelle que l’entrée dans l’ère numérique a ouvert la voie à « l’interactivité » et conduit les écrivains à modifier leurs pratiques d’écriture et à tenir compte des avis et suggestions des lecteurs pour faire évoluer leur texte[14], tout en en restant néanmoins les seuls auteurs. Dans une perspective comparable, les didacticiens de l’écriture, bientôt relayés par les autorités officielles (MEN, 1996, p. 191-192), ont souligné d’emblée le bénéfice qu’il y a à faire alterner « écriture individuelle » et « écriture collective ». Le transfert des pratiques numériques dans le cadre scolaire invite néanmoins à glisser d’une « écriture collective » – où chacun a, à un moment donné, la main sur le texte, « sans s’intéresser obligatoirement à la chaîne de travail constituée par les autres » (Chapelain, 2017, p. 47-48) – à une « écriture collaborative », où les échanges sur les jets produits et les confrontations d’idées – qu’ils aient lieu de façon synchronisée au sein des binômes ou de façon différée sur les forums – nourrissent l’écriture. C’est ce qui distingue précisément, selon Chapelain, la collaboration de la contribution et la coopération.

Au-delà de l’allègement de « la tâche de rédaction et de relecture » (MEN, 2015, p. 20), l’écriture collaborative, pratiquée en milieu scolaire, constitue une véritable avancée didactique, surtout si elle est couplée à la ritualisation du retour commentatif. Cautela et Marin (2013, p. 42-43) mentionnent ainsi les avantages que les élèves ont tirés des échanges critiques sur leurs travaux respectifs en mettant en évidence un phénomène d’innutrition intersubjective : dans les exemples explorés, Cautela et Marin (2013) insistent sur l’idée que l’élève « évaluateur » tire profit de la lecture des textes de ses pairs en réexploitant certaines idées lues (dans un mouvement allant de « l’intra- » à « l’intersubjectif ») ou au contraire, en se défiant de certains défauts desquels lui-même n’est pas toujours prémuni et que ses lectures lui permettent, dans un mouvement rétroactif, de corriger. Nous souhaiterions, pour notre part, évaluer l’incidence que peuvent avoir ces retours commentatifs, non sur le critique, mais sur l’élève scripteur et sur le texte d’invention alors produit : en somme, le point de vue des élèves relecteurs fait-il autorité ? Et si oui, suivant quelles modalités ?

2.3. L’écriture commentative

La conviction de l’interdépendance (ou « interaction », Tauveron, 2009) entre lecture et écriture a conduit à la conception d’un certain nombre de protocoles didactiques permettant aux élèves de s’imprégner des textes littéraires de façon à entrer plus facilement dans l’acte d’écriture (Brunel et Guérin-Callebout, 2016; Cautela et Marin, 2013; Crinon, 2006, p. 72; Tauveron, 2009). Renouant avec les pratiques de la glose médiévale (Rosier-Catach, 1990, p. 9-10), Le Goff (2011, p. 67) propose ainsi d’élaborer un « grand brouillon » de « nature métatextuelle » portant la trace des lectures et commentaires de l’élève sur le texte[15] et lui permettant d’y entrer pleinement. Explorant les fonctionnalités pratiques du support numérique et les potentialités didactiques pouvant s’y rattacher, Brunel et Guérin-Callebout (2016, p. 18-19) suivent la voie ouverte par Le Goff pour développer chez les élèves une posture d’auteur. Elles font l’hypothèse que la pratique de l’écriture « commentative », en amont de l’activité d’écriture, favorisera l’écriture « créative ». Le protocole se décline alors en trois temps : un premier temps où l’élève, confronté au texte, se l’approprie de manière informelle par le biais de gloses métatextuelles, périphériques au texte; un deuxième temps où l’élève sélectionne les passages qu’il souhaite conserver, biffe ceux auxquels il renonce et s’immisce dans le texte de l’auteur; puis un troisième temps, où l’élève revient sur ses choix, révèle ses intentions et se positionne en auteur, dans une approche réflexive. Mais les intentions de l’apprenti écrivain sont-elles véritablement perçues comme telles par le lecteur ?

Dans le cadre d’un apprentissage traditionnel, le lecteur en question est généralement limité à l’enseignant, qui part souvent du principe que « par définition un texte d’enfant ne peut qu’être défaillant » (Tauveron, 2009) et dont les annotations reflètent souvent cet a priori (Elalouf, 2016, p. 3-5); la sphère de réception peut néanmoins être élargie, dans le cadre d’un projet pédagogique visant à faire produire un récit en vue de le donner à lire à une autre classe. L’adaptation des outils numériques dans le cadre scolaire (logiciels, plateformes de partage de documents, bureaux virtuels, etc.) permet aux élèves d’échanger sur les différentes productions enregistrées dans le wiki de la classe : Lacelle et Lebrun (2016, p. 15) supposent alors que « les rétroactions fournies » dans ces espaces « permettent aux scripteurs de progresser ».

Dans le travail qui suit, nous souhaiterions vérifier ce point et voir comment les forums littéraires dévolus aux réactions, non face aux textes d’auteur, mais à ceux des élèves de la classe, manifestent l’assimilation de compétences d’analyse métatextuelle. Il s’agit ensuite de déterminer dans quelle mesure les élèves intègrent les commentaires de leurs pairs et de voir, en somme, si l’écriture commentative exerce un impact qui irait dans le sens d’une amélioration de la production finale.

