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UNE POPULATION VIEILLISSANTE

Le vieillissement de la population, phénomène sans précédent, va s’accroître au cours des prochaines décennies au Québec. Le vieillissement démographique se fait rapidement, dû en partie à la forte dénatalité qui a suivi le baby-boom et aussi à la hausse de l’espérance de vie (ministère de la Famille, 2018). Ainsi, en 2017, au Québec, près d’une personne sur 5 (19 %) appartenait au groupe des 65 ans et plus. Selon les projections officielles, le quart des Québécois en 2031, et près du tiers en 2061 appartiendront à ce même groupe.

Le vieillissement est un phénomène universel, auquel personne n’échappe, mais les trajectoires de vieillissement sont différentes pour chacun. Elles dépendent bien sûr des vulnérabilités et forces de l’individu, mais sont aussi fortement influencées par l’interaction avec les proches et la société (Hsu et Jones, 2012).

L’ampleur des problèmes de santé mentale chez les patients âgés est maintenant bien documentée. Selon l’Institut de la statistique du Québec, 15,7 % des personnes de 65 ans et plus rapportent un niveau élevé de détresse psychologique et 10 % d’entre elles rapportent vivre des journées assez ou extrêmement stressantes (Baraldi et coll., 2015). La même source indique qu’environ 1,3 % des 65 ans et plus auraient eu des idées suicidaires dans les 12 derniers mois. Bien que ces chiffres soient plus faibles que dans d’autres groupes d’âge, la situation demeure alarmante, car le taux de suicide accompli est plus grand chez les personnes âgées, en particulier chez les hommes très âgés (Levesque et coll., 2019). Il est probable que les chiffres sous-estiment la problématique de la maladie mentale et de la détresse psychologique chez les personnes âgées, entre autres, parce que celles-ci consultent moins et expriment différemment les symptômes qui permettent de détecter les troubles mentaux et de les traiter (Allan et coll., 2014). La Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées, quant à elle, statue sur le fait que la dépression majeure représente le problème de santé mentale le plus prévalent chez les personnes âgées et qu’elle ne devait pas être considérée comme un phénomène normal du vieillissement, mais bien comme une maladie traitable (Hogan et McCabe, 2006).

LE SERVICE DE GÉRONTOPSYCHIATRIE DE L’HÔPITAL EN SANTÉ MENTALE ALBERT-PRÉVOST

Dans l’optique d’offrir des soins adaptés et spécifiques à cette population vieillissante, dès 1978, une première clinique de psychiatrie gériatrique est inaugurée au sein du Département de psychiatrie du Pavillon Albert-Prévost. Elle est alors sous la responsabilité du docteur Bernard Gauthier, et ce, pendant 4 ans. Il aura été, dans ce domaine, un collègue visionnaire et précurseur. Il faudra cependant attendre 1986 pour que la Clinique de psychogériatrie ambulatoire puisse voir le jour. En 1995, sous le leadership dynamique du docteur Georges Aird, la Clinique est devenue le « Service de gérontopsychiatrie ». Il a pu offrir une gamme complète de services auprès des personnes âgées du territoire : hospitalisation, suivi en externe, évaluations de 3e ligne auprès des psychiatres et gériatres du secteur, évaluations dans les ressources intermédiaires et centres hospitaliers de soins de longue durée, hospitalisation à domicile, psychiatres répondants auprès d’équipes de première ligne, etc.

La gérontopsychiatrie est promue officiellement surspécialité officielle par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada en 2009. À l’Hôpital en santé mentale Albert-Prévost (HSMAP), les gérontopsychiatres participent depuis longtemps à la formation des externes, résidents en psychiatrie et futurs gérontopsychiatres, en plus d’accueillir de nombreux stagiaires en nursing, travail social, neuropsychologie, etc. L’interdisciplinarité est au coeur de la démarche et permet de soutenir de façon efficace patients, aidants, collègues professionnels et médecins de la communauté sur le chemin du rétablissement et de la réadaptation des patients âgés. La clientèle cumule souvent une triple vulnérabilité : troubles cognitifs, incapacités physiques et maladie psychiatrique chronique ou de novo. Les besoins sont donc multiples, complexes et s’inscrivent dans un contexte unique qui est celui du vieillissement de la clientèle.

