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En confiant aux ordres professionnels une mission de protection du public, l’État québécois leur a délégué la responsabilité d’octroyer un permis aux personnes qui possèdent les qualifications requises pour l’exercice d’une profession, qualifications qui répondent aux besoins et aux valeurs de la société. Lorsqu’il s’agit de personnes ayant obtenu leur diplôme au Québec, ce diplôme fait foi de leurs qualifications[1]. Pour favoriser la reconnaissance des qualifications des candidats formés à l’extérieur du Québec, les ordres ont dû adopter des règlements sur les normes d’équivalence du diplôme ou de la formation (GTAPMR, 2005, p. 37), et de nombreux ajustements ont été apportés aux mécanismes du système professionnel.

Or, depuis plusieurs années, on constate que les difficultés persistent pour les personnes qui souhaitent obtenir le permis d’un ordre professionnel du Québec en vue d’y exercer la même profession que dans leur pays d’origine. Ces difficultés ont pour effet de priver le Québec d’une main-d’oeuvre pourtant recherchée.

De plus, le Québec fait face à la concurrence d’autres provinces et d’autres pays pour attirer, et retenir, des ressources professionnelles qualifiées afin de combler la pénurie de main-d’oeuvre :

De nombreux pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) font face à un déclin, réel ou appréhendé, de la population en âge de travailler. Ainsi, la situation sur le marché du travail des personnes immigrantes préoccupe de plus en plus les gouvernements, alors que les taux de chômage des personnes d’arrivée récente sont généralement plus élevés, par rapport aux personnes natives, et leurs taux d’emploi, inférieurs.

CIRCPI 2017, p. 8

Les ordres professionnels font souvent l’objet de critiques pour leur réticence à reconnaître les diplômes des personnes immigrantes. Dans le contexte actuel de mondialisation, de mobilité de la main-d’oeuvre et du recours à l’immigration pour faire face à la pénurie de main-d’oeuvre, la pression sur les ordres professionnels s’accentue. Pourtant, la protection du public requiert de ceux-ci qu’ils s’acquittent avec rigueur de l’exercice de reconnaissance des qualifications professionnelles. Ils disposent pour ce faire de mécanismes réglementaires d’équivalence dont le fondement est le diplôme québécois. Celui-ci constitue en effet la norme des qualifications requises pour l’exercice d’une profession.

Pour mieux comprendre la capacité des ordres professionnels à répondre aux pressions tout en assurant leur mission de protection du public, un bref rappel de la création du système professionnel québécois et de ses principaux fondements est d’abord proposé. Suivra un exposé succinct de différents ajustements apportés au Code des professions pour favoriser la reconnaissance des qualifications professionnelles des personnes formées à l’extérieur du Québec et un portrait des divers moyens dont les ordres professionnels disposent maintenant pour octroyer différents types de permis. Des précisions et éléments de contexte sur la situation des professionnels formés à l’extérieur du Québec permettront d’apprécier les aspects quantitatifs de la question. Les principaux défis auxquels ces professionnels sont confrontés, dont les difficultés d’accès aux stages et formations d’appoint, ainsi que quelques considérations concernant les limites du recours à l’équivalence de diplôme pour la reconnaissance des qualifications, en tenant compte de tendances et facteurs d’influence prévisibles, mèneront au constat que le système professionnel doit évoluer vers une mesure plus directe de la compétence : des solutions innovantes seront requises dans l’avenir pour que la population québécoise bénéficie de toutes les ressources professionnelles possibles.

Le système professionnel québécois

Bref rappel historique

Dans la foulée de la grande réforme des institutions survenue lors de la Révolution tranquille, le système professionnel du Québec a été mis en place par l’adoption du Code des professions[2] en 1973. Les recommandations de la Commission d’enquête sur la santé et le bien-être social, ci-après la Commission Castonguay-Nepveu, ont inspiré les fondements du système. À l’époque, aucune structure cohérente n’encadrait l’ensemble des corporations[3] professionnelles en place ni la pratique des professionnels québécois pour garantir la protection du public. N’importe qui pouvait se déclarer « professionnel » sans que le public puisse être assuré de sa compétence et de son intégrité :

Il y avait des lois qui existaient avant cela, mais il n’y avait aucun critère pour déterminer qui pouvait se regrouper en corporation professionnelle, et la protection de leurs membres était plus importante que la protection du public.

Lévesque, 2004, p. 1

Les travaux de la Commission Castonguay-Nepveu ont mené au constat que le corporatisme professionnel n’était pas adapté aux nouvelles conditions sociales et économiques en vigueur et ont mis en lumière l’incohérence des lois et des institutions en matière de professions (CESBES, 1970). La nouvelle organisation des professions proposée visait alors à assurer « une cohérence législative et réglementaire en soumettant l’ensemble des ordres à des principes communs d’organisation adaptés aux conditions de la société contemporaine et aux besoins actuels des usagers de services professionnels » (CIQ, 2014, p. 23). De plus, en attribuant aux ordres professionnels la fonction principale d’assurer la protection du public en matière de services professionnels, la création du système professionnel devait permettre de rétablir la confiance de la population, celle-ci étant minée par le fait que « le droit des professions a été davantage l’expression de la force des groupes professionnels que la transcription des besoins sociaux et professionnels dans le droit » (CESBES, 1970, p. 27).

