Corps de l’article

En 2018, un rapport de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a évalué à plus de 74 millions la population relevant de la compétence de l’organisation, ce qui inclus entre autres les déplacés internes, les réfugiés parrainés ou non, les personnes apatrides et les demandeurs d’asile (HCR, 2018). Le total des personnes dans cette situation était d’environ 35 millions en 2006 (HCR, 2016). L’expérience migratoire de l’exil est souvent liée de près au projet familial. Que ce soit avant le départ, pendant le trajet ou à l’arrivée dans le nouveau pays, les enfants sont affectés de plusieurs façons par le processus d’immigration. À l’échelle mondiale et spécialement au cours de la dernière décennie, une vue d’ensemble sur les données de l’immigration nous expose l’ampleur de la situation, qualifiée de crise majeure, des enfants ayant vécu l’exil ou un contexte d’immigration instable (UNESCO, 2011). À cet effet, il y a eu deux fois plus d’enfants au statut de réfugié, reconnu par l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, en 2015 qu’en 2005 (UNICEF Canada, 2018). Entre 2013 et 2017, le Québec a admis 35 092 personnes de la catégorie des réfugiés et personnes en situation semblable (MIDI, 2017). De ce nombre, près de la moitié représente des jeunes de 24 ans et moins, dont 28.8% ont moins de 15 ans (MIDI, 2017). Avant, comme après le départ du pays natal, les enfants et les adolescents peuvent être confrontés à des bouleversements intenses dans leurs parcours. Ces bouleversements représentent des défis considérables qui peuvent compromettre leur développement psychosocial, mais peuvent aussi faire part de capacités d’adaptation et de formes de résilience (Gagnon et Rousseau, 2017; Measham, Guzder, Rousseau, Pacione, Blais-McPherson et Nadeau, 2014; Pieloch, McCullough et Marks, 2016; Vachon, Caldairou-Bessette et Rousseau, 2017).

Le départ, qui peut s’avérer brutal et précipité, constitue une partie du processus complexe de la migration. Lors de la phase pré et périmigratoire, les conditions de vie précaires comme la malnutrition, l’insalubrité ou la pauvreté peuvent gravement perturber la santé physique et mentale des jeunes. Durant ces phases, plus ou moins longues, les jeunes peuvent être exposés de façon répétitive à différentes formes de stress comme des actes violents, un climat d’instabilité sociopolitique, des séparations familiales, etc. (Vachon, Caldairou-Bessette et Rousseau, 2017). Les jeunes et leur famille peuvent vivre directement ou être témoins de situations éprouvantes, potentiellement traumatisantes et susceptibles de laisser des séquelles à l’arrivée dans le pays d’accueil. Les expériences qui composent la phase post-migratoire ont également un impact important et peuvent être déterminantes dans le processus et l’intégration des jeunes (Rousseau et Guzder, 2008; Shakya et al., 2010). Une prise en compte de la continuité des phases migratoires permet de mieux saisir la complexité du processus migratoire et de l’intégration par la suite. Au cours de leur parcours migratoire, certains jeunes doivent composer avec des changements qui peuvent entraver l’accès et la qualité de leur éducation, s’adapter rapidement et constamment à de nouvelles situations et subir diverses pertes (Arvisais et Charland, 2015; Kirk, 2002; Papazian-Zohrabian, 2016). Dès lors, ils peuvent se retrouver dans une zone de vulnérabilité et d’adversité, avant, pendant comme après l’immigration, et ainsi perturber leur bien-être psychologique (Kirk, 2002; Rousseau et Guzder, 2008).

Au Canada, en 2015, un plan d’action visant à accueillir plus de 25 000 familles de Syrie a été mis en place, où plus de 7580 de ces personnes réfugiées ont été reçues au Québec en 2015-2016 (ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, 2017). Pour les parents de ces familles, comme d’autres parents immigrants, le désir d’avoir de meilleures conditions de vie pour leurs enfants est un motif fondamental de migration et cela peut passer par le milieu de l’éducation : l’intégration et la réussite scolaires. La venue de ces familles a notamment généré des préoccupations et des questionnements relatifs à l’accueil des nouveaux élèves et à leurs besoins éducationnels (Charrette, 2018; Benoit, Rousseau, Ngirumpatse et Lacroix, 2008). Les milieux scolaires au Québec sont sollicités à soutenir l’inclusion et la réussite scolaires de ces élèves; il est donc nécessaire de prendre en compte leurs vécus ainsi que leurs capacités adaptatives pour intervenir plus adéquatement (Armand, Maynard, Saboundjian et Yenne, 2014; Papazian-Zohrabian, 2016). L’école, comme milieu de vie crucial chez le jeune, occupe un rôle important dans la promotion du bien-être psychologique de tous les élèves et dans leur insertion sociale (Consortium conjoint pancanadien pour les écoles en santé, 2010), desquels font partie les élèves ayant vécu une situation d’immigration particulière comme l’exil (Gagnon et Rousseau, 2017; Persson et Rousseau, 2008; Vachon et al., 2017). De plus, parce que l’offre et l’accessibilité aux services de santé mentale sont limitées et posent souvent problème pour les familles issues de l’immigration humanitaire (Gagnon et Rousseau, 2017; Measham et al. 2014), l’école peut figurer comme principal espace pour promouvoir et favoriser le bien-être et la santé mentale positive. Malgré la valorisation de ce rôle, « [les] défis majeurs rencontrés par le milieu scolaire pour assurer ce rôle sont le manque de ressources humaines, les difficultés liées à l’évaluation psychologique des jeunes et la formation des professionnels (Greenberg, Domitrovich et Bumbarger, 1999). » (Rousseau, Papazian-Zohrabian et Laurin-Lamothe, 2015, p.3) En dépit des efforts déployés, des contraintes demeurent et plusieurs acteurs du secteur de l’éducation ne se sentent pas suffisamment outillés, voire, se sentent démunis lorsque vient le temps de bien accompagner les élèves ayant vécu l’exil ou d’accueillir leur voix dans l’espace de l’école. Dans le domaine de la recherche en éducation, divers travaux documentent les difficultés et les épreuves à travers les parcours des familles comme des enfants issus de l’immigration (Bahi et Piquemal, 2013; Charette et Kalubi, 2017; Kanouté, Gosselin-Gagné, Guennouni Hassani et Girard, 2016), mais certaines avenues semblent encore inexplorées au Québec pour mieux accueillir la voix d’adolescents et de jeunes adultes au statut de réfugié. Pour un élève ayant vécu l’exil, les enjeux identitaires, ainsi que l’entrée dans un nouveau milieu scolaire, peuvent se traduire singulièrement au cours de la période de l’adolescence (Guyon, Saint-Arnault, Daouzli et Marsolais, 2011). Certes, le secteur de l’éducation y porte une attention, mais une méconnaissance ou un manque de formation demeure quant aux vécus migratoires distincts des élèves réfugiés; considérant qu’ils ne forment pas un ensemble homogène (Papazian-Zohrabian, Mamprin, Lemire, Turpin Samson, Hassan, Rousseau et Aoun, 2018; Steinbach, Vatz-Laaroussi et Potvin, 2015). De plus, des recherches importantes se concentrent sur les trajectoires migratoires et post-migratoires dès leur arrivée, mais peu de données nous exposent le vécu des jeunes des années après leur départ, en portant une attention étroite sur leurs façons d’articuler leurs réalités et de leurs capacités d’adaptation. Tout en reconnaissant les problèmes que peuvent constituer les phases migratoires, favoriser le bien-être psychologique de ces élèves peut s’inscrire dans une compréhension de la complexité de leurs parcours et des enjeux identitaires. De plus, pour certains, tel que mentionné par Kirk (2002, p.27) : « [...] l’expérience des enfants touchés par la guerre pourrait en fait les renforcer et les équiper, de façon à contribuer à leur bien-être et à leur stabilité affective, ainsi qu’à leur réussite scolaire, par ailleurs assez comparable à celle de leurs pairs du pays d’accueil (p. ex., Maksoud et Aber, 1996; Rousseau et autres, 1999). »

