Corps de l’article

Introduction 

Depuis quelques années déjà, la légalisation du cannabis fait l’objet de vives délibérations sociopolitiques au Canada. Les discussions se sont amplifiées devant l’adoption récente de cette politique par plusieurs autres sociétés. Aux États-Unis, les États pionniers ont été le Colorado, l’État de Washington, l’Oregon et l’Alaska. D’autres les ont ensuite suivis18. L’Uruguay a également procédé à cette légalisation, alors que des dizaines d’autres nations ont plutôt choisi de décriminaliser la substance8.

Au Canada, l’utilisation du cannabis médical prescrit par un médecin est légale depuis 2011. Le recours à cette substance s’est ensuite répandu de façon croissante, particulièrement suite à l’accès facilité par certains changements concernant les réglementations liées à Santé Canada (2014)6.

Le 17 octobre 2018, c’est toutefois le cannabis récréatif que le gouvernement du Canada a légalisé, après avoir constaté l’inefficacité des sanctions criminelles qui visaient à restreindre l’accès des mineurs à cette substance. Bien que les données sur les réels impacts d’une politique comme celle adoptée par le Canada soient limitées, les intentions derrière cette approche nationale de réduction des méfaits sont, entre autres, d’éliminer le marché illégal du cannabis, de réduire le fardeau carcéral associé aux infractions mineures en lien avec cette substance, de procurer des avantages financiers au gouvernement, de contrôler la qualité du cannabis et d’en limiter efficacement l’accès aux adolescents6, 8, 12.

La consommation de cannabis comporte toutefois certains effets néfastes. Elle est associée aux troubles d’usage de substances, à des atteintes cognitives ainsi qu’à l’apparition de troubles psychotiques4, 11, 27. Notons également qu’une consommation dès le jeune âge est associée à un plus grand risque de développer un trouble d’usage au cannabis ou des altérations du développement cérébral ainsi qu’à un moins haut niveau de scolarité4, 11, 18, 27.

L’annonce de la légalisation du cannabis a donc soulevé de multiples débats au sein des experts en santé mentale. Devant cette plus grande accessibilité à la marijuana, certaines associations médicales ont émis des craintes quant à une possible augmentation du nombre de consommateurs de cannabis et du nombre de patients atteints d’épisodes psychotiques, entre autres1, 2

Une recension des écrits a donc été effectuée autour de la question suivante : « Quel est l’impact d’une légalisation du cannabis récréatif sur la santé mentale de la population ? »

Méthodologie

La recension a été effectuée en novembre 2018 dans la base de données PubMed en utilisant les termes suivants : (marijuana OR cannabis OR THC OR pot) AND (legalization or legalisation) AND mental health. Nous avons également fait la même recherche en remplaçant le terme mental health par depression, psychosis, anxiety, suicide, bipolar, personality disorder, neurodevelopmental disorder et (substance use disorder OR cannabis use disorder).

Au total, 382 articles ont été obtenus. Les articles devaient être disponibles en anglais ou en français. Tous les articles étaient considérés, peu importe leur date de parution et le type d’étude. 

Une fois les doublons enlevés, il restait 272 articles. Deux évaluateurs (médecins résidents en psychiatrie), ont ensuite effectué une lecture des titres et des résumés de ces 272 articles. Indépendamment, ils ont sélectionné les articles traitant de la légalisation du cannabis et de l’impact sur un trouble de santé mentale. 

La lecture des titres et des résumés a permis de conserver 22 articles, que les deux évaluateurs ont ensuite lus en entier. Finalement, 11 articles ont été retenus. Les divergences d’opinions mineures ont été facilement résolues.

Ainsi, au cours du processus, la majorité des résumés et des articles étaient éliminés, car ils ne traitaient pas du lien entre la légalisation du cannabis et un trouble de santé mentale. Les articles traitant uniquement de prédictions ont également été écartés. Puisque notre recension des écrits a pour objectif de clarifier les impacts potentiels de la plus récente loi canadienne (2018) concernant l’utilisation du cannabis récréatif, nous avons écarté les études qui s’intéressaient uniquement au cannabis médical, jugeant que les possibles différences populationnelles entre ces études et celles centrées sur le cannabis récréatif auraient pu biaiser notre interprétation. Un seul article a été exclu puisqu’il était rédigé en espagnol.