LES ENJEUX PSYCHOLOGIQUES LIÉS AU VIEILLISSEMENT

Quels sont donc ces enjeux si spécifiques liés au fait de prendre de l’âge ? Erik Erikson a bien décrit, dans sa théorie du développement psychosocial, que le développement psychologique de l’humain se poursuit tout au long de sa vie, jusqu’à un âge avancé (Erikson, 1994). À chaque stade de développement, l’individu fait face à une crise pendant laquelle des forces opposées s’affrontent. La résolution positive de la crise permet d’une part de développer une force fondamentale et spécifique à chaque stade qui contribue au développement d’une identité harmonieuse et, d’autre part, d’être mieux outillé pour affronter les défis du stade suivant. La théorie initiale a été construite autour de 8 stades dont le dernier spécifiquement visait le vieil âge. Il s’agit du stade « intégrité versus désespoir et dégoût » ; la résolution positive de ce conflit permettant de développer la sagesse.

En approchant la 9e décennie, Erik Erikson et sa conjointe, Joan M. Erikson, font une expérience différente de la vieillesse.

At ninety we woke up in foreign territory… we soon began to face unavoidable-and certainly not amusing-realities… At ninety the vistas changed ; the view ahead became limited and unclear. Death’s door… now seemed just down the block.

Erikson et Erikson, 1998

C’est ainsi qu’après le décès de son mari, Joan M. Erikson termine le travail amorcé par celui-ci. Dans le livre The life cycle completed, elle cherche à définir les vertus d’intégrité et de sagesse en termes plus concrets et plus opérationnels (Erikson et Erikson, 1998). Elle revisite le 8e stade et en développe un 9e. Elle situe ce 9e stade vers les 80-90 ans, et mentionne qu’il s’agit d’un changement volontaire et choisi de perspective. L’adulte très âgé revisite alors chacun des stades précédents, et si ce 9e stade est résolu positivement, il mène à la « gérontranscendance ». Le concept de gérotranscendance, d’abord décrit par Lars Tornstam, peut être défini comme « un changement de métaperspective, d’une vision moins matérialiste et rationnelle à une vision plus cosmique et transcendantale, suivi par une augmentation de la satisfaction face à la vie » (Tornstam, 2005). Ainsi, l’âge avancé pourrait être un moment propice pour s’ouvrir à une nouvelle expérience et vivre selon un cadre de référence différent, davantage axé sur le bien-être.

La vieillesse s’illustre par le cumul des pertes dans différents registres (Caradec, 2008 ; Cyrulnik et coll., 2014 ; Ribes, 2006). Ainsi, les pertes affectives (par exemple perte d’un conjoint, d’un enfant ou d’un animal) sont souvent centrales. Les pertes se manifestent aussi au niveau physique alors que les diminutions sensorielles, les restrictions de la mobilité et les difficultés cognitives diminuent l’autonomie et augmentent la dépendance. La maladie peut confronter l’individu vieillissant à une diminution des capacités de réparation et devenir un rappel de la mort inéluctable qui se rapproche. La perte de soi correspond selon Le Gouès, psychiquement, à cette mise en perspective de la mort où l’individu réalise pleinement son statut de mortel et doit alors s’engager dans le travail du deuil de soi (Le Gouès, 2000). Kagan et Pellerin évoquent la spécificité de ces pertes lors du grand âge : leur multiplicité et leur répétitivité entraînant un travail de deuil permanent des pertes sur fond de deuil de soi et de mise à mal de l’identité menacée par la baisse de l’estime de soi (Cyrulnik et coll., 2014).

