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Notre dÉmarche

Enseignantes au Microlycée de Vitry-sur-Seine depuis dix ans, établissement public qui accompagne des jeunes décrocheurs vers le baccalauréat, nous croyons profondément que la pratique de l’art à l’école est fondamentale pour restaurer l’image de soi et, plus largement, aider ces jeunes à s’inscrire dans la société. Mais comment en être sûres ? Nous avons mené une enquête auprès des acteurs d’un projet[1] mené en 2012-2013, une création théâtrale collective réunissant des jeunes et des aînés, et encadrée par un auteur et une metteure en scène. Ce projet consistait à faire écrire et jouer une pièce de théâtre sur le thème de la migration. Le public intergénérationnel auquel il s’adressait était constitué des élèves de la classe de Seconde du Microlycée 94 et des personnes âgées du foyer Paul et Noémie Froment de Vitry-sur-Seine. L’année s’est déroulée en trois temps : la rencontre entre ces publics, l’écriture avec une semaine de création hors les murs, réunissant 12 élèves et 4 aînés, puis la mise en scène et la représentation. Que reste-t-il de cette aventure humaine et artistique ? Quelles traces durables a-t-elle laissées dans la vie de ses protagonistes ?

Dans un cadre neutre, nous avons soumis à un même questionnaire d’anciens élèves, Sahiri, Léo, Alexandra, Samuel, Romain et Robin (la moitié de la classe), toutes les personnes âgées René, Monique, Myriam, Valentine, la directrice de foyer, Sandrine, l’auteur, Hugo Paviot, et la metteure en scène, Youlia Zimina. Nous y avons aussi répondu, Florence, comme porteuse de projet, Anna, comme enseignante de la classe.

Notre analyse vise à dépasser le récit d’expérience pour réfléchir à la portée sociétale de cette aventure artistique collective.

RÉcits d’un projet 

Lorsque les participants racontent le projet, les modes de récit diffèrent. Certains, comme Léo, proposent un récit factuel et détaillé : « L’idée, c’était de tout faire de A à Z avec eux et de voir ce que ça pourrait donner. » D’autres dressent, à partir de leur vécu, de petits tableaux narratifs. Ainsi, René revit avec plaisir les moments à l’origine de l’écriture : « On se prenait tous pour pas ce qu’on était, ça a pas été difficile. La collaboration avec les jeunes, y a eu des moments de franche rigolade. Mais aussi des moments instructifs, autant pour les jeunes que pour nous. »

Enfin, la majorité des participants ne racontent pas mais expriment leur ressenti, révélant les liens affectifs qui se sont tissés. Sahiri évoque la tranquillité apaisante des anciens loin de la fougue des jeunes, « ils nous calmaient beaucoup ! » ; toute la tendresse de Monique s’exprime : « Ces petits gamins, on dit que ce sont des voyous mais c’étaient des p’tits gars mignons », ressenti partagé par Valentine : « J’ai vu tout ce petit monde, turbulent, très gentil, charmant. Pour moi, les décrocheurs, c’étaient les voyous, quelque chose décroché. Mais non. Avec nous, ils étaient bien. »

La force de l’émotion vécue apparaît aussi quand Alexandra parle de « Big bang », évoque les craquages ou que Sandrine raconte avoir vécu « une émotion au-delà d’[elle] ».

Nous remarquons donc que, loin du récit circonstancié attendu, les participants centrent leur réponse sur l’émotion, qui semble être au coeur du processus.

