Corps de l’article

Peut-être est-il bon que nous gardions quelques songes vers une maison que nous habiterons plus tard, toujours plus tard, si tard que nous n’aurons pas le temps de la réaliser. […] Mieux vaut vivre dans le provisoire que dans le définitif. 

Bachelard 1961 [1957] : 87

Dans le sud du Mozambique, bâtir et habiter sont, tel que l’énonçait Martin Heidegger (1971), intimement liés. À une époque où l’Afrique subsaharienne est en proie à une urbanisation galopante, la lutte pour le logement fait partie du quotidien d’un nombre croissant d’individus (Lufumpa et Yepes 2017). On note aussi que l’exode rural coïncide avec une « faubourgisation[1] » de la ville qui croît également, du centre vers la périphérie (Potts 2010 ; Jenkins 2013). Au Mozambique, en particulier, diverses zones périurbaines qui étaient, jusqu’à récemment, faiblement peuplées sont en pleine métamorphose. Là où on pratique l’autoconstruction (Nielsen 2011 ; Jiménez 2017), ce ne sont pas des grues, symbole classique d’essor économique, mais bien des piles de blocs de béton — de parpaings — qui dominent le paysage périurbain. Fabriqués sur place de manière artisanale, ces blocs de béton, qu’on utilise ensuite pour construire murs et fondations, constituent un incontournable de tout projet de construction. Leur importance, tant matérielle que symbolique, est telle qu’ils ont même inspiré blagues et chansons populaires comme celle du rappeur mozambicain Dj Ardiles intitulée « Une bière, un bloc » qui, sur un rythme envoûtant, rappelle aux jeunes que chaque fois qu’ils consomment une bière, ils pourraient plutôt être en train de faire un bloc (Archambault 2018).

Les Mozambicains ont longtemps reconnu le potentiel politique et affectif du béton. Sous la domination portugaise, les divisions socioéconomiques en milieu urbain furent matériellement et symboliquement marquées par le type de matériel de construction prédominant. Le centre-ville, où se trouvait l’Administration coloniale et où habitaient aussi les colons portugais et quelques Africains assimilés (assimilados, en portugais), se nommait « ville de ciment » (« cidade de cimento ») ; celle-ci fut construite en opposition à la « ville de roseaux » (« cidade de caniço ») où logeait la majorité de la population africaine (Morton 2019). Ce n’est cependant que récemment que le béton et, plus précisément, le ciment — composante principale du béton — sont devenus relativement accessibles. L’Afrique est d’ailleurs le continent qui connaît actuellement la plus forte hausse de consommation de ciment (Archambault 2018). Cette accessibilité accrue coïncide avec d’importants changements démographiques et socioéconomiques en cours dans la région.

Lors de la guerre civile (1977-1992) qui éclata peu de temps après l’accession du pays à l’indépendance, à la suite de l’adoption du socialisme, et qui paralysa le Mozambique pendant plus de quinze ans (Bertelsen 2016), un grand nombre de familles vivant en zones rurales trouvèrent refuge en milieu urbain. On estime que plus de cinq millions de personnes, soit plus du quart de la population à l’époque, ont été déplacées pendant la guerre (Myers 1994 : 605). La plupart des villes virent donc leur population doubler, voire même tripler, en très peu de temps (Chingono 1996). Après la résolution du conflit en 1992, certains réfugiés retournèrent vivre sur leur terre d’origine, mais plusieurs optèrent pour demeurer en ville, ayant développé de nouveaux réseaux urbains et désirant aussi envoyer leurs enfants à l’école. Vingt-cinq ans après la fin de la guerre, ces enfants sont désormais de jeunes adultes ayant été nourris par l’enthousiasme post-socialisme, post-guerre civile.

