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1. Introduction

L’industrie textile consomme des quantités importantes d’eau. PETRINIC et al. (2007) ont reporté que cette quantité est de l’ordre de 200 L·kg-1 de produit textile fini. Les colorants sont utilisés dans de nombreux secteurs industriels tels que les teintures du textile, du papier, du cuir et dans les industries alimentaires et cosmétiques (BATZIAS et SIDIRAS, 2007). Selon TAN et al. (2007) les colorants sont des substances toxiques et persistantes dans l’environnement. La production mondiale des colorants est estimée à plus de 800 000 tonnes par année (MANSOUR et al., 2011). Parmi les nombreuses familles de colorants synthétiques, les colorants azoïques solubles dans l’eau (CHEN-LU et MCGARRAHAN, 2006), sont les plus largement utilisés (60 à 70 %). Ces derniers sont très stables et non biodégradables (HOUAS et al., 1999), notamment à cause de la présence de noyaux aromatiques dans leurs molécules. En l’absence de traitement efficace par des méthodes classiques (KACHA et al., 1997), les eaux usées issues des bains de teinture sont parfois réutilisées en irrigation dans les pays dont les ressources hydriques sont limitées. Les colorants une fois rejetés dans le milieu aquatique sont très néfastes pour la faune et la flore et ont parfois un effet mutagène et cancérigène. C’est pourquoi les eaux usées contenant des colorants résiduels nécessitent un traitement qui peut être réalisé par des techniques physicochimiques (adsorption, coagulation/floculation, précipitation, etc.) (MANSOUR et al., 2011). L’adsorption est un moyen peu onéreux et efficace de transférer la pollution.

Les adsorbants utilisés pour l’élimination des colorants sont soit issus de la biomasse (résidus agricoles, biopolymères, tourbe, etc.) ou bien des matériaux poreux (zéolites, alumines activées, argiles, carbone activé, etc.).

Les adsorbants à base de polysaccharides (amidon, chitine, chitosane, alginates) sont de plus en plus utilisés dans le domaine de la préparation des complexes et de la fixation de molécules organiques ou d’ions métalliques (CRINI, 2005; CRINI, 2006; GUIBAL, 2004; ALLEN, 1996). Cependant, le carbone activé (ou charbon actif) reste le matériau le plus utilisé et le plus efficace pour l’élimination des polluants aromatiques du fait de sa grande surface spécifique et de sa distribution de taille de pore qui permet de piéger un très large spectre de molécules de différentes tailles.

De nombreux travaux antérieurs d’adsorption du méthylorange (MeO) sur des matériaux divers ont été rapportés. SUBBAIAH et KIM (2016) ont trouvé une capacité d’adsorption maximale en MeO de 200,3 mg∙g-1 sur de la poudre de graines de citrouille aminée. KHELIFI et al. (2018) ont testé un biosorbant à base de noyaux de mangue ayant une faible capacité d’adsorption maximale (5,71 mg∙g-1) et un temps de contact relativement court (40 min). JALIL et al. (2010) ont obtenu une capacité d’adsorption maximale en MeO de 333,3 mg∙g-1 sur de la boue volcanique calcinée. BELLIFA et al. (2017) ont testé de la bentonite algérienne (Qmax = 118 mg∙g-1) avec un temps de contact de 3 h. KONER et al. (2011) ont étudié l’adsorption de MeO sur un gel de silice et ils ont obtenu une faible capacité maximale d’adsorption de 45,45 mg∙g-1 à 303 K avec un temps de contact de 30 min.

Les biochars sont des carbonisats spécifiquement issus de la biomasse, connus depuis longtemps (CHEN et al., 2011), qui peuvent posséder une surface spécifique très développée et une porosité très élevée s’ils sont activés. Les biochars activés sont des carbones activés à pouvoir adsorbant très élevé, utilisés principalement dans la purification de l’air, la dépollution des effluents domestiques et industriels, la purification et la décoloration des produits alimentaires (AVOM et al., 2001; HOUAS et al., 1999). Ils peuvent être préparés par activation de toute matière solide contenant une grande proportion de carbone (SOLEIMANI et KAGHAZCHI, 2008; IOANNIDOU et ZABANIOTOU, 2007) tels que le bois, les coques de noyaux, les coques de noix de coco, etc., par un traitement de carbonisation suivi d’une activation chimique ou pratiqué simultanément avec une activation chimique (IOANNIDOU et ZABANIOTOU, 2007). Le roseau commun est une plante envahissante abondante en certains lieux qui constitue une source renouvelable et de faible coût. Les agents activants utilisés pour la préparation des biochars à partir de déchets de la biomasse (REFFAS et al., 2010; BOUGUETTOUCHA et al., 2016; LAKSACI et al., 2017; BELHAMDI et al., 2016) sont principalement H3PO4, ZnCl2, KOH, etc. Parmi ces agents activants, H3PO4 offre plusieurs avantages (IOANNIDOU et ZABANIOTOU, 2007; SUHAS et al., 2007; MARSH et RODRIGUEZ-REINOSO, 2006) : 1) c’est un agent non polluant (comparé à ZnCl2), dont l’élimination est possible par lixiviation dans l’eau, 2) l'activation est réalisée en une seule étape à température modérée autour de 500 °C contrairement à l’activation par la potasse qui nécessite souvent deux étapes de traitement thermique et des températures finales d’au moins 700 °C. De plus, cette activation par l’acide phosphorique permet de développer des biochars à la fois microporeux et mésoporeux.

L’objectif de cette étude consiste en la décoloration de solutions aqueuses contenant du MeO par adsorption sur des biochars préparés par une activation chimique du roseau commun à l'acide phosphorique aux différents rapports d'imprégnation (en pourcentage massique) : 30 %, 60 %, 100 % et 150 %.