Art et pÉdagogie, mÊme combat

Au-delà de l’intention

L’intention de l’artiste - « que chacun n’écrive pas pour lui-même mais que tout le monde écrive une oeuvre collective » - est clairement identifiée par les protagonistes, tant par l’enseignante qui explique « on se faisait passer de grandes feuilles, avec des questions données à un autre groupe et ça faisait le tour » que par Robin : « On avait toutes nos scènes à écrire. Après est venue l’histoire. C’était un vrai travail de groupe ». Si le processus n’est pas facile à accepter comme le souligne Sahiri  - « C’était parfois énervant, quand on écrivait, que nos idées soient rejetées ou que des idées qu’on n’aimait pas soient choisies » -, c’est bien grâce à une forme de justice sociale qu’il aboutit et permet d’avancer. « En même temps, on votait, c’était hyper démocratique donc hyper énervant. [...] Mais au final, je trouvais que c’était juste de faire les choses comme ça. » Cette méthode de travail, parce qu’elle était juste, a donc permis aux participants de dépasser leurs frustrations personnelles et de créer ensemble une oeuvre dans laquelle les personnages ont existé et cessé de leur appartenir. De ce fait, ce n’était plus une création personnelle mais une oeuvre collective. En les faisant entrer dans ce qu’il appelle « la petite cuisine de l’auteur », Hugo leur a permis de vivre un processus de création artistique qui a fait d’eux des auteurs.

L’épreuve du plateau

Le passage de l’écriture à la mise en scène, deux formes de créations distinctes, a ensuite amené les participants à sortir de leur zone de confort. Youlia raconte : « Au début, c’étaient des dieux, ils avaient écrit une pièce ! Arrivait une pauvre mortelle et là, c’est l’épreuve du plateau. » Le passage à la scène a imposé des coupures ou modifications textuelles qui ont été vécues parfois dans la douleur. Là où la confiance s’était installée grâce à l’écriture, le doute a pris le pas. Confronter le texte à la scène, c’est faire le deuil de ce qui a été écrit sans avoir la garantie que c’est le bon choix. Tous expriment la difficulté à le vivre et à l’accepter. Myriam le formule ainsi : « La dame qui nous a fait faire, des fois, elle changeait des phrases, c’était dur. » Il s’agit alors, pour Youlia de se remettre en question et de « [s’]’adapter aux failles physiques, et de mémoire des aînés, à l’autodestruction des jeunes ». Habituée à travailler avec des professionnels, la metteure en scène sort, elle aussi, de sa zone de confort et doit trouver des stratégies pour rétablir une ambiance de travail sécurisante. Elle s’en souvient. « Cette manière d’établir la confiance, c’était une grande leçon, […] une grande leçon d’observation de souplesse et d’adaptation. » L’épreuve du plateau fragilise donc tout le monde. Le rôle des adultes menant le projet est alors de trouver un cadre permettant de dépasser les blocages.

La pédagogie au coeur

De quel cadre parle-t-on ?

Valentine insiste sur le fait que les encadrants doivent être des personnes expérimentées qui encadrent bien « ce petit monde » et Sahiri rappelle qu’Hugo Paviot et les enseignantes sont ceux qui les ont vraiment dirigés du début à la fin.

La diversité et le professionnalisme des encadrants sont donc un atout majeur. Pour se sentir rassurés, les participants ont aussi eu besoin que les intervenants montrent qu’ils prenaient les choses en main. « Ca prenait tournure - déclare René - surtout que Hugo et Youlia ont commencé à donner de la voix et à faire preuve d’une certaine autorité. C’est ce qu’il fallait. » Dès lors, pour lui, la frontière entre enseignantes et artistes s’estompe car les enseignants et intervenants ont eu à coeur, dans leur approche pédagogique, de ne pas séparer jeunes et vieux, de les considérer comme un groupe à part entière : « Y avait pas les vieux d’un côté et les jeunes de l’autre, si ça marchait pas, c’était la faute à tout le monde. C’est le meilleur moyen, de faire un bloc ! » De la même manière, artistes et enseignantes formaient, ensemble, un groupe engagé dans le travail pédagogique. Comme le souligne Samuel : « tout était pédagogique, le travail pédagogique était incroyable. On apprenait sans s’en rendre compte. » Mais au coeur de la pédagogie, la question du regard est essentielle. Le projet a abouti parce qu’enseignantes et artistes ont posé sur jeunes et anciens un même regard bienveillant. « Hugo disait qu’il savait nous décrire. On le surprenait pas, tout faisait partie du jeu. Il était expérimenté, patient », rapporte Samuel. On trouve ici les grands principes humanistes d’Erasme, le pédagogue se doit d’observer ses élèves pour les aider au mieux à avancer.