Vincent Caradec a quant à lui élaboré le concept de « déprise », qui décrit un processus actif de réorganisation des activités qui se produit au cours de l’avancée en âge, alors que les contraintes se multiplient (problèmes de santé, amoindrissement de l’énergie vitale, raréfaction des opportunités d’engagement, transformation des interactions avec autrui et conscience de sa finitude) (Caradec, 2008). Ce processus peut mettre en jeu 3 types de stratégies de reconversion par rapport aux activités : l’adaptation, l’abandon ou le réinvestissement. Cette trajectoire individuelle par rapport au vieillissement est nécessairement en lien avec l’état de santé est aussi fonction du contexte social qui favorise ou pas les opportunités d’engagement et de reconversion.

De plus, le fait de vieillir peut devenir pour certains individus confrontés à un cumul de pertes ou une chronicisation des deuils, une certaine forme de traumatisme. Certains auteurs distinguent les notions d’ajustement (coping) et de résilience lors du vieillissement (Cyrulnik et coll., 2014 ; Ribes, 2006). En effet, l’ajustement peut s’apparenter au concept de bien vieillir alors que la résilience survient lorsque cette adaptation n’est plus possible. Ainsi, la résilience ne peut se concevoir sans exposition à un trauma. Le traumatisme se définit selon Ribes par 3 caractéristiques : la sidération de la pensée confrontée à l’innommable, l’effraction de son intimité psychique et parfois physique aussi, et la rupture du lien social (Ribes, 2006). Selon Kagan et Pellerin, la résilience, si elle est bien documentée dans les situations dramatiques, peut aussi s’inscrire dans les situations d’adversité chronique auxquelles les personnes vieillissantes ne peuvent échapper (Cyrulnik et coll., 2014). Ces dernières doivent en effet à la fois s’adapter aux différentes pertes, dont la perte de soi, tout en investissant psychiquement cette fin de vie encore présente. L’intégrité psychique est menacée par cette injonction paradoxale. Delage évoque dès lors l’idée d’un « déclin résilient », soit la possibilité pour la personne âgée de développer de nouveaux potentiels malgré l’échéance à court terme de la mort (Cyrulnik et coll., 2014). Dans le même ouvrage, Gaucher et Ribes introduisent l’idée d’une approche psychodynamique en appui aux ressources internes (talents, créativité, compétences) du sujet âgé (Cyrulnik et coll., 2014). Plutôt que la métaphore associant la vieillesse à un naufrage, ils suggèrent de substituer la vision d’un rebond psychologique.

Boris Cyrulnik décrit la résilience comme la « capacité à réussir, à vivre, à se développer en dépit de l’adversité » et explique que lors du vieillissement « cette résilience doit être considérée comme un réaménagement du monde mental altéré par les pertes » (Cyrulnik et coll., 2014). L’affect et le sens demeurent essentiels dans le processus de résilience, puisque le sujet âgé, en s’appuyant sur ses capacités de mentalisation et de verbalisation, va permettre de reconfigurer l’affect en donnant « sens » à l’événement. Selon Cyrulnik, ce processus ne peut réussir que si partagé avec un interlocuteur. L’activité narrative devient réparatrice lorsque le souvenir est partagé avec les figures d’attachement et que la dimension relationnelle, lorsque préservée, apparaît comme un facteur de résilience des plus importants. La religion, toujours selon Cyrulnik, devient un facteur de résilience en permettant de donner sens à la souffrance et en apportant du soutien par des rencontres et des rituels, favorisant ainsi un sentiment d’appartenance. Ribes décrit d’autres facteurs de résilience (Ribes, 2006). Parmi ceux-ci, notons les mécanismes de défense matures décrits par Vaillant (1985) : l’humour, la sublimation, la répression, l’altruisme et l’anticipation. Ils favorisent la socialisation et améliorent l’estime de soi. Le tuteur de résilience, de par sa présence, détermine un lieu de rencontre où échanges, élaboration psychique, créativité et mécanismes d’attachement peuvent se réactiver grâce au désir d’entendre et au rôle de facilitateur de l’apaisement des angoisses et peurs de la personne âgée (Gaucher et Ribes, 2014).