2.4. Question de recherche et présentation de la méthode

À l’issue de ce rappel théorique sur les enjeux portés par les dispositifs numériques et plus spécifiquement, sur les potentialités offertes par les forums littéraires, il s’avère qu’aucun travail systématique ne semble avoir été mené sur les commentaires métatextuels postés par les (re)lecteurs de la classe et censés aider les scripteurs à modifier, en les améliorant, les jets initiaux. Les chercheurs se sont en général attachés à mesurer l’impact des commentaires métatextuels portés sur les oeuvres littéraires et à étudier la manière dont ils participaient d’une appropriation des textes littéraires par les élèves (Brunel et Guérin-Callebout, 2016; Le Goff, 2011; Moinard, 2017a). De même, le retour réflexif sur les jets d’écriture a pu faire l’objet de recherches, mais soit ce retour concernait le sujet scripteur lui-même – ce dernier ayant un regard métatextuel sur sa propre production (Brunel, 2018b; Brunel et Guérin-Callebout, 2016, p. 22-24) –, soit les études évaluaient la portée des commentaires sur le commentateur lui-même (Cautela et Marin, 2013).

Nous faisons ici l’hypothèse que le support numérique, en permettant un dialogue large entre contributeurs et en conservant de manière pérenne une trace des échanges dans la mémoire du wiki d’une classe, est un moyen de mesurer l’efficacité de la collaboration entre pairs dans l’amélioration des productions d’écrit successives.

Afin d’interroger ce degré d’efficacité, nous partirons de l’analyse des commentaires métatextuels postés dans le wiki d’une classe de 3e et mettrons en regard ces commentaires avec les productions d’écrit, rédigées post-commentaires, dans le but d’évaluer le degré d’incidence de ces remarques sur l’évolution des productions. Il s’agira enfin de déterminer les apports et les apprentissages construits par ce dispositif didactique incorporant les usages numériques.

3. Une écriture commentative au service d’une écriture littéraire ?

3.1. Présentation générale du corpus et du contexte didactique

Le corpus retenu est composé de huit productions d’écrit rédigées par les élèves d’une classe de 3e d’un collège rural de l’Académie de Nice (Le Beausset, Var, France), entre le 31 janvier 2017 et le 2 février 2017. Les huit écrits résultent du travail de cinq binômes[16] (Aline/Estelle; Lucie/Mélissa; Marisa/Lana; Richard/Miguel; Thomas/Angelo) et de trois triades (Marion/Pauline/Louna; Marie/Antoine/Joyce; Samson/Rodrigue/Léo) et ont pu faire l’objet de un à deux écrits intermédiaires avant la version finale (voir tableau 1). La « proposition d’écriture »[17] (« Si l’auteur écrivait cette histoire aujourd’hui… ») est la deuxième traitée par les élèves dans le cadre de la fanfiction autour du roman d’Huxley Le meilleur des mondes[18]. Le dispositif pédagogique adopté fait le pari que, en « proposant » des activités d’écriture relativement libres dans leur déroulement – les élèves ont effectivement la possibilité de poursuivre ou modifier leurs écrits en dehors du temps scolaire (voir les mentions « 20 h 36 » ou « 21 h 23 », heures enregistrées dans la mémoire du wiki) –, ces derniers s’engageront plus volontiers et plus sereinement dans l’activité d’écriture que ne le ferait un dispositif traditionnel avec une plage horaire délimitée, dévolue à un sujet de rédaction[19]. L’enseignant ne propose donc pas d’activités d’écritures courtes ni ne donne « de “sujets de rédaction” à proprement parler » : « les propositions de production offrent une grande liberté aux élèves, qui restent maîtres de ce qu’ils veulent écrire » (Brunel et Taous, 2018, p. 62).

Sur les neuf propositions d’écriture de fanfiction traitées durant l’année scolaire 2016-2017 à partir de l’étude de trois oeuvres intégrales distinctes[20], seule celle-ci a été retenue, car elle est la seule à avoir fait systématiquement l’objet de réécritures post-commentaires; dans les huit autres configurations, les commentaires apparaissent à l’issue du jet final et ne sont donc pas source de retours sur les textes[21]. Pour la proposition d’écriture ici retenue, les élèves ont généralement enregistré leur première version le 31 janvier aux alentours de 16 h; les premiers commentaires ont été publiés le lendemain en début de matinée (entre 8 h et 9 h); une seconde version apparaît entre 9 h 15 et 10 h 30, possiblement complétée dans la journée ou le surlendemain; une seconde série de commentaires peut être enregistrée dans l’après-midi du 1er février et donner lieu à une ultime version (voir tableau 1). Le contexte pédagogique a été décrit par Brunel (2018a), instigatrice du dispositif, de la manière suivante (nous soulignons par des italiques) :

Les élèves écrivent, en classe ou en dehors de la classe, dans ces différentes rubriques. Certaines productions constituent l’objectif de certaines séances de classe (par exemple des séances d’écriture de fanfiction se déroulant en salle informatique) tandis que d’autres sont exploitées comme support d’activité (par exemple, l’appui sur un forum permet de susciter un débat interprétatif).