Les biochars ont été caractérisés d’une part vis-à-vis de leur chimie de surface par neutralisation sélective (titrage de Boehm), par des mesures de pH de point de charge nulle (pHpzc) et par analyse thermogravimétrique, et d’autre part, en ce qui concerne leur structure poreuse, par adsorption de bleu de méthylène (BM) et mesure de l’indice d’iode.

Les isothermes d’adsorption du méthylorange (MeO) ont été simulées en utilisant les modèles de Langmuir, Freundlich, Temkin et Dubinin-Radushkevich. La cinétique d’adsorption du MeO a été étudiée et modélisée par les équations du pseudo-premier ordre, du pseudo-second ordre, de diffusion intraparticulaire, du modèle d’Elovich et de diffusion dans le film liquide. L’effet de la température sur l’adsorption du colorant a été également étudié et les paramètres thermodynamiques et cinétiques ont été déterminés.

2. Matériels et méthodes

2.1 Colorant utilisé

Le MeO est un colorant anionique (acide). Il appartient à la famille des aminoazobenzènes (Figure 1). Il s’agit d’un indicateur coloré : l’hélianthine, très utilisée en chimie. Ses caractéristiques physicochimiques sont mentionnées dans le tableau 1. Les solutions ont été préparées dans l’eau distillée (HAIGHT Jr., 1965).

Figure 1

Formule développée du méthylorange (hélianthine)

Developed formula of methyl orange (helianthine)

Formule développée du méthylorange (hélianthine)

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Tableau 1

Caractéristiques physicochimiques du méthylorange

Physico-chemical characteristics of methyl orange

Caractéristiques physicochimiques du méthylorange

a Longueur d'onde maximale

b Constante logarithmique d'acidité

c Valeur estimée par le logiciel de modèle 3D (JSmol)

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2.2 Préparation des biochars

Le roseau commun (Phragmites australis), récolté dans la localité de Sed el Ksob (région de M’sila, Algérie), a été utilisé comme matière première pour la fabrication des biochars. Il a été écrasé manuellement dans un mortier et tamisé afin d’obtenir des particules de diamètre inférieur à 800 μm qui ont été lavées plusieurs fois à l’eau distillée pour éliminer les impuretés, et séchées dans une étuve à 50 °C pendant 48 h. Ce granulat (20 g) a été imprégné par une masse donnée d’acide phosphorique (H3PO4) en solution aqueuse (60 mL) pendant 4 h à 20 °C (les suspensions ont été préalablement traitées par une sonde à ultrasons [40 kHz] pendant 10 min) pour former une barbotine. Les rapports d’imprégnation ont été variés dans la gamme suivante : Xp = 30 %, 60 %, 100 % et 150 %, Xp exprimé en pourcentage massique étant 100 fois le rapport de la masse de H3PO4 sur la masse de précurseur (100 x mH3PO4 [g]/mRoseau [g]), et ce, afin d’obtenir des biochars de porosité variable.

Puis, les suspensions ont été évaporées dans une étuve à 110 °C pendant 24 h. Les échantillons imprégnés et secs ont ensuite été activés pendant 2 h à 450 °C dans un four à calcination (Carbolite) de type AAF 11/3 (vitesse de chauffage : 17 °C∙min-1). En effet, des études antérieures (GIRGIS et EL-HENDAWY, 2002; LAINE et al., 1989; JAGTOYEN et DERBYSHIRE, 1998; MOLINA-SABIO et RODRÍGUEZ-REINOSO, 2004) ont montré que les biochars issus de biomasse peuvent être préparés dans l’intervalle de température 450-500 °C.

Les résidus d’acide phosphorique ont été éliminés des biochars par lavage à l'eau distillée bouillante dans un entonnoir en verre fritté. Le lavage est effectué jusqu’à ce que les ions de phosphate ne soient plus détectés dans l’eau en utilisant un test au nitrate de plomb Pb(NO3)2 (0,1 mol∙L-1). Après séchage à 110 °C pendant 3 h, les matériaux récupérés ont été broyés et tamisés pour obtenir des particules de diamètre <75 μm (Figure 2). Les biochars (CAPs) préparés avec Xp = 30 %, 60 %, 100 % et 150 % ont été respectivement nommés CAP30, CAP60, CAP100 et CAP150.

Figure 2

Diagramme schématique du processus de production des biochars (CAPs)

Schematic diagram of the biochars production process (PACs)

Diagramme schématique du processus de production des biochars (CAPs)

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2.3 Méthodes de caractérisation

2.3.1 Adsorption en batch

L’adsorption a été étudiée en batch (cuve agitée) dans des erlenmeyers agités à 300 tr∙min-1, à température ambiante (25 °C) et au pH du milieu réactionnel égal à 4 pour le MeO et 6 pour le BM. Après la séparation de la phase liquide et de l’adsorbant par filtration à l’aide de filtres en microfibres de verre (pores de 1 μm), l’évolution de la concentration des filtrats aux différents temps de contact a été suivie à l’aide d’un spectrophotomètre UV/visible de type Shimadzu UV-2401 PC à la longueur d’onde 463 nm pour le MeO (Tableau 1) et 665 nm pour le BM. Le calcul de la quantité adsorbée est donné par l’équation 1 :

C0 et Ce sont respectivement les concentrations initiales et à l’équilibre (mg∙L-1), m est la masse de l’adsorbant (g) et V le volume de soluté (L) (AARFANE et al., 2014).

Les cinétiques d’adsorption de MeO ont été étudiées à la concentration initiale de 50 mg∙L-1 en contact avec une masse de biochars de 0,05 g (conditions expérimentales : volume de la solution = 50 mL; T = 25 °C; vitesse d’agitation = 300 tr∙min-1).

