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La protection de la santé et de l’environnement constitue toujours une des questions importantes dans le commerce international. À l’époque du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) de 1947 et dans le cadre actuel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les membres ont le droit d’invoquer la protection de la santé et de l’environnement, au titre de l’article XX du GATT ou de l’article XIV du General Agreement on Trade in Services (GATS), comme un moyen de défense pour justifier la violation d’une quelconque obligation au titre des accords visés[1]. Dans les différends où ces exceptions générales ont été invoquées[2], le membre défendeur a souvent eu du mal à indiquer que ses mesures satisfaisaient à toutes les exigences prévues dans ces articles[3]. Toutefois, l’existence de ces exceptions justifie bien le besoin des membres de l’OMC de prendre en compte, dans leur politique commerciale, des préoccupations liées à l’environnement et à la santé. Dans le cycle de Doha, la protection de la santé et de l’environnement constitue également un des sujets de négociation[4]. Néanmoins, puisque ce cycle n’a pas permis d’aboutir à un résultat positif sur ces questions, elles gagnent du terrain dans les accords commerciaux régionaux dont les négociations sont répandues partout dans le monde depuis une dizaine d’années[5]. Le Vietnam n’échappe pas à ce contexte. Depuis son adhésion à l’OMC, il participe activement aux négociations et à la conclusion d’une série d’accords de libre-échange, tels que l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste de 2018[6], l’Accord de libre-échange entre le Vietnam et l’Union européenne[7], l’Accord de libre-échange entre le Vietnam et la Corée de 2015[8], l’Accord de partenariat économique entre le Vietnam et le Japon de 2008[9], l’Accord de libre-échange entre le Vietnam et le Chili de 2011[10], l’Accord de libre-échange entre le Vietnam et l’Union économique eurasienne de 2015[11] ainsi que l’Accord sur le commerce des marchandises de l’ASEAN de 2009[12]. Le Vietnam est aussi partie aux accords de libre-échange signés par l’Association of Southeast Asian Nations (ASEAN) et ses partenaires (« accords de libre-échange de l’ASEAN+1 »)[13].

Dans ces accords, la protection de la santé et de l’environnement est considérée comme un des objectifs importants. Toutefois, le niveau de protection n’est pas établi de la même manière, du fait des priorités différentes mises en avant par le Vietnam et ses partenaires dans chaque accord. Certains accords visent surtout à traiter des questions classiques du libre-échange ; dès lors, les préoccupations liées à la santé et à l’environnement ne sont abordées que de façon minimaliste. Inversement, certains autres, qualifiés de nouvelle génération[14], signés en vue d’établir des normes de haut niveau (high-standard rules), comprennent un ensemble de règles très détaillées et conçues selon l’approche coopérative ou en fonction de l’approche compétitive[15]. Dans ces accords, les règles traitant des questions liées à la santé et à l’environnement sont incorporées dans différents chapitres. Cependant, l’accent sera mis, dans notre recherche, particulièrement sur celles énoncées dans les chapitres portant sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (mesures SPS) et sur l’environnement (ou sur le développement durable, le cas échéant).

Une des questions importantes qui se posent ici est de savoir si ces règles permettraient d’établir un niveau de protection plus élevé par rapport à celui qui existe déjà dans le droit international économique. Répondre à cette question nécessite donc de comparer les dispositions insérées dans lesdits accords avec les dispositions pertinentes de l’OMC et des accords multilatéraux sur l’environnement (AME) (partie 1). Étant donné le caractère nord-sud de la plupart de ces accords[16], il s’agit particulièrement des règles que le Vietnam a accepté d’y incorporer sous les pressions étrangères, en contrepartie des règles favorables au sujet de l’accès au marché. Dès lors, leur effectivité devrait être observée de plus près pour savoir comment elles pourraient être mises en oeuvre dans un pays en développement tel que le Vietnam (partie 2).

1 Le haut niveau de protection de la santé et de l’environnement établi par les accords de libre-échange du Vietnam

Les règles sanitaires et environnementales prévues dans les accords de libre-échange du Vietnam ainsi que les obligations du pays au titre des traités internationaux dont il fait déjà partie présentent une convergence importante (1.1). Dans certains accords, un niveau de protection plus élevé a été établi en vue de mieux prendre en compte des enjeux de la santé et de l’environnement (1.2).

1.1 La convergence des accords et des règles existantes

Il est notable de constater que la plupart des règles réaffirment les obligations du Vietnam en matière sanitaire au titre de l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS) de l’OMC (1.1.1) et, en matière environnementale, conformément aux AME (1.1.2) dont le Vietnam est jusqu’à présent membre.

1.1.1 Les obligations sanitaires existantes dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce

Rappelons que le Vietnam, depuis son entrée dans l’OMC le 11 janvier 2007, est tenu de respecter ses obligations prévues dans l’Accord SPS[17]. Ce dernier comprend un volet de règles pour assurer la protection de la santé des consommateurs contre les risques sanitaires et phytosanitaires causés par les produits importés[18]. Les règles de l’Accord SPS traitent déjà de vastes questions, telles que le choix du niveau de protection[19], l’harmonisation[20], l’équivalence[21], l’évaluation des risques[22], l’adaptation aux conditions régionales[23], l’assistance technique[24], le traitement spécial et différencié destiné aux membres en développement[25], les consultations et le règlement des différends[26], la transparence[27] et les dispositions procédurales[28].