Brunel, 2018a, p. 36

Le contexte pédagogique de rédaction de ces commentaires est, par conséquent, variable : les premiers commentaires ont eu lieu à la demande et sous la tutelle de l’enseignant (le 1er février 2017, entre 8 h et 9 h) et visaient à faire produire une version améliorée (le 1er février 2017, entre 9 h 15 et 10 h 30), tandis que la seconde série a pu être produite en autonomie, sur la base du volontariat, dans une logique libertaire comparable à celle que l’on retrouve sur les forums extrascolaires. L’environnement écologique a ainsi été parfaitement préservé. On notera toutefois que cette classe de 3e, classe exploratoire, n’a pas bénéficié d’un travail systématique en amont sur l’écriture commentative, contrairement à ce qui a été proposé l’année suivante à une classe de 5e, également inscrite dans le dispositif « fanfiction » du collège (Brunel, 2018a, p. 38, 2019, p. 14). Ce travail préparatoire à l’écriture commentative a été senti comme indispensable et pensé comme une remédiation par l’équipe professorale du collège.

3.2. Précision terminologique

Nous avons choisi de nommer cet espace « forum », et ce, bien que les élèves n’échangent pas directement les uns avec les autres et ne rebondissent pas expressément sur les avis des uns et des autres. Il existe en effet une filiation évidente entre les différents avis postés : il apparaît de façon récurrente que le premier billet attire l’attention des suivants sur des points auxquels les commentateurs n’avaient peut-être pas été sensibles et qui viennent se greffer aux remarques initialement prévues. Ainsi, le texte du groupe Marie/Antoine/Joyce fait-il l’objet d’un premier commentaire se développant en trois points (voir illustration 1) : Aline se montre sensible au registre du texte (« votre texte est tire d’un film de science fiction »[22]), sur la pertinence des idées développées (« les idées sont très bien ») et sur les fautes de frappe (« il y a des petites fautes de frappe »). Or ces trois points trouvent des échos complémentaires dans les deux commentaires suivants, indice que les billets dialoguent, circulent et s’insèrent bien dans un cadre communautaire.

Illustration 1

Captures d’écran du forum consacré aux commentaires sur la fanfiction Le meilleur des mondes. Groupe de Marie/Antoine/Joyce

Captures d’écran du forum consacré aux commentaires sur la fanfiction Le meilleur des mondes. Groupe de Marie/Antoine/Joyce

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Enfin, la désignation de « forum » pour cette interface se justifie également par le fait que les commentateurs peuvent directement poser une question aux auteurs (deux occurrences de ce phénomène) et que les auteurs peuvent aussi se justifier de façon synchronisée auprès de leurs lecteurs (une occurrence du phénomène).

3.3. Présentation des données

3.3.1. Aperçu quantitatif

Les données ont été synthétisées dans le tableau 1.

Tableau 1

Versions produites et nombre de commentaires associés pour les huit groupes étudiés

Versions produites et nombre de commentaires associés pour les huit groupes étudiés

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Nous n’avons retenu que les groupes ayant fait l’objet de commentaires qui avaient entraîné eux-mêmes un effort de réécriture en une deuxième (voire troisième) version. Dans les faits, un seul groupe a été rejeté. Les premières versions font l’objet de deux à cinq commentaires; les secondes, d’un à trois. Il est très rare qu’un même commentateur intervienne sur les deux états du texte, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il ne prenne pas connaissance de la nouvelle version. En effet, un très grand nombre de commentaires s’achèvent sur une note indiquant l’empressement à lire la suite, du type « J’ai hâte de savoir la suite » (Marion) ou « J’attends la fin avec impatiente ! » (Angelo). On pourra enfin relever que dans six cas sur huit, l’absence de commentaires fonctionne comme une clause d’arrêt : en l’absence de nouveaux commentaires, le texte se ferme sur lui-même et semble abouti. Deux triades, néanmoins, ne répondent pas aux nouvelles attentes de leurs lecteurs et ne donnent pas suite aux commentaires (voir Marion/Pauline/Louna; Samson/Rodrigue/Léo) : ces derniers leur ont-ils semblé nuls et non avenus ?

3.3.2. Typologie des commentaires (données qualitatives)

À la lecture des 33 commentaires, cinq catégories paraissent émerger. La première catégorie regroupe des commentaires portant sur l’inscription du texte dans le genre et/ou les registres concernés et, en somme, sur la capacité du texte à créer un univers conforme à celui du texte source dont il est une possible excroissance. Ce type de commentaires permet alors de mesurer la capacité de l’évaluateur à mobiliser des compétences encyclopédiques de type hypotextuel[23] (repérage d’une référence à la lettre du texte source en (1a), par exemple) ou architextuel[24] (voir (1b)). On le voit, les compétences lectorales présentées dans la figure 1 permettent de décrire également les compétences scripturales, dans la mesure où les premières peuvent informer les secondes : le texte du scripteur porte la trace de sa « mémoire littéraire » (Dufays, cité par Baroni, 2005, p. 117), que le texte produit soit de type littéraire ou de type métatextuel :

  • (1) Genre/registres :

    a. Au début du texte, je trouve que le fait de remettre 635 nf au début de votre texte comme dans le meilleure des mondes est une bonne idée car ça fait référence au livre.

    Richard[25]

    b. Votre texte est futuriste.

    Samson

La deuxième catégorie implique des commentaires en liens étroits avec la cohérence interne du texte à lire et révèle donc, chez l’évaluateur, des compétences textuelles : les lecteurs se montrent alors sensibles à la structure, mais également à l’inventivité des idées et à leur degré de vraisemblance :

  • (2) Cohérence/inventivité :

    a. On trouve que l’histoire de ce texte est plutôt bien construite.

    Pauline et Louna

    b. Texte très compréhensible car il est bien argumenter et bien détaillé.