Les isothermes d'adsorption ont été obtenues pour une quantité des biochars de 0,05 g en faisant varier la concentration en MeO et BM entre 50 et 1 000 mg∙L--1. Les isothermes d'adsorption ont été étudiées dans des erlenmeyers fermés contenant 50 mL de solution en MeO ou BM à 25 °C, sous une agitation de 300 tr∙min-1 à pH 4 et 6 respectivement. Le temps de contact a été fixé à 24 h pour s'assurer de l'établissement d’un équilibre d'adsorption. La quantité de MeO (ou BM) adsorbée à l'équilibre (Qe), exprimé en mg∙g--1, a été calculée par l’équation 1.

Nous avons aussi étudié l’effet de la température sur l'adsorption de MeO. Pour cela, le MeO est mis au contact des CAPs (CAP30, CAP60, CAP100 et CAP150) aux températures de 17, 25 et 45 °C dans les conditions expérimentales : pH = 4, concentration de MeO = 50-1 000 mg∙L-1, V = 50 mL, m(CAP) = 0,05 g.

2.3.2 Détermination de l’indice de l’iode

L’indice d'iode donne des informations sur les surfaces des micropores (surfaces internes) accessibles pour les molécules de petite taille et les métaux. Dans un erlenmeyer de 250 mL, 0,2 g de biochar sec est mis en contact avec 10 mL d’une solution d'acide chlorhydrique à 5 %, le tout est agité et ensuite porté à ébullition pendant 30 s environ. Puis, 20 mL d’une solution d'iode de concentration 0,1 N est introduit dans la dispersion. Celle-ci est agitée pendant environ 30 s et filtrée sur microfibres de verre (1 μm). Un volume de 10 mL prélevé du filtrat est titré par une solution de thiosulfate de sodium de concentration 0,1 N. L’empois d'amidon a été utilisé comme indicateur de fin de dosage.

L’indice d’iode (NKO'O ABUIBOTO et al., 2016) est donné par la relation suivante :

C0 est la concentration de la solution initiale d’iode (0,1 mol∙L-1), Cn : la concentration de la solution de thiosulfate de sodium (mol∙L-1), Vn : le volume de la solution de thiosulfate de sodium à l’équivalence (mL), : le volume de solution d’iode dosé (10 mL), : la masse molaire moléculaire de l'iode (254 g∙mol-1), Vads : le volume de la solution d’iode adsorbée (20 mL) et mCA : la masse de biochar (g).

2.3.3 Neutralisation sélective (titrage de Boehm)

Un poids de 0,15 g de chaque échantillon a été mélangé avec 50 mL d’une solution aqueuse de 0,1 mol∙L-1 de réactif (NaOH, ou Na2CO3, ou NaHCO3, ou HCl). Dans le cas de NaOC2H5, seulement 0,1 g de biochar a été ajouté dans 50 mL de solution d’éthanol de concentration 0,1 mol∙L-1. Les dispersions ont été agitées pendant 48 h avec une vitesse de 300 tr∙min-1 à 25 °C. Par la suite, elles ont été filtrées sur des filtres en microfibres de verre de diamètre <1 μm. Pour déterminer les teneurs en groupes oxygénés et en groupes basiques, des titrages en retour du filtrat (30 mL) ont été réalisés respectivement avec une solution de HCl (0,1 mol∙L-1) et de NaOH (0,1 mol∙L-1). Les mesures de pH ont été effectuées avec un pH-mètre (HANNA pH210).

2.3.4 Détermination du pH de point de charge nulle

Le pH de point de charge nulle (pHpzc) de chacun des adsorbants (CAP30, CAP60, CAP100, CAP150) a été déterminé comme suit. Des solutions 0,01 mol∙L-1 de NaCl (50 mL) placées dans des erlenmeyers distincts ont été ajustées respectivement aux pH de 2, 4, 6, 8, 10 et 12, par ajout de 0,1 mol∙L-1 de HCl ou de NaOH. Ensuite 0,15 g d'adsorbant (CAP) a été ajouté à chaque solution et agité pendant 48 h à 25 °C. Le pH final de chaque solution a ensuite été déterminé. Par détermination graphique, le pHpzc est le point où la courbe pHfinal en fonction de pHinitial intercepte la ligne droite pHfinal = pHinitial (LOPEZ-RAMON et al., 1999).

2.3.5 Analyse thermogravimétrique (ATG)

Afin de déterminer l'effet d'imprégnation d'acide phosphorique sur la perte de masse, les échantillons des CAPs ont été caractérisés par ATG en utilisant un thermogravimètre, de marque SETARAM. 50 mg d’échantillon ont été chauffés de 31 à 1 033 °C avec une vitesse de chauffage de 10 °C∙min-1 sous un débit d’azote constant.

3. Étude statistique

La vérification de la pertinence des modèles proposés pour décrire les cinétiques d'adsorption et les isothermes d'adsorption se fait à partir des valeurs du coefficient de détermination (R2), de l'erreur standard (SE), et de la somme des erreurs de prédiction au carré (SSE) :

Qe,exp est la capacité d’adsorption à l'équilibre (mg∙g-1) obtenue à partir des données expérimentales et Qe,cal est la capacité d’adsorption à l'équilibre obtenue par le modèle (mg∙g-1), N le nombre des points expérimentaux et n le nombre des variables de chaque modèle. Le logiciel OriginPro 8.6 a été utilisé pour effectuer les calculs.