Constitué initialement de 38 ordres professionnels, le système professionnel comptait, au 31 mars 2018, 46 ordres professionnels encadrant 54 professions[4], ce qui représente plus de 395 288 professionnels (OPQ, 2018a), soit 8,7 % de la population active du Québec en 2018 (ISQ, 2019).

Le schéma ci-dessous illustre la structure actuelle du système professionnel : l'État en assure le contrôle en désignant un ministre responsable de l’application des lois professionnelles, le législateur confie aux ordres de grandes responsabilités au regard de la protection du public, s’assure qu’ils sont surveillés par un organisme gouvernemental autonome, l’Office des professions du Québec, et donne aux ordres une voix collective en instituant le Conseil interprofessionnel du Québec, ce dernier jouant notamment un rôle de conseiller auprès du ministre responsable de l’application des lois professionnelles et auprès de l’Office des professions.

Figure 1

Représentation schématique du système professionnel

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La protection du public

Dans le cadre de son rôle de garant de l’intérêt public, qui englobe, sans s’y limiter, la protection du public, l’État a choisi de déléguer aux ordres professionnels la responsabilité de la protection du public en matière de services professionnels. Cette délégation du pouvoir public est justifiée par la difficulté pour l’État de « l’assurer efficacement par des lois ou des règlements qui n’émaneraient pas de personnes compétentes » (CESBES, 1970, p. 44). La protection du public est dès lors au centre de l’action et des pouvoirs des ordres professionnels :

La notion de protection du public prend racine dans les droits fondamentaux dont devrait jouir l’ensemble de la population et qui sont inscrits dans les chartes des droits et libertés de la personne du Québec et du Canada. Ces droits sont fondés sur des valeurs sociales telles que le droit au respect de l’intégrité physique, psychologique et du patrimoine ainsi que de la vie privée. C’est en vertu de ces principes que se définit d’abord la notion de protection du public.

OPQ, 2012, p. 6

Il convient de préciser que la notion de protection du public propre au système professionnel québécois, telle qu’actualisée par l’Office des professions, repose sur la prévention (OPQ, 2012). En effet, c’est par la gestion en amont des risques de préjudices que le système professionnel assure sa mission de protection du public. Ainsi, les mécanismes réglementaires visant l’admission et la délivrance du permis, la formation continue, la déontologie, agissent en prévention. De même, les recours que sont la gestion des plaintes et la discipline ne visent pas la réparation du dommage subi : ces mécanismes à caractère répressif visent avant tout la prévention de préjudices futurs.

Ainsi, pour assurer la protection du public, les ordres professionnels veillent à ne délivrer de permis qu’aux professionnels compétents qui respectent les normes et conditions d’admission. Cependant, l’État demeure responsable de veiller à l’intérêt public, ce qui signifie, entre autres choses, de ne pas limiter indûment l’accès aux professions. C’est notamment par le droit de regard du gouvernement à l’égard des normes et conditions d’admission fixées par les ordres professionnels, particulièrement en désignant les diplômes donnant ouverture aux permis des ordres professionnels, que l’État veille à l’intérêt public.

L’autonomie des professions

Le système professionnel québécois et les mécanismes d’encadrement qui le constituent accordent une grande autonomie aux ordres. Cette autonomie repose sur l’autogestion, incluant l’autofinancement, l’autoréglementation ainsi que l’autodiscipline (jugement par les pairs). Le système professionnel est ainsi « fondé sur le principe que la protection du public est mieux assurée si le contrôle de la profession est exercé par des pairs » (Morin, 2015, p. 49), ce qui est considéré « préférable dans des domaines où des non-initiés peuvent difficilement apprécier la qualité des services reçus et, partant, la compétence de ceux qui les dispensent » (Dussault et Borgeat, 1975, p. 4).

Or, l’autonomie attribuée aux ordres professionnels alimente la perception selon laquelle ils protègent davantage les intérêts de leurs membres que ceux du public, et ce, d’autant plus que les ordres sont souvent issus d’associations professionnelles dont le rôle était justement la promotion des intérêts de leurs membres.

L’autonomie des ordres a cependant été dès le départ soumise à divers contrepoids : la surveillance par l’Office des professions, la présence de représentants du public au sein des instances de l’ordre ainsi que l’approbation par le gouvernement ou l’Office des professions des règlements adoptés par les ordres, et dont certains aspects ont un impact non seulement sur la protection du public mais aussi sur des enjeux plus larges, telle l’accessibilité aux services :

Entre ces deux extrêmes – le contrôle absolu de l’État et l’autonomie totale des corporations – le législateur a choisi d’innover en créant, par le Code des professions, un système intermédiaire où l’État, tout en déléguant certains pouvoirs aux corporations professionnelles, les assujettit à un pouvoir de surveillance et de contrôle.