L’article suivant fait part d’un projet de recherche de type exploratoire mené auprès de jeunes réfugiés, réinstallés au Québec depuis quelques années, dans le cadre d’un atelier participatif visant la réalisation de créations narratives dont le récit numérique. L’intention globale était d’explorer et de documenter les enjeux identitaires en s’intéressant à leurs parcours scolaires et migratoires selon leurs points de vue, qui nous informent aussi sur leurs ressources mobilisées et les formes de résilience. Nonobstant la mise en contexte faisant part des mouvements migratoires suite aux conflits en Syrie, il est à noter que les résultats présentés dans cet article renvoient à un projet de recherche qui a débuté quelque peu avant l’afflux migratoire des familles syriennes au Canada. Dès lors, le projet de recherche fait référence à un contexte migratoire et politique différent, mais qui peut engendrer des problématiques semblables et poser un regard sur les parcours d’élèves ayant vécu l’exil.

MISE EN CONTEXTE, REPÈRES CONCEPTUELS ET OBJECTIFS

Avec les mouvements migratoires et les mesures de réinstallation des familles issues de l’immigration de catégorie humanitaire (réfugiés et demandeurs d’asile), les milieux scolaires sont amenés à considérer sérieusement les expériences et la réalité éducationnelles pré et post-migratoires pour bien identifier les besoins des nouveaux élèves. Durant la phase prémigratoire et le déplacement vers le pays d’accueil, le jeune peut avoir connu de grandes interruptions dans sa scolarisation, voire ne pas y avoir eu accès, ou être scolarisé dans un milieu qui n’est pas propice à l’apprentissage en raison des conflits violents ou de l’instabilité ayant motivé le processus d’immigration (Arvisais et Charland, 2015; UNESCO, 2011). « Le handicap scolaire demeure plus marquant pour les élèves de familles réfugiées relativement aux itinéraires migratoires tourmentés par des conflits sociaux, souvent ponctués d’étapes de vie dans des camps de réfugiés » (Bahi et Piquemal, 2013, p.112). En plus de l’exposition à des événements traumatisants étroitement liés aux motifs d’exil, les jeunes peuvent rencontrer des problèmes lors de leur entrée dans leur nouvelle école, mais aussi après. Pourtant, l’école demeure une institution fondamentale dans le processus d’inclusion des enfants et pour favoriser le développement du bien-être des enfants et de leur famille (Papazian-Zohrabian, 2016; Rousseau et Guzder, 2008; Taylor et Sidhu, 2011). L’environnement scolaire est un milieu d’apprentissage et de socialisation dans lequel le jeune peut s’émanciper, mais aussi dans lequel il peut faire face à des difficultés d’adaptation de toutes sortes. En ce sens, l’école peut à la fois offrir des pratiques positives permettant au jeune de s’épanouir, et à la fois s’avérer un lieu faisant apparaître ou entretenant, des sentiments d’exclusion chez l’élève (Bash, 2005; Hart, 2009; Papazian-Zohrabian, et al., 2018). Par ailleurs, en plus des épreuves traversées dans la phase prémigratoire, plusieurs écrits ont documenté les formes de discrimination ou les retards scolaires majeurs, dont ces jeunes qui sont plus à risque de vivre en arrivant dans leur nouvel environnement scolaire (Hart, 2009; Steinbach et al., 2015; UNESCO, 2011). Bien que l’école ne soit pas inévitablement le point de départ de ces entraves au bien-être et à la réussite scolaire, elle peut représenter pour l’élève un lieu qui rappelle ou qui met en exergue un décalage. Récemment, un article de Papazian-Zohrabian et al. (2018) souligne les difficultés que peuvent affronter des élèves réfugiés :

[...] comme l’adaptation aux attentes scolaires et aux différences culturelles du pays d’accueil, et l’apprentissage d’une nouvelle langue (Kanouté, Gosselin-Gagné, Guennouni Hassani et Girard, 2016; Kupzyk, Banks et Chadwell, 2016; Tyrer et Fazel, 2014). En s’appuyant sur les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (2012, PISA2), Sarot et Moro (2016) soulignent que les élèves issus de l’immigration sont deux fois plus susceptibles de compter parmi les élèves en difficulté. Cette probabilité peut augmenter chez les réfugiés qui, à la suite de deuils et de traumatismes, peuvent avoir des difficultés d’adaptation et d’apprentissage scolaires (Papazian-Zohrabian, 2015, 2016). En plus de ces difficultés scolaires, les élèves réfugiés peuvent vivre de la discrimination dans leur pays d’accueil, ce qui peut engendrer des conséquences sérieuses sur leur santé mentale (Beiser et Hou, 2016) et sur leur adaptation sociale (Montgomery et Foldspang, 2008).

Papazian-Zohrabian, et al., 2018, p. 212

De plus, le passage à l’adolescence, combinée à un vécu migratoire tel que l’exil, peut affecter le processus d’inclusion scolaire et le bien-être de l’élève en raison du cumul des défis engendrés par cette transition, dont l’apprentissage d’une nouvelle langue, mais aussi appeler à des formes de résilience (Bahi et Piquemal, 2013; Bash, 2005; Guyon et al., 2011; Pieloch, McCullough et Marks, 2016). L’adolescence est une période charnière du développement où nombreux changements s’amorcent, tant sur le plan biologique, cognitif, moral et social (Cloutier et Drapeau, 2015; Steinberg, 2017). Ces changements prennent part de façon importante dans le processus de construction identitaire, qui peut se vivre harmonieusement ou plus laborieusement. En plus de cette étape de transition et des expériences migratoires vécues, auxquelles s’additionnent des obstacles linguistiques, les espaces d'expression sont limités pour les jeunes issus de l'immigration humanitaire, voire absents, même s'ils peuvent contribuer à leur bien-être et à notre compréhension de leurs parcours scolaires (Correa-Velez, Gifford et Barnett, 2010). L’expression et la narration de son parcours à ce stade du développement sont cruciales, notamment parce qu’il s’agit d’une période qui s’inscrit dans un processus de construction identitaire important, constitué à travers des formes d’appartenances, de positionnement et de conception de son « devenir ». Comme souligné par Soulières (2013), « [...] l’adolescence est une occasion de réitérer ou de reformuler les processus de socialisation et d’individualisation et leurs effets attendus, qui par ailleurs, concernent l’ensemble des individus, bien au-delà de cette période. » (Soulières, 2013, p.110). L’expression devient un espace pour réfléchir sur son rôle face à l’autre et à son histoire et pour édifier des questionnements sur soi, ainsi que sur ses propres représentations de l’environnement passé comme futur. Pour les jeunes qui ont vécu l’exil, devant les pertes multiples, réelles comme symboliques, des sentiments d’impuissance, d’incompréhension et de vives réactions émotionnelles et cognitives peuvent jaillir plus fréquemment. Dans un cadre sécuritaire, les approches narratives peuvent constituer un moyen pour donner un sens à son histoire progressivement et conduire à un sentiment d’auto efficacité dans son parcours (Correa-Velez et al., 2010; Darcy, 2008; Dieterich-Hartwell et Koch, 2017; Machouf, Gauthier, Sierra et Rousseau, 2013). En dépit des lacunes dénoncées, l’école peut devenir un vecteur qui favorise l’expression de son parcours et offrir des occasions d'exploration essentielles pour son développement psychosocial et éducatif. Ainsi, l’école peut occuper un rôle pour soutenir le bien-être psychologique de ces élèves par des approches axées sur la valorisation de son histoire et de ses forces.