4. Résultats et discussion

4.1 Rendement de fabrication et perte de masse (burn off)

Les rendements d’activation thermochimique des biochars fabriqués sont situés dans la gamme 59,6-26,5 % (Tableau 2). Ces rendements indiquent que la décomposition du précurseur est très importante suite à l’augmentation du rapport d’imprégnation en acide phosphorique (Xp). La diminution du rendement de 59,6 % (40,4 % par burn off) à 26,5 % (73,5 % par burn off) avec l’augmentation du rapport d’imprégnation de 30 à 150 % est attribuée à l’augmentation de la combustion du carbone par l’excès de H3PO4 qui conduit à un élargissement des micropores en mésopores. La surface des matériaux déterminée par adsorption de BM (SBM) augmente avec l’augmentation du burn off (SBM est une fonction croissante de la perte de masse) (Figure 3).

Tableau 2

Rendement de fabrication et perte de masse (burn off) de l’activation chimique des biochars (CAPs) en fonction du rapport d’imprégnation en acide phosphorique (Xp)

Production yield and mass loss (burn off) of the chemical activation of the biochars (PACs) versus the phosphoric acid impregnation ratio (Xp)

Rendement de fabrication et perte de masse (burn off) de l’activation chimique des biochars (CAPs) en fonction du rapport d’imprégnation en acide phosphorique (Xp)

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Figure 3

Évolution de la surface des biochars déterminée par adsorption du bleu de méthylène (SBM) en fonction de la perte de masse (burn off)

Evolution of the surface area of biochars determined by adsorption of methylene blue (SBM) versus the mass loss (burn off)

Évolution de la surface des biochars déterminée par adsorption du bleu de méthylène (SBM) en fonction de la perte de masse (burn off)

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4.2 Caractérisation des adsorbants

Les caractéristiques des biochars CAP30, CAP60, CAP100 et CAP150 sont présentées dans le tableau 3.

Tableau 3

Caractéristiques chimiques de surface des biochars préparés

Surface chemical characteristics of the prepared biochars

Caractéristiques chimiques de surface des biochars préparés

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4.2.1 Surface spécifique des adsorbants et indice d’iode

En raison de sa taille (1,43 x 0,1 x 0,40 nm3), le colorant cationique bleu de méthylène est couramment utilisé pour sonder le volume mésoporeux des biochars par des expériences d'adsorption (PELEKANI et SNOEYINK, 2000). L’indice du bleu de méthylène des carbones activés donne aussi des informations sur les surfaces des mésopores (surfaces externes) accessibles pour les molécules de taille moyenne. Des isothermes d'adsorption du BM ont été simulées par le modèle de Langmuir en utilisant l'équation linéaire de Langmuir (LANGMUIR, 1918) :

Ce : concentration résiduelle en solution à l’équilibre d’adsorption (mg∙L-1), Qe : quantité d’adsorbat adsorbée en équilibre (mg∙g-1), KL : constante d’équilibre d’adsorption pour le couple soluté/adsorbant de Langmuir (L∙mg-1) et Qmax : quantité maximale adsorbée (mg∙g-1).

La quantité maximale de BM adsorbé permet l'estimation de l’aire de la surface spécifique de l'échantillon couverte par la molécule de BM (SBM) à partir de l'équation 6 :

avec une surface moléculaire du BM (ABM) de 1,30 nm2> et une masse molaire (MBM) de 319,85 g∙mol-1 (HANG et BRINDLEY, 1970).

Les valeurs des surfaces spécifiques (SBM) (SANTAMARINA et al., 2002) déterminées à partir des isothermes d’adsorption du bleu de méthylène sont respectivement : 416, 673, 742 et 875 m2∙g-1 pour CAP30, CAP60, CAP100 et CAP150. La surface spécifique des adsorbants augmente avec l’augmentation du rapport d'activation chimique. De plus, la surface spécifique obtenue par le test d’iode suit la tendance CAP30 > CAP60 > CAP100 > CAP150 (Tableau 3) et augmente avec la concentration en acide phosphorique comme rapporté dans la littérature (QADEER et AKHTAR, 2005; REFFAS et al., 2010).

Les surfaces spécifiques des matériaux étudiés ont été comparées à celles d’autres matériaux issus de la bibliographie (Tableau 4). Il a été observé que les CAP60, CAP100 et CAP150 présentent des surfaces spécifiques beaucoup plus élevées que celles d’autres adsorbants citées dans le tableau 4.

Tableau 4

Comparaison des surfaces spécifiques déterminées par adsorption de bleu de méthylène (SBM) avec celles de la littérature

Comparison of the specific surface areas determined by adsorption of methylene blue (SBM) with others from the literature

Comparaison des surfaces spécifiques déterminées par adsorption de bleu de méthylène (SBM) avec celles de la littérature

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4.2.2 Groupements fonctionnels de surface

D'après le tableau 3, le pourcentage en groupes fonctionnels oxygénés dans l'adsorbant préparé chimiquement augmente avec l'augmentation de la concentration en agent d’imprégnation. Pour CAP30, CAP60 et CAP100, les pourcentages en groupes fonctionnels oxygénés sont respectivement de 7,56 %, 9,89 % et 8,14 % tandis que pour CAP150, la valeur est de 7,71 %. Ces valeurs sont supérieures à celles obtenues pour l’activation phosphorique de marc de café (REFFAS et al., 2010). En effet, la génération de groupes fonctionnels oxygénés ou sulfurés sur une surface adsorbante peut augmenter les propriétés d’adsorption en augmentant le nombre de sites (REFFAS et al., 2010; BENADDI et al., 1998; ABIA et ASUQUO, 2006).

Les titrages de Boehm des CAPs obtenus à partir des rapports d’imprégnation 30 %, 60 %, 100 % et 150 % (Tableau 3) montrent moins de groupes basiques que de groupes acides (des groupes carboxyliques et phénoliques), ce qui confirme leurs caractères légèrement acides.

