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INTRODUCTION

La théorie de l’attachement s’est imposée progressivement dans différents contextes socioculturels. C’est le résultat de nombreuses recherches qui ont montré, depuis quelques décennies, l’importance des interactions parents-enfants (Ainsworth, Blehar, Waters et Wall, 1978; Bacro et Florin, 2009; Bowlby, 1969/2002). La qualité de ces liens d’attachement entre l’enfant et ses parents influence son développement socioaffectif. Ainsi, les enfants doivent compter sur l’amour et la disponibilité permanents de leurs parents pour se développer de façon harmonieuse et complète, et ce, malgré les changements induits par le mode de garde, la reprise du travail des parents ou les évènements de vie stressants vécus par la famille (Bowlby, 1969/2002; Vaughn et al., 1979; Waters et al., 2000). Pour Bowlby (1969), ces relations d’attachement de l’enfant proviennent de l’activation d’un ensemble de conduites humaines génétiquement déterminées, organisées en système comportemental, et dont l’objectif est de maintenir la proximité physique avec une figure d’attachement. En effet, la qualité de l’attachement est nécessaire à l’enfant pour se protéger des dangers extérieurs, mais également pour lui permettre d’explorer son environnement physique et social en toute sécurité (Troupel-Cremel et Zaouche-Gaudron, 2006). Par ailleurs, cet attachement permet de trouver un équilibre psychique à travers le recours aux figures parentales afin de trouver un soutien en cas de détresse et d’activer ses propres ressources pour surmonter les difficultés (Guédeney, Fermanian et Bifulco, 2010). Ces interactions parents-enfants génèrent au fil du temps des pensées, des croyances, des émotions et des comportements chez l’enfant. Ce système de comportements est intériorisé en modèles internes opérants (MIO) à l’instar des schémas cognitifs. Ils sont construits autour des représentations de soi et des autres avec une perception positive ou négative et ont une fonction dynamique, puisqu’ils guident l’enfant dans ses comportements envers autrui (Bowlby, 1978; Miljkovitch, 2001).

Il existe divers outils de mesure dans la littérature pour identifier les différents styles d’attachement caractéristiques de tout individu (Shaver et Mikulincer, 2002). Toutefois, la plupart de ces instruments proviennent des travaux issus du monde anglo-saxon, comme le contexte d’élaboration de la théorie de l’attachement et du monde francophone européen. Très peu d’entre eux se sont illustrés dans le contexte africain en général et celui togolais en particulier, pour la mesure de l’attachement. Or, dès les années 1980, diverses études transculturelles se sont intéressées à la validation de la théorie de l’attachement et à ses modalités d’expression dans les contextes culturels variés; nécessitant une adaptation des outils d’évaluation au contexte environnemental de l’enfant. En effet, les différences observées entre les caractéristiques universelles des troubles mentaux et les expériences individuelles exprimées dans chaque culture remettent en question l’utilisation de certains instruments existants, sans les avoir préalablement validés de manière rigoureuse, au-delà de la traduction littérale des items. À ce titre, Moro et Baubet (2003) indiquent que la validité transculturelle « ne peut exister que si les catégories locales de l'expérience vécue sont intégrées dans les schémas d'évaluation. Sans cela, la recherche restera une sorte de manière coloniale d'imposer des catégories d'expérience occidentales certaines étant partagées, mais beaucoup présentant d'importantes différences » (p. 94).

Ainsi, le Relationship Scales Questionnaire (RSQ) développé par Griffin et Bartholomew (1994) est devenu un instrument d’évaluation indispensable des modalités d’attachement des adolescents et des adultes dans leurs relations interpersonnelles actuelles, au rang des instruments de mesure les plus utilisés dans la littérature. C’est un questionnaire des échelles de relations (Griffin et Bartholomew, 1994) qui se démarque par sa pertinence et s’impose de plus en plus à l’ensemble de la communauté scientifique en vue d’apprécier le lien parental. Cet autoquestionnaire a été validé en France par Guédeney, Fermanian et Bifulco (2010) auprès d’une population recrutée dans un service social polyvalent et correspond parfaitement à l’original. Il répond au concept de modèles internes opérants développé par Bowlby (1978, 1988). Il se traduit par la nature positive ou négative des représentations affectives de soi et des autres en cas de détresse émotionnelle (Bartholomew et Horowitz, 1991) et correspond également au modèle interne de l’attachement de Pionné et Atger (2001). Cet outil a fait l’objet de fréquentes utilisations dans la littérature scientifique et a connu une utilisation antérieure dans le contexte togolais, sans que ces propriétés psychométriques ne soient rigoureusement validées (Dassa, Lonzozou, Kpelly et Gaba Dovi, 2013).