Depuis plusieurs années, je m’intéresse aux rêves et ambitions de ces jeunes adultes, et j’accompagne certains d’entre eux qui vivent à Inhambane, une ville du sud du pays, dans leurs efforts pour devenir de jeunes adultes indépendants et respectés par leur communauté (Archambault 2017). Centrale à cette quête est la construction d’une maison propre où fonder une famille. Il s’agit, en effet, d’une préoccupation prédominante dans la région et d’un des plus importants indicateurs de maturité sociale (Weiss 2009 ; Sommers 2012). En effet, dans cette région du Mozambique, les jeunes rêvent de bâtir leur propre maison (plutôt que de louer, d’acheter, voire même d’hériter d’un logement), si bien que le projet de construction lui-même devient un élément fondamental pour la réalisation de soi. Jusqu’à tout récemment, cette aspiration demeurait, pour la plupart, irréalisable en raison, entre autres, du haut taux de chômage, et les récits de mes jeunes interlocuteurs relataient un désenchantement profond. Cependant, il y a quelques années, plusieurs jeunes adultes du quartier de la ville d’Inhambane où je mène des études ethnographiques depuis 2006 ont réussi à trouver un emploi et se sont mis, assez soudainement, à acheter du ciment et à fabriquer des blocs de béton dans l’espoir de construire une maison. Plusieurs ont d’ailleurs quitté les quartiers surpeuplés de la ville qui avaient accueilli les réfugiés pendant la guerre pour aller vivre dans les nouvelles banlieues où ont fusionné modes de vie urbains et ruraux. Ayant suivi les projets de construction de ces jeunes, j’en suis venue à comprendre que leurs aspirations étaient façonnées par une relation quotidienne avec différents matériaux de construction, notamment avec les blocs de béton qu’ils fabriquent artisanalement, petit à petit, et qu’ils empilent en attendant d’en avoir un nombre suffisant (Archambault 2018).

Fig. 1

Une zone périurbaine en plein essor, Inhambane

Une zone périurbaine en plein essor, Inhambane
Source : Julie Soleil Archambault (2017).

-> Voir la liste des figures

La plupart ont grandi, et continuent de vivre, dans des maisons dites précaires (casas precárias) faites de matériaux organiques locaux, principalement de roseaux. Si ces maisons sont décrites comme étant précaires, c’est non seulement parce qu’elles sont faites de matériaux qui ont une durée de vie limitée (et qui résistent mal aux intempéries), mais aussi parce qu’elles sont conçues comme des maisons temporaires que les gens construisent en attendant d’avoir les ressources nécessaires pour bâtir des habitations plus durables en béton. Tous souhaitent un jour construire une « maison de rêve » (« casa dos sonhos ») et plusieurs vivent, en d’autres termes, « dans le provisoire » (Bachelard 1961 [1957] : 87). Depuis quelques années, de plus en plus de jeunes réussissent toutefois à construire de petites maisons en béton, à défaut de leur maison de rêve. Les fonctionnaires qui ont accès au crédit parviennent à accélérer considérablement la construction. Pour la plupart, toutefois, l’accumulation du matériel de construction se fait petit à petit, au rythme mensuel du salaire (Archambault 2014).

Cette note de recherche se penche sur les expériences sensorielles liées à l’odorat, à l’ouïe, à la vue, au toucher et peut-être même au goût de ces jeunes Mozambicains tandis qu’ils négocient la relation entre bâtir et habiter. J’estime que ces expériences sont intéressantes en soi ainsi que pour ce qu’elles révèlent de la relation entre le monde matériel, les subjectivités et le panorama sociohistorique. Dans ce projet de recherche qui constituera la base d’un livre provisoirement intitulé A Concrete Future: Making Progress in a Mozambican Suburb, j’appréhende, à travers le prisme du ciment, les transformations socioéconomiques en cours dans un continent contentieusement décrit comme étant en plein essor (« Africa Rising » 2011) et les impacts de ce genre de discours sur la vie de tous les jours des Mozambicains.

