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Vers un Pacte mondial pour l’environnement, tel est l’intitulé de la Résolution adoptée le 10 mai 2018 par l’Assemblée générale des Nations unies qui a institué un groupe de travail spécial chargé d’évaluer l’opportunité d’adopter un nouvel instrument juridique susceptible de pallier les dysfonctionnements du droit international de l’environnement[1].

Conformément aux termes de la Résolution, le Secrétaire général des Nations unies a publié le 13 décembre 2018 un rapport recensant et évaluant les lacunes du droit international de l’environnement[2], point de départ des négociations entourant l’adoption de ce futur pacte mondial, qui d’ores et déjà s’annoncent animées puisque la seconde séance de fond qui s’est tenue en mars 2019 au sein de l’Office des Nations unies à Nairobi montre déjà de nombreuses divergences de vues de la part des États, venant par la même souligner la particulière sensibilité du sujet[3].

Intégrant l’ensemble des grands principes fondateurs du droit international de l’environnement consacrés par la Déclaration de Stockholm sur l’environnement de juin 1972, la Charte mondiale de la nature du 28 octobre 1982 et la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de juin 1992[4], ce futur pacte devrait prendre la forme d’un traité international venant se greffer à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 et aux deux pactes internationaux du 16 décembre 1966 relatifs aux droits civils et politiques d’une part, et aux droits économiques, sociaux et culturels, d’autre part[5].

Fruit d’une initiative émanant d’un réseau international d’une centaine de juristes, connu sous le nom de Groupe international d’experts pour le pacte (GIEP), coordonné par la Commission environnement du Club des juristes, une jeune association française mise sur pied en 2007[6], ce futur pacte vise à donner « une nouvelle impulsion à la gouvernance environnementale » et est, d’ailleurs, présenté comme « la pierre angulaire du droit international de l’environnement » et « le texte global dont la gouvernance mondiale de l’environnement a besoin, […] un texte capable de créer un lien entre ces normes et ces institutions »[7].

Ainsi, ce futur pacte serait susceptible d’apporter un correctif au manque d’effectivité dont pâtissent de nombreux accords internationaux environnementaux, témoignant indirectement d’une gouvernance mondiale environnementale qui dans ses fondements, composantes et mécanismes normatifs et institutionnels semble être en mal d’efficacité[8].

En attestent, notamment, les derniers rapports régionaux d’évaluation sur la biodiversité, publiés en mars 2018 par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES)[9], à l’occasion de sa 6e session plénière qui s’est tenue à Medellín en Colombie au mois de mars 2018, concluant à un appauvrissement général de la biodiversité dans le monde, lié notamment à la surexploitation des ressources naturelles, la conversion d’habitats naturels en terres agricoles, à la pollution de l’air, de l’eau et des sols[10].

Déficiences institutionnelles et normatives, absence de participation des acteurs non étatiques, budget limité, défaut de synergie entre les accords environnementaux constituent autant d’arguments mis en avant par une littérature de plus en plus féconde sur le sujet, pour expliquer les lacunes de cette gouvernance[11], une littérature qui n’en est pas moins force de propositions, soulignant, par la même, la dimension tout à la fois plurielle et prospective attachée à la définition de cette bonne gouvernance de l’environnement[12].

Trouvant son inspiration dans la sphère économique, le concept de bonne gouvernance tend désormais à s’imposer dans la sphère environnementale, comme tremplin à l’élaboration de mécanismes normatifs et institutionnels de coopération, de médiation, de contrôle susceptible de garantir la légitimité et l’effectivité du droit international de l’environnement dans l’intérêt tout à la fois des États et des individus[13].

Ainsi, cette initiative onusienne, dont on ne peut d’ailleurs que se réjouir puisqu’elle s’inscrit dans l’Agenda 2030 pour le développement durable, qui précisément encourage l’élaboration « d’initiatives nationales ambitieuses dans l’optique de la mise en oeuvre globale du Programme […] »[14], serait susceptible de répondre aux doléances actuellement exprimées autour de la gouvernance mondiale, pour laquelle les États eux-mêmes appellent d’ailleurs depuis plusieurs années à une réforme.

Aux termes de sa déclaration finale, la Conférence des Nations unies sur le développement durable qui s’est tenue à Rio en juin 2012, réaffirme « la nécessité de renforcer la gouvernance environnementale internationale […] afin de promouvoir une intégration équilibrée des dimensions économique, sociale et environnementale du développement durable »[15]. De la même manière, les Objectifs du Développement Durable (ODD) pour 2030 expriment cette même exigence en invitant les États à mettre en oeuvre « un partenariat mondial pour le développement durable, mû par un esprit de solidarité renforcé […] auquel participeront tous les États, toutes les parties prenantes et tous les peuples »[16].

Les limites opérationnelles des normes environnementales internationales combinées à la situation d’urgence écologique à laquelle nous sommes confrontés et l’ambition affichée au niveau mondial d’un partenariat pour le développement durable sont autant de facteurs qui légitiment notre curiosité quant à la pertinence juridique de ce nouvel instrument juridique dans la perspective d’une bonne gouvernance mondiale environnementale.

Il convient, à titre liminaire, d’aborder les faiblesses inhérentes à la gouvernance mondiale actuelle, tributaire tout à la fois du principe de la souveraineté nationale qui vient conditionner l’effectivité de l’ensemble des accords internationaux environnementaux, et des concepts et principes dénués de force juridique obligatoire, alors qu’ils constituent l’ossature même du droit international de l’environnement (I). Il s’agira, par la suite, d’examiner les mécanismes conventionnels novateurs susceptibles de corriger ces lacunes et de contribuer au renforcement de la gouvernance mondiale environnementale (II). Enfin, à la lumière notamment de l’expérience tirée des deux pactes internationaux du 16 décembre 1966 sur les droits civils et politiques et sur les droits économiques, sociaux et culturels, il conviendra de se pencher sur la portée pratique d’un accord additionnel au regard tout à la fois des contraintes liées à sa procédure d’adoption et à la nature même des obligations dont le texte est porteur (III).

I. Le Pacte mondial pour l’environnement à la lumière des lacunes de la gouvernance actuelle

A. Une gouvernance environnementale tributaire du principe de la souveraineté des États

L’évaluation de la contribution d’un futur pacte mondial à l’amélioration de la gouvernance mondiale de l’environnement s’appuie nécessairement sur une connaissance des faiblesses mêmes de la gouvernance actuelle qui relève, en premier lieu, de l’ordre juridique international à la lumière duquel le système juridique de protection internationale de l’environnement doit nécessairement s’apprécier[17].

Fondé sur le principe premier de la souveraineté de l’État consacré notamment par la Charte des Nations unies du 26 juin 1945[18], le droit international ne confère qu’aux seuls États, la faculté de créer des normes environnementales et d’en assurer leur application; un processus d’élaboration et de contrôle exclusif de toute interférence des acteurs non étatiques[19].

Réside ici le paradoxe d’un droit qui vise à encadrer des problématiques écologiques impactant la qualité de vie et la santé des individus, menaçant même parfois leur survie comme nous le montre la multiplication en Asie du Sud-Est des inondations, glissements de terrain et autres catastrophes écologiques liées au changement climatique[20], tout en privant ces derniers d’un quelconque droit de regard et de contrôle sur le respect même des engagements internationaux souscrits par les États.

