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Lorsque nous ouvrons l’application de description archivistique scopeArchiv[2], nous sommes d’abord surpris par les modules riches et les éléments qui doivent être impliqués par cette fonction archivistique. En choisissant le module « Unités de description » (ce qui semble le plus familier à un praticien d’ISAD(G)[3]), nous pouvons voir une hiérarchie familière d’unités de description. Toutefois, en ouvrant une notice descriptive, la situation peut changer radicalement. Outre les champs normalisés comme le titre, la date, la portée et le contenu, il existe de nombreux autres champs descriptifs qui ne peuvent être considérés comme étant conformes à l’ISAD(G). Sans oublier la possibilité, lors de chaque implémentation de l’application, de modifier le schéma standard en ajoutant de nouveaux champs. En outre, au bas de l’écran, il y a une grande collection d’onglets qui offrent de nouvelles possibilités de caractériser une certaine unité de description, avec de nouvelles propriétés et relations.

Puisque tous ces enrichissements ne sont pas envisagés dans l’ISAD(G), quelle serait une bonne caractérisation de la nouvelle norme proposée ? Est-ce conçu comme alternative à l’ISAD(G) ? Est-ce une amélioration ou un rejet de l’ISAD(G), tel qu’il est codifié par l’International Council on Archives (ICA) ?

Nous aborderons ces questions à la fin. Jusque-là, dans le cadre des quatre normes actuelles du ICA, nous chercherons à examiner certaines des hypothèses professionnelles fondamentales qui sous-tendent leur développement et à vérifier leurs manifestations d’aujourd’hui. Cette évolution de la compréhension des principes et des besoins de la description archivistique sera alors considérée comme un appui au travail du Groupe d’experts pour la description archivistique de l’ICA et de son nouveau produit, Records in Contexts. À la fin, le « dilemme scopeArchiv » présenté ci-dessous pourrait obtenir une (possible) réponse.

Figure 1

Le dilemme de scopeArchiv (insertion du titre de la figure par le traducteur).

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1. LES QUATRE NORMES DE L’ICA

Comme nous le savons, le Conseil international des Archives a soutenu et adopté jusqu’à présent quatre normes de description archivistique. Tout cela reposait sur un énoncé de principes élaboré entre 1989 et 1992[4]. La Norme générale et internationale de description archivistique (ISAD(G)) a été la première norme élaborée. Elle a été publiée dans sa première version en 1994 et dans la seconde en 1999. L’ISAD(G) était destinée, comme l’atteste sa préface, à établir « des règles de description archivistique qui peuvent être appliquées quelle que soit la forme ou le support du matériel d’archives » (ISAD(G), I.4), visant à :

a. Assurer la création de descriptions cohérentes, appropriées et explicites ; b. Faciliter l’extraction et l’échange d’informations sur les documents d’archives ; c. Permettre le partage des données d’autorité ; et de rendre possible l’intégration des descriptions de différents sites dans un système d’information unifié.

ISAD(G), I.5

La deuxième norme est la Norme internationale sur les notices d’autorité utilisées pour les Archives relatives aux collectivités, aux personnes et aux familles (ISAAR(CPF)), également en deux éditions, 1996 et 2004. La norme a été élaborée afin de couvrir le principe 8 de l’Énoncé des principes, « notamment en raison de la complexité croissante des structures administratives, une explication du contexte dans lequel le matériel a été créé est un aspect important de la description archivistique » (sic). Dans le cas particulier de l’ISAAR(CPF), la Norme internationale pour la description des institutions de conservation des archives (ISDIAH) a été élaborée en 2008, afin de fournir le cadre pour la description des établissements ayant des fonds d’archives. En outre, afin d’élargir la description du contexte, la Norme internationale pour la description des fonctions (ISDF)[5] a été élaborée en 2008.