Par comparaison avec celles-ci, les dispositions contenues dans le chapitre portant sur les mesures sanitaires et phytosanitaires des accords de libre-échange du Vietnam les reprennent presque toutes (voir le tableau 1).

Tableau 1

La compatibilité des dispositions sanitaires des accords de libre-échange du Vietnam et des règles de l’Accord SPS de l’OMC

La compatibilité des dispositions sanitaires des accords de libre-échange du Vietnam et des règles de l’Accord SPS de l’OMC

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Tous les accords de libre-échange du Vietnam comprennent une disposition affirmant le rattachement des parties contractantes aux obligations prévues dans l’Accord SPS. Par exemple, l’article 7.4 (1) du PTPGP prévoit que « [l]es Parties affirment leurs droits et obligations au titre de l’Accord SPS ». La même formule se trouve dans d’autres accords[29]. Dans des termes un peu différents, le VCUFTA indique que « l’Accord SPS s’applique entre les Parties et est incorporé dans le présent accord et en fait partie intégrante mutatis mutandis[30] ». Cette affirmation/incorporation est compréhensible lorsque l’Accord SPS sert toujours de base juridique aux négociations menées par le Vietnam et ses partenaires dans ce secteur[31]. Dans certains accords, tels que le VKFTA, le VJEPA, le VCFTA ou le VCUFTA, une simple référence aux obligations de base établies au titre de l’Accord SPS semble suffisante pour chaque partie. Toutefois, un examen plus approfondi indique qu’elle ne permet pas d’incorporer toutes les règles contenues dans cet accord (surtout en ce qui concerne l’assistance technique et le traitement spécial et différencié). Seuls le PTPGP et l’EVFTA vont plus loin, grâce au fait que presque toutes les prescriptions de l’Accord SPS ont été reprises dans leur chapitre sur les mesures SPS. Ceci coïncide parfaitement avec la politique menée par les États-Unis[32] ou l’Union européenne[33] en cette matière.

De plus, l’article 7.9 du PTPGP contient, effectivement, une série de dispositions visant, de prime abord, à confirmer les exigences de l’Accord SPS sur l’analyse scientifique des risques. La disposition qui permet d’analyser les risques non seulement sur la base scientifique mais aussi sur la base de la faisabilité économique et technique nous semble particulièrement intéressante[34]. À cet égard, l’article 7.9 (6) du PTPGP prévoit :

Lorsqu’elle procède à une analyse des risques, chacune des Parties :

[…]

c) opte pour une option de gestion des risques qui n’est pas plus restrictive pour le commerce qu’il n’est requis pour atteindre l’objectif sanitaire ou phytosanitaire, en prenant en compte la faisabilité technique et économique.

En d’autres termes, au titre de cette disposition, la faisabilité économique et technique d’une mesure SPS basée sur l’analyse scientifique des risques devrait être prise en compte lors de l’adoption d’une telle mesure[35]. La réaffirmation de cette obligation fournit dès lors « a crucial loophole against providing SPS measures that are science-based[36] ».

1.1.2 La reprise d’obligations en matière environnementale

Le Vietnam a signé et ratifié quatre AME de base : la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction[37], le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone[38], la Convention internationale pour la prévention de la pollution marine par les navires ou MARPOL et la Convention relative aux zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau[39]. En procédant à une comparaison des règles environnementales dans les accords de libre-échange du Vietnam et de celles prévues par les accords de l’OMC et les AME, on observe que les premiers reprennent des obligations établies par les seconds (voir le tableau 2).

Tableau 2

La compatibilité des dispositions environnementales des accords de libre-échange du Vietnam et des règles des accords multilatéraux environnementaux ainsi que des accords de l’OMC

La compatibilité des dispositions environnementales des accords de libre-échange du Vietnam et des règles des accords multilatéraux environnementaux ainsi que des accords de l’OMC

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Il en résulte que la question de la protection de l’environnement n’est pas abordée de la même manière dans ces accords. La plupart d’entre eux (tels que le VKFTA, le VCUFTA, le VJEPA et l’ATIGA) n’indiquent pas la protection de l’environnement comme un objectif dans le préambule, pas plus qu’ils ne comprennent un chapitre sur l’environnement ou sur le développement durable. Toutefois, tous ces accords reprennent les exceptions générales prévues par l’article XX du GATT[40]. De ce point de vue, le Vietnam ou ses partenaires pourront invoquer les exceptions liées à la protection de l’environnement mentionnées à l’article XX b) ou XX g) du GATT comme moyen de défense lors de la mise en oeuvre des règles régionales. À ce sujet, il est intéressant de noter que, dans le PTPGP, les négociateurs ont convenu de donner une interprétation aux exceptions prévues dans les articles XX b) et g) du GATT en précisant que les mesures visées par ces exceptions pourront comprendre également les « mesures environnementales nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux » (dans le cadre de l’article XX b)) et les « mesures se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables biologiques et non biologiques » (dans le cadre de l’article XX g))[41]. Ces interprétations correspondent parfaitement à ce que l’Organe d’appel de l’OMC a dégagé dans les affaires dont il est saisi en vue de clarifier le sens des termes utilisés dans ces exceptions[42].