L’ampleur et la gravité des enjeux environnementaux globaux s’accommodent difficilement du principe de la souveraineté nationale ; un constat d’autant plus vrai que sur des sujets aussi sérieux que la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité et autres défis écologiques, les États tendent à nous opposer une forme d’inertie qui légitime nos réserves quant à leur capacité à répondre de manière urgente et efficace aux défis environnementaux globaux[21].

Marquées par les dissensions entre pays développés et pays émergents tant sur la cible de réduction de gaz à effet de serre que sur la charge même des obligations de réduction, les négociations internationales sur le régime climatique post-Kyoto illustrent de manière criante cette réalité[22]; près de six années se sont écoulées entre la 15e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques organisée à Copenhague en 2009 et qui devait aboutir à l’adoption d’un nouvel accord prenant le relais du Protocole de Kyoto, et la signature de l’Accord de Paris sur le climat le 12 décembre 2015[23].

Cette inertie se reflète également au travers des accords environnementaux qui peinent à recueillir le consensus sur des objectifs et un calendrier précis susceptibles d’amorcer véritablement une transition en faveur de la protection de l’environnement comme nous le montre le Protocole de Nagoya sur l’Accès et le Partage des Avantages adopté en 2010 par les parties à la Convention sur la diversité biologique[24].

En continuité avec un courant doctrinal de plus en plus répandu, qui précisément invite à une redistribution des rôles au sein de la gouvernance mondiale de l’environnement[25], la Commission environnement du Club des juristes souligne que « les enjeux environnementaux et les négociations y afférant comprennent en effet de nombreuses parties prenantes et que dans ce contexte la gouvernance mondiale en matière environnementale ne doit pas être le seul fait des États »[26].

Si elles reposent sur une réalité factuelle, ces considérations mettent en exergue, sur le plan juridique cet antagonisme, entre d’une part, la conception classique du droit international public qui repose sur le volontarisme étatique, et d’autre part, des problématiques environnementales à dimension planétaire affectant tout à la fois les États et les individus, exigeant l’adoption d’accords universels dont l’élaboration et le contrôle de la mise en oeuvre ne devraient pas être confiés qu’aux seuls États[27].

Sur ce point, les motivations exprimées par la Commission environnement confortent l’esprit même des textes fondateurs du droit international de l’environnement.

La Déclaration de Stockholm sur l’environnement adoptée en juin 1972 dans le cadre de la première conférence des Nations unies sur l’environnement avait en effet déjà, en son temps, bousculé la logique purement volontariste du droit international public en proclamant que « la protection et l’amélioration de l’environnement sont une question d’importance majeure […] qui correspond au voeu ardent des peuples du monde entier et constitue un devoir pour tous les gouvernements »[28].

Dans le même esprit, la Déclaration de Rio de 1992 appelle à la mise en place « d’un partenariat mondial […] en créant des niveaux de coopération nouveaux entre les États, les secteurs clés de la société et les peuples »[29], faisant ainsi écho à l’agenda de développement durable dont le 17e objectif invite à renforcer les moyens de mise en oeuvre d’un partenariat mondial pour le développement durable[30].

De surcroît, le principe même de participation telle que consacrée notamment par la Déclaration de Rio de 1992[31] et les idées de solidarité et d’intégration sous-jacentes au concept même de développement durable[32] viennent, sur les questions environnementales, défier le principe de souveraineté nationale en invitant les États à définir des modalités de gouvernance plus inclusives[33]; des considérations rejoignant, d’ailleurs, la littérature actuelle sur les déficiences de participation attachées à la gouvernance actuelle, incompatibles avec les conditions d’une bonne gouvernance environnementale[34].

Les concepts mêmes de patrimoine commun de l’humanité ou de préoccupation commune de l’humanité[35], repris dans bon nombre de déclarations et conventions internationales font, eux-mêmes, dissonance avec une application absolue du principe de souveraineté nationale.

En tout état de cause, un processus transitoire en faveur d’une gouvernance plus inclusive semble être en marche, forcé par la société civile elle-même désireuse, à juste titre, d’une plus grande implication sur des sujets qui la concerne directement.

En atteste la participation grandissante des organisations non gouvernementales au sein des grandes conférences climatiques[36], combinées aux mobilisations citoyennes telles que les marches pour le climat ainsi qu’à la multiplication des actions judiciaires introduites par des individus ou associations aux fins de voir constater par les juridictions nationales le manquement des États à leurs engagements internationaux.

Il est vrai que les dernières années ont été particulièrement prolifiques en matière de contestations judiciaires portant sur l’inaction des États en matière de lutte contre le réchauffement climatique, remettant indirectement en cause les modalités d’exercice de leur souveraineté nationale.

La Cour du district de La Haye a ainsi admis la responsabilité des Pays-Bas pour leur inaction face au changement climatique et a, par une décision en date du 24 juin 2015, condamné l’État néerlandais à rehausser son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à 25% d’ici 2020 par rapport à 1990, tenant compte de l’état des connaissances scientifiques et du devoir de protection de l’environnement incombant aux Pays-Bas[37].

Plus récemment, la cour d’appel de Hanovre en Allemagne a accepté le 13 novembre 2017 d’examiner la requête en dommages et intérêts présentée par un paysan des Andes et dirigée contre l’entreprise de production d’électricité RWE dont les émissions de gaz à effet de serre affectent le glacier qui domine son village[38].

Autant de mobilisations et d’actions judiciaires qui sont, d’ailleurs, juridiquement confortées par les Déclarations de Stockholm et de Rio qui proclament, l’une et l’autre, le droit de tout individu de vivre dans un environnement écologiquement sain[39], justifiant, là encore, une forme de droit d’ingérence dans les politiques étatiques environnementales.

En bref, un contexte factuel et juridique qui justifie pleinement une consolidation de la place des individus dans la gouvernance environnementale mondiale au travers des mécanismes garantissant les droits, dont ces derniers sont titulaires en vertu même du droit international de l’environnement, étant précisé que tout manquement aux obligations environnementales souscrites par les États en vertu du principe de souveraineté nationale est susceptible de porter atteinte au droit humain à un environnement sain.

Cette préoccupation est exprimée dans le préambule du projet du pacte du GIEP, au travers des dispositions qui invitent, là encore, à une nécessaire convergence entre les obligations des États et les droits des individus.

Le projet du pacte stipule, en effet, que les parties doivent être

conscientes de la nécessité de respecter, promouvoir et prendre en considération leurs obligations respectives concernant les droits humains, le droit à la santé, les droits et savoirs des populations autochtones, des communautés locales, des migrants, des enfants, des personnes handicapées et des personnes en situation vulnérable, placés sous leur juridiction[40].

La mise en parallèle entre les obligations des États d’une part et les droits des individus d’autre part, est ici dument soulignée, ouvrant ainsi la voie à la définition de mécanismes de gouvernance susceptibles de renforcer les garanties des individus quant au respect des engagements internationaux pris par les États.

Comme le souligne la Commission environnement du Club des juristes, il existe une forme de décalage entre le droit international de l’environnement et la réalité de la société internationale caractérisée par des enjeux environnementaux globaux dépassant les frontières, et par un intérêt légitime croissant de la société civile pour les questions environnementales[41]; ce décalage appelant nécessairement à la définition de nouvelles modalités d’exercice de la souveraineté nationale dans l’intérêt tout à la fois des États et des individus.

B. Des principes fondateurs dépourvus d’une assise juridique solide

Le droit international de l’environnement repose sur des concepts et des principes juridiques propres et tout un corpus de traités internationaux et régionaux qui, par une approche globale ou sectorielle, tentent d’encadrer des problématiques environnementales aussi diverses que la protection de la biodiversité, les zones humides, les transferts internationaux de déchets dangereux, la pollution maritime[42].