OPQ, 1987, p. 41

L’existence d’un ensemble de mesures balisant le système professionnel « diffère de la situation qui prévaut avec toutes les occupations réglementées mais non soumises à un ordre professionnel » (Hébert et Sully, 2015, p. 9).

L’Office des professions

L’Office des professions est un organisme de surveillance dont la fonction principale est de veiller à ce que les professions soient exercées et se développent en offrant au public des garanties de compétence et d’intégrité[5]. À cette fin, l’Office s’assure de l’application efficiente des mécanismes de protection du public établis au sein des ordres professionnels, conseille le gouvernement sur l’amélioration et l’adaptation du système professionnel, nomme des administrateurs externes représentant le public dans les conseils d’administration des ordres et informe le public sur ses droits et recours en matière de services professionnels.

Le diplôme donnant ouverture au permis

Dès la création du système professionnel, le Code des professions prévoyait que le gouvernement reconnaisse, par l’adoption d’un règlement en ce sens, les diplômes qui, parmi ceux décernés par les établissements d’enseignement du Québec, donnent ouverture à un permis d’un ordre professionnel. « La reconnaissance par l’État […] garantirait la compétence des candidats » (CESBES, 1970, p. 58).

Pour veiller à ce que ces diplômes confirment l’acquisition par les futurs professionnels des qualifications requises pour l’exercice des professions, une disposition du Code des professions prévoit la collaboration entre les ordres professionnels et les institutions d’enseignement du Québec dans le cadre de « l’élaboration des programmes d’études qui conduisent à un diplôme donnant ouverture à un permis, de même que dans la préparation des examens ou autres mécanismes d’évaluation des personnes effectuant ces études » (Dussault et Borgeat, 1975, p. 13).

Cette collaboration s’est traduite principalement par l’instauration de comités de la formation au sein des ordres professionnels, regroupant des représentants de l’ordre, des représentants d’institutions d’enseignement collégial et universitaire qui offrent les programmes d’études menant aux diplômes donnant ouverture aux permis[6], et des représentants du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. C’est ainsi notamment que « les établissements universitaires doivent tenir compte des demandes des corporations professionnelles afin d’ajuster leur enseignement aux exigences de la pratique » (CSE, 2000, p. 16).

En fondant l’octroi d’un permis sur les diplômes québécois, et ce, dès la naissance du système professionnel, le gouvernement a favorisé l’émergence d’une classe de professionnels québécois issus des universités et des cégeps du Québec dont la formation vise à répondre aux besoins et valeurs de la société québécoise.

Pressions sur le système professionnel

Depuis sa création, le système professionnel a fait l’objet de nombreux ajustements sous l’influence de facteurs tels que l’évolution des savoirs, des technologies, de l’économie et de la société en général.

Concurrence et dérèglementation

La réglementation professionnelle peut être considérée comme une réponse aux déficiences des mécanismes de marché : asymétrie d’information, externalités ou risque majeur de préjudice[7]. Ainsi, l’« État accorde également aux ordres un certain monopole en regard de l’exercice d’une profession, notamment par le contrôle de l’usage des titres professionnels permettant d’identifier les membres de la profession aux yeux du public et la délivrance de permis d’exercice » (OPQ, 2014, p. 9).

Certains tenants de la dérèglementation, tels le Bureau de la concurrence du Canada (BC, 2007) ou la Federal Trade Commission américaine (FTC, 2014), considèrent la réglementation professionnelle comme une barrière au commerce des services et à la libre circulation de la main-d’oeuvre. Malgré l’intérêt économique et social des réglementations et le fait que leur suppression ou allégement ne conduirait pas nécessairement à accroître l’efficacité économique (Chaserant et Harnay, 2015, p. 8), la pression exercée sur la réglementation professionnelle a donné lieu à des ajustements significatifs :

À l’instar de ce qu’on observe dans d’autres juridictions, le système professionnel québécois a donc généralement évolué dans le sens d’une plus grande concurrence et de l’élimination de certaines dispositions contraignantes.

Fluet, 2001, p. 4

Mobilité de la main-d’oeuvre

C’est sur la même base argumentaire que reposent les modalités des ententes ou accords relatifs à la mobilité de la main-d’oeuvre auxquels le gouvernement du Québec a adhéré au cours des dernières années :

La mobilité de la main-d’oeuvre, et plus particulièrement celle […] des professionnels, fait partie des solutions envisagées par le Québec pour favoriser sa croissance économique.

Houle, 2015, p. 1

Ainsi, l’Accord sur le commerce intérieur, remplacé par l’Accord sur le libre-échange canadien en 2017[8], a mené à l’instauration d’un processus de reconnaissance « permis sur permis » pour les professions réglementées, en vertu duquel tout membre d’un ordre professionnel d’une province canadienne doit être reconnu qualifié à exercer cette profession par les ordres des autres provinces. Cette reconnaissance doit être accordée sans autre exigence significative d’examen, de formation ou d’évaluation, à l’exception de l’exigence relative au français au Québec[9].