L’augmentation du rapport d’imprégnation jusqu’à 150 % en masse produit une augmentation légère de la teneur en groupes phénoliques. Ainsi, le biochar CAP150 est plus riche en groupes basiques de surface. Ce biochar est moins acide (pHpzc = 6,86) que le biochar fabriqué avec un rapport d’imprégnation plus faible (c’est-à-dire CAP30). D'autre part, l'augmentation du rapport d'imprégnation à 150 % conduit à une teneur nulle en groupes lactones et une valeur nulle de la teneur en groupes carbonyles (Tableau 3).

4.2.3 Détermination du pH de point de charge nulle (pHpzc) des adsorbants

Les valeurs de point de charge nulle (pHpzc) des adsorbants sont présentées dans le tableau 3. L'adsorption des cations sur tous les adsorbants sera favorable aux valeurs de pH supérieures au pHpzc, alors que l'adsorption des anions sera favorisée aux valeurs de pH inférieures au pHpzc (NOMANBHAY et PALANISAMY, 2005). Ceci s'explique par le fait qu’à un pH de milieu inférieur au pHpzc, la surface du biochar est protonée (acide), elle est chargée positivement. En revanche, à un pH de milieu supérieur au pHpzc, la surface de biochar est déprotonée (basique) : elle est chargée négativement.

Suite à l’activation chimique, le pHpzc augmente progressivement et proportionnellement au taux d’activation respectivement de 5,8 (roseau commun brut) à 6,66, 7,35, 6,93 et 6,86 pour CAP30, CAP60, CAP100 et CAP150 (Tableau 3).

4.2.4 Analyse thermogravimétrique (ATG)

Les courbes d’ATG des CAPs (Figures 4a et 4b) montrent une première perte de masse au-dessous de 200 °C, attribuée à l’élimination de l’eau liée (eau physisorbée dans les microspores et les mésopores). Cette perte de masse est respectivement égale à 15,47 %, 17,34 % et 19,06 % pour un rapport d’imprégnation égal à 30 %, 60 %, et 100 %. Elle atteint 15,79 % pour le biochar CAP150 confirmant que ce dernier est moins hydrophile, car il contient moins de groupes oxygénés de surface par rapport à CAP60 et CAP100 et plus de groupes basiques de surface par rapport à CAP30, CAP60 et CAP100 (Tableau 3). La deuxième faible perte de masse mesurée sur le plateau entre 200 et 600 °C peut être interprétée en termes de décomposition des groupes oxygénés de surface. Les pertes de masse correspondantes sont respectivement égales à 7,56 %, 9,89 % et 8,14 % pour les biochars CAP30, CAP60 et CAP100. La faible perte de masse de 7,71 % mesurée dans la même plage de température pour le biochar CAP150 est en accord avec la faible quantité de groupes fonctionnels oxygénés déterminée sur ce biochar (0,013 meq∙g-1) et la teneur la plus grande en groupes basiques (Tableau 3).

Figure 4

a) Analyse thermogravimétrique des biochars (CAPs) préparés; b) analyse thermogravimétrique différentielle des biochars préparés

a) Thermogravimetric analysis of the prepared biochars (PACs); b) differential thermogravimetric analysis of the prepared biochars

a) Analyse thermogravimétrique des biochars (CAPs) préparés; b) analyse thermogravimétrique différentielle des biochars préparés

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4.3 Isothermes d’adsorption de MeO

La figure 5 illustre la variation de la quantité adsorbée à l’équilibre en fonction de la concentration d’équilibre (Qe = f[Ce]). Les résultats obtenus montrent que l'isotherme est de type L, selon la classification de GILES et al. (1974).

Figure 5

Isothermes d’adsorption du méthylorange sur les biochars (CAP) à 25 °C

Adsorption isotherms of methyl orange on biochars (PACs) at 25°C

Isothermes d’adsorption du méthylorange sur les biochars (CAP) à 25 °C

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Les transformées linéaires des modèles d’isothermes d’adsorption de Langmuir, Freundlich, Temkin et Dubinin et Radushkevich sont obtenues par les équations 5, 8, 9 et 10. Le facteur de séparation RL (sans dimension) est calculé par l’équation 7 :

KL est constante d’équilibre d’adsorption pour le couple soluté/adsorbant de Langmuir (L∙mg-1) et C0 est la concentration initiale (mg∙L-1).

Freundlich (FREUNDLICH, 1909) :

Kf et n sont les constantes de Freundlich caractéristiques de l’efficacité d’un adsorbant vis-à-vis d’un soluté donné.

Temkin (TEMKIN, 1941) :

A (sans dimension) et B (L∙g-1) sont les constantes de Temkin.

Dubinin et Radushkevich (D-R) (DUBININ, 1960) :

QDR (mg∙g-1) et B (mol2∙J-2) sont les constantes de Dubinin et Radushkevich et ε est le potentiel de Polanyi exprimé par la relation suivante :

Les constantes empiriques Kf et n de Freundlich sont difficilement exploitables. Elles donnent respectivement une indication relative à la capacité d’adsorption et une indication sur l’intensité de la réaction d'adsorption. Les valeurs des coefficients de détermination des modèles étudiés (Tableau 5) indiquent que le modèle de Langmuir décrit très bien le processus d'adsorption du colorant. Les valeurs de coefficient de corrélation sont de 0,99 quels que soient les CAPs. Les quantités maximales adsorbées obtenues par le modèle de Langmuir pour CAP30, CAP60, CAP100 et CAP150 sont respectivement égales à 123, 165, 226 et 302 mg∙g-1. Les valeurs des facteurs de séparation de Langmuir appartiennent au domaine de validité (entre 0 et 1). Les valeurs de Qmax du modèle de Langmuir augmentent avec l'augmentation du rapport d’imprégnation, confirmant de ce fait que la surface spécifique augmente en fonction du rapport d’imprégnation.