Parmi ces accords, le PTPGP contient un chapitre régissant directement l’environnement[43], tandis que les règles relatives à la protection de l’environnement dans l’EVFTA et le VCUFTA sont incorporées dans un chapitre séparé sur le développement durable[44]. Il est établi que les dispositions du VCUFTA sont de portée très générale et ont un caractère surtout politique. Il ne comprend aucune disposition permettant de réaffirmer les obligations existantes dans les AME relatives à l’application du principe de précaution ou à la participation du public à la mise en oeuvre de ces règles. Le PTPGP et l’EVFTA, à l’inverse, comportent des dispositions qui visent, de prime abord, à établir un niveau de protection équivalent à celui des AME. Il s’agit des dispositions portant sur une réaffirmation des obligations existantes dans les AME[45], sur la coopération[46] et sur la participation du public[47]. De plus, tous ces accords affirment que chaque partie contractante dispose d’une certaine autonomie afin d’établir un niveau approprié de protection de l’environnement[48]. De ce point de vue, ils ne s’éloignent pas de la politique générale indiquée à ce sujet par les juges de l’OMC[49].

Ainsi, les règles évoquées ci-dessus justifient qu’un niveau de protection quasiment comparable à celui existant dans le cadre de l’OMC et des AME soit bien établi au sein des accords de libre-échange du Vietnam en matière sanitaire et environnementale. Certains d’entre eux semblent aller encore plus loin dans l’objectif de protéger la santé et de l’environnement.

1.2 La complémentarité par rapport aux obligations existantes

En matière sanitaire (1.2.1) ou environnementale (1.2.2), les négociateurs de quelques accords de libre-échange sont bien parvenus à créer un niveau de protection de la santé et de l’environnement plus élevé que celui établi par l’OMC. De nouvelles règles incorporées dans ces accords assureront une complémentarité significative par rapport aux règles multilatérales concernées.

1.2.1 Les obligations en matière sanitaire

Certains accords de libre-échange du Vietnam contiennent des règles qui dépassent le cadre juridique actuellement prévu par l’Accord SPS (voir le tableau 3). Il s’agit surtout des règles incorporées dans les trois accords dits de nouvelle génération signés par le Vietnam durant ces derniers temps : le PTPGP, l’EVFTA et le VCUFTA. Les nouvelles règles portent à la fois sur les aspects procéduraux et matériels.

En ce qui concerne les aspects procéduraux de la pratique de mise en oeuvre de l’Accord SPS[50], il est important de remarquer que, pour renforcer la mise en oeuvre des obligations substantielles en matière sanitaire, les questions procédurales devraient être traitées de façon adéquate[51]. C’est pour cette raison que certains accords de libre-échange du Vietnam ont réservé une grande partie du chapitre sur les mesures SPS à cet effet. Le tableau 3 permet de constater que le PTPGP et l’EVFTA visent à la fois l’établissement d’un comité sur les mesures SPS, les procédures détaillées en vue de déterminer l’équivalence[52], les exigences relatives à l’échange d’information[53], les mesures en cas d’urgence, l’audit[54], la certification et la vérification à l’importation[55]. Pour leur part, les dispositions du VCUFTA ne régissent que l’équivalence, l’échange d’information, les mesures d’urgence et la certification[56].

Tableau 3

Les suppléments des règles de l’Accord SPS de l’OMC

Les suppléments des règles de l’Accord SPS de l’OMC

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Il nous faut analyser ici deux questions d’une importance majeure liées à l’établissement d’un comité sur les mesures SPS et aux mesures d’urgence.

En premier lieu, relativement à l’établissement d’un comité SPS, ce dernier verra le jour lors de l’entrée en vigueur du PTPGP, de l’EVFTA, du VCFTA et de l’ATIGA. Composé des représentants de l’autorité compétente de chaque partie contractante, ce comité a pour objectif principal d’améliorer la mise en oeuvre des règles SPS, de traiter des questions SPS dans un intérêt commun et de renforcer la coopération et la communication entre les parties lors de la mise en oeuvre des mesures SPS[57]. Ces quatre accords décrivent ensuite leurs fonctions et activités en détail[58]. Malgré l’existence d’une réticence selon laquelle la mise en fonction de ces comités affaiblira le rôle du Comité SPS de l’OMC[59], il convient de constater, au contraire, qu’elle le renforcera en facilitant surtout la mise en oeuvre de l’Accord SPS de l’OMC incorporé dans tel ou tel accord au niveau régional.