Le terme de bien-être en contexte scolaire peut englober une multitude de composantes qui ne se réfèrent pas à l’absence de problèmes de santé mentale (Consortium conjoint pancanadien pour les écoles en santé, 2010). Ainsi, le bien-être peut se manifester de plusieurs façons selon le jeune et le contexte. Le soutien et le renforcement du bien-être sont donc multifactoriels. Dans une publication s’adressant notamment aux milieux scolaires américains, les auteurs Sullivan, Weeks et Simonson (2017) proposent d’ailleurs de multiplier et diversifier les approches et les initiatives en santé mentale dans les écoles pour cibler à la fois les besoins urgents et intensifs ainsi que les besoins de prévention individuels et collectifs tout en portant une attention particulière au soutien de la gestion des émotions. Les auteurs évoquent notamment l’état de bien-être, pour définir la santé mentale, lorsque l’élève peut s’accomplir, contribuer positivement à sa communauté et quand il se sent compétent et résilient sur le plan émotionnel (Sullivan, Weeks et Simonson, 2017). Des notions reconnues dans la littérature, liées au bien-être, reviennent plus souvent et peuvent se chevaucher : l’acceptation de soi et l’apprentissage affectif, le plaisir, l’établissement et le maintien de relations interpersonnelles satisfaisantes, le sentiment d’auto-efficacité, les capacités d’adaptation et de résilience.

Selon une publication du Consortium conjoint pancanadien pour les écoles en santé sur les meilleures pratiques et perspectives concernant la santé mentale en contexte scolaire, la résilience, composante de la santé mentale positive, se définit comme suit :

[...] l’adaptation positive des enfants et des adolescents, malgré la présence de défis, d’obstacles ou des risques qu’ils peuvent affronter dans leur contexte social et dans certaines circonstances de la vie (Small et Memmo, 2004; Axvig, Bell et Nelson, 2009). [...] les facteurs internes aussi bien qu’externes renforcent la résilience chez les enfants et les adolescents. Les acquis internes comprennent les valeurs, les aptitudes et la perception de soi sur lesquelles les adolescents s’appuient pour « guider et normaliser » leurs décisions et leurs comportements (Short et Russell-Mayhew, 2009, p. 216). On considère les acquis externes comme les facteurs qui contribuent à l’établissement de bonnes relations avec les élèves en milieu familial, scolaire et communautaire. Ces relations sont caractérisées par l’apport d’aide et d’attention, ainsi que par la manifestation d’empathie et d’acceptation inconditionnelle. On décrit les écoles propices aux acquis comme des écoles où les éducateurs et les autres adultes encadrants s’efforcent de comprendre le point de vue des élèves et affichent une attitude propice à l’épanouissement personnel et à l’amélioration du rendement scolaire de ces derniers (Short et Russell-Mayhew, 2009).

Consortium conjoint pancanadien pour les écoles en santé, 2010, 10

Dans l’optique de ce texte, le cadre de référence a été bâti autour des concepts de processus de construction identitaire et de l’expression narrative comme forme révélatrice de résilience. Le concept de résilience, repris entre autres dans les domaines de réadaptation, que l’on peut brièvement définir par la capacité à se reconstruire, suite ou en dépit d’événement d’adversité, de deuils ou de traumatismes, peut aussi être associé au bien-être et à un état de santé mentale positif (Jourdan-Ionescu, Ionescu, Kimessoukié-Omolomo et Julien-Gauthier, 2018; Michallet, 2009-2010). Devant le foisonnement des études sur le concept de résilience en sciences sociales, certains l’ont déprécié en raison du flou sémantique et du caractère parfois réducteur, selon le paradigme adopté, par exemple lorsqu’on l’applique pour étiqueter une personne de façon généralisée et pour mesurer un idéal de santé mentale ou la réussite scolaire comme élève (Théorêt, 2005). Aussi, tant il peut s’avérer valorisant d’être qualifié de résilient, tant il peut sembler insensé, voire nuisible, de classifier un élève comme étant non résilient, le plaçant dans un cadre d’impuissance en rappelant sa zone de fragilité. Vis-à-vis les situations potentiellement traumatisantes ou en temps de survivance, exiger et démontrer des formes de résilience peut s’avérer particulièrement accablant et représenter un fardeau plutôt que d’encourager une posture émancipatrice. Sans nécessairement employer le concept de résilience de façon figée, le terme « tuteur ou forme de résilience » peut être privilégié en vue de comprendre les différentes ressources internes et externes qui peuvent être mobilisées et utilisées par le jeune afin de mieux s’adapter aux défis et aux obstacles présents dans son parcours, et ce, en considérant la non-linéarité de l’adaptation (Jourdan-Inonescu et al, 2018). Le terme n’est pas de nature purement individuelle : les formes de résilience émergent et se traduisent à travers les différents systèmes et contextes en considérant les transitions, les attentes comme les changements que peuvent vivre par exemple les jeunes ayant vécu l’exil (Pieloch et al., 2016). Dans le cadre du projet présenté, « tuteur de résilience » est une notion qui est en mouvement et permet de comprendre comment le jeune, selon les circonstances, va déployer ses ressources internes et externes, et de quelle façon nous pouvons consentir l’accessibilité à des tuteurs de résilience comme intervenant auprès de ces jeunes. En contexte scolaire, les tuteurs de résilience peuvent ainsi favoriser le bien-être de l’élève en l’aidant à mieux s’adapter à son environnement et réguler ses émotions malgré les obstacles. Ils peuvent contribuer au processus de construction et de reconstruction identitaire lorsque l’élève se trouve devant différentes difficultés reliées aux phases migratoires ou à son développement comme jeune. Dans le projet de recherche mené, un regard s’est notamment posé sur les tuteurs de résilience exprimés par les jeunes à travers la réalisation de différentes créations autour de leur construction identitaire en racontant leurs parcours migratoire et scolaire.