Tableau 5

Valeurs des paramètres des isothermes d’adsorption de méthylorange ajustées par différents modèles (Langmuir, Freundlich, Temkin, Dubinin et Radushkevich)

Parameter values of methyl orange adsorption isotherms adjusted by different models (Langmuir, Freundlich, Temkin, Dubinin and Radushkevich)

Valeurs des paramètres des isothermes d’adsorption de méthylorange ajustées par différents modèles (Langmuir, Freundlich, Temkin, Dubinin et Radushkevich)

aQm : quantité maximale adsorbée; KL : constante d’équilibre d’adsorption de Langmuir; RL : facteur de séparation; ΔG0 : énergie libre d'adsorption; SE : erreur standard; SSE : somme des erreurs de prédiction au carré; n et KF : constantes de Freundlich; B et A : constantes de Temkin; QDR et B : constantes de Dubinin et Radushkevich; ε : potentiel de Polanyi.

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Le paramètre n du modèle de Freundlich, représentant l'hétérogénéité de surface d’après la littérature, s'étend de 0 à 1 (AHMARUZZAMAN et SHARMA, 2005), ce qui signifierait que la surface de l’adsorbant présenterait une texture de plus en plus hétérogène pour les biochars dans l’ordre suivant : CAP30 > CAP60, CAP100 > CAP150 (REFFAS et al., 2010). Lorsque l’exposant de Freundlich n > 1, ceci indique que l’adsorbat est faiblement lié à l’adsorbant, ce qui se caractérise par une faible variation de l’énergie libre d’adsorption. Dans cette étude l’exposant n < 1 indiquerait une forte interaction adsorbat-adsorbant.

Dans le modèle d'adsorption de D-R, la capacité d'adsorption QDR (mg∙g-1) s’accroit également avec l'augmentation du rapport d’imprégnation, ce qui indique que l’activation par H3PO4 augmente l’aire de la surface et le volume des pores des biochars préparés. La constante d'isotherme de Temkin dans le tableau 5 montre que la constante (B) liée à la chaleur d'adsorption augmente avec l'augmentation du rapport d’imprégnation, indiquant la croissance de l’aire de la surface et du volume des pores des biochars préparés (REFFAS et al., 2010).

La capacité d’adsorption du colorant MeO sur les biochars suit l’ordre suivant : CAP150 > CAP100 > CAP60 > CAP30 (Tableau 5). Les différentes capacités d’adsorption peuvent être attribuées aux différentes textures de ces adsorbants. Il faut noter que toutes les valeurs de capacité Qmax déduites du modèle de Langmuir et rapportées dans des études antérieures sont généralement inférieures à celles obtenues (CAP100 et CAP150) dans le présent travail (Tableau 6).

Tableau 6

Comparaison de la capacité d’adsorption (Qmax) en méthylorange par les adsorbants préparés avec différents adsorbants

Comparison of methyl orange adsorption capacity (Qmax) by prepared adsorbents with different adsorbents

Comparaison de la capacité d’adsorption (Qmax) en méthylorange par les adsorbants préparés avec différents adsorbants

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4.4. Cinétique d’adsorption du MeO (effet de temps du contact)

La figure 6 montre que le temps de contact nécessaire pour atteindre l'équilibre est d'environ 240 min (4 h) pour les quatre CAPs étudiés et que QmaxCAP150 > QmaxCAP100 > QmaxCAP60 > QmaxCAP30. Ceci traduit que la performance de l’adsorbant est liée au rapport d’imprégnation.

Figure 6

Cinétiques d'adsorption du méthylorange sur les biochars (CAPs) préparés

Adsorption kinetics of methyl orange on the prepared biochars (PACs)

Cinétiques d'adsorption du méthylorange sur les biochars (CAPs) préparés

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4.4.1 Modélisation de la cinétique d’adsorption

Les cinq modèles suivants ont été appliqués sur les cinétiques d’adsorption du MeO par les biochars :

  1. La forme linéaire du modèle cinétique du pseudo-premier ordre (HU et HU, 2013) :

  1. La forme linéaire du modèle cinétique du pseudo-second ordre (HO et MCKAY, 1999) :

  1. La forme linéaire du modèle cinétique de diffusion intraparticulaire (WEBER et MORRIS, 1963) :

  1. La forme linéaire du modèle cinétique d’Elovich (LOW, 1960) :

  1. La forme linéaire du modèle cinétique de diffusion dans le film liquide (AYRACI et HODA, 2005) :

K1 (min-1), K2 (g∙mg-1∙min-1), Kint (mg∙g-1∙min1/2) et Kfd (min-1) sont respectivement les constantes cinétiques de pseudo-premier ordre, pseudo-second ordre, diffusion intraparticulaire et diffusion dans le film liquide; Qt : la capacité d'adsorption au temps t et Qe : la capacité d'adsorption à l'équilibre. Dans la relation d’Elovitch, b (g∙mg-1) est lié à la surface recouverte et à l'énergie d'activation et a (mg∙g-1min-1) est le taux d'adsorption initiale.

La validité des modèles cinétiques est examinée à partir de la valeur du coefficient de détermination linéaire R2 et des quantités théoriques adsorbées calculées (Qe,the) reportées dans le tableau 7. Pour le modèle de diffusion intraparticulaire et l’équation d'Elovich, la valeur du coefficient de détermination obtenue est entre 0,93 et 0,98, ce qui indique une corrélation relativement faible. En revanche, l'application du modèle de pseudo-premier ordre conduit à des coefficients de détermination de l'ordre de 0,95. Par contre, les valeurs des coefficients de détermination du modèle cinétique de pseudo-second ordre sont entre 0,98 et 0,99 et ceux du modèle de diffusion dans le film liquide sont de l'ordre de 0,99 et donc plus proche de 1 que pour tous les autres modèles.