La mise en oeuvre de l’Entente entre le Québec et la France en matière de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles[10] a mené à l’application d’une procédure commune et simplifiée pour reconnaître les qualifications professionnelles en vue de la conclusion d’arrangements de reconnaissance mutuelle entre les autorités réglementaires compétentes[11] du Québec et de la France.

Recours à l’immigration pour combler les besoins en main-d’oeuvre

Pour relever les défis posés par la pénurie actuelle et prévue de main-d’oeuvre, le gouvernement du Québec compte également sur l’immigration. Les règlements d’équivalence de diplômes et de la formation, ainsi que ceux visant l’octroi de permis en vertu d’ententes de reconnaissance mutuelle constituent donc des outils pertinents à cet égard.

Principaux ajustements apportés en matière de reconnaissance

De plus, concernant la reconnaissance des qualifications des candidats formés hors du Québec, des modifications ont été apportées en réponse aux pressions qui s’exercent du fait de certains éléments contextuels.

Des normes d’équivalence obligatoires

En 1994, le Code des professions a été amendé[12] pour rendre obligatoire l’adoption, par les ordres professionnels et aux fins de la délivrance de permis, de normes d’équivalence de formation; celles-ci étaient jusqu’alors optionnelles.

Des permis pour la mise en oeuvre d’ententes de mobilité

En 2006, des amendements au Code des professions[13] permettent la mise en application d’ententes portant sur la mobilité de la main-d’oeuvre en introduisant la notion de « permis sur permis ». En vertu de ce dispositif, la compétence déjà certifiée par une autre autorité réglementaire est reconnue par l’ordre professionnel québécois, sans que le candidat soit assujetti à un nouvel examen de ses compétences. Est également introduit le permis spécial ou « permis restrictif permanent » qui permet à un candidat formé à l’extérieur du Québec d’exercer certaines activités selon des modalités précises, déterminées en fonction des différences identifiées avec les conditions d’exercice au Québec.

En 2009, de nouveaux amendements au Code des professions[14] visent la délivrance de permis lorsqu’une entente de reconnaissance mutuelle a été conclue par le gouvernement du Québec avec un autre gouvernement.

Un Commissaire pour la reconnaissance des compétences professionnelles

Toujours en 2009, est introduite une nouvelle section du Code des professions[15] qui instaure la fonction de Commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance des compétences professionnelles.

Le Commissaire est chargé de recevoir et d’examiner toute plainte déposée contre un ordre professionnel au sujet des mécanismes de reconnaissance. Des modifications au Code des professions apportées en 2017[16] élargissent le mandat du Commissaire à l’ensemble des processus relatifs à l’admission à une profession et son titre devient celui de Commissaire à l’admission aux professions.

Un Pôle de coordination pour l’accès à la formation et aux stages prescrits par les ordres

En vertu d’amendements apportés au Code des professions de 2009[17], l’Office des professions se voit confier la responsabilité de prendre, en concertation avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, des mesures visant à favoriser la collaboration entre les établissements d’enseignement et les ordres professionnels afin que, lorsqu’un ordre professionnel exige d’une personne qu’elle acquière une formation prescrite, celle-ci soit offerte par un établissement d’enseignement.

À cette fin, l’Office a mis en place un Pôle de coordination pour l’accès à la formation prescrite par les ordres professionnels ainsi qu’aux stages (ci-après le Pôle de coordination), dont les activités ont débuté en 2010 (OPQ et MERST, 2014, p. 4). Le mandat initial du Pôle de coordination était d’instaurer des mécanismes de coordination pour consolider les liens entre les ordres professionnels et les établissements et favoriser un meilleur accès aux formations prescrites ainsi qu’aux stages. Y participaient le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, le ministère de la Santé et des Services sociaux, le Conseil interprofessionnel du Québec, la Fédération des cégeps ainsi que le Bureau de coopération interuniversitaire.

Des modifications apportées au Code des professions en 2017[18] visent à faciliter la coordination entre le gouvernement et les partenaires concernés, en instaurant formellement le Pôle de coordination en plus de doter l’Office des professions d’un pouvoir de recommandation. Afin que le Pôle de coordination regroupe tous les acteurs visés par l’offre de formation et de stages prescrits par les ordres professionnels, les organisations suivantes se joignent à celles déjà présentes : la Commission des partenaires du marché du travail, le ministère des Relations internationales et de la Francophonie ainsi que le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale.

Plusieurs voies d’octroi du permis

Les conditions d’octroi du permis

Il convient de préciser que pour obtenir le permis d’un ordre professionnel, le candidat doit satisfaire à trois catégories d’exigences. D’abord, l’exigence de scolarité, à savoir la détention du diplôme québécois prévu par règlement du gouvernement ou, en vertu de la réglementation adoptée à cet égard, d’un diplôme ou d’une formation reconnus équivalents. Deuxièmement, la connaissance de la langue française doit être appropriée pour l’exercice de la profession, conformément aux exigences de la Charte de la langue française[19]. Enfin, certains ordres peuvent exiger de tout candidat qu’il réussisse un stage, une formation supplémentaire ou un examen.