    Antoine

La troisième catégorie est étroitement liée aux deux précédentes, en ce sens que les commentaires inscrits dans cette catégorie soulignent souvent les manques et les points à développer et réaffirment la nécessité d’étoffer le texte de manière à l’arrimer plus explicitement à l’hypotexte : le lecteur, comme déçu dans son horizon d’attente, fournit alors au scripteur un véritable programme de travail :

  • (3) Développements possibles :

    a. Par contre ce monde que vous nous décrivez n’est pas assez développé. Quelles sont les constructions de ce monde évolué, y a-t-il de la végétation, ou est-ce un monde plein de constructions ? J’aurais aimé une description de ces nouveaux mondes, savoir à quoi ils ressemblent.

    Thomas

    b. … il faudrait plus argumenter comment est se monde « supraterrestre » et décrire un peux plus comment sont ces bâtiments futuristes. vous pouvez décrire l’intérieur. il faudrait également expliquer certains mots comme « domirium » et « cyborg ».

    Joyce et Marie

La quatrième catégorie renferme des commentaires visant à la fois à encourager le scripteur dans son activité d’écriture, mais également à souligner que ce dernier a été capable d’emporter l’adhésion de son lecteur en suscitant chez lui le désir de poursuivre la lecture :

  • (4) Visée/sphère de réception :

    a. Sinon continuez comme ça !!!! J’ai hâte de lire la suite.

    Marion

    b. Hate de vous lire.

    Lucie

Enfin, la dernière série de commentaires manifeste les compétences linguistiques des lecteurs et regroupe toutes les remarques afférentes à des lacunes orthographiques ou typographiques (voir (5))[26]. On pourra relever l’absence notable de remarques de type syntaxique, ce qui indique qu’il y a là un travail d’engagement pour aider les élèves à développer une forme de vigilance syntaxique. Un commentaire fait néanmoins implicitement état d’une maladresse syntaxique, mais n’ose apparemment la présenter comme telle : le binôme en question mentionne la tournure erronée « brancher aux uns aux autres » (voir (6a)), mais la reprend en la rectifiant (« brancher les uns aux autres »; voir (6b)) et fait porter son commentaire sur un autre phénomène, moins directement contestable parce que quantitatif : le fait que l’expression soit utilisée à deux reprises (voir (6b)). Il y aurait alors matière à confronter ces deux tournures et à voir laquelle des deux semble la plus conforme à l’usage (Taous, 2018, p. 58-60). Mais, visiblement, les élèves scripteurs n’ont pas été sensibles à la variante de leurs camarades-évaluateurs et n’ont pas su interroger cette variation comme un indice possible de formulation maladroite :

  • (5) Orthographe/typographie :

    a. Il y a beaucoup de fautes d’orthographes, n’oubliez pas de bien vous relire.

    Marisa et Lana

    b. Faite attention au répétition« car » ,aux accords« il sont transformer » et aux fautes « après leurs réveiller ». Il manque un peu de ponctuations, pensez à mettre des virgules.

    Marion
  • (6) Divers

    a. Texte de base (non corrigé dans la version 2) : Le mouvement de leur jambes commençait à de moins en moins fonctionner car ils étaient tous brancher aux uns aux autres.

    Marisa et Lana

    b. Commentaire sur le texte produit (version 1) : Une bonne idée dans l’ensemble mais faites attention aux répétitions vous dites deux fois « brancher les uns aux autres ».

    Aline et Estelle

La typologie que nous venons d’exposer peut être croisée aux différents plans (pragmatique, sémantique, morphosyntaxique) isolés par le groupe EVA[27] (1991, p. 55-63). Ces trois plans ont une visée docimologique : ils permettent d’évaluer une copie en termes de contenu et d’en apprécier la qualité et la diversité. Le tableau 2 se propose de diffuser notre typologie selon ces trois plans et d’indiquer le point d’incidence des commentaires[28] :

Tableau 2

Correspondances entre la typologie des commentaires métatextuels proposée et les trois plans d’analyse du groupe EVA (1991, p. 53-63)

Correspondances entre la typologie des commentaires métatextuels proposée et les trois plans d’analyse du groupe EVA (1991, p. 53-63)

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Les commentaires des élèves sur les productions de leurs pairs portent majoritairement sur les niveaux macro- et mésotextuels et restent donc très globaux (voir tableau 2). Les notations microtextuelles sont caractéristiques des catégories 2, 3 et 5.

Enfin, une dernière remarque peut être formulée sur la manière dont sont exprimés les commentaires et sur les fonctions du langage qu’ils mobilisent. On relève ainsi deux modes énonciatifs : le mode illocutoire et le mode perlocutoire[29]. Le mode illocutoire implique un acte de parole poussant l’interlocuteur à (ré)agir, en l’occurrence, ici, en modifiant son texte. Le mode illocutoire peut se réaliser de manière directe (suivant une modalité de type injonctif) ou de manière plus subtile (sur le mode parénétique[30]). Globalement, il s’avère que le mode injonctif est celui qui transparaît dans les commentaires de la catégorie 5 – comme si les notations sur la langue ne pouvaient être que prescriptives –, et le mode parénétique, dans les commentaires relevant de la catégorie 3. Le mode perlocutoire, en revanche, peut se décliner en modalités évaluative (catégories 1, 2) et exhortative (catégorie 4), toutes deux impliquant chez le scripteur un entrain puisant sa source précisément dans le contentement apporté par les commentaires, formulés de manière plutôt positive. Hormis les catégories 2 et 4, qui manifestent une connivence entre scripteur et lecteur (ce dernier confirmant à l’auteur que le texte répond bien aux exigences pragmatiques attendues), les autres catégories proposent un plan de travail visant à améliorer le texte de départ. Il convient alors de voir dans quelle mesure les secondes productions tiennent compte des remarques prodiguées.