En second lieu, en ce qui concerne les mesures d’urgence, au titre du VCUFTA, du PTPGP, de l’EVFTA et de l’ATIGA, les parties contractantes seront en droit de prendre des mesures d’urgence (emergency measure)[60]. Ces mesures sont définies, uniquement dans le contexte du PTPGP, comme « une mesure sanitaire ou phytosanitaire appliquée par une Partie importatrice à une autre Partie en vue de résoudre un problème urgent lié à la protection de la vie ou de la santé des personnes ou des animaux ou à la préservation des végétaux qui se pose, ou risque de se poser au regard de la Partie qui applique la mesure[61] ». Notons que, dans le cadre de l’OMC, les mesures d’urgence en matière sanitaire et environnementale ne sont pas directement prévues dans les accords de l’OMC. En effet, l’article XIX du GATT et l’Accord sur la sauvegarde ne régissent que les mesures d’urgence en cas d’une importation « en quantité tellement accrue » et par suite de « l’évolution imprévue des circonstances ». De plus, au titre de l’article 6 a) de l’annexe B de l’Accord SPS, seule existe l’obligation d’un membre de notifier immédiatement aux autres membres les mesures prises dans les cas des problèmes urgents de protection de la santé avérés. Cette obligation qui entre dans un cadre plus grand que celui de l’obligation qui consiste à assurer la transparence est d’ordre procédural. Dans l’ATIGA et le VCUFTA, ce que les parties contractantes ont engagé en cette matière est pareil à celle de l’OMC en insistant surtout sur l’obligation de notification sans retard de la mise en oeuvre d’une telle mesure. Toutefois, dans le cadre du PTPGP, certaines exigences complémentaires énoncées régiront avec rigueur l’obligation d’une partie contractante lors de l’application d’une mesure d’urgence. En fait, il sera obligatoire pour celle-ci de réexaminer la base scientifique de cette mesure dans un délai de six mois et de réexaminer la mesure périodiquement si elle continue d’être appliquée après le réexamen de sa base scientifique du fait que la raison conduisant son adoption demeure[62].

En ce qui concerne les aspects matériels, les règles SPS matérielles supplémentaires par rapport à celles de l’Accord SPS sont contenues essentiellement dans le PTPGP, l’EVFTA et le VCUFTA. Ces deux derniers y ajoutent certaines dispositions précisant des objectifs spécifiques et régissant des produits spécifiques.

Premièrement, sur les objectifs spécifiques visés, il importe de rappeler que les négociateurs de l’Accord SPS de l’OMC n’ont pas réservé un article à ses objectifs. Ces derniers, tirés uniquement de son préambule, sont de « préserver le droit souverain des gouvernements d’établir le niveau de protection qu’ils jugent approprié, mais aussi d’assurer que ce droit souverain ne soit pas exercé abusivement à des fins protectionnistes et n’entraîne pas des obstacles non nécessaires au commerce international[63] ». Ces deux objectifs sont entièrement repris dans tous les accords de libre-échange du Vietnam[64]. De plus, certains accords visent encore des objectifs spécifiques, soit renforcer la communication, la consultation et la coopération entre les parties[65], renforcer la transparence[66] et encourager le développement et l’adoption des normes, des principes directeurs et des recommandations internationales et leur mise en oeuvre par les parties[67]. La portée de ces trois objectifs ajoutés justifie clairement le besoin des parties de renforcer la mise en oeuvre des engagements en cette matière.

Deuxièmement, en ce qui concerne les produits spécifiques, le PTPGP consiste en une disposition sur les produits halals selon laquelle « [a]ucune disposition du présent chapitre n’empêche une Partie d’adopter ou de maintenir des exigences halal concernant les aliments et les produits alimentaires conformément au droit islamique[68] ». Effectivement, cette disposition consacre aux parties contractantes sur le territoire desquelles les musulmans demeurent l’autonomie d’établir les exigences concernant les produits halals. Cette reconnaissance est d’autant plus importante qu’elle permet de faire face aux controverses relatives à l’absence de normes unifiées dans ce secteur, particulièrement à la suite de l’adoption de mesures restrictives par la Malaisie et l’Indonésie quant à l’importation des produits non certifiés en 2009[69]. Il faut noter que, du point de vue des États-Unis, ceux-ci ont souvent considéré le halal comme une norme liée au processus/qualité (dès lors, il tombe entre dans le champ d’application de l’Accord sur les obstacles techniques au commerce) sans élément de sécurité alimentaire inhérent[70] ; l’incorporation de cette règle dans le chapitre sur les mesures SPS du PTPGP justifie donc une mutation dans l’approche américaine qui va de pair avec la tentation de certains gouvernements de le définir comme un problème de sécurité sanitaire.

1.2.2 Les obligations en matière environnementale

Les règles environnementales dans des accords de libre-échange du Vietnam contiennent, comme dans le secteur sanitaire, des éléments dépassant les obligations actuellement reconnues dans le droit international (voir le tableau 4).

Il résulte du tableau 4 que, en raison de l’absence de règles environnementales dans la plupart des accords de libre-échange du Vietnam, le niveau de protection environnementale plus élevé n’est essentiellement prévu que dans le PTPGP et l’EVFTA. Les deux accords cherchent à traiter de certaines questions spécifiques relativement à la protection de l’environnement, à la responsabilité sociétale de l’entreprise, au mécanisme volontaire pour assurer la performance environnementale, à l’établissement d’un comité de l’environnement et au règlement des différends. Le PTPGP comprend d’autres règles matérielles sur la transition vers une économie résiliente et à faible émission ; l’EVFTA en comporte sur le réexamen des impacts sur la durabilité. Les analyses suivantes mettent l’accent sur trois aspects importants : des questions spécifiques relativement à la protection de l’environnement, la responsabilité sociétale de l’entreprise et la transition vers une économie résiliente et à faible émission.