Le concept de l’identité visé dans cette recherche s’est appuyé sur les travaux de Holland et ses collaborateurs (1998), illustrant l'identité comme un processus de construction en mouvement et en relation dialectique avec l'environnement et le contexte sociohistoricoculturel, mais aussi avec la manière dont le jeune se positionne dans son environnement (Holland, Lachicotte, Skinner et Cain, 1998). Dans cette perspective théorique sociohistoricoculturelle, le concept de construction identitaire repose sur l’interaction entre le caractère fluide du processus, le cumul de positionnements sociaux et de l’héritage social, ainsi que la compréhension que l’individu se fait de son passé, son présent et de son futur (Holland et al.1998). Il ne s’agit pas d’une étiquette apposée sur l’individu, mais d’un processus. Il y a une dimension intime, contextuelle et sociale; il y a à la fois un façonnement continuel de l’individu, selon le sens qu’il donne à ses expériences et l’assemblage de statuts sociaux imposés ou intériorisés tirés de son histoire personnelle et sociale. L’étude de la construction identitaire auprès de jeunes ayant vécu l’exil a permis d’aller au-delà d’une seule phase migratoire, de porter une attention au positionnement par le statut migratoire qui contribue à leur identité et d’envisager le rôle actif du jeune. À travers la narration d’enjeux identitaires, le jeune nous autorise à la fois une interprétation et une construction de la conception intime de sa réalité, en envisageant qu’il s’agit d’un travail de négociation en mouvement. La notion de positionnement fait partie du processus de construction identitaire et façonne la façon dont l’individu conçoit ses milieux sociaux, mais aussi son rôle. Le processus de construction identitaire implique une interaction et une réponse entre les expériences, l’héritage socioculturel, le positionnement face au statut migratoire, par exemple, et l’histoire imaginée par le jeune. Le jeune est à la fois positionné, mais peut aussi accepter, contester ou rejeter une identité selon la représentation de ses mondes et la mobilisation des ressources offertes au travers son histoire. Puis, le concept de narration nous a permis d'accéder à la recomposition des souvenirs, à une forme de mise en scène et de performance de l'identité (Ricoeur, 1990). Comme rapporté par Lemelin (2013, p.36) : « Le récit, dans ce contexte, est ce qui permet une mise à distance avec soi-même, autorisant ainsi un dialogue entre la personne et son histoire, de même que son vécu. » La narration sous différentes formes peut être à la fois, un moyen qui traduit et s’inscrit dans le processus de construction et reconstruction identitaires (Ricoeur, 1990), et un véhicule de résilience ou pour mettre en lumière les tuteurs de résilience faisant partie de son histoire. La démarche de la recherche présentée s’est inscrite dans une intention d’accueillir la voix de jeunes ayant vécu l’exil. À l’intérieur d’un atelier participatif, notre regard s’est posé sur l’expérience narrative et comment les jeunes ont formulé les enjeux identitaires sous l’angle de leurs parcours migratoire et scolaire. Les objectifs de recherche étaient notamment de les impliquer dans un projet participatif menant à la réalisation de plusieurs créations, dont le récit numérique, et de documenter avec eux la construction identitaire en exprimant leurs expériences scolaires ainsi que pré, péri et post-migratoires.

MÉTHODOLOGIE

La réalité et les parcours de ces jeunes sont particuliers et nous tenions, dans le cadre d’un atelier participatif, à accueillir leurs paroles de manière à ne pas les stigmatiser et à nous autoriser un nouveau regard sur eux et avec eux. Le projet de recherche est devenu à la fois un espace pour mieux appréhender leurs processus de construction identitaire, et à la fois, un espace de création et d’expression sur leurs expériences pré, péri et post-migratoires, mais aussi sur leurs sentiments à l’égard de leurs parcours scolaires et des formes de résilience. Dans l’idée de comprendre les enjeux identitaires sous l'angle des parcours scolaire et migratoire de jeunes ayant vécu l'exil et réinstallés depuis quelques années au Québec, nous avons développé un atelier participatif menant à la création de récits numériques personnels. L’espace de création et d’expression s’est avéré un espace de narration pour comprendre les enjeux identitaires, et ce, d’une manière unique. Considérant notre posture épistémologique, le cadre du projet de recherche était interprétativiste et non de vérification. La démarche méthodologique reposait sur des techniques de collecte de données et d’analyse de type qualitatif et le projet s’appuyait essentiellement sur la mise sur pied d'un atelier participatif avec les jeunes impliqués dans le projet de recherche, étalé sur six mois et animé par la chercheuse. L’atelier était composé de jeunes réfugiés nés au Mexique, âgés de 15 à 21 ans. Au total, cinq jeunes ont pris part à toutes les activités de l’atelier et les phases de collecte de données, dont deux entretiens individuels semi-dirigés. Durant les entretiens, nous avons recueilli des données sur leurs parcours, mais aussi leurs impressions sur les créations et sur le processus narratif lors de l’atelier. Au préalable, dès la mise en contact, un temps de préparation et de discussions informelles de quatre mois auprès des jeunes intéressés permettait d’établir ensemble des formalités de logistique (lieux de rencontre, horaire, fréquence de rencontre, etc.), et d’installer un lien de confiance entre nous. Nous avions ainsi décidé de réaliser l’atelier en dehors de leur établissement scolaire et de choisir des horaires et lieux variés pour faciliter l’engagement de tous les participants. Au fil des rencontres, certains ajustements se sont avérés nécessaires. Par exemple, certaines jeunes préféraient d’abord être rencontrés seuls pour des activités précises, et au fil du temps, ils étaient plus confortables et même demandaient à faire des rencontres de groupe. Les activités ont officiellement débuté à l’hiver 2014.

Le Tableau 1 présente un résumé de la séquence des activités proposées. Certaines d’entre elles étaient directement reliées à la création du récit numérique personnel (p. ex., familiarisation du logiciel de création et scénarimage), tandis que d’autres permettaient de raconter son parcours ou de s’exprimer sur des enjeux identitaires qui pouvaient être aussitôt relayés ou réutilisés autrement dans le produit final du récit numérique, faire partie du processus créatif global du récit numérique ou ne pas y être du tout.