Constituant l’ossature même du droit international de l’environnement et auréolés d’une portée symbolique et politique indéniable, les Déclarations de Stockholm et de Rio ont indéniablement favorisé une dynamique dans l’élaboration de régimes internationaux de protection de l’environnement[43], tout en encourageant la diffusion des principes de prévention, de précaution, de participation, et du pollueur payeur dans une multitude de normes internationales et nationales[44].

Le principe de prévention est ainsi devenu un référentiel juridique dans de nombreuses normes internationales, nationales et provinciales.

La Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière du 25 février 1991, ratifiée par le Canada le 13 mai 1998, oblige ainsi les parties, par application du principe de prévention, « à prendre, individuellement ou conjointement, toutes mesures appropriées et efficaces pour prévenir, réduire et combattre l’impact transfrontière préjudiciable important que des activités proposées pourraient avoir sur l’environnement »[45].

En témoigne sur le plan national, la Loi canadienne sur la protection de la protection de l’environnement de 1999 qui vise précisément la prévention de la pollution et la protection de l’environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable[46].

Au niveau provincial, l’article 6 de la Loi québécoise sur le développement durable de 2006 précise de son côté que, dans une perspective de développement durable,

l’Administration prend en compte notamment le principe de prévention en vertu duquel en présence d’un risque connu, des actions de prévention, d’atténuation et de correction doivent être mises en place, en priorité à la source[47].

Cette mobilisation normative affecte également les nouvelles puissances économiques; la Chine s’est ainsi dotée en 2002 d’une Loi sur l’évaluation des impacts environnementaux ayant notamment pour objectif

la prévention des impacts préjudiciables pour l’environnement résultant de la planification et des projets de construction (…) par une évaluation objective devant prendre en compte tous les impacts environnementaux possibles et fournir une base scientifique pour le processus décisionnel[48].

Tout en ayant contribué à l’essor du droit international de l’environnement, ce corpus de textes n’en demeure pas moins dépourvu de valeur juridiquement contraignante à même de pouvoir conférer aux principes du droit international de l’environnement une assise juridique normative solide susceptible de soutenir avec force l’effectivité de la multitude d’accords environnementaux existants qui ont graduellement entrainé un morcellement normatif et une multiplication d’organes institutionnels[49].

Aux termes de son rapport sur l’état de la gouvernance environnementale mondiale en date du 13 décembre 2018, le Secrétaire général des Nations unies dépeint précisément le droit international de l’environnement comme « un droit parcellaire, caractérisé par la fragmentation et une absence générale de cohérence et de synergies entre un grand nombre de cadres règlementaires sectoriels » ainsi que par « des institutions fragmentées » aboutissant à un « déficit de coordination » et appelle, dans ce contexte, à un « renforcement des principes du droit international de l’environnement au travers un instrument international unificateur »[50].

En cohérence avec les conclusions de ce rapport, le GIEP considère qu’un futur pacte international transversal et de portée générale, intégrant l’ensemble des principes du droit international de l’environnement, permettrait précisément d’encadrer et d’articuler la protection sectorielle de l’environnement autour de ses fondements[51].

À ce jour, ces principes demeurent confinés dans des documents à valeur purement déclaratoire, rendant, de surcroît, difficile leur invocabilité directe devant un juge; une situation nuisant tout à la fois à l’effectivité du droit international de l’environnement, à son unité ainsi qu’à sa lisibilité[52] et ne concourant pas, de manière générale à une bonne gouvernance de l’environnement qui induit des mécanismes garantissant bien au contraire l’effectivité du droit au travers des principes qui soient justiciables, à même de soutenir l’édifice normatif global.

Sur ce point, et considérant la crise écologique qui nous affecte tous, on ne peut que déplorer l’absence d’intégration au sein du noyau dur des droits dits fondamentaux de l’ensemble des principes inhérents au droit international de l’environnement alors même que cette intégration pourrait contribuer à favoriser l’universalité de ces principes ainsi que leur ancrage dans le paysage juridique international, encourageant graduellement une responsabilisation des États et de la société civile sur les questions environnementales[53].

Si une gouvernance axée sur le seul volontarisme étatique et sur des principes fondateurs dépourvus de force juridique obligatoire constitue autant de défaillances de la gouvernance mondiale environnementale actuelle, reste désormais à s’interroger sur les mécanismes correctifs définis par ce pacte dans la perspective d’une gouvernance mondiale améliorée.

II. Une approche juridique nouvelle en faveur d’une gouvernance plus inclusive des mécanismes conventionnels novateurs au soutien d’une plus grande effectivité du droit international de l’environnement

A. L’apport d’une sécurisation juridique du droit individuel à l’environnement

Consistant en un document de neuf pages et de vingt-six articles, le projet de pacte organise des mécanismes de gouvernance inclusifs tenant compte tout à la fois des principes et valeurs prônés par le droit international de l’environnement ainsi que de la réalité de la société internationale caractérisée aujourd’hui par une implication de plus en plus importante des acteurs non étatiques sur les questions environnementales[54].

Ce pacte vient, à cet effet, fixer dans un traité international transversal et de portée générale les principes de prévention, de précaution, de participation, et autres principes clés énoncés par les textes fondateurs du droit international de l’environnement; un traité, qui selon les termes du GIEP doit faire figure d’un « umbrella text », susceptible « d’incarner ce que les Pactes des Nations unies de 1966 sont à la Déclaration universelle de 1948 », en leur conférant une force obligatoire qui leur fait défaut[55].

Première dans l’histoire du droit international de l’environnement, le projet de pacte consacre, aux termes de son article 1er, « le droit pour toute personne de vivre dans un environnement écologiquement sain et propice à sa santé, à son bien-être, à sa dignité, à sa culture et à son épanouissement »[56]; une clause centrale de ce nouveau dispositif conventionnel autour de laquelle vont s’articuler un certain nombre d’obligations à la charge des parties.

Cette consécration, par voie de traité, mérite indéniablement d’être saluée, en ce qu’elle vient sécuriser juridiquement le droit individuel de vivre dans un environnement sain, jusque-là confiné au rang de soft law, et dénué de toute portée pratique.

Cette reconnaissance est, en effet, de nature à constituer un formidable tremplin à l’exercice, au profit d’acteurs non étatiques, des prérogatives procédurales associées notamment aux principes d’information et de participation consacrés par les Déclarations de Stockholm et Déclarations de Rio, garantissant, par la même, une mise en pratique du droit à un environnement sain et plus généralement une mise en cohérence du droit international de l’environnement.

Dans ce souci d’effectivité des accords environnementaux, auquel est censée répondre une bonne gouvernance environnementale, cette consécration est, par ailleurs, susceptible de favoriser à terme une dynamique institutionnelle, au travers la mise en place future de comités, commissions, voire d’un organe juridictionnel, pouvant être directement saisi par les individus en cas de manquement des États à leurs obligations environnementales.

Or, précisément, ce type d’encadrement institutionnel fait défaut dans le cadre de la gouvernance actuelle; les deux instances directement responsables des questions environnementales que sont le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE)[57] et le Forum politique de haut niveau sur le développement durable (FPHDD)[58] n’intégrant aucunement les acteurs non étatiques dans le processus d’élaboration des normes environnementales et ne prévoyant aucun mécanisme habilité à recevoir et examiner des plaintes individuelles en cas de violation par un État d’une des obligations, une situation qui nourrit, à cet égard, tout un débat doctrinal sur l’opportunité de création d’une cour internationale environnementale[59].