Tableau 4

Les suppléments des obligations existantes en matière environnementale

Les suppléments des obligations existantes en matière environnementale

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En premier lieu, certaines questions spécifiques relativement à la protection de l’environnement sont clairement traitées dans le PTPGP et l’EVFTA. Dans le PTPGP, il s’agit de la protection de la couche d’ozone[71], de la protection de l’environnement marin contre la pollution par les navires[72], des espèces exotiques envahissantes[73], de la pêche marine (y compris la subvention à la pêche)[74], de la biodiversité[75] et de la conservation[76]. Il en ressort que les États-Unis, en se basant sur la Bipartisan Trade Deal of May 2007[77] et sur la Bipartisan Congressional Trade Priorities and Accountability Act of 2015[78], ont réussi à obliger les autres parties contractantes à adopter un niveau de protection de l’environnement très élevé[79]. Ce qui est semblable dans le contexte de l’EVFTA. Les dispositions du chapitre sur le développement durable de cet accord permettent également de répondre aux préoccupations liées au changement climatique[80], à la préservation de la biodiversité[81], à la protection des forêts[82] et des ressources marines[83]. En ce qui concerne les subventions à la pêche, il est important de noter que les négociations dans le cadre de l’OMC, débutées en 2001, n’ont pas encore abouti[84]. Les résultats obtenus dans le cadre du PTPGP[85] et de l’EVFTA[86] constituent une référence importante qui pourrait être utilisée « par certains pays comme un modèle de résultat » à atteindre dans les négociations de l’OMC sur la pêche[87].

En deuxième lieu, la responsabilité sociétale de l’entreprise est abordée explicitement dans le PTPGP. Notons que, jusqu’à présent, la responsabilité sociétale de l’entreprise n’était traitée que par une approche volontariste. En d’autres termes, cette question si importante est seulement prévue dans les instruments à valeur non obligatoire[88] ou bien les codes de conduite. C’est la première fois qu’un accord de libre-échange incorpore une disposition l’abordant directement. Bien que la teneur de cette disposition[89] indique explicitement son caractère peu contraignant, il s’agit déjà d’un engagement fort exprimé par les parties contractantes à ce sujet. Il faut noter à cet égard que l’EVFTA prévoit, en matière de coopération, que les deux parties s’engagent à promouvoir la responsabilité sociétale des entreprises, y compris en ce qui concerne les instruments conclus au niveau mondial et approuvés ou soutenus par chacune d’entre elles[90].

En troisième lieu, dans le PTPGP, la transition vers une économie résiliente et à faible émission de gaz à effet de serre sera encouragée. En vue d’aboutir à cet objectif, les parties contractantes du PTPGP s’engagent donc à collaborer et faire en sorte que les questions touchant une série de secteurs assurant l’économie verte soient résolues dans les intérêts communs de toutes les parties. Les secteurs de coopération portent donc sur les aspects suivants : l’efficacité énergétique, le développement des technologies à faible émission et des sources d’énergie alternatives, propres et renouvelables ; le transport durable et de développement d’infrastructures urbaines durables ; la déforestation et la dégradation des forêts ; les mécanismes du marché et du « non-marché » ; le développement et le partage d’informations et d’expériences relatives à la résolution des questions pertinentes dans ce secteur[91].

En somme, il est clair que le PTPGP et l’EVFTA établiront un niveau de protection sanitaire et environnemental plus élevé par rapport à celui du reste des accords de libre-échange du Vietnam. Les analyses dans la deuxième partie de notre étude porteront sur l’efficacité de ces règles, particulièrement dans le contexte du Vietnam.

2 L’efficacité des règles sanitaires et environnementales dans la protection de la santé et de l’environnement

Bien que certains accords de libre-échange du Vietnam établissent apparemment un niveau de protection plus élevé, l’efficacité de ces règles dépend des lacunes de ces accords (2.1) et surtout de la capacité du Vietnam à les transposer et à les mettre en oeuvre dans l’ordre juridique interne (2.2).

2.1 Les lacunes notables

Les lacunes d’ordre substantiel (2.1.1) et procédural (2.1.2) subsistent dans les accords de libre-échange du Vietnam en matière à la fois sanitaire et environnementale.

2.1.1 Les omissions substantielles

Trois omissions importantes doivent être soulignées : la non-incorporation du principe de précaution (2.1.1.1), l’absence de traitement de certains produits spécifiques (2.1.1.2) et l’absence de référence à certains AME de base (2.1.1.3).

2.1.1.1 La non-incorporation du principe de précaution

Quoique le principe de précaution ne soit pas expressément mentionné dans les accords visés de l’OMC, l’article 5.7 de l’Accord SPS donne la possibilité de « prendre en compte l’idée de précaution[92] » dans le droit de l’OMC en vue de faire face aux risques sanitaires et environnementaux en cas d’absence de preuve scientifique suffisante. En d’autres termes, si l’on applique une approche de précaution, une mesure sanitaire ou environnementale provisoire peut être justifiée si elle satisfait, selon l’Organe d’appel, les quatre exigences suivantes : 1) les informations scientifiques pertinentes sont jugées insuffisantes ; 2) la mesure est adoptée sur la base des renseignements pertinents disponibles ; 3) les parties ont fait l’effort d’obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective du risque ; et 4) l’examen de la mesure a lieu dans un délai raisonnable[93].