Il va sans dire que le type de maison constitue un important marqueur de statut social. Les plus démunis vivent généralement dans des maisons précaires — les maisons de chaume sont en effet considérées comme inférieures à celles de roseaux — et seuls les plus nantis ont le privilège de vivre dans des maisons de béton[2]. Ces clivages socioéconomiques dont les racines historiques remontent à la période coloniale ont, par ailleurs, été redéfinis, voire même cristallisés, par un passé postcolonial des plus tumultueux. Cela dit, la maison dans laquelle on naît, grandit et vit au quotidien participe aussi à modeler la subjectivité (voir Bachelard 1961 [1957] et, plus récemment, Allerton 2013). Depuis le « tournant » matériel en anthropologie, on reconnaît que le matériel mérite d’être considéré non seulement en matière de représentation de certaines constructions sociales tel le statut social, mais aussi comme participant lui-même à la production de ces constructions sociales. Mes interlocuteurs mozambicains partagent, eux aussi, cette vision des choses et considèrent notamment que la relation entre la maison et ses habitants est loin d’être unidirectionnelle. Selon eux, la maison est bel et bien symbole de statut social, mais la maison exerce aussi une influence sur ceux qui y habitent.

Dans la lignée croissante des anthropologues qui ont tenté de concevoir les relations entre humains et objets en termes d’ontologies relationnelles (Henare et al. 2007 ; Miller 2010), certaines contributions récentes à l’anthropologie de la maison se sont similairement penchées sur ce genre de « relationalité » (Navaro-Yashin 2012 ; Allerton 2013). Par exemple, dans son ethnographie sur le processus de « place making » en pays manggarai en Indonésie, Catherine Allerton (2013) offre une analyse sophistiquée qui s’inscrit dans une perspective d’ontologies relationnelles selon laquelle l’environnement, le landscape, dans lequel les Manggarai évoluent est, d’une part, investi de pouvoirs spirituels particuliers et, d’autre part, reconnu comme transformant, de par ses caractéristiques matérielles, les subjectivités et la vie quotidienne. Allerton (2013 : 72) remet en question la primauté des relations sociales, refusant, plus spécifiquement, de réduire la maison à une représentation des relations de parenté (contre Bourdieu 1992 [1970] ou Bloch 1995). En effet, si la maison mérite d’être considérée, selon la perspective classique de l’anthropologie symbolique, comme étant « plus qu’une structure physique » (Carsten et Hugh-Jones 1995), on la reconnaît désormais comme étant aussi, et avant tout, un artefact conçu relationnellement. Je m’inspire également des travaux de Yael Navaro-Yashin (2012) en Chypre du Nord à la suite de la séparation de 1974 et de son refus de remplacer une perspective représentationnelle par une perspective néo-matérialiste, préconisant plutôt une approche qui considère ces deux angles en dialogue. J’ai aussi recours à la notion de « dwelling » (« habiter ») de Tim Ingold (2000) qui, dans la lignée de Heidegger, érode la dichotomie classique entre nature et culture en situant l’humain dans la nature plutôt qu’à l’extérieur de celle-ci. Cette perspective me permet de saisir la relation de mutualité entre la maison et l’individu, que celui-ci rêve de la bâtir, qu’il soit en pleine période de construction ou qu’il l’habite déjà.

Dans cette partie du Mozambique, habiter le monde implique un engagement quotidien avec les éléments : avec le soleil, la pluie, le vent, ainsi qu’avec le sable. On cuisine dehors, généralement sur un feu de bois ou de charbon ; on mange dehors ; on fait le lavage dehors ; et on fait même souvent la sieste dehors sur un paillasson à l’ombre d’un manguier. Les visiteurs sont aussi, en principe, reçus à l’extérieur. Il s’agit en outre d’une culture qui privilégie l’architecture horizontale : on aime bien être près du sol. En effet, les maisons servent principalement de lieu pour dormir, faire l’amour et ranger ses effets personnels. Il est donc utile de concevoir la maison comme incluant le terrain. Celui-ci est d’ailleurs généralement délimité par une haute clôture de feuilles de palme.