Figure 1

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Impacts de la légalisation du cannabis récréatif en santé mentale

La consommation de cannabis

À la lecture de ces 11 articles, l’issue la plus étudiée en lien avec la légalisation et la santé mentale est certainement la consommation de cannabis elle-même. 

À ce sujet, la plupart des études ont montré une augmentation de la consommation de cannabis. Parmi ces études, 3 d’entre elles concernaient des populations étudiantes, alors que les 2 autres se consacraient respectivement à une population plus générale de citoyens américains et à une population de femmes ayant des problèmes de consommation5, 6, 13, 15, 22.

L’étude de Cerdá et coll. (2017) a sondé plus de 250 000 jeunes étudiants dans quelque 400 écoles secondaires américaines de 2010 à 2015. Cette période incluait la légalisation du cannabis et le début de la vente de cannabis dans les États de Washington et du Colorado. En effet, dans ces deux États, la légalisation du cannabis a eu lieu en 2012 et la vente a débuté en 2014. Cette étude visait donc à comparer la prévalence d’utilisateurs de cannabis chez les mineurs avant et après la légalisation. Le sondage s’intéressait seulement à la consommation de cannabis lors du dernier mois. Les résultats démontrent qu’après la légalisation du cannabis, il y a eu une augmentation de la proportion des étudiants de l’État de Washington ayant consommé du cannabis dans le dernier mois. En effet, la proportion des étudiants de 8e année (13-14 ans) et de 10e année (15-16 ans) de l’État de Washington rapportant une consommation de cannabis dans le dernier mois a augmenté de respectivement 2,0 % et 4,1 %. La proportion d’étudiants fréquentant une école dans un État où le cannabis était illégal et rapportant une consommation de cannabis dans le dernier mois a plutôt diminué au cours de la même période, et ce, d’environ 1 %. Il est à noter qu’aucune différence n’a été observée quant à la consommation des étudiants du Colorado5

Kerr et coll. (2017) se sont, quant à eux, intéressés à 10 924 étudiants provenant de 7 universités américaines différentes, dont une université située en Oregon (où la légalisation a eu lieu en 2015) et d’autres situées dans des États n’ayant pas légalisé le cannabis. Les données autorapportées d’un sondage auprès d’étudiants sur leur consommation de cannabis ont été compilées de 2012 à 2016. Ces résultats ont montré qu’après la légalisation du cannabis, il y avait une augmentation de la prévalence d’étudiants ayant consommé du cannabis lors du dernier mois dans 6 universités sur 7 (21,7 % à 23,8 %). En Oregon, l’augmentation était significativement plus grande comparativement aux autres États, mais uniquement chez les étudiants ayant rapporté une consommation importante d’alcool récente15.

Parnes et coll. (2018) ont aussi effectué une étude chez une population étudiante du Colorado. Ils ont évalué l’impact de la légalisation du cannabis en compilant les résultats d’un questionnaire développé par Conner et Henson au sujet d’une variété de comportements risqués appelée Risky Behavior Inventory7. Ainsi, 5 241 questionnaires ont été remplis par des étudiants à l’Université au Colorado lors de la période du printemps 2013 à l’automne 2015 (sachant que la légalisation a eu lieu au Colorado en 2012, mais que la vente a débuté en 2014). Cette étude suggère que la mise en marché du cannabis par l’État a entraîné une augmentation de la consommation de cannabis chez les étudiants. En effet, 53,6 % des étudiants rapportaient avoir déjà consommé du cannabis dans le groupe « postlégalisation » alors que seulement 43,5 % rapportaient la même chose dans le groupe « prélégalisation ». L’étude montre que l’augmentation du nombre d’étudiants ayant déjà consommé du cannabis dans leur vie était plus marquée chez les étudiants de 21 ans et plus (passant de 40,0 % avant la légalisation à 60,9 % après la légalisation) que chez les étudiants de moins de 21 ans, mais que la prévalence d’utilisateurs à vie chez les mineurs a tout de même augmenté (passant de 43,7 % à 52,6 %), bien qu’ils n’aient pas été directement ciblés par la légalisation22.