OBJECTIF DE L’ÉTUDE

L’objectif de cette étude vise à valider la version française du RSQ dans le contexte togolais, par l’entremise de la méthodologie de validation transculturelle de Vallerand (1989), afin de faciliter son utilisation dans les sociétés dites traditionnelles. Ainsi, pour nos présents soins, nous avons examiné la structure factorielle, l’homogénéité, les corrélations ainsi que les différentes validités de l’échelle.

MÉTHODES

Les participants

Au total, 130 participants répartis en trois groupes ont participé à cette étude. Le premier groupe a été recruté au Centre Hospitalier National Spécialisé du Togo et comporte 30 sujets dépendants aux substances psychoactives (90 % d’hommes et 10 % de femmes; M = 33,67 ans; ÉT = 13,61). Le deuxième est formé par 30 frères et/ou soeurs non dépendants, pris dans les familles respectives des sujets dépendants aux substances psychoactives (57 % d’hommes et 43 % de femmes, M = 25,37 ans et ÉT = 5,80). Enfin, le troisième groupe est composé de 70 étudiants en première année de psychologie à l’Université de Lomé (Togo) (40 % d’hommes et 60 % de femmes; M = 20,93 ans et ÉT = 2,91).

Les instruments

Le guide d’entretien clinique

Afin d’entrer en contact avec les sujets, nous avons utilisé dans notre démarche, un guide d’entretien semi-directif composé de trois grandes parties : (1) la première permet de recueillir les informations sociodémographiques et factuelles; (2) la deuxième porte sur la nature des relations d’attachement à partir des perceptions de soi et des autres, comme suggéré par Bartholomew et Horowitz (1991) et (3) la dernière, concerne l’historique des consommations de substances psychoactives (uniquement pour les sujets dépendants aux substances psychoactives).

Le Relationship Scales Questionnaire

Le RSQ est un autoquestionnaire de 30 items élaboré à partir du Relationship Questionnaire, (Bartholomew et Horowitz, 1991) et de l’Adult Attachement Scale (AAS) de Collins et Read (1990). Cette échelle permet de répartir les participants en quatre catégories d’attachement (sécure ou autonome, évitant ou détaché, préoccupé ou ambivalent, craintif ou désorganisé). Néanmoins, ce regroupement est déterminé par seulement 17 items de l’ensemble du questionnaire. À partir d’une échelle de Likert allant de 1 (pas du tout comme moi) à 5 (tout à fait comme moi), le sujet identifie le niveau auquel les descriptions s’appliquent à lui pour chaque énoncé ou item.

Le Questionnaire Drug Abuse Screening Test (DAST)

Le DAST est un instrument d’auto-évaluation développé par Skinner (1982) pour déterminer la consommation excessive de substances psychoactives et de médicaments, pour des fins non médicales auprès d’une personne. Il permet également de fournir un score quantitatif correspondant au degré de risques et de problèmes liés à la consommation ou l’abus de drogues, effectué par cette dernière, pendant les douze derniers mois. C’est un outil d’administration facile, brève et assez pratique, conçu en s’inspirant du test de dépistage d’alcoolodépendance du Michigan Alcoholism Screening Test (MAST de Selzer, 1971). Le coefficient d’alpha de Cronbach pour cet outil est de 0,91.

Le Test de Fagerström

Cet instrument dépiste et détermine le niveau de dépendance au tabac. Historiquement, cet outil est apparu sous l’appellation de questionnaire de tolérance par Fagerström en 1978. À l’origine, il comprenait huit questions de mesure de la dépendance. Très rapidement, il a connu une modification par le retrait de deux questions et comprend aujourd’hui six questions qui portent essentiellement sur les habitudes de consommations.

Le Questionnaire Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT)

Le questionnaire AUDIT a été développé par Saunders et al. (1993) en collaboration avec l’OMS pour une utilisation rapide et simple des professionnels de santé, afin d’identifier les personnes ayant un problème avec l’alcool. Cet autoquestionnaire permet d’évaluer rétrospectivement la consommation d’alcool et de mesurer le niveau d’alcoolodépendance chez les sujets, sur une période des douze derniers mois. Ainsi, il diagnostique l’alcoolodépendance, identifie une consommation excessive, repère les risques liés à une consommation nocive et estime le niveau de la consommation chez les adolescents et les jeunes adultes. En général, les scores AUDIT sont modérément corrélés à d'autres tests de dépistage de l'alcoolémie autodéclarés et présentent des indices de cohérence interne, y compris les corrélations interitems et l’alpha de Cronbach, autour de 0,80 généralement.