Le récit numérique est une forme narrative qui autorise la combinaison et l’interaction de plusieurs modes sur un support vidéo et il est habituellement d’une durée de plus ou moins cinq minutes (Lambert, 2013). Les jeunes pouvaient utiliser l’image fixe ou en animation, la voix-off, la musique, le texte, les effets visuels et sonores, et ce, à l’aide d’un logiciel de montage, pour concevoir leur projet personnel. Ils étaient invités à choisir des éléments personnels dans leur création, mais pouvaient sélectionner du contenu significatif tiré de différentes sources qui rappelaient leurs parcours ou leur manière de se représenter personnellement. Outre le récit numérique individuel, plusieurs types de données ont été collectés à travers les activités de l’atelier dont: un autoportrait sur une affiche, des exercices d’écriture-minutes, des exercices sous le thème des intérêts musicaux, un scénarimage, etc. À tout moment, il revenait aux jeunes de choisir leur langue d’expression, naviguant dans ce cas-ci entre l’espagnol, l’anglais et le français. En plus des activités proposées lors de l’atelier, un groupe de discussion a été mené pour visionner ensemble les récits numériques de chacun et faire une première interprétation, effectuée par les jeunes et par la chercheuse, des enjeux ressortis pour chaque jeune. Comme démarche d’approche de terrain, la méthodologie s’est inspirée de l’ethnographie. L’implication personnelle de la chercheuse fait partie prenante du projet de recherche et s’avère pertinente dans un cadre interprétativiste, explorant des questions identitaires dans lequel la dimension de proximité et d’intimité peut à la fois créer un espace sécuritaire pour les participants où ils sont à l’aise à exposer leur voix et donner accès à leurs réalités (Cléret, 2013). Une observation participante sans grille préétablie, mais en tenant compte du cadre conceptuel, a également été faite par la chercheuse, grâce à la prise de notes dans un journal de bord et aux captations vidéo, effectuées lors de chaque rencontre avec les jeunes. La prise de notes, faite en l’absence des participants, s’est appuyée sur les concepts inhérents aux objectifs de recherche, tout en recueillant les impressions de la chercheuse. À cet effet, le journal de bord « [...] sert en quelque sorte d’exutoire dans la gestion des affects » (Martineau, 2005, p.11). De plus, les captations vidéo ont permis de retracer la chronologie des événements et des étapes de l’atelier pour chaque jeune (Martineau, 2005). La place de la chercheuse et des jeunes, ainsi que le croisement des données provenant de différents outils ont pris part au processus analytique dans une intention de compréhension.

Tableau 1

Séquence des activités à l’intérieur de l’atelier

Séquence des activités à l’intérieur de l’atelier

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Lors du procédé d’analyse multicas et narrative de contenu, les données retenues ont été entre autres : les transcriptions de type verbatim de tous les entretiens et du groupe de discussion, le contenu des notes et les enregistrements des observations de la chercheuse lors de l’atelier avec les jeunes, les créations des jeunes dont leur récit numérique. L’analyse, dans un processus inductif guidé par les objectifs de recherche, s’est effectuée en croisant les multiples accès à la voix de ces jeunes et en prenant compte du message véhiculé ainsi que des interactions entre les différents modes utilisés dans le cas du récit numérique (Kress, 2010). Pour les récits numériques, une description fine de chaque création a été faite. Une retranscription du contenu a été effectuée en décortiquant les modes utilisés, le texte narré et écrit dans la langue originale ainsi que les images et la musique en ordre de présentation dans la création. Dans cet article, les éléments retenus et analysés sont tirés à la fois des récits numériques des jeunes, des entretiens individuels et du groupe de discussion.

Pour mieux contextualiser les témoignages des jeunes participants et les enjeux identitaires soulevés, qui par ailleurs ont aidé à saisir les formes de défis pré, péri et post-migratoires, le Tableau 1 ci-dessous résume des informations sur les participants dont les motifs d’immigration évoqués par les jeunes au fil des rencontres et lors des entretiens individuels. Le Tableau 2 présente uniquement les participants ayant complété toutes les activités de l’atelier ainsi que les deux entrevues individuelles.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Témoignages des jeunes: défis distincts et prise de parole sur le parcours scolaire

Tout d’abord, notons la différence des profils scolaires des participants, ce qui mène à des types de défis bien distincts, mais aussi au recours à des ressources internes et externes différentes dans le parcours. Il existe un écart dans les parcours scolaires et de la vision du système scolaire au Québec entre les jeunes nouveaux arrivants au Québec, dont l’inscription au secondaire est immédiate et prolongée de ceux dirigés vers les centres d'éducation des adultes (CEA). En raison de l’âge, ces jeunes ont fréquenté une école secondaire au Québec, ce qui a facilité l’adaptation au milieu scolaire, mais leur intégration sociale globale également. Pour les jeunes qui sont admis dans une classe d’accueil au secondaire et qui poursuivent dans la même école dans une classe dite ordinaire, l’accès à divers services d’aide pédagogique et à un réseau social s’avère plus évident. Un jeune le mentionne dans son entrevue : « ici, mais j’étais comme confiant un peu, on m’avait offert une aide pédagogique tous les midis ou un midi par semaine… ». Cette aide extérieure accessible pour le jeune, lui a permis de reprendre un contrôle et de mobiliser des stratégies d’adaptation. Ce soutien a fait office de tuteur de résilience, a contribué à la relation de confiance dans son milieu scolaire et favoriser le développement de ses ressources internes, en sachant qu’il est possible de solliciter de l’aide extérieure. Le choc se ressent particulièrement lors de l’exil et des premières semaines à l’arrivée, mais graduellement, une stabilité s’installe. L’environnement offrant des outils comme l’aide pédagogique révèle ainsi, dans ce cas-là, la capacité du jeune à se projeter, malgré les difficultés à s’intégrer dans un nouveau milieu scolaire. Le même jeune participant le souligne lors de son entrevue : « Je me suis senti un peu triste de laisser mes amis d’enfance là-bas. J’ai essayé de bien m’adapter dans ma nouvelle école (…) Mais plus tard, je me suis fait des amis et ça va mieux aujourd’hui. » Au fil des rencontres et en croisant les données tirées de ses paroles à différents moments, ce jeune nous a tracé une image positive de la classe d’accueil avec le recul, tout en émettant les défis surmontés. Cette étape lui permettait non seulement d’apprendre le français, mais de mieux comprendre la société québécoise dans un cadre sécurisant avec d’autres élèves issus de l’immigration, qui avaient sensiblement vécu les mêmes épreuves. Certains participants ont exprimé quelques tensions avec d’autres élèves dans leur passage dans la classe d’accueil, mais globalement, leurs discours étaient plus communément favorables à l’égard de ce type de classe par les relations sociales avec les autres élèves et les multiples occasions de découvrir le Québec avec les sorties culturelles par exemple. Sans écarter les données sur les difficultés vécues, le constat est que les enjeux identitaires ressortis en parlant du parcours scolaire dans la classe d’accueil ne manifestent globalement pas de conflits discriminatoires marquants ou de rapports polarisants Nous versus Eux comme cela est présenté dans certains travaux sur les jeunes issus de l’immigration (Kanouté et al, 2016; Magnan, Darchinian et Larouche, 2016; Papazian-Zohrabian, et al., 2018). À cet égard, ma posture comme chercheuse, née au Québec et non réfugiée, impliquée avec ces jeunes tout au long des étapes, peut supposer une réticence à évoquer de telles discordes possibles. Il est possible que pour maintenir la relation entre nous, les jeunes décident de taire des aspects de leurs parcours scolaires. Aussi, le contexte dans lequel a été développé ce projet de recherche, peut mettre en relief les réponses des jeunes à l’égard de leurs expériences dans la classe d’accueil; plusieurs mois se sont passés entre leur passage dans la classe d’accueil et la classe ordinaire et le début public à l’égard de la situation des réfugiés n’était pas aussi répandu qu’actuellement. Les jeunes l’ont par ailleurs mentionné, peu d’enseignants savaient ou comprenaient qu’ils avaient le statut de réfugié au moment de la recherche menée.