Par analogie avec les Pactes internationaux de 1966 sur les droits civils et politiques et sur les droits économiques et sociaux, une telle approche n’est pas dénuée d’intérêt; les deux traités organisant des mécanismes de surveillance et de contrôle chapeautés par le Comité des droits de l’homme, habilité à contrôler l’application des traités par les États au travers l’examen de rapports périodiques décrivant les politiques adoptées en conformité avec les engagements souscrits; le Comité pouvant également recevoir des plaintes individuelles émanant de particuliers alléguant une violation par un État partie d’un des droits garantis par le Pacte[60].

Bien que dépourvus de caractère juridictionnel[61], ces comités de contrôle montrent une certaine efficacité et inspirent précisément cette dynamique institutionnelle qu’est susceptible d’insuffler un futur pacte international conférant une force obligatoire et un caractère universel au droit individuel à un environnement sain[62].

Au-delà de la dynamique institutionnelle, la formalisation juridiquement contraignante de ce droit sur le plan international pourrait favoriser une dynamique normative et jurisprudentielle concourant positivement à une bonne gouvernance mondiale de l’environnement, en encourageant l’adoption par les États de lois et règlements en faveur de la protection de l’environnement ainsi que le développement d’une jurisprudence qui viendrait préciser et appuyer la mise en oeuvre des principes fondateurs[63].

Dans ce contexte, la consécration par voie de traité du droit à un environnement sain constitue un jalon essentiel à l’édification d’une gouvernance plus inclusive susceptible de soutenir l’effectivité du droit international de l’environnement dans son ensemble et, comme le souligne le GIEP, cette reconnaissance est d’autant plus justifiée que de nombreux États ont emboité le pas au droit international en érigeant ce droit à l’environnement au rang de lois suprêmes[64]. Plus d’une centaine de pays comme le Portugal, l’Espagne, la Grèce, l’Argentine, le Brésil et plus récemment la France, au travers sa charte constitutionnelle de l’environnement[65], ont procédé à la constitutionnalisation du droit de vivre dans un environnement sain[66].

Si le Canada n’a pas encore procédé à cette reconnaissance constitutionnelle, le Québec a érigé en 2006 la protection de l’environnement au rang de droit et de valeur fondamentale, au travers l’article 46.1 de la Charte des droits et libertés de la personne qui prévoit que « toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité »[67].

Sur le plan régional, la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 dispose, au travers son article 24 que

tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement[68]. De la même manière, l’article 11 du Protocole de San Salvador du 17 novembre 1988 prévoit que toute personne a le droit de vivre dans un environnement salubre[69].

Dans ce contexte, l’article 1er du projet de traité permet non seulement une mise au diapason du droit international de l’environnement, mais est également de nature à encourager la généralisation de la reconnaissance de ce droit tout en appuyant l’adoption de normes environnementales dans les États souffrant d’une déficience de règlementation environnementale.

De surcroît, cette formalisation juridiquement contraignante revêt un autre intérêt, celui de rééquilibrer l’édifice juridique international de protection de l’environnement en faisant de ce corpus de principes le prisme juridique au travers duquel les normes sectorielles de protection de l’environnement doivent être élaborées, interprétées et contrôlées en cas de non-respect par les États.

Selon le GIEP, il s’agit, au travers l’adoption de ce pacte mondial de l’environnement, « d’apporter une plus-value considérable au droit de l’environnement en termes d’accessibilité et de lisibilité des normes et, partant, de sécurité juridique »[70].

Ce pacte formerait ainsi une sorte de socle juridique commun à toutes les conventions internationales, favorisant tout à la fois une meilleure lisibilité et compréhension des accords multilatéraux environnementaux, considérés, dès lors comme « la déclinaison et la mise en oeuvre des principes du droit international de l’environnement dans des domaines particuliers »[71].

Aussi judicieuse soit-elle, cette sécurisation juridique ne peut toutefois représenter à elle seule un gage d’effectivité du droit international de l’environnement sans mécanismes conventionnels inclusifs permettant de contrer l’inertie des États tant dans l’élaboration de normes environnementales que dans le contrôle de leur mise en oeuvre.

À cet effet, le projet de pacte tente de forcer la mise en oeuvre du droit international de l’environnement par des dispositifs permettant de contrebalancer l’inertie des États en introduisant un élément de contrôle qui soit précisément extérieur aux États, qui forcerait tout à la fois, l’élaboration et la mise en application des normes environnementales.

B. Des principes retranscrits sous forme de droits et d’obligations : une assise à des mécanismes de gouvernance plus inclusifs

À la lecture du pacte, on relèvera que tous les principes et concepts inhérents au droit international de l’environnement sont désormais déclinés sous forme de droits et obligations à la charge tout à la fois des États et des individus.

Intuitivement, cette reformulation sous forme de droits et d’obligations, au sein d’un accord international transversal et de portée générale, représente une démarche juridique pertinente, susceptible d’assoir la gouvernance mondiale environnementale sur une base solide et dynamique et de favoriser l’effectivité de ces principes, revêtus désormais d’une force juridique contraignante, à même de leur conférer un caractère de justiciabilité.

Ainsi, l’article 2 pose ainsi l’obligation générale pour « [t]out État ou institution internationale, toute personne physique ou morale, publique ou privée, de prendre soin de l’environnement »[72].

L’obligation de prévention est posée à l’article 5 aux termes duquel « [l]es mesures nécessaires doivent être prises pour prévenir les atteintes à l’environnement », les États ayant parallèlement « le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction (…) ne causent pas de dommages à l’environnement sur le territoire d’autres parties, ou dans les zones ne relevant d’aucune juridiction nationale »[73], et ce dans l’esprit même de la Déclaration de Rio de 1992 et de l’Avis consultatif de la Cour Internationale de Justice sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires[74] du 8 juillet 1996, qui vient confirmer la teneur de ce principe.

Dans le prolongement de ces dispositions, le projet de pacte entend assurer la transparence sur les questions environnementales au travers la reconnaissance conventionnelle du droit à l’information, qui est sous-jacent au principe de participation.

L’article 9 du projet de pacte prévoit ainsi que « toute personne, sans avoir besoin de démontrer un intérêt, a un droit d’accès à l’information environnementale détenue par les autorités publiques », qui de leur côté, ont l’obligation « de collecter et mettre à la disposition du public les informations environnementales pertinentes »[75].

De la même manière, l’article 10 consacre

le droit pour toute personne de participer, à un stade approprié et tant que les options sont encore ouvertes, à l’élaboration des décisions, mesures, plans, programmes, activités, politiques et instruments normatifs des autorités publiques susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’environnement[76].

Ces clauses attributives de droits au profit des individus revêtent, de par leur retranscription au sein d’un traité international juridiquement contraignant, une dimension de justiciabilité de nature à conférer une portée pratique au droit à un environnent sain tel que consacré par l’article 1 du projet de pacte; des clauses qui jusque-là se voyaient limitées à une portée purement symbolique.

Concourant à la mise en oeuvre du droit international de l’environnement, cette justiciabilité est d’autant plus importante que certains concepts et principes du droit international de l’environnement souffrent d’imprécision ou d’ambigüité juridique et auraient besoin d’un éclairage jurisprudentiel qui aiderait à assurer leur mise en oeuvre.