Il est important de constater que, au titre de l’article 28.12 (3) du PTPGP[94] et de l’article 15.21 de l’EVFTA[95], l’application directe des rapports adoptés par l’Organe de règlement des différends (ORD) est expressément acceptée[96] lors de l’interprétation des dispositions pertinentes des accords visés de l’OMC incorporés dans tel ou tel accord. Toutefois, le problème qui se pose ici est que, sauf une disposition dans le chapitre 13 de l’EVFTA[97], dans les autres accords de libre-échange du Vietnam, aucune disposition pareille à l’article 5.7 de l’Accord SPS n’est prévue. L’article 7.14 du PTPGP[98] qui ne prévoit que les deux derniers critères de l’article 5.7 de l’Accord SPS ne permet donc pas d’établir un niveau d’exigences comparables à celles dudit article. L’EVFTA semble exclure de manière implicite le principe de précaution lorsqu’il permet seulement d’appliquer les mesures SPS qui devront être scientifiquement justifiées[99].

Il faut rappeler que le PTPGP, l’EVFTA, le VCUFTA et l’ATIGA comprennent les dispositions visant à permettre aux parties contractantes de prendre des actions nécessaires dans les situations d’urgence en matière SPS. Toutefois, comme Markus Wagner l’a soutenu de manière convaincante, « emergency measures would cover only a small part of the situations that could conceivably fall under the precautionary principle as currently interpreted[100] ». La non-reprise de cette disposition provenant d’autres accords de libre-échange du Vietnam s’expliquerait par la préoccupation liée aux effets néfastes causés par l’application du principe de précaution à la libéralisation du commerce[101]. Cette absence pourrait en effet provoquer l’inapplicabilité du principe de précaution[102]. Une telle approche serait inappropriée, car elle permettrait au Vietnam ou à ses partenaires de traiter des risques sanitaires et environnementaux en cas d’absence de preuve scientifiquement justifiée.

2.1.1.2 L’absence du traitement de certains produits spécifiques

Tel que Steve Suppan l’a indiqué, une série de questions susceptibles d’avoir des impacts sur la santé ne sont pas régies par le PTPGP. Il s’agit de celles relatives à « [g]rowth hormones, food and agricultural nanotechnology, endocrine disrupting chemicals, antimicrobial resistance to anti-biotics, plant synthetic biology and so many others. Nothing about them — among other controversial food safety, and animal, plant and environmental health issues or technologies — appears in the SPS chapter[103] ». Il n’est donc pas surprenant de trouver que certains produits ayant des effets (négatifs ou positifs) sur la santé et sur l’environnement ne sont pas directement couverts par les règles sanitaires et environnementales énoncées dans les accords de libre-échange du Vietnam. En dehors de l’exemple du tabac[104], il importe de citer ici les deux cas concernant les produits d’organes génétiquement modifiés (OGM) et les produits et services environnementaux.

2.1.1.2.1 Le cas des produits OGM

Le commerce des produits OGM a déjà fait écho dans le cadre de l’OMC aux affaires CE — Produits biotechnologiques[105]. Malgré la complexité de ces affaires, le groupe spécial saisi a dû reconnaître que la mesure européenne contestée et les différentes prescriptions de l’article 5 de l’Accord SPS n’étaient pas incompatibles[106].

Bien que la question de savoir si les produits OGM ont des effets négatifs sur la santé des consommateurs fasse encore débat dans tous les accords de libre-échange du Vietnam, différents aspects juridiques relatifs à cette catégorie de produits ne sont pas abordés de manière directe dans le chapitre sur les mesures SPS. Les dispositions concernées sont alors placées dans le chapitre portant sur le traitement national et l’accès au marché. Au titre de l’article 2.19 du PTPGP, le commerce des produits de nouvelles biotechnologies[107] est régi par les règles relatives à l’accès au marché sans aucune référence aux exigences en matière de mesures SPS. Voici ce que Steve Suppan a avancé de façon persuasive :

[B]y putting « modern biotechnology » within the chapter on « National Treatment and Market Acces for Goods », the TPP negotiators are able to discuss issues about « trade in products of modern biotechnology » without any reference to the SPS chapter requirements. Instead, any SPS concerns about these products will be discussed in the « Committee on Agriculture Trade (Working Group) », which has no requirement for experts to discuss or demonstrate risk assessment or risk analysis for GMOs[108].

Cette approche indique clairement que les parties contractantes du PTPCP mettent l’accent sur la commercialisation de ces produits, au lieu de les encadrer dans un régime SPS plus strict en vue de protéger les consommateurs des risques à leur santé[109]. Elle correspond à la politique du Vietnam relative aux produits OGM, dès lors que le gouvernement du Vietnam a promulgué des réglementations favorables à leur commercialisation sur son territoire[110].

2.1.1.2.2 Le cas des produits et des services environnementaux

L’utilisation des produits et des services environnementaux[111] est de plus en plus importante pour la protection de l’environnement et de la santé puisqu’elle permet d’« améliorer la qualité de vie et le bien-être économique des citoyens ; de renforcer l’efficacité économique et de favoriser des pratiques commerciales écologiquement rationnelles en aidant à mieux contrôler et atténuer la pollution de l’air, de l’eau et des sols[112] ». Compte tenu de ces effets positifs, l’élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce des produits et des services environnementaux constitue une question entrant dans le mandat du cycle de Doha[113]. Au titre des accords de libre-échange du Vietnam, sauf le PTPGP[114], aucun autre ne contient de règles relatives aux biens et aux services environnementaux, même en ce qui concerne l’accès au marché. Cette absence démontre que, dans le contexte d’un pays en développement tel que le Vietnam, le développement et l’utilisation des produits et des services environnementaux ne constituent pas encore une priorité du Vietnam[115] et d’autres partenaires, surtout dans la coopération mutuelle à cet égard.