Le Questionnaire Lie-Bet

Il s’agit du questionnaire Lie-Bet très concis et très facile d’utilisation. Cet instrument, validé auprès des joueurs pathologiques présentant des risques, a été utilisé sur plus de 2000 adultes et plus de 3000 adolescents durant des études comme celles de Johnson et al. (1997) et Johansson et Götestam (2004). C’est un outil de dépistage composé de deux items qui portent sur le besoin de jouer avec des sommes de plus en plus élevées, et le besoin de mentir à son entourage à propos de ses jeux de hasard et d’argent.

Les valeurs des coefficients d’alpha de Cronbach (α), calculés dans le cadre de ce travail, sont supérieures au seuil minimum d’acceptabilité de 0,70 recommandé pour l’ensemble des outils Fagerström Test (0,74), AUDIT (0,88), Questionnaire Lie-Bet (0,79) et DAST (0,91). Ces données montrent que les différentes échelles de dépistage d’addictions sont d’une cohérence interne satisfaisante.

La Resilience Scale for Adults

Décrite par Hjemdal, Friborg, Martinussen et Rosenvinge (2001) à partir des travaux portant sur la résilience (Ionescu, 2006, 2011), cette échelle a connu plusieurs modifications et comprend 33 items regroupés en six (6) dimensions dans sa version validée en 2005, sur une population francophone, à savoir la perception de soi (α = 0,74), la perception de l’avenir (α = 0,73), les compétences sociales (α = 0,83), la cohésion familiale (α = 0,80), les ressources sociales (α = 0,74) et la structure personnelle (α = 0,80). Dans cette auto-évaluation, chaque item a un attribut positif et un attribut négatif situés aux deux extrémités du continuum, et se mesure sur une échelle sémantique différentielle en sept points avec un point neutre.

La procédure

Ce travail s’inscrit dans le cadre d’une recherche plus vaste, portant sur l’influence de la qualité d’attachement et des traumatismes psychiques non assimilés sur les addictions aux substances psychoactives. Toutefois, seules les données relatives aux qualités psychométriques du RSQ sont présentées ici. Suite à l’approbation du comité éthique pour la recherche en santé du ministère de la Santé au Togo, nous avons réalisé un sondage aléatoire simple pour recruter 30 sujets dépendants aux substances psychoactives, parmi la liste des sujets dépendants obtenue auprès des psychologues du centre. Ces sujets avaient déjà été diagnostiqués par le personnel soignant. Ces informations ont été légitimées par la confirmation effectuée par les sujets avant que ceux-ci soient soumis à une batterie d’échelles pour renseigner quantitativement ce statut. En termes de critères d’inclusion, au-delà du premier qui est le consentement libre et éclairé, il faut savoir parler et comprendre le français, être âgé entre 18-65 ans et coopérant pour la collecte. Toutefois, nous avons exclu du groupe des dépendants aux substances psychoactives, ceux présentant d’autres troubles psychopathologiques, afin de limiter dans la mesure du possible, les biais de comorbidité et dans le groupe « témoin », les frères et soeurs qui présentent un comportement addictif ou un trouble psychopathologique. La collecte a été effectuée auprès des groupes de sujets par l’un des auteurs de cet article avec une aide appuyée des psychologues du centre et de quatre étudiants de master de psychologie de l’Université de Lomé (Togo). Elle s’est déroulée en plusieurs temps pour les sujets dépendants aux substances psychoactives. Puis pour les frères et soeurs non dépendants touchés par cette étude, les passations ont été effectuées en une seule rencontre, après un premier contact téléphonique. Enfin, les étudiants ont rempli eux-mêmes les outils à une date éloignée des premières passations.

Les analyses

Les traitements statistiques des données ont été effectués à partir du logiciel SPSS 21.0, appuyés par une analyse qualitative. Ces analyses ont porté initialement sur l’étude descriptive de diverses caractéristiques de notre échantillon à travers les effectifs et les proportions, ainsi que le test d’adéquation de l’échantillon par l’indice Kaiser-Meyer-Olkin (KMO), le test de sphéricité de Bartlett, la structure factorielle, les statistiques de fiabilité et la matrice des corrélations. Enfin, ces traitements ont permis d’évaluer la structure factorielle par l’analyse en composantes principales, l’homogénéité (cohérence interne) et les différentes validités du RSQ ainsi que des tests d’analyse de variance, de chi-deux et de comparaisons de moyennes.