Cependant, cela ne signifie pas renoncer à l’exigence mais, comme le dit Youlia « laisser complètement filer la vie à l’intérieur de la construction ». C’est l’équilibre fragile mais indispensable à la réussite d’un tel projet, car cela amène professionnels et non-professionnels à se confronter aux autres et à eux-mêmes et, ainsi, à prendre conscience de leur place dans la société. Cela dépasse largement les enjeux du projet et met en évidence l’importance du pédagogue comme guide, ce que réalise Sahiri aujourd’hui : « Je me suis rendu compte qu’il existait des gens qui guidaient les ados, dont le but était de leur montrer que la vie, c’est autre chose. »

Individu et collectif

Confronter jeunes et anciens s’est révélé un atout fondamental pour, comme le dit Hugo, « [sortir] du narcissisme, de l’enfermement nombriliste narcissique». Cela a fonctionné. « On ne voyait plus l’âge, les différences ; on était tous une unité », se rappelle Alexandra.

Cependant, comment, sans se perdre, quitter sa singularité pour intégrer le collectif ? D’abord, enseignantes et artistes ont pris soin que chacun puisse y mettre de soi, « apporter son truc », comme Léo qui a conclu le spectacle avec un rap de son cru. Il a fallu cependant dépasser les hésitations de départ et, pour arriver à un travail d’équipe, accepter que son idée n’était pas la meilleure. Tous ont fini par comprendre qu’avancer ensemble permettait d’aller beaucoup plus loin que seul. « Ça m’a appris à travailler avec d’autres gens. Écrire avec les autres, pour moi, c’était impossible. J’étais solitaire. […] Les vieux, ils avaient de super idées. […] ça remontait le niveau », s’enthousiasme Sahiri.

Ce travail, autour de l’individu et du collectif, voulu et réfléchi en amont par les enseignantes et les artistes, est le fruit d’une conviction partagée, à savoir que pour construire les bases d’une société équitable et juste, il faut ici sortir l’individualisme. Selon Valentine, « me contredire, c’est m’enrichir ». Et si l’individu s’enrichit, l’ensemble du collectif en bénéficie, à travers « un but, quelque chose de concret ; un point qui s’agrandit […] comme une tache d’huile ».

Mêler les publics dans le cadre d’un projet artistique est donc clairement un facteur d’accroissement de justice sociale.

VOIR l’autre

Parce que la vieillesse est devenue quelque chose de mis à l’écart de notre société, jeune, bronzée, bien portante, j’ai été très touchée de cette idée que ces gens vont être avec nous, les actifs. C’était aussi la présence vivante du temps. Tu voyais enfin qu’ils pouvaient traverser cet espace avec nous.

Dans une société contemporaine, fondée en grande partie sur la compétitivité et qui exclut ces publics, décrocheurs comme anciens, parce qu’elle les considère comme inactifs et donc inutiles, ces mots de Youlia résonnent fortement. L’expérience artistique, en ce qu’elle fait passer de l’invisible au visible est alors fondamentale. Être vu, voir l’autre, c’est un enjeu crucial. Anna le souligne: « En ville, les vieux, tu les vois pas interagir avec des jeunes. À la campagne, c’est différent. Les personnes âgées, tu les vois à la fête d’école, elles sont là. » Mais alors, comment transformer la ville en campagne ? Nous rêvions la rencontre, nous étions certains que ces jeunes et ces vieux-là, résidents en foyer et souvent en précarité, avaient plus en commun qu’ils ne l’imaginaient. Mais comment les aider à dépasser leurs préjugés ? Florence raconte : « On a eu un grand débat entre intervenants. On a dit qu’on filmerait les jeunes en leur demandant comment ils se voyaient vieux et, inversement, les vieux, en leur demandant comment ils étaient, jeunes. » La première rencontre, après la projection du film au foyer, a permis de mettre en évidence leurs préjugés et d’en discuter. Léo disant « quand je serai vieux, je serai mort » a fourni une belle entrée en matière !