Une autre étude était effectuée auprès de la population générale. En effet, Compton et coll. (2016) ont compilé 596 500 sondages annuels remplis par des Américains âgés de 18 ans et plus, de 2002 à 2014. Les variables (mesurées annuellement) liées au cannabis incluaient la prévalence de consommateurs lors des 12 derniers mois, la prévalence de nouveaux consommateurs (adultes ayant consommé du cannabis pour la première fois), la prévalence d’utilisateurs quotidiens, la prévalence d’individus présentant un trouble d’usage du cannabis ainsi que la prévalence d’adultes qui jugeaient qu’il y avait des risques physiques importants à consommer du cannabis 2 à 3 fois/semaine. Le nombre de jours moyens de consommation dans la dernière année était aussi recensé pour les consommateurs de cannabis. Cette étude a montré une augmentation statistiquement significative de la prévalence d’utilisateurs de cannabis de 2002 à 2014 (10,4 % à 13,3 %). La proportion d’adultes ayant consommé du cannabis pour la première fois a aussi augmenté significativement de 2002 à 2014 (0,7 % à 1,1 %), de même que la prévalence d’adultes consommant du cannabis quotidiennement ou quasi quotidiennement (1,9 % à 3,5 %). Le nombre moyen de jours de consommation chez les consommateurs de cannabis a également augmenté significativement, en passant de 97,9 jours en 2002 à 124,9 jours en 2014. Toutefois, le nombre d’adultes ayant un trouble d’usage du cannabis est resté stable au cours de cette même période (soit environ 1,5 %). Les autres résultats n’étaient pas statistiquement significatifs6.

Finalement, une étude (Grant et coll., 2017) effectuée dans l’État de Washington s’est plutôt concentrée sur une population bien particulière : les femmes ayant déjà un problème de consommation de substance(s) durant leur grossesse et ayant complété un programme d’intervention de 3 ans visant un remplacement de la consommation par des comportements plus sains. L’étude a évalué l’impact de la légalisation du cannabis sur la consommation de cannabis chez ces femmes via un questionnaire, appelé Addiction Severity Index, administré au début et à la fin du programme19. Les 1 359 femmes étaient divisées en 2 cohortes en fonction de la date de fin de leur thérapie. Les femmes de la première cohorte avaient complété leur thérapie avant la date de la légalisation, alors que la deuxième cohorte était composée de femmes ayant complété leur thérapie après la date de la légalisation. L’étude montre plusieurs différences statistiquement significatives entre le groupe « prélégalisation » et le groupe « postlégalisation ». Les femmes du groupe « postlégalisation » continuaient davantage à consommer du cannabis tout au long de la thérapie (20,7 % contre 11,7 % dans le groupe « prélégalisation »). Parmi les femmes qui ont commencé à consommer du cannabis durant la thérapie, 3 fois plus de femmes dans le groupe « postlégalisation » rapportaient continuer à consommer du cannabis à la fin du programme (6,4 % vs 2,3 %). Il est à noter que 2 périodes montraient une augmentation plus marquée de la consommation de cannabis, soit la période correspondant au moment où la loi est entrée en vigueur (2012) et celle lors de laquelle la mise en marché du cannabis a eu lieu (2014). Toutefois, dans les 2 groupes, une majorité de femmes rapportaient une abstinence complète à la fin du programme13.

En contrepartie, 3 articles ont plutôt montré une absence d’impact de la légalisation sur la consommation de cannabis9, 10, 26.

Estoup et coll. (2016) se sont intéressés à l’utilisation de cannabis chez 262 étudiants du secondaire ayant des problèmes de consommation de substances et étant enrôlés dans un programme d’intervention scolaire visant à réduire leur consommation. L’étude a été effectuée chez des étudiants de 5 écoles secondaires dans la région de Seattle, de 2010 à 2015. Elle comparait un groupe d’étudiants ayant reçu l’intervention avant la légalisation du cannabis avec un autre groupe d’étudiants ayant reçu l’intervention après cette même légalisation. Les étudiants ont rempli 2 questionnaires afin de quantifier leur consommation et d’en évaluer les impacts. Ils ont aussi rempli une balance décisionnelle concernant les conséquences négatives et les risques perçus quant à l’utilisation du cannabis. Les résultats relatifs à la fréquence et à la quantité de la consommation n’étaient pas statistiquement significatifs dans cette étude10.