RÉSULTATS

Caractéristiques sociodémographiques des participants

Comme indiqué dans le Tableau 1, les participants de sexe masculin sont majoritairement représentés dans le groupe des sujets dépendants aux substances psychoactives que dans les deux autres groupes. Selon la tranche d’âge, nous notons une variabilité par rapport aux groupes. En effet, 37 % des sujets dépendants aux substances psychoactives sont âgés de 36 ans et plus, alors que la plupart des frères et soeurs (soit 43 %) et des étudiants (soit 91 %) ont respectivement un âge compris entre 25-29 ans et 18-24 ans. En termes de niveau d’études, le niveau de scolarisation est bien évidemment plus élevé chez les étudiants (100 %). Ils sont suivis par les frères et soeurs (67 %) alors que la moitié (53 %) des sujets dépendants aux substances psychoactives ont atteint un niveau de scolarisation secondaire. S’agissant de la situation professionnelle, 40 % des sujets dépendants aux substances psychoactives sont des artisans et commerçants, contre 70 % des frères et soeurs qui demeurent étudiants. Toutefois, presque la totalité des étudiants, excepté une seule personne, est célibataire. Ils sont de 87 % dans le groupe de la fratrie et 67 % dans le groupe des sujets dépendants aux substances psychoactives. Par ailleurs, 10 % des sujets dépendants aux substances psychoactives sont séparés, divorcés ou veufs.

Tableau 1

Répartition des participants selon le sexe, l’âge, le niveau d’instruction, la profession et la situation matrimoniale (N = 130)

Répartition des participants selon le sexe, l’âge, le niveau d’instruction, la profession et la situation matrimoniale (N = 130)

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Structure factorielle

Avant de tester la structure factorielle par l’analyse en composantes principales, l’adéquation de l’échantillon a été examinée. La variation des coefficients de saturation est de 0,60 supérieur à 0,50 recommandé dans la littérature et indique une valeur moyenne pour une solution factorielle acceptable (avec un seuil choisi de 0,30). En outre, le résultat du test de sphéricité de Bartlett est significatif (p < 0,000) et témoigne une nature de matrice différente de celle d’une matrice d’identité (tous les items sont indépendants les uns des autres).

Après rotation Varimax, l’analyse menée sur les 17 items spécifiques au RSQ, donne une solution en trois facteurs à partir de 7 items, qui expliquent 59,52 % de la variance totale pour s’arrimer aux trois facteurs identifiés dans les travaux antérieurs (Stein et al., 2002; Guedeney et al., 2010) : Sécurité, Anxiété et Évitement (Tableau 2). La matrice des composantes indique des valeurs de coefficients de saturation qui évoluent de 0,64 à 0,81 concordant en partie avec le coefficient structurel de 0,70 pour un échantillon d’effectifs supérieur à 60 selon Hair et al. (2006). En effet, seuls les 7 items pertinents ont été retenus à partir des coefficients de saturation pour poursuivre l’analyse factorielle et aboutir aux trois facteurs. Le premier facteur rassemble 2 items (15, 19) et révèle 20,88 % de la variance. Nous le nommons facteur « Sécurité » puisqu’il valorise les sentiments de bien-aise, d’être à la disposition d’autrui si besoin, dans les relations interpersonnelles. Le deuxième facteur comporte 3 items (1, 2, 16) et explique 20,50 % de la variance. Nous le nommons facteur « Évitement » du fait qu’il porte sur l’indépendance et la préoccupation ressentie dans les relations interpersonnelles, quand peu d’importance est accordée à un individu. Le troisième facteur comporte 2 items (22, 25) et illustre 18,14 % de la variance totale. Il est nommé facteur « Anxiété » et évoque la peur ou l’inquiétude des relations interpersonnelles, quand la proximité entre les personnes ne se présente pas comme souhaité. Ces résultats confirment ainsi la validité interne de l’échelle.