La plupart des Mozambicains avec qui j’ai travaillé ont dû se contenter d’une maison de roseaux, du moins pour commencer ou « en attendant » (« por enquanto »), en parler local. Certains ont construit des maisons hybrides dotées de murs de roseaux ainsi que d’une bonne base de béton. Selon un jeune Mozambicain ayant bâti l’une de ces résidences, habiter une telle maison est sensoriellement inspirant. Il s’exprime dans ces mots : « Ta maison doit posséder, au minimum, une bonne base en béton afin que tu sentes les conforts du béton, afin que tu voies qu’il est agréable de vivre dans le béton. » L’expérience sensorielle que constitue le fait d’habiter au quotidien dans une maison de roseaux est modulée par l’anticipation d’une maison future. Elle est aussi modelée par la porosité et la perméabilité des murs de roseaux ; une porosité qui est à la fois prisée et problématique. En effet, la plupart de mes interlocuteurs ont exprimé ressentir une certaine ambiguïté à son égard. Par exemple, ce qui rend ce genre de maison fraîche et agréable pendant les chauds mois d’été est aussi ce qui fait que les voisins peuvent facilement entendre ce qui s’y dit, parfois même ce qui s’y passe. Chacun oscille entre le déploiement de « techniques d’inattention » (Larkin 2014) et la surveillance, dépendamment de la valeur sociale de l’information qui peut être glanée à partir des sons et des conversations. Plusieurs gardent d’ailleurs la radio allumée en partie pour prévenir d’être écoutés. Les odeurs, pour leur part, circulent encore plus librement. Dans un contexte post-socialiste, post-guerre, caractérisé par une croissance des inégalités sociales, où le bien-être des mieux nantis fait l’envie des autres, la politique de l’olfaction met en scène des frustrations fort profondes. Par exemple, comme l’expliquait une veuve née dans les années 1950, à l’apogée de l’époque coloniale :

La vie est plus difficile aujourd’hui que quand j’étais jeune. Pendant la période socialiste, on avait de l’argent, mais il n’y avait rien à acheter. On n’avait rien à manger, il fallait faire la file, mais tout était plus juste. Aujourd’hui, la vie s’est détériorée, à part pour ceux qui ont de l’argent. Maintenant on ne mange qu’olfactivement, à sentir ce que les voisins sont en train de cuisiner.

Dona Maria, 2006, Inhambane

La maison dans laquelle je loge lors de mes séjours à Inhambane est située dans une banlieue en plein essor. Il s’agit d’une maison de roseaux qui appartient à Mira et Admiro, un jeune couple, et leurs trois enfants, qui fut construite en 2013, tout juste avant leur départ d’un quartier populaire densément peuplé aux abords du centre-ville. La maison possède une solide fondation en béton dont les parois s’élèvent à près d’un mètre du sol et qui est recouverte d’un toit de dalles de Lusalite, matériau prisé pour sa durabilité et sa fraîcheur supérieure à celle de la tôle. Elle comprend deux chambres à coucher et une salle centrale qui sert à la fois de salle à manger pour le souper et les jours de pluie et de salon pour écouter la télévision. C’est aussi là que se trouve le congélateur, qui est débranché chaque soir pour y réfrigérer certains produits alimentaires sans pour autant les congeler. La cuisine et la salle de bain ont été construites comme structures indépendantes et se trouvent à quelques mètres de la maison. La maison a l’électricité et l’accès à l’eau courante se limite à un robinet extérieur. Chaque jour, matin et soir, Mira fait chauffer de l’eau sur un feu de bois pour l’heure du bain. Chacun leur tour, les enfants, suivis des adultes, reçoivent une chaudière d’eau chaude pour se laver dans la salle de bain qui comprend une section de béton avec un drain. Après le bain, il faut faire attention en marchant en sandales, avec les pieds encore humides, de ne pas se retrouver couvert de sable. J’entends souvent les gens rêver de ne plus jamais avoir à marcher sur du sable, ce sable qui se retrouve partout, entre les orteils, dans les draps, et même dans la nourriture, parfois.