Divers types de permis

Les ordres professionnels octroient plusieurs types de permis (OPQ, 2014, p. 30), chacun correspondant à des conditions précises et à une finalité particulière, procurant aux ordres une certaine souplesse tout en leur permettant d’accomplir leur mission de protection du public.

Ainsi, pour le permis dit « régulier » qui permet à son titulaire d’exercer l’ensemble des activités de la profession, quatre (4) voies d’octroi sont possibles, comme le montre le Tableau 1.

Tableau 1

Voies d’octroi du permis « régulier »

Voies d’octroi du permis « régulier »

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Trois (3) autres types de permis peuvent être émis par l’ordre professionnel en fonction de conditions particulières relatives aux exigences d’octroi du permis « régulier ».

Tableau 2

Autres types de permis

Autres types de permis

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Précisions et éléments de contexte

Les difficultés auxquelles sont confrontés les candidats à l’exercice des professions formés à l’extérieur du Québec ont beaucoup occupé l’espace politique et médiatique depuis quelques années. Il s’agit d’une question controversée et par laquelle de nombreux intervenants sont concernés. L’accueil de travailleurs qualifiés s’inscrit en effet dans un continuum de démarches auprès de divers ministères, organismes et acteurs du marché de l’emploi. Les démarches relatives à la reconnaissance des compétences professionnelles et à l’obtention du permis d’un ordre professionnel en sont certes un élément significatif mais non l’unique obstacle rencontré. Il apparaît donc utile d’apporter quelques précisions quantitatives et factuelles qui, sans diminuer l’importance de la problématique, permettent de mieux apprécier l’ampleur et l’importance des facteurs associés.

Un ordre de grandeur

Le Québec accueille environ 50 000 personnes immigrantes chaque année[20]. Selon les données du Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ, 2016b, p. 10-11), les ordres reçoivent environ 4 500 demandes d’équivalence par année, ce qui représente environ 9 % du nombre total de personnes immigrantes sélectionnées annuellement par le Québec.

Quelques professions particulièrement visées

Il est important de souligner que 80 % des demandes de reconnaissance d’équivalence sont reçues par 10 des 46 ordres professionnels (CIQ, 2015, Annexe, p. 2). Ainsi, en 2014-2015, ces demandes visaient l’exercice des professions suivantes[21] : ingénieurs; infirmières; comptables professionnels agréés; infirmières auxiliaires; médecins; pharmaciens; avocats; chimistes; physiothérapeutes; psychologues (CIQ, 2016a, p. 2).

L’impact des nouveaux types de permis

Selon les données compilées par l’Office des professions (OPQ, 2010 à 2018), entre 2012-2013 et 2016-2017, les ordres professionnels ont délivré annuellement plus de 19 000 permis et, de ceux-ci, environ 12 % ont été émis sur la base d’une équivalence du diplôme ou de la formation. Près de la moitié des demandes d’équivalence acceptées l’ont été partiellement et les candidats se sont vus prescrire de suivre une formation d’appoint ou d’effectuer un stage afin d’obtenir le niveau de qualification équivalent à celui exigé des diplômés du Québec (TCOSPRI, 2016, p. 1).

Afin d’illustrer l’apport des nouveaux types de permis introduits depuis 2009 pour faciliter la reconnaissance des qualifications des professionnels formés à l’extérieur du Québec, le graphique ci-dessous présente la proportion des différents types de permis octroyés par les ordres professionnels.

On constate que les permis octroyés en vertu du diplôme représentent environ 80 % du total des permis émis par les ordres professionnels annuellement. Cette proportion est légèrement en baisse depuis quelques années. Il semble se produire une certaine substitution au profit des permis octroyés en vertu de l’équivalence de formation, légèrement en hausse à plus de 10 %, alors que la proportion de permis octroyés en vertu de l’équivalence de diplôme présente un certain fléchissement. Quant à la proportion de permis octroyés en vertu des nouvelles voies – « permis sur permis », permis relatif à l’entente France-Québec, permis restrictif permanent –, elle semble avoir atteint un rythme de croisière, bien que la période d’observation soit un peu trop courte pour porter un jugement définitif.

Figure 2

Proportion des permis selon la voie d’octroi

Proportion des permis selon la voie d’octroi
Source : Rapports annuels de gestion de l’Office des professions, 2008-2009 à 2017-2018

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Toutefois, ces données ne permettent pas de conclure à un effet marqué de l’introduction des nouvelles voies d’octroi de permis. L’évolution au cours des prochaines années permettra de mieux apprécier l’effet de l’introduction des nouveaux outils réglementaires pour les candidats ne pouvant se prévaloir de la réglementation d’équivalence.

Des défis pour les professionnels formés à l’extérieur du Québec

Force est de constater que l’immigration ne semble pas constituer une source directe et immédiate de travailleurs qualifiés et admissibles à l’exercice des professions réglementées. En plus de facteurs généraux tels le genre, l’âge, l’ethnicité ou le fait d’être une minorité visible (Blain, 2015, p. 240), de nombreux obstacles peuvent se dresser sur le parcours des candidats à l’exercice professionnel formés à l’extérieur du Québec.