Homogénéité

Les coefficients alpha de Cronbach calculés pour tester la cohérence interne de la nouvelle version du RSQ sont de 0,81 pour l’échelle globale, de 0,82 pour le facteur « Sécurité », de 0,77 pour le facteur « Évitement » et de 0,69 pour le facteur « Anxiété ». Il n’est plus possible d’améliorer ces coefficients en supprimant l’un des items de ces différentes sous-échelles. Les scores d’alpha de Cronbach de la version originale du RSQ sont compris entre 0,22 et 0,54 pour l’ensemble des sous-échelles sauf pour le prototype « détaché » dont le score est de 0,64 (Griffin et Bartholomew, 1994). Les travaux de Guedeney et al., (2010) indiquent que les coefficients d’alpha de Cronbach des trois facteurs trouvés témoignent des valeurs moyennes (0,60 < α < 0,69). Ces valeurs attestent ainsi d’une cohérence interne moyenne pour les versions initiales. Par conséquent, les niveaux de consistance interne de l’échelle RSQ dans le contexte togolais semblent assez satisfaisants (Tableau 3).

Tableau 2

Résultats de l’analyse factorielle pour le RSQ (N = 130)

Résultats de l’analyse factorielle pour le RSQ (N = 130)

a. La rotation a convergé en 5 itérations

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Validités

Validité de contenu

Il s’agit ici de vérifier que les items du RSQ sont en rapport avec le construit qu’ils sont censés mesurer. D’abord, le RSQ dispose d’une pertinence théorique puisqu’il est issu des mesures d’attachement d’Hazan et Shaver (1987), du Questionnaire de relations de Bartholomew et Horowitz (1991) et de l'Échelle d'attachement pour adultes de Collins et Read (1990). Par ailleurs, la matrice de corrélation signale que sur 21 corrélations, 6 semblent significatives et offrent une mesure adéquate du modèle théorique (Tableau 4). Dans ce détail, nous constatons que l’item 19 « C’est très important pour moi de sentir que je me suffis à moi- même » est corrélé positivement avec l’item 15 « Je me sens bien lorsque les gens ont besoin de moi » de la sous-échelle « Sécurité », (r(128) = 0,36, p < 0,01). Ensuite, l’item 1 « Je trouve difficile de dépendre des autres » est positivement corrélé avec l’item 2 « C’est très important pour moi de me sentir indépendant » (r(128) = 0,30, p < 0,01) et l’item 16 « J’ai peur que les gens ne me donnent pas autant d’importance que je leur en donne » (r(128) = 0,23, p < 0,01) de la sous-échelle « Évitement ». Enfin, une corrélation positive apparaît significative pour les items de la sous-échelle « Anxiété ». Ainsi, l’item 22 « Je préfère n’avoir personne qui dépende de moi » démontre une corrélation significative avec l’item 25 « Je trouve que les gens ne veulent pas être aussi proches de moi que je le souhaiterais » (r(128) = 0,25, p < 0,01). Finalement, tous les items au sein de chaque facteur sont significativement corrélés entre eux. Ceci est une preuve de confirmation que le RSQ mesure trois dimensions.

Tableau 3

Statistiques de fiabilité pour le RSQ (N = 130)

Statistiques de fiabilité pour le RSQ (N = 130)

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Tableau 4

Matrice de corrélation interitems pour le RSQ et d’autres échelles

Matrice de corrélation interitems pour le RSQ et d’autres échelles

Tableau 4 (suite)

Matrice de corrélation interitems pour le RSQ et d’autres échelles

** La corrélation est significative au niveau 0.01 (bilatéral).

* La corrélation est significative au niveau 0.05 (bilatéral).

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Validité convergente et divergente

Des corrélations ont été réalisées avec les échelles de dépistage d’addictions et la Resilience Scale for Adults pour examiner la validité convergente (Tableau 4). Ainsi, nos analyses indiquent que le facteur « Sécurité » du RSQ (à 7 items) entretient une corrélation positive moyenne avec la RSA (r(128) = 0,17, p < 0,05). Autrement dit, plus le score du facteur « sécurité » augmente (donc devient sécure), plus celui de la RSA augmente aussi (différentes dimensions). Ainsi, la faible corrélation négative notée entre le facteur « sécurité » et le questionnaire DAST ne semble pas significative (r(128) = -0,06 et p > 0,05). Ceci indique aussi des liens d’associations entre les patrons d’attachement et les consommations de substances psychoactives.