Tableau 2

Informations concernant les participants

Informations concernant les participants

*Centre d’études des adultes

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D’autres jeunes, parce qu’âgés de plus de 16 ans, doivent étudier dans un centre d’éducation des adultes, et ce système n’est généralement pas bien compris par les jeunes ni leur famille. La scolarisation est principalement basée sur une démarche individualisée et l’accessibilité à des services d’aide pédagogique et psychologique est plus restreinte que dans les écoles secondaires. Dans ces centres, en raison des procédures d'immigration (délais, papiers, obtention de la résidence permanente, etc.), des participants ont indiqué avoir été orientés uniquement vers des cours de francisation, ce qui a ralenti leur cheminement scolaire et ainsi leur obtention d’un diplôme d’études secondaires au Québec. Les sentiments de ces jeunes à l’égard de leurs expériences scolaires post-migratoires sont portés par ce ralentissement scolaire et la perception qu’il n’est pas facile de mobiliser les mêmes ressources pour réussir ses études secondaires au Québec. Une jeune, qui avait entamé ses études préuniversitaires au Mexique et qui au moment de la collecte de données, fréquentait un CEA, l’a souligné lors d’une entrevue et dans son récit numérique également : « Maintenant trois ans sont passés et je suis encore à l’école, essayant d’obtenir un diplôme. » Ces jeunes ont aussi vécu plus d’instabilité dans leur parcours scolaire post-migratoire, passant d’une classe à l’autre ou d’une institution à l’autre. La perception quant à leurs compétences scolaires et leur capacité d’adaptation est teintée par ce bouleversement constant et ils ont une vision moins favorable du système scolaire en général. Bien que ce système scolaire peut être défini positivement par son approche souple et par le développement de l’autonomie, ce qui pourrait favoriser le développement de capacités internes adaptatives, les jeunes participants ont surtout évoqué le sentiment d’isolement et les difficultés à entretenir un rapport enseignant-apprenant. De plus, ce système, spécialement parce qu’il est méconnu des familles et en raison des conditions entourant le statut de réfugié, ne semble pas propice pour ces jeunes, ce qui est aussi souligné par d’autres études (Potvin et Leclercq, 2014; Steinbach et al., 2015).

Le positionnement à l’égard de l’âge, de la langue maternelle, du statut migratoire et de l’institution scolaire confine certains jeunes à repenser leurs représentations de la motivation scolaire, de leur engagement personnel, et donc de leur sentiment d’auto efficacité. Des formes de discontinuité et d’ambivalence s’installent et pontifient leur vision de l’école, de leur identité positive comme apprenant et de leur conception à l’égard des tuteurs de résilience à leur disposition. L’extrait suivant, tiré d’un récit numérique d’une participante, met en lumière la tension qui subsiste et la mise en relation entre l’âge, le statut migratoire, la capacité à assimiler rapidement la langue d’accueil ainsi que le devoir de s’adapter constamment malgré les changements scolaires :

On apprend le français et tu peux faire un an, deux ans, ça dépend de comme si tu apprends facilement ou pas. Après ça, tu passes au régulier et comme moi je suis arrivée ici à 16 ans (silence) et ça été un petit peu difficile parce que ça m'a pris deux ans pour apprendre le français après ça j'ai fini l'accueil, mais j'avais déjà 18 ans pis j'avais pas le droit de rester à l'école des jeunes, fait que je devais passer à l'école des adultes. Quand j'suis partie, on m'a dit tu ne peux pas étudier parce que tu es [demandeur d’asile] // si tu n'as pas de papiers pis c'est comme ça, il fallait les payer. [...] je pense que c'est pas évident pis il faut nourrir la famille pis tout ça pis j'ai laissé l'école / J'ai continué à côté le français, mais pour moi c'était comme plate parce que / je dis pas que je parlais français comme parfait, mais pour la grammaire c'était comme plate pour moi parce que j'avais fait deux ans //Tt là ça fait comme 7-8 mois que j'étudie encore et que j'essaie de finir mon secondaire...

Narration tirée du récit numérique de Rosa

Une autre jeune, qui a aussi fréquenté le centre d’éducation des adultes, a exprimé son retard scolaire au Québec en l’associant à l’idée de pertes engendrées par l’exil. Dans ses entretiens comme au travers les créations faites dans l’atelier, elle soulignait les deuils migratoires souvent juxtaposés aux expériences scolaires post-migratoires, qui selon elle, entravaient la manière dont elle pouvait se projeter au Québec. Malgré les défis affrontés et les stratégies d’adaptation recourues, faire preuve de résilience devient moins évident. Certains jeunes conçoivent moins bien leurs aptitudes et habiletés, et voir devant cette lenteur dans leur cheminement scolaire, s’accusent de ne pas apprendre assez vite ou pas suffisamment bien le français. L’entrée dans un système scolaire tel le CEA, autre que celui connu dans le pays d’origine, a symbolisé une forme d’échec scolaire, mais aussi d’exclusion socioscolaire en remettant en cause la capacité d’intégration. Le sentiment de décalage est double : avec leurs pairs du Mexique dont ils avaient gardé contacts et avec les jeunes immigrants qu’ils connaissaient au Québec qui obtenaient leur diplôme d’études secondaires avec un parcours scolaire typique pour eux. Une jeune le souligne dans une entrevue : « je peux pas faire du français comme tout le monde [...] le fait de toujours recommencer le secondaire quand tu sais que les autres ont fini au Mexique, c’est vraiment difficile… »

Aussi, parce que des années s’étaient écoulées depuis leur départ du Mexique, des jeunes s’autorisaient un bilan en constatant les défis affrontés. Pour certains, l’amoncellement des obstacles post-migratoires faisait part d’une forme d’incertitude sur la manière d’envisager finalement les retombées de l’immigration après quelques années. Parfois, les jeunes avaient l’impression qu’il fallait entrevoir l’immigration comme bénéfique qui se traduisait en mécanisme de protection en raison de l’investissement personnel qu’exige le processus d’adaptation dans leur parcours scolaire. D’une part, ces jeunes ont revendiqué les zones de vulnérabilité qu’imposaient et qu’entraînaient le cumul des difficultés traversées, et d’autre part, ils formulaient leurs discours de manière à remplir leur devoir de persévérer, de ne jamais paraître persécuté et de remanier leurs impressions pour favoriser un regard positif sur leur vécu. Le prochain extrait issu d’un récit numérique d’une autre participante souligne une partie de ce travail de négociation et de la notion de pertes significatives, étroitement liées à son cheminement scolaire au Québec tel que l’isolement social qu’elle a ressenti dans le CEA et la non-reconnaissance de ses études secondaires au Mexique :

Voici comment la migration m'a affecté, et comment je peux l'utiliser pour voir des aspects positifs dans mon futur. Il y a eu des difficultés: perdre des amis, perdre mon école, et recommencer l'école ici n'est pas facile, je devais aller à l'université au Mexique et ici je dois refaire mon secondaire...
J'espère en un futur pour gérer ma vie et être une grande designer de mode! C'est de grands changements à faire quand on immigre, mais il y a de bons côtés.