D’après nos observations, les normes de l’ICA ont enregistré différentes étapes d’adoption. Bien que l’ISAD(G) ait été reconnue dans le monde entier[6], suivie de près par ISAAR(CPF), ISDF et ISDIAH, les taux de mise en oeuvre étaient plutôt faibles. Cela peut s’expliquer par le fait que la description des fonds et la description des institutions étaient traditionnellement plus développées pour les documents d’archives. Lorsqu’elles étaient normalisées, les données existaient déjà et il ne fallait que les conformer aux normes. Il faut également tenir compte du fait qu’il existe un écart important entre les deux premières et les deux dernières normes qui a peut-être également influencé leur taux d’adoption.

Certaines incohérences (par exemple, un domaine commun pour le contrôle des descriptions archivistiques) et une nouvelle focalisation sur les relations entre les quatre normes ont amené le Comité des normes et bonnes pratiques (ICA/CBPS) à préparer un compendium des quatre normes développées précédemment, afin de :

  • expliquer à la communauté professionnelle comment les quatre normes de l’ICA se rapportent les unes aux autres comme un ensemble unique de normes qui, ensemble, produiront des descriptions d’archives qui rendront les documents accessibles ;

  • assurer la création de descriptions cohérentes, appropriées et explicites, et donc fournir des éléments pour décrire les différents types d’entités archivistiques et leurs relations à des moments précis ou dans le temps ;

  • rendre possible l’intégration des descriptions des différents dépôts dans un système unifié et faciliter la recherche et l’échange d’informations sur le matériel d’archives ;

  • créer et partager une compréhension commune de la structure, du contenu et des utilisations prévues des normes et des formats, afin de promouvoir une utilisation cohérente des normes ;

  • permettre aux archivistes de mieux comprendre leurs domaines de connaissance et de promouvoir un dialogue avec d’autres professionnels (ICA/CBPS, 2012a, p. 3).

Le compendium prévu n’a pas pu être construit (ICA/CBPS, 2012a, p. 3). Un examen attentif des normes a révélé de nombreuses incohérences dans les définitions, les éléments de description et la façon dont les normes devraient fonctionner ensemble (ICA/CBPS, 2012a, p. 3-15). C’est pourquoi l’EGAD[7] a décidé de préparer :

un projet de chapitre commun à inclure dans les quatre normes de l’ICA sur les relations entre les différents types d’entités archivistiques, ainsi que le présent rapport d’avancement qui vise à améliorer la cohérence entre le contenu des normes dans leurs versions actuelles et les principales orientations des futures révisions.

ICA/CBPS, 2012a, p. 3

De plus, l’ICA/CBPS a préparé un document de référence sur les relations dans les systèmes descriptifs archivistiques (ICA/CBPS, 2012b). À la fin du rapport d’avancement, l’ICA/CBPS affirme que « la seule façon d’éliminer la redondance dans la série de normes serait d’élaborer un modèle conceptuel et de revenir ensuite aux règles et d’identifier les éléments uniques et partagés fondés sur toutes les relations potentielles » (ICA/CBPS, 2012a, p. 15).

2. UNE VUE D’ENSEMBLE DU MONDE ARCHIVISTIQUE[8]

La vision de l’univers de la description archivistique, telle que vue à travers les quatre normes de l’ICA, a fait l’objet de critiques et de suggestions d’amélioration, depuis des questions mineures jusqu’aux perspectives stratégiques[9]. Plus encore, l’énoncé susmentionné sur les intentions de l’ICA a été accueilli avec réticence, puisqu’il ne semblait pas assez radical[10].

Le fait est qu’en dépit d’une littérature assez riche sur le sujet, au-delà de certaines positions, reflétant des opinions doctrinaires ou certaines insatisfactions personnelles, l’évolution de la discipline archivistique et de l’environnement culturel et technique soulève vraiment quelques questions, justifiant ainsi l’amélioration des quatre normes. Dans les lignes suivantes, nous allons passer en revue certaines considérations soulevées au sujet de la provenance, des entités archivistiques, de la hiérarchie ou de la description à plusieurs niveaux, ce qui donne une perspective améliorée sur la description archivistique, telle que proposée par l’EGAD.