3.4. Confrontation et analyse des données

3.4.1. Analyse quantitative suivant le type de commentaires

Aucun commentaire ne relève jamais d’une seule des cinq catégories isolées. Un commentaire en recouvre au minimum deux (voir (7a)); au maximum, quatre (voir (7b)). Le commentaire de Samson, néanmoins, ne présente que des remarques déclaratives n’aidant pas à l’amélioration du texte premier; Lucie, en revanche, se montre plus circonstanciée dans sa démarche et son commentaire se lit plus volontiers comme un acte illocutoire :

  • (7) Commentaires sur la production de Marie/Antoine/Joyce :

    a. Je trouve que c’est un très bon texte. Il est bien conçu et il y a de très bonnes idées. J’aime bien votre texte car vous parlez de moyens de déplacement volant et aussi de facultés surhumaines développées par les personnes [catégorie 2]. Votre texte est futuriste. [catégorie 1]

    Samson

    b. texte assez futuriste [catégorie 1], vous pouvez plus détaillé ce nouveau monde en le décrivant et expliqué se qu’on y trouve [catégorie 3]. Le fait que les personnes doivent penser la meme chose sans se rebéllés est plutôt une bonne idée. [catégorie 2] Hate de vous lire [catégorie 4]

Le tableau 3 indique le nombre de commentaires correspondant à chaque catégorie de commentaires présente dans les billets publiés, ainsi que le nombre de textes (seconde version) prenant en compte lesdits commentaires. Un même texte peut tenir compte de commentaires de divers ordres :

Tableau 3

Nombre de commentaires en fonction de la typologie proposée et nombre de textes prenant en compte lesdits commentaires

Nombre de commentaires en fonction de la typologie proposée et nombre de textes prenant en compte lesdits commentaires

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Le nombre de textes prenant en compte les commentaires se fait corrélatif de la manière dont ces derniers sont énoncés. Ainsi, les catégories 1, 2 et 4, souvent énoncées sur un mode à visée perlocutoire, n’invitent qu’incidemment à modifier le texte premier. En revanche, les catégories 3 et 5, énoncées sur le mode illocutoire, conduisent volontiers à modifier le premier jet. Nous nous concentrerons donc sur ces deux catégories dans le point suivant.

Concernant le type de commentaires, il s’avère que prédominent les catégories révélant, tant chez le scripteur que chez le lecteur, des compétences encyclopédiques et textuelles; les lecteurs sont sensibles à l’atmosphère créée dans les textes et trouvent souvent les idées fort inventives. Ils invitent néanmoins leurs pairs à développer ces ambiances (catégorie 3). La catégorie 5, en revanche, est assez peu représentée, mais on constate qu’en proportion, ce type de commentaires exerce un impact important sur les textes puisque cinq textes se trouvent modifiés dans cette perspective, alors que seuls onze commentaires ont été relevés. Ce phénomène est sans doute dû au fait que les commentaires de ce type sont souvent microtextuels et désignent donc nommément l’objet du litige (voir (5b)) : ce type de corrections paraît donc plus facile à résorber. En atteste la production placée sous (8) :

  • (8)

    a. Marie/Antoine/Joyce – version 1 :
    Tous les habitants de cette nouvelle planète aérospatial sont modifier génétiquement pour être d’accord sur absolument tout il n’y a plus de conflit. Si une personne décide un jour de se révolter il sera immédiatement condamner à mort. Ils ont tous des capacité surhumain comme ils n’ont pas spécialement besoin de se reposer ou de se nourrir, ils ne sont plus victimes de maladies, ne vieillissent plus et n’ont pratiquement plus de sentiments. Lenina et Fanny peuvent communiquer par télépathie et se téléporter ou elles le souhaitent, elles imagent dans leurs tête le lieux dans lequel elles veulent allé puis elles s’y retrouve en moins d’une seconde. Tout les transports en générale se déplacent en volant. Lenina et Fanny grâce à des puces implanter dans leurs le tête peuvent accéder à internet et projeter l’image de leurs recherche avec leurs yeux.

    b. Marie/Antoine/Joyce – extrait corrigé (version 2) :
    Lenina et Fanny grâce à des puces implanter dans leurs le tête peuvent accéder à internet… → Lenina et Fanny grâce à des puces implanter dans leurs tête peuvent accéder à internet…

    c. Marie/Antoine/Joyce – extrait corrigé (version 3) :
    Tous les habitants de cette nouvelle planète aérospatial sont modifier génétiquement pour être d’accord sur absolument tout… → Tous les habitants vivent sur une autre planète, cette nouvelle planète appelé Dino-spatial est aérospatial. Sur Dino-spatial ont n’y trouvent des dinosaures qui ont été ressusciter à l’aide d’une puce ce sont pratiquement des androïdes. Ces dinosaures sont doté d’une intelligence artificiel mais ils sont tout de même maîtriser grâce à leurs puces donc ils se promènent ou ils le veulent. Tous les habitants qui vivent sur Dino-spatial sont modifier génétiquement pour être d’accord sur absolument tout…

Marie, Antoine et Joyce ont soumis une première version à leurs camarades (8a). Face aux commentaires relevant des catégories 3 (« pas assez argumenté »; « vous pouvez plus détaillé ce nouveau monde en le décrivant et expliqué se qu’on y trouve ») et 5 (« il faut que vous vous relisiez car il y a des petites fautes de frappe »; « j’ai pu remarquer une faute de frappe a la fin du texte “leurs le tete” »), la triade semble s’être sentie démunie face aux premiers et a donc proposé une deuxième mouture rectifiant uniquement la faute de frappe, relevée expressément par un camarade (voir (8b)). Ce n’est que face au second assaut de commentaires portant sur la deuxième version et pointant une fois encore la nécessité d’enrichir le texte de base de descriptions et de précisions[31] que la triade finit par obtempérer et par proposer une troisième version intégrant les remarques des camarades (voir (8c)).