Le principe de précaution tel que consacré et défini par la Déclaration de Rio de 1992[77] soulève ainsi de nombreuses controverses concernant sa portée pratique au regard des incertitudes entourant tout à la fois son statut juridique et le contenu même de sa définition, exclusif notamment de toute précision quant au degré de certitude scientifique nécessaire pour établir un risque potentiel pour l’environnement ou la santé humaine[78].

L’article 6 du projet de pacte reprend, à cet égard, la même définition que celle énoncée dans la Déclaration de Rio, en stipulant

qu’en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir la dégradation de l’environnement.

Cette imprécision juridique a pour effet d’induire des perceptions étatiques très variables quant aux méthodes d’évaluation des risques biotechnologiques, ce qui conforte d’ailleurs l’interprétation très libérale du principe de précaution retenue par l’Organe de règlement des différends de l’OMC, dans le cadre des différends opposant notamment l’Union européenne, les États-Unis et le Canada sur la question du commerce international des OGM et de leurs produits dérivés[79].

De la même manière, l’ambigüité juridique entourant le concept de développement durable nourrit des controverses quant à sa dimension opérationnelle[80] et plus précisément quant aux modalités pratiques de conciliation entre l’objectif de développement économique et le souci de protection environnementale et de bien-être social.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la sécurisation juridique des piliers fondamentaux du droit international de l’environnement, au travers un traité universel et transversal, peut constituer un vecteur positif de consolidation de la gouvernance environnementale mondiale actuelle; cette sécurisation pouvant concourir tout à la fois à une plus grande effectivité du droit international de l’environnement, à son unification ainsi qu’à sa compréhension.

C. Des mécanismes conventionnels novateurs

Le projet de pacte mondial intègre plus spécifiquement trois dispositifs novateurs tenant à la participation du public, à la contribution des acteurs non étatiques dans la mise en oeuvre du futur pacte et à l’accès à la justice environnementale.

Il s’agit là, certes, d’un projet de pacte et la sensibilité entourant la mise en oeuvre future de ces dispositifs, de nature à bousculer quelque peu l’ordre juridique international au sein duquel l’acteur étatique détient traditionnellement une place centrale, invite nécessairement à une approche progressive et graduelle, sans laquelle la mise en oeuvre de cette initiative ne peut qu’être vouée à l’échec.

À la lecture du projet de pacte, on relèvera que le GIEP prend, d’ores et déjà, acte des principaux correctifs à apporter à la gouvernance mondiale environnementale actuelle tout en s’abstenant de définir précisément les modalités de mise en oeuvre de ces dispositifs qui seront nécessairement à définir lors de négociations ultérieures.

En tout état de cause, ces nouveaux dispositifs posent les bases d’une gouvernance plus inclusive dans l’esprit du principe de participation consacré par la Déclaration de Rio[81] et de la Convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, non signée par le Canada et les États-Unis[82].

Premier instrument juridique international en faveur d’une démocratie environnementale, ce dernier texte définit les trois garanties attachées du droit individuel à un environnement sain que sont le droit à l’information, le droit à la participation aux prises de décision et le droit à l’accès à la justice sur les questions environnementales.

La Convention fait ainsi obligation aux autorités nationales de mettre à la disposition du public toutes les informations environnementales qui leur sont demandées, d’informer tout public concerné de tout projet susceptible d’avoir un impact sur son environnement, et d’assurer l’accès à la justice en cas d’absence de prise en considération d’une demande d’information ou pour contester la légalité d’une décision.

Considérée comme le texte international le plus ambitieux et progressiste quant à l’organisation, par voie de traité, des garanties procédurales attachées au droit individuel à un environnement écologiquement sain[83], la Convention se heurte, en dépit de sa vocation universelle[84], à une portée pratique limitée puisqu’elle ne concerne que les Parties signataires de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies, mais n’en demeure pas moins un maillon essentiel de la gouvernance mondiale qu’un pacte mondial peut consolider tout en encourageant sa mise en oeuvre sur une plus grande échelle.

Précisément, les trois garanties encadrées par la Convention d’Aarhus font l’objet, dans le cadre du projet de pacte de trois articles spécifiques (le droit à l’information du public et l’accès à la justice environnementale faisant respectivement l’objet des articles 9 et 11 du projet); une subdivision favorisant une meilleure lisibilité des garanties individuelles tout en conférant à chacune d’entre elles une même priorité d’action.

Ainsi, l’article 10 du projet de pacte fait référence à « un droit de participation à un stade approprié à l’élaboration des normes environnementales »[85] et dans son prolongement, les dispositions de l’article 14 invitent à une contribution des acteurs non étatiques dans la mise en oeuvre même du pacte. Celles-ci prévoient en effet que

[l]es Parties prennent les mesures nécessaires pour encourager la mise en oeuvre du présent Pacte par les acteurs non étatiques et entités infranationales, incluant la société civile, les acteurs économiques, les villes et les régions compte tenu de leur rôle vital dans la protection de l’environnement[86],

opérant ainsi une ouverture vers l’élaboration de dispositifs de gouvernance plus inclusifs.

Certes, le PNUE ainsi que le Forum de haut niveau politique pour le développement durable confèrent à certaines ONG la faculté de participer aux grandes réunions, mais cette participation se fait sur une base sélective; seules les ONG accréditées par l’ONU étant habilitées à participer à titre consultatif et/ou à bénéficier d’un statut d’observateur[87].

De manière générale, la Commission environnement du Club des juristes dénonce « une participation active, mais inégale de la société civile aux négociations environnementales »[88]; une réalité qui fait dissonance avec les bases d’une bonne gouvernance qui bien au contraire doit encourager une plus grande participation de cette société civile.

Dans l’esprit même de la Déclaration de Rio et des ODD pour 2030, le pacte entend ainsi promouvoir différents niveaux de coopération entre les États, les secteurs clés de la société et les peuples[89], tenant compte, à cet égard, des conclusions du secrétaire général dans son rapport du 13 décembre 2018 qui appelle lui-même à un renforcement du rôle des acteurs non étatiques à de multiples niveaux[90].

Certes, les modalités de cette participation ne sont pas définies au même titre que celles relatives au règlement des éventuelles divergences de position entre acteurs étatiques et non étatiques, mais le principe est ici posé et suscitera vraisemblablement de nombreux débats, d’autant que la Commission environnement n’est pas avare en propositions sur ce point.

La Commission suggère notamment une transposition, au niveau international, des mécanismes de l’initiative citoyenne européenne, accordant aux citoyens européens, la faculté de proposer à la Commission européenne l’adoption d’un acte juridique[91], et du droit de pétition universel permettant à des entités non étatiques d’attirer l’attention des institutions sur une problématique environnementale donnée, faculté qui pourrait être octroyée à certaines ONG dans un premier temps[92].

Est également émise par les initiateurs du projet l’idée d’inscrire le principe de participation dans chaque convention internationale et d’adopter parallèlement une convention-cadre relative à la participation du public à l’élaboration des normes internationales environnementales; l’intérêt ici étant d’affiner les modalités de mise en oeuvre des garanties procédurales attachées au droit individuel à un environnement sain[93].

Autant de mécanismes qui peuvent constituer un soutien précieux à l’effectivité du droit international de l’environnement tout en se prêtant parfaitement à l’édification d’une gouvernance inclusive, par étapes, au bénéfice dans un premier temps, de certaines ONG bénéficiant déjà d’un droit à la participation au sein des enceintes globales de négociations environnementales.

Cette participation du public semble également être envisagée dans le cadre du contrôle de la mise en oeuvre même du pacte.