Il a fallu s’apprivoiser. Pour René, l’a priori des vieux sur les jeunes n’était pas un gros problème, mais il se sentait complexé par rapport à eux. Quant aux jeunes, ils appréhendaient de travailler avec des vieux. Comment allaient-ils se comprendre ? Au fil des semaines de travail et des moments partagés, la peur s’est estompée. René était soulagé. « Après cette aventure, j’ai compris que les jeunes, c’est des jeunes, c’est tout. » Léo s’en amuse : « Au final ça s’est très bien passé, on rigolait avec eux, on se racontait nos vies. C’était beaucoup mieux comme ça, en intergénérationnel, ça élargit. Les personnes âgées se livrent plus facilement, elles sont plus détendues que nous. Les vieux, ils sont comme des enfants. Les ados ils sont plus crispés, vachement. »

Les préjugés sont tombés, l’Autre est même devenu, pour certains, un miroir où apprendre à se connaître. De l’extérieur, Anna se souvient d’avoir vu les personnes âgées très à l’aise avec les jeunes, autour de repas partagés au lycée. Une situation improbable ! Sahiri confirme: « Ils vivaient l’expérience avec les mêmes yeux qui brillaient que nous. » La force de l’expérience artistique vécue en commun a été à la mesure des liens entre les personnes qui, au-delà de leurs histoires personnelles, se sont retrouvées. « Y avait un tissu qui s’est formé. Il faut que chacun aille avec chacun, sinon, ça fait un accroc », dit René. Un tissu social dont les membres ne sont pas seulement des décrocheurs et des retraités, exclus de la société, mais aussi des artistes, des enseignantes, une directrice de foyer, profitant eux aussi de l’effet miroir. Les artistes ne sont plus intouchables, les profs sont descendus de leur estrade, la barrière entre adultes et jeunes n’a plus lieu d’être, non par démagogie mais bien parce que c’est de confiance mutuelle qu’il s’agit. Pour Alexandra, parce que « tout était cassé, ça m’a permis de grandir et de reprendre confiance en moi. On faisait quelque chose d’important. On attendait de nous qu’on se comporte comme des adultes. » Grâce à l’expérience artistique partagée, les catégories sociales, professionnelles et culturelles se sont estompées au profit des valeurs humaines.

Vivre le projet

Se laisser traverser par l’émotion

La création artistique puise ses ressources dans l’émotion. Au cours du projet, nous avions bien senti que cela faisait peur. Cependant, le cadre professionnel évoqué précédemment, la bienveillance mutuelle et les relations de confiance tissées dans la durée ont créé un espace de liberté suffisamment sécurisant pour que tous osent la laisser venir, tant dans le travail artistique que dans les moments plus informels. La soirée de Noël au foyer-résidence reste dans toutes les mémoires. Sahiri s’en attendrit : « Des gens de la classe, plutôt timides, je les ai vus danser, se lâcher, se détendre et aimer être là, avec des petits vieux, Illan, Gaëtan, Léo. Ils dansaient avec eux, alors que dans une autre situation, ils auraient jamais dansé. »

La grande proximité entre les participants a aussi permis de se dire les choses lors de moments de tension intenses. À la veille de la première, tous les jeunes étaient en retard, et les personnes âgées attendaient. Youlia s’en souvient encore : « Je me disais Mais j’ai honte ! J’ai honte ! J’ai honte ! » À leur arrivée, c’est René qui les a « engueulés de première force », rejoint par les enseignantes. Pour ces jeunes, souvent sans repères, ce fut l’occasion parfaite de rappeler le cadre de la vie en société, non sur un mode moralisateur mais en partant du ressenti de chacun.

Grâce à cette liberté de parole, le jour de la représentation, les émotions ont pu s’exprimer sans peur. Tous évoquent la crainte du jugement de l’autre, la fierté d’être arrivés au bout, le bonheur d’avoir partagé cette expérience magique, un moment rare et exceptionnel, pour plusieurs raisons. « Peu de gens [le] vivent » (Léo) ; « un projet d’une durée d’un an, c’est rare pour un artiste » (Hugo)  ; « j’ai jamais vécu quelque chose d’aussi intense dans la création » (Alexandra) ; « j’en ai fait une, je crois que j’en ferai pas d’autre » (Myriam); « cette expérience est pionnière des choses d’abolition du temps » (Youlia).