Texte écrit en caractères gras sur fond rouge, tiré du récit numérique de Nadia

L’expérience narrative : un regard sur l’unicité et le besoin de partager son histoire

Ce projet de recherche par la démarche de création des récits numériques a permis de partager leurs histoires entre eux. La pratique réflexive derrière la narration numérique était une occasion de parler de la scolarisation et de toutes les transitions dans la construction de l'identité et du processus de migration, chose difficile ailleurs. Les participants ont indiqué que le sujet de l’exil était un sujet sensible, parfois interdit, même des années après leur départ du Mexique. Il n'y a pas d'espace dans leur vie ni dans leur environnement scolaire, pour verbaliser leurs expériences et la façon dont ils conçoivent leurs parcours. À travers des dialogues dans l’atelier et au cours du groupe de discussion, les participants pouvaient se positionner activement par rapport à leur passé et leur présent, tout en échangeant sur leurs perspectives d’avenir. Les images, les mots, comme les combinaisons de différents modes dans les créations diverses, ont dégagé une réappropriation de leur histoire à leur manière. Les éléments omis, volontairement ou non, ou ceux exposés et mis en scène, font partie de leur vécu et révèlent la charge émotive derrière l’exil et le mutisme sous-jacent. Certains jeunes ont intentionnellement voilé ou éliminé des termes comme « réfugié » « exil » et même « immigrant » dans leur récit numérique personnel.

Le processus narratif et le fait de visualiser son parcours permet de signifier les tensions émotives et de rendre tangible en partie, les sensations abstraites constituées dans le processus de construction identitaire suite à l’exil, mais aussi la réinstallation dans un nouveau pays. Les activités narratives prennent du temps dans la recherche comme en pratique, mais il s’agissait d’un puissant outil de réflexion et d’expression à propos des mouvements éducatifs et migratoires dans la vie d’un jeune s’avançant vers le monde adulte. Plusieurs données font valoir la complexité des enjeux identitaires dans un contexte d’exil et les défis sous-jacents, mais surtout l’importance de les impliquer et les accompagner dans cette prise de parole. Certains jeunes ont exprimé clairement leur regard sur leur construction identitaire et les retentissements au travers les discussions non formelles dans l’atelier et dans les entrevues, tandis que d’autres ont voulu le formuler directement dans leur récit numérique. Une participante a par ailleurs exposé son passage de l’enfance à l’adolescence dans la narration de son récit numérique, en combinant des photos personnelles d’elle, elle dit :

Comparé à ce que j’étais avant pis ce que je suis maintenant pis je peux dire que j’ai vraiment changé, j’étais un enfant pis maintenant je suis devenue une adolescente. Avant je me traînais avec mes parents / hum j’étais timide. Maintenant, je suis si sociale, je me fie sur rien, je me fie sur moi-même. Pis je suis devenue différente, j’ai grandi et en fait, je suis devenue mature aussi et j’ai vraiment beaucoup grandi pour apprendre de nouvelles choses.

La création du récit numérique avec les étapes de réflexion sur ses parcours et le constat sur ses changements comme adolescente ont aussi mis en valeur ses forces personnelles et sa capacité résiliente. L’expérience narrative, mais aussi le produit, comme le récit numérique, devient un moyen pour accueillir la voix de ces jeunes, comprendre les enjeux identitaires, mais aussi un outil de construction et reconstruction identitaire par son potentiel de transformation et de réparation (Chen, 2015; Darcy, 2008). En ce sens, il est révélateur des tuteurs de résilience externes offerts et mobilisés dans le parcours du jeune, mais aussi un catalyseur des formes de résilience internes comme externes. En se remémorant, dans un cadre significatif et personnel, les événements de ses phases migratoires et de son parcours scolaire, le jeune peut à la fois consolider les ressources qui lui semblent efficaces et se réajuster à la lumière des défis vécus, et ce, dans un espace créatif. Cet espace créatif a mis en lumière leur unicité.

L’unicité des parcours et des enjeux identitaires a été particulièrement frappante, et ce, même dans le cas de jeunes provenant d’une même famille. Les liens de fratrie ont par ailleurs soulevé la nécessité d’accueillir la voix des jeunes d’une manière unique et de soutenir les jeunes, en reconnaissant leurs réappropriations personnelles de leurs histoires et de leurs parcours. Certes, il y a plusieurs histoires d’immigration et le contexte de la famille immigrante économique n’est pas le même que les familles réfugiées. Néanmoins, bien que des points communs peuvent se dégager, il n’y a pas un seul portrait reflétant la réalité des élèves issus de l’immigration humanitaire. Ce constat est maintes fois secondé dans la littérature et qui doit être considéré en contexte scolaire. Endosser cette unicité permet de mieux cibler les besoins des jeunes et des pistes d’intervention efficaces en milieu scolaire. Bien que la prise en compte de l’hétérogénéité du vécu des élèves puisse s’avérer compliquée en pratique dans le milieu scolaire, en faire abstraction peut donner lieu à des raccourcis défavorables pour l’élève comme pour l’enseignant. Tout de même, sans devoir analyser chaque parcelle de l’histoire des jeunes, un enjeu tend à persister au fil des récits des participants; celui du regard posé sur la signification intime de son parcours. En effet, un événement semblable peut représenter une situation de confrontation pour un et symboliser une opportunité pour l’autre. Le sens porté est également régi par le cumul des défis affrontés et par les attentes créées auparavant. Il y a une interaction continuelle qui se forme entre le passé du jeune, ses aspirations et les formes d’obstacles comme les tuteurs de résilience qui ont composé sa phase prémigratoire et post-migratoire. Le sens attribué à une expérience et à son positionnement comme réfugié par exemple ne sera pas forcément le même selon les épreuves pré-, péri comme post-migratoires et il évolue. L’expression, au travers les activités narratives, des expériences scolaires constitue une construction de sens et rappelle les formes de rupture, de discontinuité et d’ajustement. Les tuteurs de résilience déployés et perçus sont différents chez les jeunes. En ce sens, la singularité des parcours et l’authenticité de leur histoire doivent être prises en compte.