Schinke et coll. (2017) ont analysé des sondages remplis par 1 310 adolescents de 13 à 15 ans provenant de 48 États différents et du district fédéral de Columbia au sujet de leur consommation de cannabis lors du dernier mois, entre avril 2013 et avril 2015. Les résultats n’ont démontré aucune relation significative entre la légalisation et la prévalence d’utilisateurs de cannabis26

L’étude de Destrée et coll. (2018) s’est penchée sur une population adulte de consommateurs réguliers de cannabis (c’est-à-dire consommant au moins une fois par semaine depuis plus d’un an) afin d’évaluer si le fait d’habiter dans un État ayant légalisé le cannabis influençait leur consommation et leur impulsivité, en mesurant le tout à l’aide d’échelles3, 23. Les résultats obtenus ont démontré que la consommation régulière de cannabis était associée à l’impulsivité, mais l’étude n’a démontré aucun changement significatif de ces deux variables suite au changement législatif9

Enfin, il est à noter qu’aucune étude n’a montré une diminution de la consommation du cannabis après la légalisation du cannabis récréatif.

Les résultats décrits ci-haut sont à mettre en perspective avec les tendances au long cours quant à la prévalence de consommateurs de cannabis aux États-Unis. Les sondages nationaux sur la consommation de substances (NAS) indiquent que la prévalence d’individus ayant consommé du cannabis lors des 12 derniers mois aux États-Unis a suivi une courbe en « U » depuis 1984, passant graduellement de 9,9 % en 1984 à 6,7 % en 2005, puis augmentant progressivement jusqu’à 12,9 % en 201 516. Il est à noter que les analyses par « âge, période et cohorte (APC) » effectuées par Kerr et coll. (2018) à partir de ces données pointent vers des effets de période16. Toujours aux États-Unis, Salas-Wright et coll. (2017) ont plutôt observé les tendances de consommation de cannabis chez la population plus âgée entre 2002 et 2014. Ils ont montré une augmentation significative du nombre d’individus âgés de 50 à 64 ans ayant utilisé du cannabis dans les 12 derniers mois, passant de 2,95 % en 2002 à 9,08 % en 2014. Chez les aînés de plus de 65 ans, une augmentation significative était également retrouvée, soit de 0,15 % en 2002 à 2,04 % en 201 424. Par ailleurs, Mauro et coll. (2019) se sont intéressés aux États américains ayant légalisé l’utilisation de cannabis médical et ont remarqué une augmentation significative de la prévalence de consommateurs chez la population âgée de plus de 26 ans à la suite de ces changements législatifs. Plus précisément, entre 2004 et 2013, ils ont noté une augmentation des consommateurs quotidiens de cannabis, récréatif ou non, de 3,4 % chez les femmes et de 2,8 % chez les hommes. Ils ont également constaté une augmentation de la proportion des individus ayant consommé du cannabis dans le dernier mois (de 1,1 % chez les femmes et de 1,7 % chez les hommes). La prévalence de consommateurs quotidiens chez les hommes de 18 à 25 ans a aussi augmenté de façon significative au cours de la même période, soit de 21 % à 23,5 %. Toutefois, on note une absence de changement significatif chez les femmes de moins 26 ans et chez les adolescents de 12 à 17 ans à la suite du changement de loi. Il est à noter que la prévalence de troubles d’usage au cannabis est demeurée la même17. Une méta-analyse conduite par Sarvet et coll. (2018) appuie également l’absence de changement de la consommation de cannabis des adolescents suite à la légalisation du cannabis médical. En effet, aucune des 11 études retenues par ce groupe de chercheurs n’a montré de changement significatif quant à la prévalence d’adolescents ayant consommé du cannabis dans le dernier mois parmi ceux des États ayant légalisé le cannabis médical en les comparant avec les adolescents des autres États9

La perception du cannabis

Un autre enjeu observé dans les études était la perception que les gens se font du cannabis. Dans les études citées plus haut, 3 observaient cette variable. Parmi elles, 2 études montraient une diminution de la perception du risque associé au cannabis suite à la légalisation du cannabis récréatif5, 6, alors que la troisième montrait plutôt une augmentation de la perception du risque10.