LA PSYCHIATRIE POSITIVE COMME PISTE DE SOLUTION

Face aux enjeux multiples du vieillissement décrits ci-haut et dans un contexte de rareté des ressources, la nécessité d’élaborer un projet thérapeutique pour bonifier l’offre de service et favoriser la résilience des patients âgés à l’HSMAP s’est rapidement imposée. C’est en recherchant une approche thérapeutique souple et compatible avec la pratique de la psychiatrie en milieu hospitalier que, dès 2017, notre réflexion s’est attardée aux enseignements de la psychologie positive et de la psychiatrie positive. Au-delà de la vision pessimiste et mortifère du vieillissement, ces approches ont semblé porteuses d’espoir à 2 niveaux. D’une part, en aidant à moduler l’appréciation et le regard du clinicien au sujet du vieillissement, afin de devenir de meilleurs tuteurs de résilience. D’autre part, cette approche clinique simple, joyeuse, efficiente et pratique permet de renoncer au sentiment d’impuissance qui étreint si rapidement lorsque nous évoquons le vieillissement traumatique des patients et lorsque nous nous surprenons à imaginer le nôtre. Sur le chemin de la résilience, il nous a semblé que nous venions de trouver le véhicule pour devenir de meilleurs thérapeutes et pour faire avancer nos patients du même coup.

La psychiatrie positive est « la science et la pratique d’une psychiatrie qui cherche à comprendre et à promouvoir le bien-être via l’évaluation et la prescription d’interventions qui augmentent les facteurs psychosociaux positifs chez des individus qui ont un trouble de santé mentale, ou qui sont à risque d’en développer un » (Palmer, 2015). Elle se distingue du modèle « médical » de la psychiatrie, dans lequel la cible est habituellement uniquement le traitement des symptômes, plutôt que la promotion du bien-être, et où la prévention est trop souvent oubliée. Il ne s’agit toutefois pas d’une approche opposée à la psychiatrie dite « traditionnelle », mais bien d’une approche complémentaire. Ainsi, les traitements usuels, pharmacologiques ou non, des pathologies psychiatriques demeurent bien évidemment utilisés, mais seront bonifiés par cette approche. Ceci a pour objectif premier de permettre aux individus de tendre vers un meilleur état de santé globale, la santé étant « un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consistant pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (World Health Organization, 1997).

Parmi les psychiatres qui se sont intéressés à cette approche, le plus influent aura probablement été Dr Dilip V. Jeste, neuropsychiatre gériatrique (Jeste et coll., 2015). Il s’est lui-même inspiré des connaissances acquises dans le domaine de la psychologie positive, qui est en pleine effervescence depuis la fin des années 90. La psychologie positive est la science « qui étudie les conditions et les processus qui permettent aux individus, aux communautés et aux institutions de s’épanouir » (Gable et Haidt, 2005). Son fondateur est Martin Seligman, psychologue et ancien président de l’American Psychological Association (APA). Dès la fin des années 90, il a permis la mise place d’infrastructures et de financement spécifiquement pour la recherche en psychologie positive (Fowler et coll., 1999). Depuis ce temps, les écrits sur le sujet se sont multipliés et la psychologie positive est devenue un domaine de recherche et de pratique prenant de plus en plus d’ampleur, et ce, mondialement.