Dualité du discours d’attraction et des pratiques organisationnelles

On peut dire qu’« il existe une très forte incohérence entre le discours d’ouverture à l’immigration des politiques québécoises et les résultats sur le plan de l’intégration professionnelle » (Morin, 2015, p. 6). En effet, lorsqu’ils arrivent au Québec, nombreux sont ceux qui peinent ou n’arrivent pas à faire reconnaître leurs qualifications et à obtenir l’emploi qui y correspond. Il s’agit là d’un des premiers motifs mentionnés pour expliquer la moindre participation des personnes immigrantes au marché du travail et leur surqualification en emploi, plus élevée que celle des travailleurs formés au Québec (CIRCPI, 2017, p. 9) : « D’une part, un discours d’attraction de l’immigration fort, particulièrement pour les migrants très qualifiés, d’autre part, des pratiques organisationnelles sur le marché du travail qui freinent l’intégration professionnelle de nombreux nouveaux arrivants » (Blain, 2015, p. 237).

Difficultés d’accès aux formations d’appoint et aux stages

Comme mentionné ci-haut, une large part des demandes d’équivalence donne lieu à une acceptation partielle assortie d’une prescription de formation d’appoint ou de stage. Or, l’accès aux formations d’appoint et aux stages, particulièrement dans le domaine de la santé et des relations humaines, figure parmi les obstacles les plus importants expliquant que la moitié des candidats ayant reçu une prescription d’un ordre en ce sens n’obtiennent pas de permis (CIRCPI, 2017, p. 65-66). Le nombre de candidats qui reçoivent une prescription de formation d’appoint est souvent plus élevé que le nombre de places disponibles dans les établissements d’enseignement : 

Le ratio peut parfois être de plus de 200 demandes pour une trentaine de places disponibles. Ainsi, des personnes doivent attendre plusieurs mois, voire plusieurs années pour avoir accès à un complément de formation nécessaire pour l’obtention de leur permis d’exercice.

CPMRP, 2017, p. 33

De plus, des stages et formations d’appoint sont prescrits dans la très grande majorité des arrangements de reconnaissance mutuelle[22] conclus par les ordres professionnels québécois en vertu de l’Entente entre le Québec et la France en matière de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles (Houle, 2015, p. 3). Ce constat, surprenant à première vue, s’explique par le fait que les arrangements de reconnaissance mutuelle sont conclus au terme d’un processus d’examen comparatif des champs d’exercice et des compétences, processus qui dans la plupart des cas amène à identifier des écarts pour lesquels des mesures de compensation (stages, examens, formation) sont prévues[23]. Le Pôle de coordination a confirmé dans son état de situation que « les besoins, l’accès et le financement des stages apparaissent comme des sujets prioritaires afin de faciliter la reconnaissance et l’intégration des professionnels formés hors du Québec » (OPQ et MESRST, 2014, p. 22).

Pour l’ensemble des ordres, on estime qu’environ 50 % des candidats soumis à une prescription d’un ordre abandonnent la démarche d’admission, ce qui représente près de 1 300 personnes par année (CPMRP, 2017, p. 58). Le Conseil interprofessionnel estime également que seulement la moitié des personnes ayant reçu une reconnaissance partielle est allée au terme du processus et a obtenu le permis de l’ordre (CIQ, 2015, p. 11).

Autres obstacles

Même après avoir obtenu le permis, le professionnel formé à l’extérieur du Québec peut rencontrer d’autres obstacles avant de décrocher un emploi dans sa profession. Selon un sondage effectué auprès de professionnels formés à l’étranger (CIQ et IRIPI 2016, p. 4-5) :

  • 62 % occupent un emploi dans leur profession. De ceux-ci, 74,2 % ont pu y accéder moins d’une année après l’obtention de leur permis;

  • Selon le pays d’origine, la proportion de candidats ayant trouvé un emploi dans leur profession varie : 72,5 % chez les candidats originaires d’Europe, 53,2 % pour ceux originaires d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient;

  • La non-reconnaissance de l’expérience acquise à l’étranger a été identifiée par 71 % des répondants comme une des principales difficultés rencontrées pour trouver un emploi.

Considérations à l’égard du diplôme

On constate que malgré les ajustements apportés aux mécanismes du système professionnel pour favoriser la reconnaissance des compétences, les difficultés des candidats à exercer une profession au Québec perdurent. L’examen d’un aspect plus fondamental semble s’imposer, soit le recours au diplôme québécois pour établir la base d’évaluation.

Le diplôme québécois comme base d’évaluation de la compétence

Rappelons que la structure réglementaire du système professionnel repose sur la prémisse que le permis d’un ordre professionnel, octroyé sur la base du diplôme, est garant d’une compétence minimale pour l’exercice d’une profession :

Le professionnel doit avoir la compétence (savoir, savoir-faire, savoir-être) nécessaire pour exercer des activités complexes, et jugées à risque de préjudice pour le public. Les ordres professionnels sont en quelque sorte les gardiens de la compétence professionnelle.