Ce qui reste

Les effets du projet sont encore prégnants. Pour Samuel, cela a fondé son lien à la création artistique : « Je n’avais pas de base, de point référence. Maintenant, j’en ai une .» Léo appréhende autrement son travail de rappeur : « La question de la mise en scène, ça m’a apporté artistiquement, c’est très théâtral. » Alexandra garde en elle l’espoir de création artistique personnelle suscité par le projet. Quant à Youlia, son approche professionnelle a changé : « Après, j’ai beaucoup plus observé les fragilités de mes comédiens professionnels. C’était comme une loupe que j’avais envie de garder dans ma poche. » Enfin, pour les enseignantes, ce projet a agi comme un révélateur des possibles, éducatifs, pédagogiques et sociétaux.

Cette expérience a surtout donné confiance. « J’ai moins peur de rater, dans mon rapport avec les jeunes. Ils peuvent me claquer la porte, être désagréables, mais ça ne m’arrêtera pas ! Ça ne m’arrêtera plus ! », s’exclame Youlia ; Anna est passée d’observatrice à porteuse de projet: « j’ai appris comment créer les conditions nécessaires à un projet artistique. J’ai appris, donc tout le monde peut apprendre » ; et Florence sait désormais que ce qui compte, dans le choix d’un partenaire artistique, ce sont avant tout ses qualités humaines.

Tout le monde a aussi appris sur soi. Samuel a acquis une technique de travail : « S’asseoir, penser, et ensuite se projeter, puis le faire » ; Romain se dit plus ouvert et arrive à prendre les choses avec humour. Valentine s’est réveillée : « Une dame qui me connaît m’a dit que maintenant, je parlais. Avant je ne disais rien. » Hugo se sent nourri des sourires des jeunes et des vieux qui cultivent son sens de l’empathie. À René, le dernier mot : « J’oublierai jamais ces moments-là. Ces neuf mois ensemble, ça a fait un sacré gosse ! »

Et maintenant ?

Que faudrait-il pour qu’un projet artistique soit un vecteur de justice sociale ? Cette question, nous l’avons posée à tous. Nous pensions qu’il serait difficile d’y répondre, nous avions tort. Chacun a développé un projet éducatif, social, politique, autrement dit un projet de société. Une utopie ? Sur le papier, notre projet, associant jeunes décrocheurs et retraités précaires, visant à écrire et à monter une pièce de théâtre sur le thème de la migration, avait sûrement l’air d’une utopie. Mais nous sommes passés de l’utopie à la réalité, car nous y avons cru et nous avons osé le vivre. Comme le dit très justement Hugo Paviot : « Nous sommes inégaux, par rapport aux origines, à la violence sociale, à l’amour, mais nous sommes égaux face aux émotions. Travailler sur le ressenti, c’est enlever les barrières, c’est créer l’égalité avec l’empathie. » Égalité, ou plutôt, équité. Car, engager des jeunes décrocheurs, des personnes âgées ou des détenus dans un travail de création aux côtés d’artistes, c’est un acte politique, une volonté de redistribuer les cartes et – Romain le dit -, « permettre aux gens hors société de se lier à un projet commun pour les sortir de leur communautarisme […], de ne pas rester bloqués dans l’univers dans lequel ils sont piégés ». Alexandra, Sahiri, Léo et Robin ne sont pas allés au bout de leur scolarité au Microlycée. Pour autant, ils ne sont pas restés bloqués. Nous avons trouvé face à nous de jeunes adultes construits, qui se sont donné les moyens de concrétiser leurs choix de vie. Tous le disent, ce projet leur a donné confiance en eux et de l’espoir parce que « quand on y croyait pas, d’autres y ont cru pour nous » (Samuel). N’est-ce pas cette confiance acquise, cet espoir qui, abolissant les barrières, amènent à plus de justice sociale ? Cependant, pour passer définitivement du monde de l’utopie à la réalité, la reconnaissance de l’institution est le dernier levier indispensable. Les politiques y sont-ils prêts ?