Parmi les concepts fondamentaux en psychologie positive, il y a d’abord l’hypothèse que tous les individus ont un désir et une capacité innés de bien-être et de croissance personnelle (Rashid et Seligman, 2018). La psychopathologie survient lorsque ces capacités sont contrecarrées par une détresse psychologique prolongée. De plus, en psychologie positive, les émotions positives et les forces de l’individu sont considérées comme aussi authentiques et au moins aussi importantes que les émotions négatives, les symptômes et les « faiblesses » de la personne. La relation thérapeutique est au coeur de la pratique d’une psychologie positive. Cette relation peut être construite à l’aide de l’exploration et de l’analyse des caractéristiques positives personnelles, et en sera d’autant plus solide.

En plus de ces principes de bases, 2 théories ont été développées et font partie intégrante des approches thérapeutiques en psychologie et psychiatrie positives : la théorie du bien-être PERMA (Seligman, 2012) et la théorie des forces de caractère (Peterson et Seligman, 2004). En voici les grandes lignes.

Selon la théorie PERMA, l’objet de la psychologie positive devrait être le bien-être. Alors que le bonheur serait défini essentiellement par la satisfaction face à la vie, le bien-être, quant à lui, est un concept plus large qui peut se définir selon 5 composantes. Ces composantes sont mesurables et un individu a le pouvoir de travailler sur chacune d’entre elles afin de s’épanouir. Ces 5 composantes forment, en anglais, l’acronyme PERMA (Seligman, 2012).

Des études ont démontré que l’accomplissement dans certaines dimensions du PERMA est associé à de plus faibles taux de dépression et un plus grand degré de satisfaction dans la vie (Rashid et Seligman, 2018). En tant que clinicien, il est possible de proposer des interventions qui cibleront l’une ou l’autre de ces composantes, avec comme objectif d’augmenter le bien-être à long terme.

Selon la théorie des forces de caractère (Peterson et Seligman, 2004), les forces d’un individu devraient être explorées de manière systématique. Les forces de caractère sont définies comme des traits positifs, universellement valorisés, à travers toutes les cultures et les différentes époques. Elles sont à distinguer du talent, qui est qualité innée, fixe et utilisée de manière automatique. Il est possible de bâtir et de nourrir nos forces, en plus de les utiliser délibérément. Seligman et Peterson ont décrit 24 forces de caractère qu’ils ont regroupées sous 6 vertus :

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Dans une approche axée sur la psychologie positive, les forces et les émotions positives sont considérées comme étant aussi importantes et authentiques que les déficits ou les symptômes. Tout au long du suivi, le clinicien cherche alors activement à identifier les forces du patient, dans l’optique d’adapter les interventions et le traitement proposé. Ceci ne doit pas être fait au détriment de l’attention portée aux symptômes qui eux aussi doivent être explorés et abordés, mais permettra de voir la situation sous un autre angle.

Des interventions en psychologie positive ont été démontrées efficaces pour augmenter le bien-être, à la fois chez une population saine et clinique (p. ex. des personnes souffrant de troubles dépressifs, troubles anxieux, de psychose, etc.) (Bolier et coll., 2013 ; Chakhssi et coll., 2018 ; Sin et Lyubomirsky, 2009), et ce, avec une taille d’effet de légère à modérée. Différents facteurs pourraient venir moduler l’efficacité des interventions de psychologie positive. Celles-ci seraient plus efficaces si utilisées sur une plus longue période, en présentiel et chez des patients initialement motivés et intéressés par cette approche (Sin et Lyubomirsky, 2009).

Quelques études ont également démontré les bénéfices d’interventions de psychologie positive spécifiquement dans la population âgée (Friedman et coll., 2017 ; Greenawalt et coll., 2019 ; Ho et coll., 2014 ; Proyer et coll., 2014 ; Ramírez et coll., 2014). Les résultats de ces travaux sont intéressants et prometteurs, mais comme il s’agit d’un domaine de recherche relativement récent, il faudra davantage d’études avec une méthodologie robuste (Stoner, 2019) afin d’en mesurer les réels bénéfices.