Les commentaires faits par les camarades sur les deux premières productions de Marie/Antoine/Joyce accusent le caractère faussement anaphorique du GN cette nouvelle planète qui ouvre la production. En effet, l’utilisation du démonstratif suscite le questionnement du lecteur, qui ignore tout de cette planète et qui ne peut donc pas se représenter ce que le démonstratif est censé synthétiser. Les lecteurs offrent alors deux pistes à la triade afin que cette dernière tente de renouer avec l’horizon d’attente du lectorat : 1) indiquer ce qu’on y trouve; 2) « savoir plus de choses sur la planète ». La troisième version manifeste le désir de se conformer aux exigences des lecteurs : la planète est dotée d’un toponyme (« Dino-spatial »), dont l’onomastique est doublement pertinente (elle est aérospatiale et est habitée par des dinosaures), et ses habitants bénéficient d’éléments de caractérisation (dinosaures dotés de puce, humanoïdes parce qu’ils sont pourvus d’une intelligence artificielle).

3.4.2. L’impact des commentaires sur les nouveaux jets

Commençons par analyser les commentaires relevant de la catégorie 3 (Développements possibles), puisque cinq textes s’attachent à améliorer leur contenu sous ce prisme-là (voir tableau 3).

Les commentaires regroupés dans la catégorie 3 résultent d’un horizon d’attente déçu et se focalisent alors sur l’idée qu’un enrichissement du texte permettrait de renouer avec cet horizon. Comme nous l’avons signalé, cette troisième catégorie est un mixte entre la catégorie 1 (genre/registre; compétences encyclopédiques[32]) et la catégorie 2 (cohérence/inventivité; compétences textuelles), et peut être considérée comme le correspondant déceptif de celles-ci, en ce sens où les commentaires relevant de cette catégorie insistent sur la non-conformité du texte en termes d’horizon d’attente. La production de Marie/Antoine/Joyce (8) a montré comment les commentaires, par les suggestions proposées, permettent aux scripteurs d’améliorer leur texte, et notamment de l’ancrer plus profondément dans le genre de la science-fiction tout en veillant à une parfaite cohérence; les plans pragmatique et sémantique se superposent.

Les commentaires formulés à propos de la production de Samson/Rodrigue/Léo, en revanche, ne concernent que le plan sémantique. En effet, le lectorat semble satisfait de l’ambiance créée (catégorie 1)[33] et applaudit à l’inventivité des scripteurs (catégorie 2)[34] en invitant toutefois ces derniers à développer et à expliciter sémantiquement les néologismes employés qui, s’ils contribuent bien à travailler le plan pragmatique (inscription du texte dans le genre du roman d’anticipation), peuvent s’avérer obscurs et nuire à la lisibilité du texte sur le plan sémantique. Les commentateurs poussent alors les scripteurs à développer et à donner une image plus concrète de leurs néologismes (voir (9) et (10)) :

  • (9) Production de Samson/Rodrigue/Léo : 1re série de commentaires

    a. Cependant, il faudrait expliquer certains mots comme « bionique » ou encore « cyborg » et « Domirium ».

    Marisa et Lana

    b. il faudrait également expliquer certains mots comme « domirium » et « cyborg ».

    Marie
  • (10) Production de Samson/Rodrigue/Léo : 2e série de commentaires

    a. Pour que nous comprenions mieux l’histoire, vous auriez pu nous expliquer certains mots futuristes car nous avons du mal a comprendre quelques mots :
    - Qu’est ce que le mode suppraterrestre ?
    - Qu’est ce que le cyborg?
    - Qu’est ce que Domirium

    Richard et Miguel

    b. J’aime bien le fait que vous ayez inventer de nouveaux mots mais il faudrait nous les expliquer: « SUPRATERRESTRE », qu’est ce que c’est un voyage « spaciotemporèle » ?

    Marion

Les commentaires des deux séries se rejoignent, ce qui est un indice d’une mécompréhension entre lecteurs et scripteurs : ces derniers ne savent pas répondre aux attentes du lectorat. En effet, qu’entendent les commentateurs lorsqu’ils invitent unanimement à « expliquer » ? Il est possible que la triade ait senti une incompatibilité générique entre le roman d’anticipation et le recours à des rubriques explicatives. Leur tentative pour répondre à cette demande (par le biais d’appositions explicatives, voir (11)) n’ayant pas reçu l’aval du lectorat, les scripteurs renoncent à produire un troisième jet plus conforme aux attentes de ce même lectorat, sans doute parce qu’ils ne savent pas comment développer autrement que par une définition des notions comme supraterrestre et spatio-temporel.