L’ESPACE DE CRÉATION ET DE RÉFLEXION POUR LES MILIEUX SCOLAIRES

D’emblée, les participants ont tous évoqué le manque d’espaces pour réfléchir, articuler et exposer leurs histoires, que ce soit dans le contexte scolaire ou hors scolaire. À l’unanimité, ils ont indiqué, lors de leurs entrevues individuelles et le groupe de discussion, de ne pas se sentir assez à l’aise d’exprimer leurs parcours avec des intervenants scolaires, ou ne pas avoir l’impression que leurs histoires soient bien entendues dans un cadre sécuritaire et de non-jugement. Comme le milieu scolaire devient un lieu fondamental pour ces jeunes, des pratiques éducatives doivent être envisagées pour mieux soutenir le partage de leurs histoires. La mise en scène de leur identité à travers la pratique narrative, particulièrement dans un processus de création, a permis d’explorer les enjeux affectifs de l’arrivée dans un nouvel environnement scolaire, mais aussi de leur statut migratoire. Les jeunes ayant vécu l’exil ont peu d'espace significatif pour formuler leurs sentiments face à leur projet éducatif dans un cadre sécurisant et plaisant, tout en ciblant leurs besoins de créativité. Pourtant, la place à la réflexion et à la création peut constituer un levier dans le processus d’inclusion scolaire comme jeune et comme immigrant ayant vécu l’exil, devenant un objet transitionnel et émancipateur important. Dans l’idée de créer une transition favorisant un bien-être à l’école, l’espace peut servir à apprivoiser le nouveau cadre scolaire et les émotions suscitées par le processus d’inclusion scolaire. L’exil peut engendrer l’isolement, le déracinement brusque à ses référents socioculturels, et se traduire par une tendance à rester dans un esprit de survie. En ce sens, il peut être difficile de garder contact avec son imagination, qui demeure un catalyseur de bien-être fondamental à l’enfance comme à l’adolescence. En milieu scolaire, des espaces encourageant l’imagination peuvent devenir des tuteurs de résilience pouvant être réinvestis par l’élève dans toutes sortes de contexte. Parce que certains mettent de côté leur système imaginaire pour diverses raisons, par vigilance se tenant prêts à toutes éventualités ou par mécanisme de protection, l’établissement de structures valorisant l’imagination devient nécessaire. Lorsque l’environnement est propice, ces structures peuvent créer une proximité pour aller à la rencontre de leur unicité et mieux identifier leurs besoins. La compréhension des préoccupations et des intérêts des jeunes, par l’entremise d’un espace de création, facilite le discernement de pistes d’intervention adéquates et repérer les forces et le potentiel des jeunes. L’espace peut aussi faire partie d’une condition favorisant le dialogue en classe par l’utilisation de moyens signifiants pour les jeunes et mettre en avant-plan leurs ressources culturelles et personnelles. Cette valorisation peut faciliter l’édification de liens entre leurs expériences pré-, péri- et post-migratoires et leurs aspirations futures de façon positive. La création, en invitant le jeune à s’exprimer autrement que par des méthodes traditionnelles comme l’écrit, devient moins intimidante pour symboliser les dimensions affectives du processus d’immigration et amorcer des formes de réparation. En plus de développer un rapport relationnel empreint de sensibilité entre l’élève et l’intervenant scolaire à l’école de façon positive, l’espace de réflexion et de création autour de la narration de son parcours permet un regard et une écoute propice à l’apprentissage. Des pratiques soutenant l’exploration, l’expression et la créativité peuvent constituer des tuteurs de résilience, tout en répondant aux mandats de l’école au Québec, parce qu’ils tissent des liens positifs avec l’autre et donnent lieu à considérer le soutien externe. Tel qu’appuyé par Chaîné (2012, p.1) : « La créativité est l’un des principaux éléments qui favorisent le développement de la capacité à communiquer avec le monde extérieur (Cropley, 1997; Csikszentmihalyi, 1966) ». Parce qu’un lien de confiance s’installe, l’espace permet d’aller au-delà des résistances provenant des élèves comme de l’enseignant, de mieux orienter les demandes d’aide et devenir un prolongement comme un enrichissement soutenant le travail quotidien dans la classe.

La réflexion et l’expression de son vécu peuvent être délicates et susciter de vives émotions. Une préparation de part et d’autre est nécessaire, mais l’intention est de créer un espace de confiance agréable dans lequel le jeune peut revisiter des périodes plus négatives de son histoire en y juxtaposant des éléments créatifs de son choix. Mis en place sur plusieurs semaines et à différents moments, le jeune prend le temps de situer son histoire progressivement et de comprendre son parcours, tout en accolant des mots et des images sur son identité qui exige un procédé itératif. Grâce à l’installation d’un lieu sécuritaire et basé sur le non-jugement, donc exempt d’évaluation, le jeune peut se permettre de valser entre le réel et l’imaginaire, entre l’authentique et le fictif, faisant tous partie de son récit, déployé dans une posture émancipatrice. Dans la démarche créative, le fait de repenser à son passé, de contempler des images reliées à son vécu personnel, d’écouter de la musique peut contribuer à consolider son bagage socioculturel et l’engager pour avancer, comme une construction et une forme de transition. Cette valorisation de ses acquis et de ce que le jeune porte et transporte avec lui peut se traduire par une reprise de pouvoir, en composant sa propre constellation de liens entre son passé et son futur.

CONCLUSION 

L'entrée dans un nouvel environnement scolaire peut s'avérer à la fois stimulante et éprouvante pour tout jeune. Devant le vécu migratoire de l’exil, les écoles qui reçoivent les jeunes, doivent tenir compte tant des dispositions d’intégration en phase post-migratoire dès les premiers instants dans le nouveau pays, que des défis qui peuvent survenir au fil du temps après l’arrivée. En effet, en plus de l’état de survie et d’urgence qu’incarne le départ en contexte d’exil, ainsi que des conditions de précarité susceptibles de vivre la famille durant la phase migratoire, la phase post-migratoire, même des années après la réinstallation dans le nouveau pays, peut poser plusieurs défis. Les récits et les archives tirées de l’atelier participatif ont mis en lumière la transformation des épreuves vécues, mais aussi la persistance de certains défis. Au fil des histoires, des obstacles perdurent et encombrent le parcours scolaire de certains jeunes, tandis que d’autres sont surmontés.

Pour les élèves, l’institution scolaire et les ressources accessibles peuvent contribuer autrement au bien-être à l’école et au processus d’inclusion scolaire. Dans l’article, un regard a été posé sur l'hétérogénéité et la richesse des histoires qui font part des tensions, des défis, mais aussi des tuteurs de résilience assignés et reconnus différemment. En situant l’atelier dans un cadre sûr et de bienveillance, les participants nous ont montré le sens qu’ils octroyaient à leur monde scolaire, à leur positionnement social et personnel et à la construction de soi, tout en illustrant leur besoin d’être reconnus et d’occuper un rôle actif dans leur parcours. Grâce à leur voix et à la façon dont ils ont pu créer autour de leur histoire, nous avons pu rendre visibles leurs représentations de leurs expériences migratoires ainsi que leur vision de l’école, ce qui est trop souvent réduit au silence dans le secteur de l’éducation. Le projet de recherche a suscité notamment des réflexions sur la valorisation du bagage des jeunes et l’impression d’un manque de soutien dans leur milieu scolaire, plus spécialement dans les centres d’éducation aux adultes. Les témoignages des jeunes et leurs créations, qui éveillent un écho sur le manque d’espaces d’expression en milieu scolaire, ouvrent une réflexion sur la prise en compte de leurs histoires pour mieux les soutenir. À cet effet, l’atelier a permis d’entrevoir le potentiel des pratiques créatrices et multimodales qui vont au-delà de l’expression formelle orale et écrite, en considérant par exemple le recours à une représentation interactive et personnalisée de leurs parcours. Pour favoriser le développement de sentiment d’émancipation et de contrôle sur sa vie, l’école peut offrir des espaces de réappropriation de son histoire, en racontant son passé et ses aspirations, par la création et la créativité. Stimuler la créativité et la création en milieu scolaire peut contribuer aux capacités d’adaptation des jeunes et au besoin d’interpréter leur vécu pour répondre à la quête de sens. Ainsi, le jeune peut s’engager dans une démarche d’exploration, de prise de décisions, de rencontres de situations et d’idées nouvelles tout en permettant la reconstitution de sens.