3. ENVIRONNEMENT DE CRÉATION : PROVENANCE ET ORDRE ORIGINAL

Établi depuis la seconde moitié du XIXe siècle comme une base de la science archivistique, le principe de provenance semble encore aujourd’hui être la caractéristique principale de l’approche archivistique (Yeo, 2010, p. 91 ; Mazikana, 1990) individualisant l’archivistique parmi d’autres disciplines dans le domaine culturel ou de l’information (Popovici, 2007). En termes simples, le principe de provenance signifie que les documents doivent être conservés selon leur origine et conservés dans l’ordre original que le créateur leur a donné. Ce principe a fait l’objet d’un examen minutieux dès 1940, mais, après les années 1970, différents professionnels ont soulevé aussi quelques doutes quant à sa validité (Horsman, 2002).

Le principe a été, sous une première forme, promulgué par les Archives nationales de France[11] en 1841, précisant la conservation des documents en fonction de leur source de création (bureau d’origine qui génère des fonds), en permettant toutefois un arrangement discrétionnaire à l’intérieur des fonds[12]. En dépit de certaines pratiques antérieures à cet égard, c’est la première fois qu’un organisme national assume ce type de classement, en minimisant la pertinence, c’est-à-dire l’ordonnance fondée sur le contenu des documents. Plus tard, les archivistes hollandais Muller, Fruit et Fruin ont ajouté le besoin du respect de l’ordre initial à l’intérieur des fonds, qui consiste non seulement à regrouper des documents de la même provenance, mais aussi à respecter l’ordre que les bureaux d’origine ont donné à ces documents (Horsman, 2002, p. 2).

Comme certains chercheurs l’ont remarqué, le principe a été fondé dans un certain environnement culturel et sur des besoins pratiques particuliers. Les archivistes des archives nationales ont donc constaté que, face aux grands volumes produits par des organismes de longue date, il s’agissait d’une façon optimisée de traiter les documents, c’est-à-dire en ne les traitant pas et en les conservant tels qu’ils étaient lors de leur acquisition. L’effort de regrouper des dossiers selon des sujets, des formats, etc. était impossible, en raison de la quantité croissante de documents de l’époque et, bien sûr, de la multitude de possibilités. De plus, par un examen plus attentif, on a remarqué que cette façon de garder des documents avait certains avantages collatéraux (Horsman, 1994, p. 54-55 ; Douglas, 2010, p. 38). Tout d’abord, elle a contribué à préserver, à bien des égards, l’authenticité des documents, en tenant compte de leur garde ininterrompue. En outre, à une époque où l’objectif de l’écriture de l’histoire était de reconstituer les faits « tels qu’ils étaient », les sources conservées telles qu’elles étaient produites par les acteurs historiques représentaient une pierre angulaire pour les historiens, les archives jouant alors un rôle central parmi les sources historiques (MacNeil, 2008, p. 13 ; Blouin jr. et Rosenberg, 2013, p. 23-29). Dans un temps où la rationalité était le but principal de la science ou de la culture, ces critères d’organisation des documents, « objectifs », puisqu’ils n’appartenaient ni aux caprices des archivistes ni à ceux des historiens, ne pouvaient être autre chose de plus que bienvenus[13].

Les critiques ont cependant observé que, dans la vie réelle, la provenance n’est pas aussi claire qu’elle avait été présentée au niveau théorique et que l’ordre original soulève aussi des difficultés d’interprétation et de mise en oeuvre. Tout d’abord, il existe de nombreux types de provenance : lequel doit être respecté ? Il peut s’agir d’une détention et d’une provenance archivistique (Livelton, 1996, p. 119-120) ou d’une provenance documentaire et institutionnelle (Eastwood, 2000, p. 95), ou la triple provenance envisagée par Laura Millar (2002, p. 12). Ces points de vue ne se chevauchent parfois pas. En outre, y compris l’ordre original ici, il a été remarqué que les agrégats créés des documents sont soumis à leur propre vie et destin, car étant gérés de multiples façons après leur création, il peut être difficile de définir ce qui serait la « vraie » provenance et l’état original[14]. Les approches postmodernes ont également soulevé la question du subjectivisme en identifiant la provenance, suggérant qu’il n’y a pas qu’une seule, mais un réseau de relations, certaines obscurcissant les autres et affectant ainsi exactement ce qui est le noyau théorique du principe de provenance, c’est-à-dire l’authenticité et la fiabilité des documents (MacNeil, 2008, p. 2 ; Nesmith, 2002, p. 34-36).