Fig. 2

Une maison typique d’Inhambane

Une maison typique d’Inhambane
Source : Julie Soleil Archambault (2017).

-> Voir la liste des figures

Le couple décida de construire cette maison « temporaire » dans le coin nord-est du terrain afin de laisser l’espace central libre pour l’éventuelle construction de leur maison de rêve. La maison actuelle se trouve donc très près de la clôture de feuilles de palme qui sépare le terrain de mes amis de celui des voisins. La relation entre le temporel et le sensoriel est irrésistiblement exprimée dans cet exemple où la projection d’une future maison a des implications sensorielles dans le présent. Dès l’aube, on entend les voisins s’affairer aux travaux domestiques. Le son du robinet et de l’eau remplissant une bassine de plastique est suivi du son du balai, un swoosh swhoosh à la fois lent et rythmé qui aurait pu être apaisant mais que je trouve toujours irritant, comme si celui ou celle qui le passe en voulait à ceux qui dorment encore. Pour ceux qui préfèreraient parfois faire la grasse matinée, le son du balai peut facilement être ignoré. C’est plutôt l’appel moral qu’il évoque qui interpelle, et c’est spécialement le cas pour les jeunes filles du foyer qui doivent en principe s’affairer aux tâches domestiques dès l’aube. Le soleil se couche tôt en été comme en hiver sous le tropique du Capricorne et il faut donc se lever de bonne heure pour pouvoir profiter de la journée.

Si vivre dans une maison de roseaux procure des expériences sensorielles spécifiques, comme nous l’enseigne l’anthropologie sensorielle (Howes 2010 ; Gélard 2016), c’est aussi à travers l’habiter (le dwelling) que l’on forge normes et valeurs culturelles, de sorte qu’une attention aux expériences sensorielles met en relief ce à quoi on accorde valeur et importance. Particulièrement révélatrices sont les différentes tactiques développées tant pour reproduire ces normes et valeurs que pour remédier aux divers inconvénients de la vie dans une maison de roseaux. Par exemple, la maison est, dans plusieurs contextes culturels, un lieu important pour l’élaboration des relations de parenté et de genre (Moore 1984). Dans le sud du Mozambique, les maisons sont construites de manière à faciliter le contrôle des jeunes filles. Celles-ci logent généralement sous le même toit que leurs parents — et, ce qui est encore plus important, entrent et sortent par la même porte qu’eux. Les jeunes garçons, pour leur part, dorment la plupart du temps dans une structure indépendante dès qu’ils atteignent l’adolescence. La surveillance est d’ailleurs une préoccupation qui détermine à plusieurs niveaux comment on habite le monde dans cette région. Comme mentionné ci-haut, dans une maison en roseaux, on entend tout. On peut écouter les conversations des voisins, entendre l’arrivée d’un intrus ou d’un adolescent qui a veillé tard. Afin de créer un peu d’intimité auditive, on chuchote, et on garde la radio allumée. On bâtit des clôtures de plus de six pieds de hauteur pour bloquer la vue des voisins et des passants et créer une certaine intimité visuelle. Afin d’empêcher la poussière d’entrer, on accroche des voilages aux murs. Ceci enjolive, tout en agissant comme une sorte de moustiquaire. On passe aussi le balai régulièrement, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Et puis on rêve, tout en accumulant des matériaux de construction pour la future maison. Une future maison qui sera moins poreuse et sensoriellement aseptisée.

Dans son essai phare intitulé Bâtir, habiter, penser (Building Dwelling Thinking), Heidegger (1971) établit une relation étroite entre la construction et l’habiter qui nous transporte de l’onirique bachelardien à une perspective phénoménologique ancrée dans le quotidien. Si bâtir et habiter sont souvent conçues comme des activités fondamentalement politiques (Holston 1991 ; Bayat 1997 ; Das et Randeria 2015), une attention particulière portée à la relation entre matérialité, temporalité et sensorialité ajoute texture et complexité aux aspirations qui les sous-tendent.