  • (11) Les humains ne sont pas totalement organique, il sont transformer en cyborg des leurs arriver sur Domirium (version 1) → Les humains ne sont pas totalement organique, il sont transformer en cyborg mi homme mi robot, des leurs arriver sur Domirium la planete gazifier. (version 2)

Venons-en aux commentaires relevant de la catégorie 5 et à leur possible incidence sur les nouveaux jets. Ces commentaires ont généralement trait à la ponctuation (organisation phrastique), aux répétitions, aux fautes de frappe, plus rarement à l’orthographe. Les corrections, quant à elles, sont limitées à la résolution des fautes de frappe (lorsque celles-ci sont clairement relevées par les commentateurs) et à la limitation des répétitions, comme en attestent les deux productions suivantes :

  • (12)

    a. Lénina  rentra  dans la navette qui était grande avec un lit  cette navette était a la pointe de la nouvelle technologie. Elle prit sa pastille et s’endormie directement , la navette aérobus décola et c’était partie pour 5 siècle de trajet. La navette avait une commande automatique il n’y avait pas de pilote. 5 siècle après, une fois que la navette était arrivé a destination Lénina se réveillat  . (version 1) → Lénina  rentra  dans la navette qui était grande avec un lit  cette navette elle était a la pointe de la nouvelle technologie. Elle prit sa pastille et s’endormie directement , la navette aérobus décola et c’était partie pour 5 siècle de trajet. La navette Elle avait une commande automatique il n’y avait pas de pilote. 5 siècle après, une fois queelle la navette était arrivé a destination Lénina se réveillat  . (version 2)

    b. Dehors, une bulle en verre recouvrait en totalité le jardin qui servait à protéger de la pluie. Nus sous la bulle qui protéger de la pluie et qui produisait en plus de la chaleur…. (version 1) → Dehors, des centaines d’enfants « mécanisés » courraient sous cette bulle en verre qui recouvrait en totalité le jardin. Elle sortait uniquement en cas de pluie ou de raingéni, c’était un nouveau temps où des boules de feu miniatures à 20 degrés, aussi grosse qu’une goutte d’eau, tombées du ciel. Nus sous cette bulle qui les protéger de ces intempéries, elle produisait en plus de la chaleur… (version 2)

Les deux productions manifestent néanmoins des corrections plus ou moins heureuses : tandis que la production (12b) réussit à résorber les répétitions par l’insertion d’éléments permettant à la fois d’éloigner les occurrences des mêmes termes (plan morphosyntaxique) et de nourrir le texte sur le plan pragmatique (inscription dans le roman d’anticipation), la production (12a), en revanche, applique servilement la substitution pronominale au risque de nuire à la clarté référentielle du pronom « elle » (Lénina ? La navette ?). On constatera alors que si les commentaires afférents aux catégories 1, 2 et 3 sont souvent particulièrement pertinents, ceux relevant de la catégorie 5 sont à considérer avec prudence : il n’est pas impossible que les élèves conservent en tête les discours qui leur ont été professés durant toute leur scolarité concernant la répétition, phénomène stylistique dont il faudrait impérativement se garder (Elalouf, 2016, p. 5-7; Groupe EVA, 1991, p. 141-143; Tauveron, 2009).

Nous souhaiterions achever le propos à travers l’étude de deux productions manifestant un regard critique sur les commentaires formulés et triant les points qui paraissent les plus pertinents : celles de Thomas/Angelo, d’une part, et d’Aline/Estelle, de l’autre.

Ainsi, dans leur deuxième version, Thomas et Angelo tentent-ils de concilier deux commentaires contradictoires dans leur appréciation du texte et dans la faculté de ce dernier à s’inscrire dans le genre du roman d’anticipation :

  • (13) Commentaire sur la production de Thomas/Angelo – version 1 :

    a. Aussi, pour donner un aspect plus futuriste à l’histoire, vous pouvez  inventer des mots en nous expliquant ce qu’ils signifient.

    Richard et Miguel

    b. Votre texte ma projeter dans le futur.

    Rodrigue

Thomas et Angelo proposent alors un moyen terme : leur nouvelle production ne revient pas sur ce qui a été déjà écrit, mais offre une suite dans laquelle le binôme refuse de recourir à la suggestion de Richard et Miguel (emploi de néologismes) – pour éviter peut-être l’écueil rencontré par la triade Samson/Rodrigue/Léo (voir (9), (10) et (11)) –, mais décide d’utiliser un champ lexical permettant, à travers ce réseau de mots, de tisser un texte plus clairement futuriste :

  • (14) Production de Thomas/Angelo – version 2 (suite de la version 1) :

    Il y avait même des vaisseaux spatiaux pour transporter les malades de chez eux à l’hôpital en moins de dix minutes. Ils étaient équipés d’une technologie hors du commun. Ces engins pouvaient accueillir une centaine de personnes en comptant les infirmières et les chirurgiens qui étaient chargés de soulager les patients avant de rejoindre l’hôpital  avec des pilules très efficace qui les endormaient directement et qui ne leur permettaient de ne ressentir aucune douleur. Dans l’hôpital les chambres étaient luxueuse et les malades pouvaient appeler les infirmiers à l’aide d’une tablette directement connecté à l’accueil.

Aline et Estelle, pour leur part, sélectionnent, dans les commentaires de la catégorie 3, ceux qui leur paraissent les plus pertinents. Elles refusent ainsi systématiquement toutes les remarques relevant du plan sémantique (voir (15)). Il se peut effectivement qu’il y ait, dans ce cas-là, faux-sens sur le mot « expliquer », dont la polysémie entretient le malentendu : il ne s’agit pas tant de donner une définition des séquences incriminées que de proposer une nouvelle formulation, plus limpide pour le lecteur, ou encore de suggérer un développement permettant de s’imprégner sémantiquement de l’image :

  • (15)

    a. Je ne comprend pas la phrase « Ce qui leur a parues 1 petite seconde était en réalité 6 ans de leurs vies. » Vous pourriez peut être la modifié pour qu’elle soit un peu plus compréhensible.