Une position radicale a été exprimée par Peter Horsman :

Les méthodes archivistiques centrées sur le respect des fonds, par conséquent, servent la garde et la commodité de l’archiviste dans la gestion des collections en groupes bien rangés et bien définis. Ils ne servent pas nécessairement les utilisateurs ou les chercheurs. Bien sûr, les archivistes prétendent – et ils peuvent croire en fait – que leur propre commodité administrative est également le meilleur service pour les utilisateurs en protégeant la provenance. L’utilisateur a cependant souvent été sérieusement induit en erreur par les archivistes et leurs fonds. Les méthodes archivistiques de classement et de description, basées sur le respect des fonds, présentent à l’usager un « groupement » monolithique de documents qui, en réalité, n’ont jamais existé à aucun moment hors des archives.

Horsman, 2002, p. 22

En tentant de « redécouvrir » l’ordre initial, Tom Nesmith a suggéré :

Peut-être qu’à la place de l’ordre original, nous devrions parler de l’ordre des documents reçus, qui se réfère à l’ordre dans lequel les dossiers sont quand ils sont reçus par un service d’archives. Cela peut être plus comme un instantané d’un moment dans le temps, et non l’ordre original, mais une approximation possible de celui-ci. (Nesmith, 2005, p. 264) Jennifer Meehan a également proposé une réinterprétation de l’ordre original comme « cadre conceptuel ».

Meehan, 2010, p. 38-39, 41-43

La situation est encore plus compliquée lorsque les documents électroniques arrivent sur scène. Dans un environnement en réseau, avec une méthode collaborative de création de documents, la provenance est difficile à identifier avec certitude et, dans presque tous les cas, il est question de pluralisme (Bailey, 2013). Un bon exemple est la fonctionnalité pour « télécharger l’archive » [« download archive »] (sic) de Facebook : si on essaie d’archiver le contenu du compte, seuls ses propres messages seront compressés, pas tout ce qui était sur le mur. L’« archive » sera plus pauvre que la vraie scène (lire le « mur »), manquant exactement la mise en réseau qui est l’essence du réseau social.

Naturellement, quand on manipule des documents anciens, avec de mauvaises informations sur le créateur et les circonstances de la création, tous les documents peuvent ressembler à un bloc plein, avec une source claire et incontestable. Les administrations modernes dynamiques (Bearman et Lytle, 1985, p. 17-18 ; Gilliland-Swetland, 2000, p. 13 ; Horsman, 2002, p. 12-13 ; Cook, 1992, p. 53 et suivantes) et la compréhension postmoderne des diverses influences sur la vie des documents apportent « de nouvelles conceptualités » (Nesmith, 2005, p. 261-263). La relativité de la « vérité » reflétée dans les documents (Ketelaar, 2002), les exigences sociales de participer à la création de la mémoire et même de modifier la mémoire telle qu’elle est conservée dans les documents (voir, par exemple, le « droit à l’oubli ») soulèvent la question de l’identification de la provenance où les parties sont jouées par le créateur/le dépositaire/le transformateur, les fonctions ou les objectifs affectés et touchés par les documents. De telles approches sont loin de considérer une agrégation unitaire et compacte. Elles soulignent plutôt l’agrégation des documents comme étant un réseau complexe et dynamique de « provenances », chacune d’entre elles ayant un rôle à jouer dans une compréhension complète des documents (Horsman, 2002, p. 21-22 ; Cunningham, 2012, p. 7 ; Cook, 1992, p. 64-71).