Selon l’étude de Cerdá et coll. (2017), il y a eu une diminution de la perception du risque associé à la consommation de cannabis dans tous les États sondés après la légalisation des États du Washington et du Colorado, qui a eu lieu en 2012. En effet, la proportion de participants jugeant qu’il existait des risques modérés à élevés de fumer occasionnellement du cannabis a diminué de 2010 à 2015. Ce phénomène était plus marqué dans l’État de Washington que dans les États n’ayant pas légalisé le cannabis. À titre d’exemple, dans l’État de Washington, il y avait une diminution de la perception du risque de 14 % et 16 % chez les étudiants de 8e et 10e année, respectivement. La diminution observée chez les groupes du même âge dans les autres États était plutôt de 5 % et 7 %, respectivement5.

L’étude de Compton et coll. (2016) effectuée entre 2002 et 2014 a démontré une diminution statistiquement significative de la perception qu’une consommation hebdomadaire (soit 1 à 2 fois par semaine) puisse avoir des répercussions physiques importantes. La proportion de participants ayant cette perception est passée de 50,4 % à 33,3 %. En ce qui concerne les consommateurs de cannabis, elle a diminué de 8,8 % à 2,8 %. Après ajustement des covariables, l’étude propose que la diminution de perception du risque soit associée avec l’augmentation de la consommation du cannabis observée6.

L’étude d’Estoup et coll. (2016), quant à elle, a montré des résultats opposés aux 2 autres études portant sur ce sujet : le groupe d’étudiants ayant effectué le programme d’intervention scolaire après la légalisation percevait un plus haut niveau de risque associé à la consommation du cannabis que le groupe d’étudiants qui recevait la même intervention avant la légalisation10

Les visites à l’urgence

Quelques études ont également analysé l’impact de la légalisation du cannabis récréatif sur le nombre de visites à l’urgence générale14, 28, 29.

Wang et coll. (2017) ont étudié l’achalandage à l’urgence générale ainsi que le nombre d’hospitalisations en lien avec le cannabis au Colorado de 2000 à 2015, période au cours de laquelle le cannabis récréatif a été légalisé (2012). Les codes de facturation des médecins étaient utilisés pour déterminer le nombre d’hospitalisations et de consultations associées au cannabis. Cette étude a montré une augmentation significative du nombre d’hospitalisations associées à la consommation de cannabis (274 par 100 000 hospitalisations en 2000 à 593 par 100 000 hospitalisations en 2015) et du taux de consultations à l’urgence associées au cannabis (313 par 100 000 visites en 2011 à 478 par 100 000 en 2015) suite à la légalisation29.

Les mêmes auteurs ont par ailleurs effectué une étude rétrospective similaire auprès d’une population adolescente au Colorado. L’étude portait sur les jeunes de 13 à 20 ans et sur la période de 2005 à 2015. Toujours avec l’utilisation des codes de facturation des médecins, l’étude a mis en lumière une augmentation significative du nombre de visites associées au cannabis. Pour 1 000 visites, 1,8 était associée au cannabis en 2009 alors que 4,9 l’étaient en 201 528

D’autres auteurs se sont penchés sur la question des visites à l’urgence au Colorado. Hall et coll. (2018) ont analysé les codes de facturation des médecins de l’urgence en ciblant ceux qui étaient liés au cannabis et aux troubles de santé mentale. Les résultats ont démontré une augmentation significative du nombre de visites à l’urgence associées à la fois au cannabis et aux troubles de santé mentale lors de la période de 2012 à 2014. Pour 100 000 visites, 224,5 visites étaient identifiées avec un code de facturation en lien avec le cannabis et les troubles de santé mentale en 2012, alors que ce chiffre augmentait à 268,4 en 201414. Cette étude ne présente toutefois aucune donnée quant aux tendances qui prévalaient avant la légalisation de 2012.

L’impulsivité

Une seule étude (Destrée et coll., 2018) s’est intéressée à l’impact de la légalisation du cannabis sur l’impulsivité et aucun changement significatif n’a été observé9.

La consommation des autres substances

Finalement, une étude a observé l’impact de la légalisation du cannabis sur la consommation d’autres substances.