OPQ, 2012, p. 10

L’approche réglementaire généralement adoptée par les ordres pour l’équivalence de diplôme repose sur la comparaison des contenus de formation de type scolaire, en termes de sujets ou de matières, disciplines d’études ou sujets de cours, nombre d’heures ou de crédits alloués à chacun (CPMRP, 2016, p. 4-5). La nature quantitative de ces données se prête bien à l’élaboration de dispositions réglementaires et à l’analyse comparative :

Une grande partie des règlements portant sur l’évaluation d’équivalence sont désuets et contraignent les pratiques des ordres professionnels. Par exemple, certains règlements prévoient une reconnaissance en fonction de sujets, de cours et de crédits, alors que l’ordre utilise une approche par compétences.

CIRCPI, 2017, p. 64

La comparaison de contenus scolaires pour évaluer le degré d’équivalence d’une formation acquise ailleurs qu’au Québec peut ne pas rendre justice aux cheminements académiques des candidats formés à l’extérieur du Québec :

Les mécanismes d’évaluation des acquis sont parfois rigides et reposent principalement sur l’analyse des dossiers scolaires, habituellement sur la base du nombre de crédits acquis dans chaque matière. De plus, les normes d’équivalence sont souvent calquées sur les programmes de formation québécois.

GTAPMR, 2005, p. 35

Dans la mesure où les diplômes québécois reflètent les besoins et valeurs propres au Québec, on peut se demander comment cela affecte la capacité d’évaluer l’équivalence des diplômes d’autres États dont les valeurs ou besoins diffèrent de façon importante. En effet, « l’éducation universitaire n’est pas universelle, mais plutôt ancrée dans des formes sociales qui ne se transfère (sic) pas automatiquement dans un autre contexte social ou dans un autre pays » (Islas et Gratton, 2015, p. 2-3). De plus, les ordres professionnels évaluent généralement l’équivalence de diplômes obtenus il y a plusieurs années, de sorte qu’ils ne correspondront pas nécessairement aux connaissances et méthodes actuelles. Pourtant, un professionnel aura été exposé par sa pratique à l’évolution de sa profession depuis l’obtention de son diplôme. L’écart entre la mesure de la compétence établie en fonction du diplôme et la compétence réelle de professionnels expérimentés peut augmenter avec le nombre d’années écoulées depuis l’obtention du diplôme : 

Les personnes immigrantes sont des professionnels ayant généralement à leur actif de l’expérience de travail dans leur pays d’origine. Ces personnes viennent chercher une mise à jour de leurs compétences afin d’être en mesure d’exercer leur profession en contexte québécois.

CPMRP, 2016, p. 8

C’est alors qu’entre en jeu l’équivalence de formation en vue de compenser ces écarts. Or, les candidats provenant de l’extérieur du Québec peinent à faire reconnaître leur expérience :

Qui plus est, alors que certains ordres reconnaissent une expérience de travail pertinente comme un facteur pouvant actualiser la formation d’un individu, plusieurs éprouvent encore de la difficulté à évaluer et à reconnaître l’expérience de travail, notamment l’expérience de travail acquise à l’étranger.

CIRCPI, 2017, p. 62

Une mesure plus directe de la compétence

La compétence va bien au-delà de l’acquisition et de l’utilisation de connaissances propres au domaine professionnel. Cela est particulièrement pertinent en contexte de prévention du risque de préjudice. En effet, la protection du public commande aussi l’exercice du jugement professionnel, ainsi que l’intégration et la mise en application de ces connaissances dans des situations complexes et variées.

Le concept de compétence peut être défini comme un ensemble intégré et fonctionnel, permettant de mobiliser toutes les ressources nécessaires pour répondre d’une façon adaptée à des situations multiples. C’est le produit d’une combinaison complexe entre les connaissances théoriques et procédurales, le savoir-faire, le savoir-être (comportement adapté aux situations) et le savoir-devenir, mis en action et en situation dans un contexte donné, acquis au travers de l’expérience et de la formation et mobilisant le potentiel individuel (EP, 2014, p. 1-2).

Exercer une profession ne se limite pas seulement aux aspects théoriques et aux connaissances techniques (Morin, 2015, p. 79) qu’évalue l’analyse des diplômes. Pour évaluer la compétence à exercer une profession donnée, une appréciation directe et dynamique apparaît requise :

Au cours des dernières années, plusieurs rapports produits par les provinces et territoires, ainsi que par le gouvernement fédéral, ont recommandé que les organismes de réglementation évaluent les compétences plutôt que les diplômes.

CIRCPI, 2017, p. 62

L’élaboration d’un référentiel ou profil des compétences est une première étape dans le processus d’évaluation des compétences. Les principaux outils d’évaluation des compétences sont les examens écrits, les examens cliniques et les examens pratiques (CEO, 2012, p. 1). D’autres outils peuvent être employés, comme une entrevue orale structurée ou un stage d’évaluation (GTAPMR, 2005, p. 41).

Environ la moitié des ordres professionnels du Québec ont produit des référentiels de compétences ou d’activités professionnelles, ainsi que des outils d’évaluation « qui leur permettent de mieux évaluer les compétences, qu’elles aient été acquises par la formation ou l’expérience de travail » (CIRCPI, 2017, p. 51).