    Richard

    b. C’est une très bonne idée d’inventé des mots mais il faudrait nous l’ai expliquer : « des HUMANOÏDES » ? « le centre de CRYOGENISATION » ?

    Marion

Aline et Estelle, en revanche, adhèrent volontiers aux suggestions les invitant à développer un « motif vraisemblabilisant » (Hamon, 1972) justifiant la présente narration et leur permettant ainsi de travailler la cohérence interne du texte (catégorie 2) par l’insertion d’appendices narratifs et descriptifs (plan pragmatique). Le tableau 4 met en avant les suggestions des commentateurs et les révisions effectuées par le binôme :

Tableau 4

Incidences des remarques de catégorie 3 (plan pragmatique) sur les ajouts effectués par Aline et Estelle

Incidences des remarques de catégorie 3 (plan pragmatique) sur les ajouts effectués par Aline et Estelle

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Les commentaires des pairs ont ainsi invité Aline et Estelle à développer leur texte. Elles ont alors ajouté trois types de contenu : la description du cadre spatio-temporel, un motif vraisemblabilisant justifiant la présente fanfiction, et les événements auxquels sont confrontés les personnages.

4. Quelques conclusions

L’écriture commentative se met-elle au service de l’écriture littéraire ? À l’issue de cette étude, il semble que la réponse à apporter puisse être positive. En effet, le dispositif numérique du forum, dévolu aux commentaires métatextuels des élèves sur les productions de leurs pairs, présente un intérêt manifeste, tant dans le développement de compétences d’écriture que de lecture. Du côté de la réception apparaît un véritable effort pour comprendre la cohérence et pour rechercher les intentions d’auteur : s’il y a un défaut d’intentions ou une suspicion d’une rédaction non réfléchie, le critique est là pour rappeler que, dans tout écrit, chaque phrase doit être mûrement pensée. Les élèves, apprentis critiques, sont également sensibles à la corrélation entre fond, forme et effet : la sélection de mots et de tournures, mais également le développement d’un passage descriptif non prévu permettent de créer une atmosphère susceptible de relever d’un registre particulier tendant, en dernier ressort, à créer un effet. Du côté de l’écrivain, on repère un souci de se conformer aux attentes du lecteur et de ne pas décevoir les attentes de ce dernier.

Au terme de cette étude semble apparaître l’idée qu’il y a bien réciprocité dans les apports du dispositif numérique ici choisi : le binôme-écrivain adhère volontiers aux remarques de ses pairs, mais cherche toujours à les intégrer de manière intelligente; le texte se nourrit alors des remarques de l’autre et devient, en ce sens, coopératif. Le critique, pour sa part, devient un lecteur réfléchi et attentif qui paraît traquer les intentions et se montre soucieux de s’immerger dans l’univers créé par ses camarades. Alors que la description est souvent décriée par les jeunes lecteurs et sentie comme moins attrayante que les parties dialoguées, il est notoire ici que les critiques déplorent le manque de précisions et de descriptions, indice que les élèves ont parfaitement intégré l’une des fonctions herméneutiques de la description : « nécessaire[ment] motiv[ée] », elle permet « d’éclairer non seulement l’énoncé (de faciliter la compréhension de la narration), mais même d’aider le lecteur à déchiffrer l’énonciation et le code (le discours narratif lui-même) » (Galand-Hallyn, 1994, p. 18-19). Les élèves semblent donc particulièrement sensibles à la visée pragmatique des textes produits (Groupe EVA, 1991) et veillent attentivement à ce que cette dernière soit strictement respectée. De la même façon, les scripteurs retiennent majoritairement les remarques les invitant à retravailler ce plan. Ce souci est la preuve tangible que les élèves – (re)lecteurs et scripteurs – se sont parfaitement imprégnés des codes littéraires du texte source.

Deux points demeurent néanmoins problématiques. Le premier concerne le plan sémantique, lorsque celui-ci semble faire courir un risque à « la lecture immersive » (Saemmer et Tréhondart, 2014, p. 115) et tout semble alors se cristalliser autour d’un faux-sens sur le mot « expliquer », figurant à de multiples reprises dans les commentaires. Les scripteurs ont alors l’impression d’une incompatibilité entre leur fiction – qui implique une « lecture immersive » – et les pauses informatives qu’introduiraient ces rubriques explicatives. Il nous semble ici qu’un travail sur les textes étiologiques et le caractère motivé du langage permettrait aux élèves de réconcilier néologismes, motivation sémantique/pertinence onomastique et univers fictionnel et rejoindrait ainsi la question des intentions d’auteur. Le second point concerne le niveau morphosyntaxique (notre catégorie 5). Les élèves « évaluateurs » adoptent, grossièrement, trois postures : soit ils proposent des prescriptions très générales, toujours énoncées sur le mode injonctif – imprécision et injonction des remarques contribuant à laisser les scripteurs démunis –, soit ils se focalisent sur des points très ciblés, issus du formatage subi pendant leur scolarité (voir la question de la répétition), le risque étant alors grand de voir les scripteurs appliquer servilement les remarques sans donner de plus-value au texte; soit, enfin, les élèves « évaluateurs » ignorent les points de langue à revoir. Cette ultime posture offre alors de vastes perspectives de recherche aux didacticiens[35].