En termes de validité divergente, des analyses de comparaisons de moyennes ont été examinées entre les variables sans aucun effet ou pronostic (niveau d’instruction et situation familiale) et le RSQ. Ainsi, les résultats présentés dans le Tableau 5 montrent qu’il n’y a pas de différence significative entre les scores obtenus au RSQ et le type de profession (F(4,125) = 1,15 et p < 0,31). Il en est de même pour le niveau d’instruction (F(2,127) = 1,84 et p < 0,23) et la situation de vie (F(3,126) = 1,34 et p < 0,16). Le niveau d’instruction, la situation de vie et la profession des participants ne semblent exercer aucun effet sur les scores obtenus aux différents facteurs du RSQ dans le contexte togolais.

Validité discriminante

Les analyses effectuées entre les patrons d’attachement et les consommations de substances psychoactives ont montré une faible corrélation négative. En vue d’affiner ces analyses, des modèles catégoriels d’attachement, par perceptions de soi et autres de Bartholomew et Horowitz (1991), ont été appréhendés chez nos participants. Des études de relations de dépendance effectuées révèlent des différences significatives entre les catégories d’attachement et l’appartenance à chacun des trois groupes de participants (X2(6, 130) = 23,97 et p < 0,001). En effet, il ressort que 60 % des sujets dépendants aux substances psychoactives ont un attachement insécure contre 23,3 % des frères et soeurs, et 15,7 % des étudiants. En conclusion, les sujets dépendants aux substances psychoactives semblent présenter majoritairement un attachement insécure dans le contexte togolais (Tableau 5).

Synthèse d’analyse qualitative

Le résumé des cas suivants s’inscrit dans l’analyse comparative des modalités d’attachement de deux participants (un sujet dépendant aux substances psychoactives et sa soeur non dépendante). L’évaluation décrit la présentation des sujets, les relations interpersonnelles actuelles, mais aussi le profil des scores obtenus aux différents facteurs issus de l’analyse factorielle du RSQ.

Tableau 5

Comparaison de variables sociodémographiques en fonction du score de RSQ (7 items) après analyse factorielle (N = 130)

Comparaison de variables sociodémographiques en fonction du score de RSQ (7 items) après analyse factorielle (N = 130)

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Observation clinique de M. A; sujet dépendant aux substances psychoactives

Célibataire et âgé de 22 ans, M. A. est l’aîné d’une fratrie de deux garçons et d’une fille issus d’une famille monogame. Actuellement, il est sans activité professionnelle après avoir commencé sans achever, une formation en restauration suite à ses nombreux échecs scolaires, qu’il attribue en partie aux incessants voyages et déplacements de son père. Dans sa présentation, M. A. poursuit la description de son parcours scolaire en pointant les nombreux changements d’école (6 au total) et de ville (4) effectués pendant sa scolarisation, avant d’y mettre fin en classe de 2e, dans un contexte de consommation excessive de substances psychoactives (cannabis, amphétamines, alcool, tabac).

M. A. a été principalement élevé par la mère. Le père était souvent absent physiquement et psychiquement. En outre, il était peu préoccupé par l’éducation et l’épanouissement de ce dernier. M. A. aurait vécu pendant trois mois chez sa grand-mère durant son enfance, suite à un voyage effectué par ses parents pour le Gabon. Puis à 15 ans, il a été placé à l’internat pendant deux ans; et ensuite il rejoignit un oncle paternel pour la même durée, afin de se consacrer pleinement à ses études. En termes de patrons d’attachement, M. A. aurait bénéficié d’un traitement affectueux de la part de sa mère, même si son père ne se privait pas de le châtier pour des bêtises commises et était très sévère avec lui selon ses propres mots. Les perceptions de soi et des autres s’avèrent respectivement positives et négatives pour M. A. Ce qui lui attribue un style d’attachement insécure évitant. En outre, la description effectuée par M. A. de ses relations avec ses parents est de nature cordiale avec la mère et insupportable avec le père. S’agissant des scores obtenus aux différents facteurs de RSQ, il apparaît que M. A. utilise fréquemment le facteur « Anxiété » dans ses relations interpersonnelles. En effet, il obtient des Z[2] scores respectifs de -0,07 et -0,42 aux facteurs « Sécurité » et « Évitement », moins élevés que la moyenne sauf pour le facteur « Anxiété » (0,72).

Ce cas clinique permet de mettre à jour la nature insécurisante des patrons d’attachement intériorisés par M. A. à partir des relations entretenues avec les parents sur un fond oscillant entre la disponibilité de la mère et le rejet du père. Ceci se confirme par le score élevé obtenu à la dimension « Anxiété » du RSQ.