Cette étude (Grant et coll. [2017]), effectuée chez la population de femmes ayant des problèmes de consommation en péripartum, propose que la légalisation du cannabis soit associée à une augmentation de la consommation d’alcool, de méthadone illégale ainsi que d’autres opiacés. Qui plus est, certaines associations entre la consommation de cannabis et celle d’autres substances ont été évoquées, autant avant qu’après la légalisation. Les associations ont été positives entre la consommation de cannabis et d’alcool, de méthadone illégale, d’autres opiacés, d’amphétamines et de cocaïne13.

Le tableau 1 recense les différents articles mentionnés ci-haut. Afin d’en faciliter l’interprétation, il est intéressant de rappeler que la légalisation du cannabis récréatif aux États-Unis a d’abord eu lieu en novembre 2012 au Colorado et dans l’État de Washington5, 13, 22. La vente de cannabis récréatif a ensuite débuté en janvier 2014 au Colorado et en juillet 2014 dans l’État de Washington5, 13, 22, 28, 29. En Oregon, la légalisation du cannabis récréatif a été votée en novembre 20145, puis officialisée en juillet 2015, et la vente a débuté en octobre 201515.

Tableau 1

Tableau 1 (suite)

Tableau 1 (suite)

Tableau 1 (suite)

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Biais et limitations

Les études décrites ci-haut présentent des biais et des limitations. D’abord, notons que ces résultats sont simplement observationnels. Ils n’expriment donc pas nécessairement un lien de causalité avec la légalisation du cannabis récréatif. De plus, les études concernent uniquement des populations états-uniennes et sont donc insensibles aux tendances qui se sont opérées dans les autres pays ayant légalisé le cannabis. Qui plus est, elles s’intéressent simplement à l’impact à court terme des changements législatifs en lien avec le cannabis. Par ailleurs, les variables touchant la consommation du cannabis sont hétérogènes (on mesure parfois une utilisation quotidienne, d’autres fois lors du dernier mois et d’autres fois à vie). Finalement, il n’y a aucune mention quantitative en ce qui concerne la consommation de cannabis ni de précision quant au type de produit consommé ou à la teneur en tétrahydrocannabinol (THC) et en Cannabiniol (CBD).

Conclusion

Cette recension des écrits montre une quantité limitée d’études concernant l’impact de la légalisation du cannabis récréatif sur la santé mentale. 

Les études disponibles tendent toutefois à montrer une augmentation de la consommation du cannabis après la légalisation aux États-Unis, notamment chez les étudiants à l’université15, 22 ainsi que dans la population générale6. Aucune augmentation de la consommation de cannabis n’est cependant mesurée chez ceux qui avaient déjà un diagnostic de trouble d’usage du cannabis avant la légalisation, à l’exception des femmes enceintes13. Les données relatives à la population adolescente sont quant à elles hétérogènes. Elles suggèrent toutefois que certains programmes d’intervention effectués après la légalisation auprès de jeunes consommateurs parviennent à augmenter davantage la perception des risques associés au cannabis10. Rappelons qu’aucune étude n’a démontré une diminution de la consommation du cannabis après la légalisation. Par ailleurs, le nombre de consultations à l’urgence générale et d’hospitalisations associées au cannabis a augmenté au Colorado suite à la légalisation du cannabis14, 28, 29. L’ensemble de ces résultats est toutefois à mettre en perspective avec l’augmentation déjà observée de la prévalence d’utilisateurs de cannabis aux États-Unis depuis le début des années 2000, soit avant les changements législatifs reliés au cannabis16. Qui plus est, les données présentées ne sont qu’observationnelles et n’impliquent donc pas nécessairement un lien de causalité.

Il est à noter qu’aucune étude n’a été publiée concernant l’impact de la légalisation du cannabis récréatif sur la prévalence de diagnostics de santé mentale autres que les troubles d’usage de substances. Par exemple, aucune étude n’a été effectuée concernant l’impact de la légalisation du cannabis récréatif sur la prévalence de troubles psychotiques, de troubles de l’humeur ou de troubles anxieux. 

Les études sont également toutes très récentes.

Il serait donc intéressant de poursuivre les recherches concernant l’impact de la légalisation du cannabis récréatif sur les différents troubles de santé mentale ainsi que de mesurer les effets à long terme de ce changement de législation.