2.1.1.3 L’omission propre en matière environnementale — la non-reprise des engagements dans certains accords multilatéraux sur l’environnement de base

Il est notable de constater que, malgré le fait que certains accords de libre-échange du Vietnam fassent référence aux AME, il s’agit uniquement des engagements de mettre en oeuvre les AME auxquels chaque pays est partie. Par exemple, au titre de l’article 20.4 (1) du PTPGP[116], le Vietnam ne s’engage qu’à mettre en oeuvre les quatre AME qu’il a ratifiés (y compris le CITES, le Protocole de Montréal, le MARPOL et le RAMSAR). Le Vietnam, Brunei, Singapour ou la Malaisie n’ont pas l’obligation de mettre en oeuvre trois autres AME figurant dans la liste spécifique des sept AME que l’Administration et le Congrès américains sont convenus d’incorporer dans les accords de libre-échange au titre de la Bipartisan Trade Deal of May 2007, y compris la Convention interaméricaine sur le thon tropical ou IATTC, la Convention sur la chasse à la baleine ou ICRW de 1946 et la Convention sur la conservation des ressources marines vivantes de l’Antarctique ou CCAMLR. De plus, si, après la Bipartisan Trade Deal of May 2007, les États-Unis exigent souvent de leurs partenaires dans les accords de libre-échange qu’ils « [adoptent, maintiennent et mettent] en oeuvre des lois, règlements et autres mesures pour s’acquitter de [leurs] obligations » en vertu de ces sept AME, tel n’est pas le cas pour le PTPGP. Le TPP auparavant et l’actuel PTPGP exigent seulement que « chacune des Parties adopte, [maintienne et mette] en oeuvre des lois, règlements et autres mesures pour remplir ses obligations[117] » au titre de la CITES. L’absence d’une pareille obligation pour d’autres AME signifie que le Vietnam ou d’autres parties ne sont pas tenus de les mettre en oeuvre de manière effective ou d’adopter de nouvelles politiques si les politiques existantes se sont révélées insuffisantes pour que chacun d’entre eux satisfasse réellement ses obligations au titre de ces AME.

2.1.2 Les faiblesses des mécanismes de règlement des différends

Le règlement des différends constitue un outil significatif pour assurer la mise en oeuvre effective des obligations conventionnelles. Si, dans le cadre de l’OMC, les affaires liées aux mesures sanitaires et environnementales sont tout à fait susceptibles de faire l’objet d’une procédure engagée devant l’ORD, ce n’est pas le cas pour ce qui est des accords de libre-échange du Vietnam. Cette situation est causée soit par l’exclusion de l’application des dispositions relatives au règlement des différends, soit par l’existence de mécanismes dotés d’un caractère peu contraignant.

En ce qui concerne la non-application des règles relatives au règlement des différends, il est facile de trouver dans certains accords de libre-échange du Vietnam les règles visant à exclure l’application des dispositions relatives au règlement des différends. En matière sanitaire, il faut citer ici l’article 5.6 du VKFTA[118] et l’article 49 du VJEPA[119]. Ces deux articles excluent explicitement toutes dispositions prévues dans le chapitre 15 du VKFTA et le chapitre 13 du VJEPA sur le règlement des différends. En matière environnementale et en ce qui concerne la coopération, il existe dans ces accords des dispositions pareilles[120]. Il en résulte clairement qu’une quelconque violation par une des parties des règles sanitaires ou environnementales ne fera pas l’objet d’une procédure de règlement des différends. Le non-respect des obligations conventionnelles engagées au titre de ces accords ne sera donc pas sanctionné. Cette situation pourrait affaiblir le niveau de protection établi par ces accords.

De plus, il s’agit de mécanismes de règlement des différends à caractère peu efficace. En dehors des accords où le règlement des différends reste explicitement inapplicable aux affaires sanitaires et environnementales, dans certains autres, les mécanismes de règlement des différends incorporés ne sont pas à la hauteur des attentes. La plupart de ces accords prévoient les consultations comme le mode de règlement des différends privilégié. Conformément à l’EVFTA, si les consultations ne permettent pas aux parties de trouver une solution mutuellement convenue, l’affaire sera portée devant le Comité SPS[121] qui n’est pas doté d’une compétence telle celle prévue à l’égard d’un organe de jugement. L’histoire de l’OMC démontre clairement que les consultations ont permis de régler une grande partie des différends entre ses membres. Tout au contraire, la pratique de l’ORD indique également que les affaires complexes nécessitent d’être introduites devant les groupes spéciaux et/ou l’Organe d’appel. Un grand nombre des affaires liées aux mesures sanitaires et environnementales suivent cette logique. Toutefois, dans certains accords de libre-échange du Vietnam, la possibilité de porter l’affaire devant un organe de jugement n’est pas prévue : ce qui constitue donc leur faiblesse majeure affectera l’effectivité de leur mise en oeuvre.