Observation clinique de Mlle. B, soeur non dépendante du sujet dépendant aux substances psychoactives

Sa soeur, célibataire, âgée de 19 ans, est actuellement scolarisée en classe de 1re. Elle est la deuxième enfant de la famille.

Mlle B. a connu pratiquement le même mode d’éducation que son frère M. A., qui est plus porté et soutenu par la mère. Le père étant toujours entre deux avions, est disqualifié par son absence physique. Cependant, Mlle B. évoque les sentiments de joie et de bonheur qu’elle éprouve à chaque retour de voyage du père. Ce dernier lui ramène assez souvent des cadeaux pour lui témoigner toute son affection et tout son amour. Mlle B. n’a pas connu véritablement une rude séparation avec ses parents avec qui d’ailleurs elle vit depuis toujours. Mlle B. annonce que le traitement qu’elle a reçu des parents est très affectif et elle pense qu’elle a été l’enfant la plus choyée de la famille, du fait qu’elle est la seule fille. Selon elle, sa perception de soi et celles des autres sont toutes positives. Ainsi, Mlle B. serait d’un type d’attachement sécure. La description, qu’elle fait de ses liens avec son entourage, illustre parfaitement ce patron d’attachement, puisqu’elle semble entretenir des relations bienveillantes et chaleureuses avec ses parents, ses frères et son entourage. Les valeurs Z scores obtenues par Mlle. B. aux différents facteurs de RSQ sont respectivement de -0,30 pour le facteur « Évitement », -1,80 pour le facteur « Anxiété » et 1,42 pour le facteur « Sécurité ». Ainsi, ces scores témoignent plus de l’utilisation du facteur « sécurité » par Mlle B.

Mlle B. semble utiliser habituellement le facteur « Sécurité » en termes de stratégies d’ajustement. Ceci corrobore avec le style d’attachement sécure développé à partir des perceptions de soi et des autres. La comparaison de ce cas avec celui de M. A., nous inspire la différence dans les styles d’attachement développés par les mêmes parents vis-à-vis de leurs enfants. En effet, cela nous démontre que les enfants, bien qu’ils aient baigné dans le même milieu familial, peuvent développer des patrons d’attachement différents les uns des autres en fonction des attitudes et des réactions des parents orientées différemment vers chacun des enfants.

DISCUSSION

Le présent article a pour objectif d’examiner la validation transculturelle de la version française du Relationship Scales Questionnaire de Griffin et Bartholomew (1994) à travers sa structure factorielle, sa fidélité ainsi que ses différentes validités. Globalement, les résultats confirment la facilité d’utilisation et la pertinence du RSQ dans le contexte togolais. La validation de la version française de cet instrument dans ce contexte socioculturel témoigne de bonnes qualités psychométriques à travers sa fiabilité et sa structure factorielle en trois facteurs. En effet, cette analyse aboutit à une combinaison de trois facteurs présentant de bonnes propriétés métrologiques et confirmant ainsi l’évitement, l’anxiété et la sécurité dans les relations interpersonnelles selon le modèle théorique initial de l’attachement (Bifulco et al., 2002). Il s’agit d’une première étude de validation réalisée dans le contexte socioculturel togolais.

L’échantillon d’étude de la validation de cet outil est assez particulier, dans la mesure où il est constitué de trois groupes de jeunes adultes, l’un clinique et les deux autres non cliniques. Ces groupes ne sont pas équivalents en termes d’effectifs puisque c’est la technique de sondage aléatoire qui a été privilégiée pour les sujets dépendants aux substances psychoactives. Cependant, cette sélection variée de participants se révèle pertinente et permet de généraliser les résultats, seulement pour le groupe des sujets dépendants aux substances psychoactives. Par ailleurs, les participants ont à majorité un bon niveau d’éducation et disposent d’une occupation professionnelle pour la plupart. De plus, bon nombre des participants sont célibataires et issus d’un même contexte socioculturel. Cette approche méthodologique intègre à la fois dans le protocole, un groupe clinique de sujets dépendants aux substances psychoactives et deux groupes non cliniques (fratrie et étudiants non dépendants aux substances psychoactives). Ce choix s’adapte de façon harmonieuse avec la majorité des études de validation qui portent souvent sur un échantillon d’étudiants (Bäckström et Holmes, 2001; Davila et Cobb, 2004), comme recommandé par les exigences actuelles des études de validation des outils sur l’attachement (Crowell, Fraley et Shaver, 1999).