Toutefois, la reconnaissance des compétences sur cette base peut requérir des ressources importantes, puisqu’il s’agit d’un processus individuel, nécessitant souvent l’observation dans le cadre de mises en situation. Ainsi, le coût d’un examen écrit peut atteindre plus de 200 $, celui d’un examen pratique peut excéder 2 000 $, sans compter les coûts de préparation, les frais de déplacement et les délais inhérents au processus, comme le nombre limité de sessions d’examen, le temps de correction, les reprises, etc. (CEO, 2012).

Quelques tendances et facteurs d’influence pour l’avenir

Le recours à l’immigration pour combler les besoins de travailleurs qualifiés ainsi que la conclusion d’ententes ou accords en matière de mobilité de la main-d’oeuvre se poursuivront vraisemblablement. D’autres facteurs et tendances pourraient également influencer l’évolution des mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles.

Utilitarisme et formation universitaire

Au Québec, les normes en matière de qualifications professionnelles sont fortement intégrées aux contenus des programmes d’études menant aux diplômes donnant ouverture aux permis des ordres professionnels. Or, en matière d’enseignement supérieur, on assiste depuis quelques années à l’accentuation d’une approche mercantiliste en vertu de laquelle la qualification pour l’emploi semble avoir préséance sur les autres finalités de la formation universitaire, soit la transmission du savoir, le développement de l’intelligence et de l’esprit critique, ainsi que la recherche de la vérité (Lessard, 2012).

Le marché du travail évolue rapidement, les diplômés universitaires devront faire face à des situations de travail que nous avons peine à imaginer aujourd’hui. Dans ce contexte, les universités doivent former des personnes polyvalentes, créatives, axées sur la résolution de problèmes, dotées d’une bonne culture numérique et d’une pensée critique […] au-delà des exigences pouvant émaner des ordres professionnels.

BCI, 2016, p. 19

Un arrimage étroit entre la formation des futurs professionnels, et donc de leurs qualifications et compétences, et les besoins actuels et possiblement changeants du marché du travail local pourrait rendre encore plus difficile la reconnaissance des qualifications des personnes formées à l’extérieur du Québec.

Pression internationale à l’uniformisation des normes professionnelles

Par ailleurs, la mondialisation et la mobilité de la main-d’oeuvre imposent des transformations économiques et une intégration de plus en plus grande, ce qui crée une pression à l’uniformisation des normes et des approches en matière de réglementation professionnelle :

Les accords sur le commerce international peuvent entraîner une normalisation des titres professionnels à l’échelle du monde, et ceci, à son tour, peut faire craindre que les normes ne soient réduites à leur plus petit dénominateur commun.

AIIC, 2009, p. 1

Conjuguer la mondialisation et le maintien de valeurs sociales distinctes constituera certainement un défi de taille.

Les services professionnels sans présence physique

En outre, considérant le recours accru aux modes de « livraison des services » qui ne tiennent pas compte des frontières géographiques (la télémédecine ou les consultations par Internet, par exemple), comment peut-on maintenir et même justifier l’imposition de conditions aux seuls candidats qui traversent les frontières? Les valeurs et besoins de la société pourront-ils encore être pris en compte? En effet, « dans le contexte d’une économie de plus en plus dématérialisée, globalisée et interdépendante, on peut anticiper l’émergence de conflits de valeurs, conflits auxquels les pratiques professionnelles n’échapperont pas » (Velosoet al, 2015, p. 208).

Conclusion

Pour exercer au Québec une profession régie par le Code des professions, une personne doit détenir un permis de l’ordre professionnel concerné. Compte tenu des fonctions qui leur ont été déléguées par l’État, les ordres professionnels sont « responsables du respect des normes de compétences et du fonctionnement des mécanismes de reconnaissance » (CIRCPI, 2017, p. 65). Les ordres professionnels sont à la fois garants et gardiens des choix et valeurs de la société sous-jacents aux normes professionnelles.

Les adaptations apportées à la réglementation professionnelle pour favoriser l’intégration professionnelle de candidats formés à l’extérieur du Québec ne semblent pas suffisants pour faire face aux perspectives démographiques et économiques qui laissent entrevoir le maintien, sinon l’accentuation, de l’influx migratoire et de la mobilité de la main-d’oeuvre professionnelle.

Face à la concurrence canadienne et mondiale, et compte tenu du besoin d’intégrer professionnellement les candidats formés à l’extérieur du Québec, le développement de nouvelles approches et de nouveaux outils de reconnaissance des compétences pourrait permettre au système professionnel de faire pleinement bénéficier la société québécoise de toutes les ressources disponibles. La pression exercée pour revoir les mécanismes de reconnaissance peut s’avérer une occasion de procéder à une véritable évaluation des compétences. Compte tenu de la concentration des demandes de reconnaissance auprès de dix ordres professionnels, le Québec aurait intérêt à donner priorité aux efforts d’innovation en matière de reconnaissance des compétences dans ces secteurs d’activité.