Recourant à la procédure classique de non-respect, l’article 21 institue

un mécanisme de suivi en vue de faciliter la mise en oeuvre et de promouvoir le respect des dispositions du présent Pacte. Ce mécanisme consiste en un comité d’experts indépendants et est axé sur la facilitation. Il fonctionne d’une manière transparente, non accusatoire et non punitive[94].

Des dispositions que l’on peut d’ailleurs rapprocher de l’article 15 de l’Accord de Paris[95] à la différence que le pacte ne fait aucunement référence à la Conférence des Parties comme principal organe chargé de définir les modalités d’exercice de l’activité du comité, laissant ainsi entrevoir une possibilité de contrôle par des acteurs non étatiques.

Au regard de l’esprit d’ouverture et d’inclusivité gouvernant l’ensemble du projet de pacte, on peut tout de même s’étonner que le GIEP ne soit pas allé plus avant, sur ce dernier point, en transposant la procédure de suivi de la Convention d’Aarhus qui encourage expressément une participation appropriée du public; ce dernier ayant la faculté de communiquer directement des observations se rapportant à la Convention[96].

Par ailleurs, et à l’instar de nombreux auteurs[97], le GIEP établit un lien entre l’ineffectivité des normes environnementales et l’absence de caractère juridictionnel des institutions internationales environnementales, dépourvues d’un organe de règlement des différends s’inspirant de celui de l’OMC ou d’une instance juridictionnelle susceptible d’être directement saisie par les individus[98].

Un écueil que le projet de pacte entend combler au travers une clause favorisant l’accès à la justice en matière environnementale, considérée comme une garantie juridictionnelle essentielle attachée au droit individuel à un environnement sain et contribuant, de surcroît, à l’effectivité du droit international de l’environnement.

Ainsi, aux termes de l’article 11 du projet

[l]es Parties veillent à garantir un droit d’accès effectif et à un coût abordable aux procédures administratives et judiciaires, notamment pour des réparations et des recours, pour contester les actions ou omissions des autorités publiques ou des personnes privées qui contreviennent au droit de l’environnement[99].

La formulation associée à ces dispositions est, certes ici, peu coercitive, mais le principe d’une justice environnementale, consacré dans un accord universel, ne peut que soutenir les garanties juridictionnelles conférées par la Convention d’Aarhus[100] et également encouragées par l’Agenda 2030 pour le développement durable[101].

On peut légitimement penser que cette reconnaissance conventionnelle constitue un vecteur positif d’effectivité des normes internationales contribuant à une reconnaissance graduelle de son principe par les États, et l’aménagement progressif de procédures internes concourant à sa réalisation.

Sur ce point, même si les modalités pratiques de cette justice environnementale ne sont pas précisées, l’article 11 tend intuitivement à faire du juge national l’autorité judiciaire de premier choix en matière de contrôle des engagements internationaux souscrits par les États; une approche de bon sens tenant compte une fois de plus du lien de corrélation entre les obligations internationales des États et le droit individuel à un environnement écologiquement sain.

Il s’agit, de surcroît, de pallier le caractère facultatif de la justice internationale qui nuit indubitablement aux intérêts des acteurs non étatiques ainsi qu’à l’effectivité des normes internationales.

Conditionnée à l’acceptation de sa compétence par les États, la Cour internationale de Justice (CIJ), devant laquelle seuls les États ont qualité à agir[102], nous montre en effet ses limites quant à sa capacité à assurer le respect des engagements des États et plus généralement à garantir l’effectivité des accords multilatéraux environnementaux[103].

La Commission rappelle, à cet effet, que sur les soixante-douze États ayant effectué une déclaration d’acceptation de compétence de la CIJ, près de 10% ont assorti leur déclaration de réserves concernant les questions environnementales[104] parmi lesquels les États-Unis et le Canada[105].

En bref, les États ont la faculté, au niveau international, de récuser tout contrôle sur le respect de leurs engagements alors que le droit individuel à bénéficier d’un environnement sain dépend précisément de l’effectivité de ces engagements; un paradoxe, admettons-le, difficilement conciliable avec une bonne gouvernance mondiale de l’environnement.

La CIJ a pourtant fourni une précieuse contribution dans le développement du droit international de l’environnement au travers d’une multitude d’arrêts et d’avis consultatifs, venus préciser et tempérer la portée de certains principes fondamentaux; une contribution constituant indéniablement une pierre essentielle à l’édifice de cette bonne gouvernance.

Citons notamment l’Avis consultatif rendu le 8 juillet 1996 sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, aux termes duquel la Cour a considéré que le principe de la souveraineté permanente des États sur leurs ressources naturelles, tel que notamment consacré par la Déclaration de Rio[106], devait être assorti d’une réserve, celle de ne pas porter atteinte à l’environnement d’autres États[107].

Plus récemment, la CIJ a, par un arrêt rendu le 2 février 2018, condamné le Nicaragua à verser 380 000 dollars au Costa Rica en réparation des dommages causés à ses forêts pluviales et ses zones humides du fait des incursions sur son territoire de l’armée nicaraguayenne[108].

Il s’agit, désormais, de soutenir la contribution de la CIJ sur le plan de l’effectivité des normes internationales, via notamment des mécanismes de saisine plus inclusifs, susceptibles de contrecarrer la récusation des États, et permettant in fine à l’autorité judiciaire d’assurer la primauté du droit international de l’environnement en tant que gage essentiel d’une bonne gouvernance.

Sur le plan théorique, les propositions ne manquent pas; modification des statuts de la CIJ en faveur d’une compétence obligatoire à toutes les questions environnementales, élargissement de sa saisine aux acteurs non étatiques selon des modalités et de critères à définir, création d’une juridiction internationale chargée des questions environnementales; autant de mesures audacieuses pouvant concourir à une plus grande effectivité des normes environnementales.

Si ces propositions peuvent paraitre utopiques quant à leur effectivité à court terme, dans la mesure où elles viennent, là encore, chatouiller le principe même de la souveraineté de l’État, l’idée de faciliter l’invocabilité des accords multilatéraux environnementaux devant les juridictions nationales, en encourageant notamment leur plein effet dans l’ordre juridique interne comme le préconise la Commission[109], semble être plus réaliste.

Force est d’ailleurs de constater que la multiplication des actions en justice portées par des individus ou groupes d’individus devant les juridictions nationales, en lien notamment avec la question climatique, semble d’ores et déjà amorcer un changement bénéfique en ce sens et conforte, dès lors, notre confiance quant à la portée pratique d’une telle mesure[110].

Les négociations futures sur le principe d’une justice environnementale et sur ses modalités pratiques sont, de surcroît, soutenues par le débat actuel entourant la notion de justice climatique, initié depuis une quinzaine d’années par les ONG dans le cadre des négociations internationales sur le climat[111].

Les récents Principes d’Oslo sur les obligations face au dérèglement climatique planétaire, adoptés le 1er mars 2015 par un groupe de juristes soulignent, en effet, l’importance d’une contribution du juge national dans le contrôle de l’effectivité des accords internationaux sur le climat en proclamant notamment que « les États doivent accepter pleinement la juridiction de cours de justice ou de tribunaux indépendants devant lesquels la conformité de leurs actions à leurs obligations issues peut être contestée »[112].

On relèvera, à cet égard, que les dispositions sur l’accès à la justice environnementale sont corroborées par l’article 15 consacré précisément à l’effectivité des normes environnementales qui stipulent que « les Parties ont le devoir d’adopter des normes environnementales effectives et de garantir leur mise en oeuvre et leur exécution effectives et équitables »[113].