La structure factorielle du RSQ aboutit à une solution en trois facteurs comme identifiés par des études antérieures (Guédeney, et al., 2010; Bäckström et Holmes, 2001), bien qu’il existe des différences méthodologiques et sociodémographiques entre les échantillons utilisés. Cette structuration est différente des analyses factorielles à deux facteurs (anxiété/évitement) obtenus à partir des échantillons d’étudiants (Brennan, Clark et Shaver, 1998). L’analyse factorielle en trois facteurs, consolide les thèses déjà admises sur la structuration en trois facteurs des échelles d’attachement chez les adultes. En effet, selon Becker et al. (1997), Stein et al. (2002) et Bifulco et al. (2002), cette structuration témoigne d’une plausible organisation des représentations d’attachement intériorisées à partir des relations interpersonnelles chez l’adulte (Shaver et Mikulincer, 2004). Il s’agit concrètement d’un rangement selon trois dimensions : une dimension continue « sécurité–insécurité » et deux dimensions « évitement » et « anxiété dans la relation » (Guédeney et al., 2010). La dimension « évitement » est caractéristique d’une relation fondée sur la banalisation des questions relatives à l’attachement et le recours fréquent aux ressources propres du sujet, tandis que la dimension « anxiété dans la relation » témoigne d’une prise en compte importante des questions d’attachement et des difficultés à recourir à ses propres ressources pour affronter les évènements de la vie.

En termes d’homogénéité, la cohérence interne des sous-échelles donne des résultats acceptables et comparables à ceux déjà obtenus à travers des études réalisées (Griffin et Bartholomew, 1994; Bäckström et Holmes, 2001; Kurdek, 2002; Guédeney et al., 2010). Cette consistance interne indique, pour l’ensemble de facteurs identifiés, des coefficients d’alpha de Cronbach supérieurs à ceux documentés par les travaux de Guédeney et al., (2010), même si les analyses ne se sont pas penchées sur la stabilité temporelle de l’outil.

Au niveau des validités, les informations rendent compte du fait que chaque facteur obtenu à partir de l’analyse factorielle identifie une seule dimension. À travers la matrice de corrélation, il est démontré des liens étroits entre les différents items constituant chaque sous-échelle, ainsi que les dimensions mesurées à travers toutes ces questions. Par ailleurs, il existe une équivalence entre les facteurs trouvés et ceux identifiés par Guédeney et al., (2010). En outre, nos analyses montrent des corrélations significatives négatives entre le RSQ et les consommations de substances psychoactives, corroborant ainsi les travaux de Pastore (2013) et Sinnasse et Tereno, (2017). S’agissant des facteurs du RSQ et de l’échelle de la résilience, il est observé des corrélations positives, sauf pour le facteur « Anxiété » (Vinay, Esparbes-Pistre et Tap, 2000). Ces résultats confirment ainsi la validité convergente de notre échelle, tout comme l’absence de relation entre le niveau d’instruction, la situation de vie, la profession et le RSQ confirme la validité divergente dans le contexte togolais (Allen et Yen, 1979; Spielberger et Sharma, 1976), comme cela a été identifié pour le sexe et le redoublement de classe (Philippe et al., 2007).

LIMITES

Eu égard au contexte socioculturel togolais, nous avons effectué une validation transculturelle du RSQ. Cette première analyse devra être confirmée par des études plus approfondies et plus élargies en termes de caractéristiques cliniques et sociofamiliales des participants, qui ne traduisent pas réellement celles de la population générale. Elles devront permettre d’aboutir à terme, à une analyse factorielle confirmatoire. Par ailleurs, il serait intéressant de poursuivre des corrélations avec d’autres versions de l’instrument, afin de renforcer sa validité. Enfin, la nécessité d’augmenter les effectifs des participants dans de futures recherches s’impose afin de normaliser l’échelle.

CONCLUSION

Le RSQ est une échelle de mesure de l’attachement chez les adultes dont la version française a été validée par les travaux de Guedeney et al. (2010). Cet instrument de mesure de l’attachement est d’une administration facile et porte sur la nature des relations existant entre les parents et les enfants. La validation transculturelle de la version française de cet outil, à partir d’un échantillon de jeunes adultes au Togo, confirme de bonnes caractéristiques psychométriques de l’outil et témoigne de l’intérêt capital de son utilisation dans la détermination des patrons d’attachement chez les jeunes adultes. Il permet par ailleurs de développer et de consolider les connaissances théoriques sur les relations d’attachement des enfants aux parents et de leur influence sur leur santé mentale.