Tableau 7

Comparaison des paramètres des modèles cinétiques pour les différents biochars (CAPs) préparés

Comparison of the parameters of the kinetic models for the prepared biochars (PACs)

Comparaison des paramètres des modèles cinétiques pour les différents biochars (CAPs) préparés

aQe,exp : quantité expérimentale adsorbée à l'équilibre; Qe,the : quantité théorique adsorbée calculée; K1 et K2 : constantes cinétiques des modèles de pseudo-premier et pseudo-second ordre; SE : erreur standard; SSE : somme des erreurs de prédiction au carré; h : vitesse d’adsorption; Kint et C : constante et ordonnée à l’origine (indiquant l’épaisseur de la couche limite) du modèle de diffusion intraparticulaire; a et b : taux d'adsorption initiale et constante liée à la surface recouverte et à l'énergie d'activation dans la relation d’Elovitch; Kfd et I: constante et ordonnée à l’origine du modèle de diffusion dans le film liquide.

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Les valeurs estimées de Qe,the par les modèles cinétiques de premier ordre, de diffusion intraparticulaire et d’Elovitch (Tableau 7) ont donnés des valeurs différentes par rapport aux valeurs expérimentales. Cependant, pour le modèle de diffusion dans le film liquide, la quantité de matière (Qe,the) augmente avec l'augmentation du rapport d’imprégnation des biochars. Pour le modèle de pseudo-second ordre, la valeur de la vitesse d’adsorption (h) croit avec l’augmentation du rapport d’imprégnation. Par contre, les valeurs des quantités adsorbées Qe,the calculées par les deux modèles (pseudo-second ordre et diffusion dans le film liquide) sont comparables aux valeurs expérimentales Qe,exp. Ceci montre que la cinétique d’adsorption est parfaitement décrite par le modèle cinétique de pseudo-second ordre et celui de diffusion dans le film liquide pour les CAPs étudiés (Figure 7). L’analyse des données cinétiques par d’autres chercheurs a également montré que l’équation de la vitesse de pseudo-second ordre permet de simuler avec un bon accord l’adsorption de colorant méthylorange sur le biochar (ABOUA et al., 2018). Les valeurs de l’ordonnée à l’origine C (Tableau 7) donnent une idée de l’épaisseur de la couche limite. En effet, plus celles-ci sont grandes et plus l’effet de la couche limite est important. Les courbes Qt = f(t12) ne passant pas par l’origine, ceci est indicatif d’un certain degré de contrôle de la couche limite qui s’explique par le fait que la diffusion intraparticulaire n’est pas la seule étape limitante. Dans ce cas, d’autres phénomènes cinétiques qui s’ajoutent à la diffusion interparticulaire peuvent aussi contrôler la vitesse d’adsorption. Les valeurs de l’ordonnée à l’origine (Tableau 7) pour le modèle de diffusion dans le film liquide augmentent avec l’augmentation du rapport d’imprégnation des biochars.

Figure 7

Comparaison entre les capacités d’adsorption expérimentales (Qe,exp) et calculées (Qe,the) par différents modèles pour l’adsorption du méthylorange sur les biochars préparés

Comparison between experimental (Qe,exp) and calculated (Qe,the) adsorption capacities by different models for methyl orange adsorption on the prepared biochars

Comparaison entre les capacités d’adsorption expérimentales (Qe,exp) et calculées (Qe,the) par différents modèles pour l’adsorption du méthylorange sur les biochars préparés

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Les vitesses d'adsorption (K2, tableau 7) obtenues dans le présent travail sont plus rapides comparées à celles rapportées respectivement dans la littérature par CHEN et al. (2010) (K2 = 2,7 x 10-5 g∙mg-1∙min-1) et YAKOUT et al. (2019) (K2= 9,8 x 10-4 g∙mg-1∙min-1) pour l'adsorption de MeO sur le charbon actif issu de Phragmites australis et Pinus strobus.

4.5 Effet de la température

Les paramètres thermodynamiques, tels que l’enthalpie d’adsorption (ΔadsHT), l’entropie d’adsorption (ΔadsST) et l’énergie libre d'adsorption (énergie de Gibbs : ΔadsGT) (Tableau 8), ont été déterminés en traçant ln KL en fonction de 1/T et à l’aide des équations 17, 18 et 19 suivantes (ELASS et al., 2010; ABBAZ et al, 2014) :

KL est la constante de Langmuir (L∙g-1); T est la température en K et R la constante des gaz parfaits : 8,314 J∙mol-1∙K-1.

Tableau 8

Paramètres thermodynamiques des différents biochars (CAPs) préparés

Thermodynamic parameters of the prepared biochars (PACs)

Paramètres thermodynamiques des différents biochars (CAPs) préparés

aΔadsHT : enthalpie d’adsorption

bΔadsST : entropie d’adsorption

cΔadsGT : énergie libre d'adsorption

dQmax : quantité maximale adsorbée

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Les résultats ont révélé que la capacité d’adsorption augmente pour une température croissante, donc l’adsorption est de nature endothermique (ΔadsHT > 0) et le processus d’adsorption est de type physique (ΔadsHT compris entre 5 et 40 kJ∙mol-1) (ABBAZ et al., 2014). Les valeurs négatives de ΔadsGT indiquent la nature spontanée d’adsorption de MeO sur les biochars fabriqués. Il convient de noter que la grandeur des valeurs de ΔadsGT n’est pas dans la gamme d’adsorption multicouche pour laquelle ΔadsGT est généralement supérieure à -20 kJ∙mol-1 (SERPEN et al., 2007; BEKCI et al., 2006). Les faibles valeurs positives des variations de l’entropie ΔadsST indiqueraient une augmentation du désordre lors de l’adsorption de MeO qui pourrait résulter du déplacement de l’eau adsorbée.