Valant reconnaissance implicite des lacunes de la gouvernance actuelle quant à sa capacité à garantir l’effectivité des normes environnementales, cet article sonne presque comme une injonction faite aux États de tout mettre en oeuvre pour garantir la mise en oeuvre du droit international de l’environnement; une injonction en cohérence d’ailleurs avec les conclusions du rapport technique du 13 décembre 2018 qui reconnait l’exigence d’un renforcement des procédures de contrôle aux fins de promouvoir la mise en oeuvre effective du droit international de l’environnement, considérant que celle-ci doit notamment s’appuyer la participation et un élargissement du cercle des acteurs associés à ces procédures de contrôle[114].

Certes, ces dispositions ne définissent aucunement les modalités de cette mise en oeuvre, mais elles font indirectement de l’accès à la justice environnementale une des conditions nécessaires à l’effectivité des accords environnementaux qui comme le souligne la Commission environnement « doit devenir l’affaire de tous les citoyens »[115].

Quelle que soit la finalité du débat à venir sur les mécanismes propres à assurer l’accès à la justice environnementale, un processus en faveur des juridictions nationales est déjà en marche que le futur pacte mondial ne peut qu’appuyer, en fournissant aux victimes non étatiques un fondement juridique de premier choix pour faire constater par voie judiciaire le manquement des États à leurs obligations internationales.

III. Portée pratique d’un pacte mondial pour l’environnement

A. Une force juridiquement contraignante à relativiser

La déclinaison sous forme d’engagements internationaux des principes clés du droit international de l’environnement, combinée à la définition de mécanismes visant à renforcer, au travers d’un traité transversal et universel, les garanties procédurales et juridictionnelles attachées au droit individuel à un environnement sain, constituent autant d’outils susceptibles, tout au moins sur un plan théorique, de renforcer la gouvernance mondiale et de favoriser par la même une meilleure effectivité du droit international de l’environnement.

Reste à confronter ce futur traité à la réalité pratique des engagements dont il est porteur, tenant compte tout à la fois des conditions d’élaboration des traités qui reposent, comme nous le savons, sur le volontarisme étatique et de la particulière sensibilité entourant les obligations qui seraient imposées aux États.

S’agissant de la forme même de ce nouvel instrument juridique, il importe tout d’abord de relativiser le caractère juridiquement contraignant traditionnellement associé aux traités internationaux, en vertu de la règle pacta sunt servanda, posée à l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969[116].

Si un accord international revêt un caractère juridiquement contraignant de par sa nature, il peut en revanche être beaucoup moins contraignant quant aux obligations définies.

Près de nous, l’Accord de Paris sur le climat signé le 12 décembre 2015 en constitue un bel exemple; celui-ci ne définissant aucune mesure visant à atténuer les émissions de gaz à effet de serre et laissant toute latitude aux États quant au niveau des efforts d’atténuation à atteindre[117]; ces derniers étant simplement tenus de rehausser régulièrement le niveau d’ambition de leurs efforts par application du principe de progression[118].

Citons également le Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation du 29 octobre 2010 qui a pour vocation d’organiser un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques tenant compte notamment des droits des populations autochtones, conformément au troisième objectif assigné par la Convention-cadre sur la diversité biologique de 1992[119].

À l’instar de la convention mère, le Protocole souffre d’un déficit conceptuel qui limite son caractère opératoire; les termes de « connaissances traditionnelles » et de « communautés locales autochtones » ne sont pas clairement définis, conférant ainsi aux États une large marge d’appréciation[120].

Par ailleurs, si le Protocole exige la désignation d’au moins un point de contrôle national par pays, il en limite les compétences au recueil, à la réception et à la transmission des informations sans lui attribuer un quelconque pouvoir de contrôle et de sanctions en cas de non-respect de l’accord commercial[121].

En tant que support formel des engagements des États, un traité international ne peut, en d’autres termes, suffire à garantir un effet juridiquement contraignant aux obligations internationales souscrites par les États; cet effet étant également conditionné à la teneur même des obligations et à leur formulation.

S’agissant ici d’un projet de pacte, la bienveillance sera naturellement de mise. Si quelques obligations souffrent d’imprécision, on peut penser que les négociations à venir seront l’occasion de les affiner.

Force est de reconnaitre que, de manière générale, les rédacteurs du texte ont, tout de même, pris le soin d’éviter toute formulation trop générale qui tendrait à conférer une importante marge de manoeuvre aux États et de limiter précisément la force juridiquement contraignante du traité[122].

On peut néanmoins s’interroger sur la portée pratique de certaines clauses ayant trait à des concepts et principes dont le caractère opératoire fait l’objet de controverses.

Tel est le cas de l’article 3 relatif au développement durable aux termes duquel

les Parties doivent intégrer les exigences de la protection de l’environnement dans la conception et la mise en oeuvre de leurs politiques et de leurs activités nationales et internationales, notamment en vue de promouvoir la lutte contre le dérèglement climatique, la protection des océans et le maintien de la biodiversité. Elles s’engagent à rechercher un développement durable. À cette fin, elles doivent veiller à promouvoir des politiques de soutien public, des modes de production et de consommation durables et respectueux de l’environnement[123].

Les doutes sont, ainsi, permis sur le caractère effectif d’un quelconque engagement des États autour d’un concept qui, comme le souligne une littérature abondante, souffre d’un manque de maturité juridique[124]. La déficience conceptuelle du terme et les controverses entourant son statut juridique ne viennent-elles pas de facto limiter la portée pratique de telles dispositions?

La formulation employée, ici, fait même craindre une dilution de la définition traditionnelle du concept, axée sur les critères de solidarité intergénérationnelle et d’intégration du souci de protection environnementale et de bien-être social dans l’objectif de développement économique[125].

On relèvera, en effet, que les dispositions du projet revêtent une dimension plus large, imbriquant tout à la fois la question climatique, la protection des océans et le maintien de la biodiversité; une dimension susceptible de fragiliser davantage le concept de développement durable.

Une même interrogation se pose concernant les dispositions de l’article 20 (2) du projet de texte selon lesquelles « il doit être tenu compte, lorsque cela est justifié, des responsabilités communes, mais différenciées des Parties et de leurs capacités respectives, eu égard aux contextes nationaux différents ».

Consacré par la Déclaration de Rio[126] et repris dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques[127], le principe de responsabilité commun, mais différencié avait déjà, il est vrai, donné lieu à de nombreuses crispations étatiques lors de sa tentative de mise en oeuvre dans le cadre du Protocole de Kyoto signé le 11 décembre 1997.

Ainsi, une question légitime se pose quant à l’opportunité de l’adoption d’un nouvel instrument international contenant des engagements étatiques autour de concepts et principes n’ayant pas acquis leur pleine maturité juridique.

B. Un long processus d’adoption versus l’urgence écologique

Aussi précises et claires que puissent être les dispositions contenues dans ce futur traité, celui-ci risque en tout état de cause de pâtir de sa forme juridique même, qui obéit aux règles traditionnelles de formation des traités internationaux telles que définies par la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.

Porteur de dispositions ambitieuses et respectueuses de l’esprit des principes qui gouvernent le droit international de l’environnement, ce futur traité risque ainsi de faire figure d’un serpent qui se mange la queue.