LA PSYCHIATRIE POSITIVE À L’HSMAP

Il nous semblait évident que les personnes qui se présentaient à nous pour recevoir de l’aide, devant souvent faire face à plusieurs pertes, pourraient bénéficier de cette philosophie de soins. Le traitement devant bien évidemment être individualisé, nous avons réalisé que selon la problématique, divers niveaux d’interventions pourraient être appliqués.

1. Orientation générale : D’abord, afin d’avoir une « orientation générale » basée sur les concepts fondamentaux de la psychologie positive, il faut s’intéresser à la personne dans son ensemble et ne pas concentrer le questionnaire uniquement sur la recherche de symptômes et de déficits. La prévention est également au coeur des concepts de la psychologie positive, et les aspects préventifs feront ainsi partie d’une approche générale positive. De plus, à ce stade, il sera possible d’intégrer dans le plan de traitement des interventions simples pour améliorer le bien-être. Parmi celles démontrées comme efficaces, notons l’activité physique, la méditation pleine conscience, le yoga, etc.

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2. Psychoéducation : Ensuite, alors que la psychoéducation sur la psychopathologie fait fréquemment partie intégrante d’un plan de traitement en santé mentale, nous croyons qu’il est aussi bénéfique d’inclure de la psychoéducation au sujet des éléments ayant été démontrés comme contribuant au bien-être, et au sujet des différentes manières de les appliquer.

3. Interventions de psychologie positive : Le niveau suivant d’intervention concerne la prescription d’interventions de psychologie positive (IPP). Une IPP est simplement une intervention qui cible spécifiquement le bien-être, les émotions et les cognitions positives. Traditionnellement, la majorité des interventions prescrites en psychiatrie étaient destinées à cibler les symptômes, et non à promouvoir le bien-être. De très nombreuses interventions de psychologie positive ont été décrites (Parks et Schueller, 2014). Par exemple, le journal de gratitude est une intervention ayant démontré une bonne efficacité et étant fréquemment utilisée. Il est demandé d’écrire, avant d’aller au lit, 3 choses s’étant produites dans la journée pour lesquelles il est possible d’être reconnaissant. Les IPP sont des interventions habituellement faciles à effectuer. Ceci les rend attrayantes et agréables à effectuer, ce qui contribuera à avoir un effet « autorenforçateur » chez la personne qui les pratique.

4. Bibliothérapie : Puisque plusieurs livres de psychologie positive sont disponibles pour le grand public, de telles lectures peuvent aussi être intégrées dans le plan de traitement.

Quelques exemples de lectures à suggérer :

5. Psychothérapie positive : Il est aussi possible d’intégrer des interventions de psychologie positive à d’autres types de thérapie (la thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie psychodynamique brève ou la thérapie de résolution de problèmes, par exemple). Certains auteurs ont également proposé d’offrir une psychothérapie complètement basée sur des interventions de psychologie positive. Tayyab Rashid et Martin Seligman proposent une approche manualisée de la psychothérapie positive dans Positive Psychotherapy : Clinician Manual (Rashid et Seligman, 2018). Ils présentent ici une intervention en 15 séances, mais soulignent l’importance d’adapter chaque traitement individuellement et de tenir compte des aspects culturels en jeu.

En 2019, nous avons offert à la clinique externe de gérontopsychiatrie de l’HSMAP un groupe de psychothérapie positive, sur 6 séances, à des personnes âgées souffrant de symptômes anxio-dépressifs. Notre objectif est et de documenter de manière plus rigoureuse, grâce à des protocoles de recherche, l’efficacité de cette approche thérapeutique chez notre clientèle et de la rendre plus accessible.

Nous souhaitons ainsi poursuivre, à l’HSMAP, la mise en place de différents paliers d’interventions qui pouvaient être intégrés aisément à l’évaluation et au plan de traitement des patients, dans l’optique de créer des conditions favorables au traitement de la psychopathologie, bien sûr, mais également au développement des facteurs qui favorisent le bien-être, l’épanouissement et la résilience.