4.6 Discussion des résultats d’adsorption sur la base des propriétés texturales des échantillons

L’adsorption de colorant pour les différents biochars peut être expliquée presque entièrement par les différences de texture des échantillons préparés. Une corrélation significative a été établie entre les propriétés de texture des biochars et l'élimination de la couleur de MeO. Par exemple, pour les échantillons CAP30, CAP60, CAP100 et CAP150, l'élimination de colorant augmente avec l'augmentation de SBM (Sméso) à 25 °C (Figure 8) (R = 0,93586). Un comportement similaire est observé pour les échantillons CAP30, CAP60, CAP100 et CAP150, par rapport à Smicro « indice d'iode » (25 °C). Ces observations démontrent que les propriétés texturales des matériaux étudiés peuvent expliquer le comportement de ces adsorbants envers le colorant acide méthylorange.

Figure 8

Capacité d’adsorption maximale (Qmax) en méthylorange (MeO) par les échantillons de biochars (CAPs) préparés en fonction de la surface du bleu de méthylène (SBM)

Maximum adsorption capacity (Qmax) in methyl orange by the prepared biochars (PACs) samples versus the surface area of the methylene blue (SBM)

Capacité d’adsorption maximale (Qmax) en méthylorange (MeO) par les échantillons de biochars (CAPs) préparés en fonction de la surface du bleu de méthylène (SBM)

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Le point (0,0) n’est pas sur la droite de corrélation de la figure 8, cela indique une mauvaise corrélation du fait qu'un échantillon de volume microporeux significatif pourrait ne pas adsorber le méthylorange. En réalité, c’est seulement une fraction des microspores qui participe à l’adsorption de MeO. En revanche, de fortes corrélations entre Smicro « indice d'iode » et la capacité d’adsorption maximale pour le colorant basique (BM) sont clairement illustrées à la figure 9.

Figure 9

Capacité d’adsorption maximale (Qmax) du colorant basique bleu de méthylène (BM) et du colorant acide méthylorange (MeO) des biochars préparés en fonction de l'indice d'iode

Maximum adsorption capacity (Qmax) of the basic dye methylene blue (BM) and the acid dye methyl orange (MeO) of the prepared biochars versus the iodine index

Capacité d’adsorption maximale (Qmax) du colorant basique bleu de méthylène (BM) et du colorant acide méthylorange (MeO) des biochars préparés en fonction de l'indice d'iode

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Par exemple, pour les échantillons CAP30, CAP60, CAP100 et CAP150 l'élimination du colorant 25 °C (R = 0,99477) a augmenté respectivement avec l'augmentation de (Smicro) « indice d'iode » à 25 °C (Figure 9), ce qui indique qu'une certaine fraction des micropores est également occupée par des molécules de BM. Ces résultats sont en accord avec l’étude de Graham qui a indiqué une taille minimale de pore de 1,33 nm indispensable pour l'adsorption du BM (GRAHAM, 1955) et les travaux de KASAOKA et al., 1987, qui ont rapporté que l'adsorption peut avoir lieu seulement quand le diamètre de pore est environ 1,7 fois plus grand que la largeur des molécules (> 1 nm pour la molécule de BM). Ainsi, le BM qui n'est pas généralement considéré comme étant capable d’entrer dans les pores d'un diamètre moyen plus petit que 1,0 nm peut entrer dans des supermicropores (microspores plus larges) qui sont présents dans les biochars préparés. C'est probablement l'une des raisons principales de la capacité d'adsorption plus élevée du BM dans les biochars préparés par rapport au colorant MeO.

5. Conclusion

Les propriétés physicochimiques des biochars fabriqués par activation phosphorique de roseau commun (Phragmites australis) et en particulier les propriétés texturales (surface mesurée par BM et indice d’iode) dépendent fortement du rapport d’imprégnation en acide phosphorique. Les valeurs les plus élevées de la surface spécifique (874 m2∙g-1) et de l’indice de l’iode (501 mg∙g-1) ont été obtenues pour un rapport d’imprégnation de 150 %.

Les valeurs de pHpzc de la majorité des biochars préparés sont inférieures à 7, indiquant la nature légèrement acide de la surface de ces matériaux. Le titrage sélectif (dosage de Boehm) a montré que l’activation phosphorique favorise la formation de groupes chimiques, principalement groupes phénoliques et carboxyliques.

Les études des isothermes d’adsorption du méthylorange (MeO) sur les biochars préparés à partir de roseau commun indiquent que le modèle de Langmuir décrit très bien le processus d’adsorption à l’équilibre.

La cinétique d’adsorption de MeO est décrite par un modèle du second ordre et de diffusion dans le film liquide. Les interactions de diffusion favorisent la fixation de colorant sur les biochars préparés. L’étude thermodynamique révèle que l’augmentation de la température favorise l’adsorption de MeO et le processus d’adsorption est endothermique et de type physique.

Les différences dans les propriétés texturales des biochars peuvent expliquer l’adsorption de colorants sur les échantillons, indiquant que la texture joue un rôle clé dans le processus d'adsorption.

Les biochars fabriqués à partir du roseau commun (Phragmites australis) activés par H3PO4 sont des adsorbants efficaces. Vu les quantités adsorbées et les cinétiques rapides, ces matériaux sont applicables dans le traitement des eaux et notamment pour la décoloration des effluents utilisés dans l’industrie textile.