Au-delà des longs processus de négociation, d’adoption et de ratification, les États ont de, surcroît, la possibilité de limiter la portée de leurs engagements par le jeu des réserves ou de se retirer purement et simplement de l’accord[128] comme les États-Unis et le Canada l’ont fait dans le cadre du Protocole de Kyoto.

Si l’on s’en tient aux dispositions du projet, force est de constater que celles-ci ne contiennent aucune interdiction ou une quelconque limitation concernant la formulation des réserves et l’article 25 de l’avant-projet accorde à toute partie la faculté de dénoncer le traité par notification écrite à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur du traité.

L’écueil ici est que nous sommes ici dans le cadre de l’élaboration d’un nouveau traité international qui invite à des modalités de gouvernance plus inclusives, en conférant un peu plus de place aux acteurs non étatiques au sein de la gouvernance environnementale mondiale.

Les dispositions du projet de pacte viennent nécessairement défier le schéma classique de fonctionnement du droit international de l’environnement en invitant les États à accepter l’idée que la souveraineté d’État ne présente plus un caractère absolu et qu’ils doivent désormais composer avec d’autres entités tant au niveau de l’élaboration des normes environnementales internationales que dans le contrôle de leur effectivité.

Est-ce que les États sont prêts à définir de nouvelles modalités d’exercice de leur souveraineté pour assurer l’effectivité des normes internationales environnementales? C’est le principal défi que devront certainement relever les États à l’occasion des négociations en cours.

Au regard de la particulière sensibilité entourant certaines dispositions du projet, on peut penser qu’il y ait un long chemin à parcourir avant que ce nouvel instrument juridique ne devienne effectif à l’instar même des Pactes internationaux du 16 décembre 1966 relatifs aux droits civils et politiques d’une part[129], et aux droits économiques, sociaux et culturels[130].

En tant que textes juridiquement contraignants, venant préciser et renforcer la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, les deux pactes sont ainsi entrés en vigueur près de dix années après leur adoption, après avoir fait l’objet de nombreuses réserves et déclarations d’interprétation de la part de plusieurs États[131], ayant eu pour effet de limiter la portée pratique des deux accords.

On peut, par ailleurs, douter que l’urgence qui caractérise la situation environnementale mondiale actuelle s’accommode d’un débat additionnel qui risque de reléguer au second plan des actions concrètes entreprises notamment, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, par les États, les provinces, les entreprises, et la société civile dans son ensemble.

Même si beaucoup reste à faire, une dynamique d’actions est aujourd’hui en marche qui risquerait d’être freinée par de longues négociations internationales, à l’issue incertaine, favorisant la division des États alors que l’unité est plus que jamais de mise.

Les dernières négociations climatiques ayant abouti à l’adoption de l’Accord de Paris avaient précisément pu générer une dynamique positive et redonné foi à la concertation collective comme mode de règlement des problématiques écologiques mondiales, mais elles ont également montré que l’unité des États est fragile et exige beaucoup de temps sur des questions environnementales touchant des intérêts socio-économiques très divergents.

Au-delà des questions procédurales, on peut enfin se demander si l’adjonction à la Charte des droits de l’homme d’un instrument international supplémentaire consacrant le droit individuel à un environnement sain n’est pas de nature à favoriser une dilution même de ce droit et plus généralement à porter atteinte à l’efficacité de ce futur pacte dans son ensemble[132].

Les premières sessions de négociation révèlent que le consensus est loin d’être au rendez-vous; si une vingtaine d’États soutiennent fermement l’idée d’adoption d’un pacte (dont le Cameroun, la Corée du Sud, Indonésie, Mexique, Micronésie, Sénégal, Suisse), une douzaine de pays, incluant les États-Unis et le Canada, affichent au contraire une forte hostilité face à ce nouvel instrument juridique, tandis qu’une majorité d’États semble avoir du mal à prendre position[133].

Revêtant un intérêt juridique et académique indéniable en ce qu’il vise notamment à assurer une meilleure effectivité des accords environnementaux au travers des dispositifs conventionnels s’inspirant des principes mêmes qui gouvernent le droit international de l’environnement, ce futur pacte mondial pour l’environnement invite, en revanche, à plus de circonspection quant à sa portée pratique et sa capacité à appuyer efficacement la gouvernance mondiale de l’environnement.

***

Au travers de son projet de pacte mondial pour l’environnement, la France propose un outil de gouvernance additionnel susceptible de répondre au souci d’effectivité du droit international de l’environnement.

Poursuivant plus précisément l’objectif louable de définir des dispositifs conventionnels capables d’assurer l’effectivité des normes internationales, le projet de pacte mondial pour l’environnement élaboré par le Groupe international d’experts pour le pacte mérite indéniablement d’être salué dans un contexte d’aggravation des problèmes écologiques, appelant plus que jamais à une effectivité des accords multilatéraux environnementaux.

Il insuffle, de surcroît, une dynamique collective en faveur de la réalisation des objectifs du développement durable pour 2030 profitant du climat d’euphorie suscité par l’entrée vigueur le 4 novembre 2016 de l’Accord de Paris sur le climat, au travers la mise en oeuvre d’un partenariat mondial associant les États et les acteurs non étatiques dans cette quête d’efficacité du droit international de l’environnement.

En consacrant dans un traité universel et transversal les principes fondateurs du droit international de l’environnement, ce futur pacte vient ainsi consolider juridiquement les acquis du droit international de l’environnement, issus originairement de textes dépourvus de force juridiquement contraignante, tels que la Déclaration de Stockholm sur l’environnement de 1972 et de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992.

Pierre angulaire de ce nouvel instrument juridique, le droit pour toute personne de bénéficier d’un environnement écologiquement sain est assorti de garanties procédurale et juridictionnelle au travers la déclinaison, sous forme d’obligations, des principes de prévention, de précaution et de participation tels que consacrés par les textes fondateurs.

Le projet de pacte pose ainsi l’obligation pour les États d’associer les individus au processus d’élaboration des accords environnementaux et de garantir l’accès à la justice environnementale en cas de défaillance des États dans la mise en oeuvre de leurs engagements.

Si ce futur pacte vient faciliter l’invocabilité des principes fondateurs devant les tribunaux, il peut également être de nature à favoriser une dynamique tout à la fois institutionnelle, jurisprudentielle et normative susceptible de soutenir la compréhension et l’effectivité du droit international de l’environnement dans son ensemble.

Certes, il ne manquera pas de soulever des crispations de part et d’autre tant les dispositions, dont il est porteur, bousculent le principe de la souveraineté nationale, fondement même du droit international public auquel le droit international de l’environnement ne peut être dissocié.

On peut dès lors légitimement s’interroger sur la portée pratique de ce nouvel instrument juridique dont l’élaboration elle-même obéit au schéma classique de formation des traités internationaux basé sur le volontarisme étatique.

Or, la question principale induite par les dispositions du projet de pacte réside dans l’acceptation par les États que d’autres entités non étatiques soient également partie prenante de la gouvernance mondiale de l’environnement et sur ce point, rien n’est moins sûr.

On peut indéniablement s’attendre à un processus de négociation particulièrement long dans un contexte environnemental qui invite surtout à des actions urgentes et laisse au contraire peu de temps à la discussion, d’autant qu’une multitude d’accords environnementaux existe déjà sur des problématiques écologiques diverses; des accords dont les modalités de gouvernance pourraient, dans un premier temps, être redéfinies aux fins d’intégrer des acteurs non étatiques au sein des Conférences des Parties et/ou des comités de suivi inhérents à chaque accord, et assurer par étapes une meilleure effectivité des normes environnementales.