2.2 De faibles impacts des règles au Vietnam

Le Vietnam, en tant qu’État qui a dû accepter des règles exigeantes en matière sanitaire et environnementale lui ayant été imposées par ses partenaires qui sont les pays développés, les transposera dans l’ordre juridique interne. Toutefois, lorsque ses partenaires ont voulu une diffusion plus large des règles de haut niveau de protection de la santé et de l’environnement[122], la mise en oeuvre de ces règles au Vietnam semble ne pas répondre à leur attente à cause du caractère non contraignant d’un grand nombre de règles et en raison des difficultés propres au Vietnam.

Premièrement, s’agissant du caractère non contraignant d’un grand nombre de règles sanitaires et environnementales, il faut noter que la plupart des accords de libre-échange du Vietnam mettent en avant une approche coopérative[123]. Dès lors, un éventail large des dispositions jouit d’un caractère non contraignant avec l’utilisation de termes tels que « les parties reconnaissent », « chacune des parties s’efforce », « les parties travaillent en coopération », « chacune des parties favorise », « chacune des parties devrait encourager », etc. Même le PTPGP, qui est jugé « the most robust enforceable environment commitments of any trade agreements[124] », comprend également une série de règles non obligatoires[125]. C’est pour cette raison que le Sierra Club a évalué ceci :

After nearly six years of Trans-Pacific Partnership (TPP) negotiations conducted under extraordinary secrecy, the release of the final text reveals that the TPP environment chapter fails to protect our environment. The Chapter excludes core environmental commitments that have been included in all U.S. trade agreements since 2007 […] Provisions in the text that have been touted as new are generally hampered by weak language that would not adequately protect the environment[126].

Cette approche semble favorable au Vietnam dans la mise en oeuvre de ses engagements sanitaires et environnementaux. Toutefois, elle affaiblit l’effectivité des règles concernées contenues dans tel ou tel accord.

Deuxièmement, il est opportun d’aborder ici certaines difficultés propres au Vietnam, notamment l’absence d’expériences et de mécanismes de coordination liés à la mise en oeuvre de ces règles.

En ce qui concerne l’absence d’expériences, il convient de constater que, pour le Vietnam, le respect des obligations contractées dans les accords internationaux et la législation nationale en matière d’environnement et sanitaire joue un rôle central dans sa politique interne. Toutefois, étant donné que certains accords de libre-échange contiennent des règles sanitaires et environnementales qui dépassent complètement le cadre juridique actuel du Vietnam, ce dernier manque dès lors d’expérience en vue d’assurer une mise en oeuvre efficace de ces règles. En particulier, du fait du développement économique à niveau moyen, il ne dispose que de ressources limitées pour la protection de l’environnement et de la santé. Une application sérieuse des obligations environnementales et sanitaires coûterait très cher dans un budget étatique déjà trop serré. Les engagements dans les accords de libre-échange en cette matière constitueront donc un grand défi pour le gouvernement afin d’assurer l’équilibre des intérêts et des coûts liés à l’intégration économique internationale ainsi que l’harmonisation du développement économique avec la résolution des préoccupations majeures de la société.

Relativement à l’absence de mécanismes de coordination en matière sanitaire et environnementale, des incidents environnementaux et sanitaires récents ont mis en évidence un certain nombre de lacunes dans la coordination entre les autorités centrales et locales, la décentralisation des rôles et des responsabilités des autorités centrales vers les autorités locales, ainsi qu’entre les organismes de gestion et les personnes et les entreprises dans le cadre d’activités concernant la réhabilitation et la gestion des incidents environnementaux liés à la production et au commerce[127]. Cette absence affaiblira la mise en oeuvre de règles en la matière au Vietnam.

Pour cette raison, le gouvernement du Vietnam est en train d’élaborer certains mécanismes de coordination interne en vue de résoudre les questions sanitaires et environnementales dans les accords de libre-échange. L’élaboration de ce projet a été indiquée dans la Résolution no 63/NQ-CP du 22 juillet 2016 portant promulgation du programme d’action du gouvernement pour la mise en oeuvre de la Résolution de l’Assemblée nationale sur le plan du développement socioéconomique pour la période 2016-2020. Toutefois, après trois ans de travail, ces mécanismes ne sont toujours pas promulgués par l’autorité vietnamienne. Cela constitue encore une difficulté pour le Vietnam.

Conclusion

Il convient de conclure que les accords de libre-échange du Vietnam n’établissent pas de l’un à l’autre le même niveau de protection de la santé et de l’environnement. Le niveau de protection élevé établi par certains accords manque également d’efficacité, car des questions d’importance internationale n’y sont pas abordées, telles que le principe de précaution, les produits OGM ou les produits et services environnementaux… De plus, dans le cas du Vietnam, celui-ci s’est engagé à respecter ces obligations conventionnelles. Toutefois, ce respect pourrait être affecté par les difficultés que le pays éprouve. Dès lors, l’approche normative avancée par ces accords pourrait être remise en cause. Autrement dit, l’effectivité des règles sur la protection de la santé et de l’environnement au Vietnam reste une question qui obtiendra difficilement une réponse adéquate.