4. ENVIRONNEMENT DE REPRÉSENTATION : HIÉRARCHIES ET NIVEAUX

« Par défaut », ISAD(G) suppose que les relations entre les unités de description sont hiérarchiques. C’est la façon dont les archives sont traditionnellement représentées, comme un miroir de la structure des institutions traditionnelles (Bearman et Lytle, 1985, p. 16-17). Mais cette vision monohiérarchique était considérée comme incapable de « saisir la complexité où les grandes organisations puissent être illustrées par des organigrammes », comme Bearman et Lytle, entre autres, l’ont remarqué. La complexité des relations, en plus des hiérarchies, qui sont enfermées dans les archives, fait écrire à Giorgio Michetti la célèbre phrase : « Les archives ne sont pas des arbres ! » (Michetti, 2012).

Avec un exemple de base, l’écart entre l’agencement physique et intellectuel des documents est visible lorsque l’on essaie de suivre la description sur l’emplacement physique, ce qui rend visible le fait qu’il n’y a pas de hiérarchies, juste des rangées de dossiers ; nous pouvons conclure – si nécessaire – que les relations présentées dans les descriptions sont purement intellectuelles, et entre l’agencement physique et la description, il pourrait ne pas exister un chevauchement parfait (Yeo, 2010, p. 91). En ajoutant les considérations ci-dessus sur la provenance et l’ordre d’origine, il semble parfaitement raisonnable de considérer que, au-dessus de la couche physique des dossiers, toutes les agrégations archivistiques de niveau supérieur sont purement intellectuelles, que ce soit des fonds (selon la tradition européenne), ou que ce soit des séries (dans le système australien). À cet égard, malgré le fait que ISAD(G) suppose implicitement que la description reflète le classement (ISADG, I.8 ; voir aussi Stibbe 1992, p. 109) et que l’agencement est physique[15], la description pourrait fort bien n’être que conceptuelle, décrire des entités et disposer des descriptions d’entités, sans que cela n’affecte l’ordre physique sur les étagères[16].

En fait, une question peut être soulevée au sujet de l’exactitude de nommage des hiérarchies d’archivage en tant que telles et comment elles sont caractérisées dans les descriptions. Dans un article sur le rôle de la classification dans la représentation et la découverte des connaissances [The Role of Classification in Knowledge Representation and Discovery], Barbara Kwasnik a présenté les caractéristiques des classifications « hiérarchiques » et « arborescentes », soulignant que « un arbre divise et subdivise ses classes en fonction de règles spécifiques de distinction tout comme dans une hiérarchie, mais n’assume pas les règles de l’héritage » (Kwasnik, [2000], p. 6). Dans certains cas, cela contredit la pratique archivistique. Par exemple, lors de la description d’un fichier, un archiviste prend les dates limites comme « de l’année 1 à l’année 2 ». La première remarque est que ces dates reflètent le contenu, pas le dossier ; par une voie d’« héritage inverse », les dates des enfants deviennent les dates du parent. La deuxième remarque est qu’une telle description masque la vie de l’entité « dossier » qui aurait pu être recueilli et formé à un autre moment que les documents ou, encore plus provocateur, que les documents contenus aient été réunis à plusieurs reprises. Mais ces informations ne sont pas reprises dans l’ISAD(G). Bien sûr, elles peuvent être incluses à d’autres éléments [de description], mais la pratique montre pour le moins un manque de discipline conceptuelle dans l’indication des dates.

Si nous exceptons le fait que l’ISAD(G) ne donne pas d’élément de jonction explicite entre une unité de description parente et une unité enfant, il est frappant que, outre ses liens à l’intérieur d’un bloc plus important (le fonds, par exemple), la norme manque aussi d’une zone explicite et dédiée pour des relations (horizontales). Par exemple, une responsabilité majeure (fonction de lecture, par exemple) passe de l’unité organisationnelle A à l’unité organisationnelle B. Les sous-fonds A sont donc suivis par les sous-fonds B[17]. L’ISAD(G) accepte formellement ces relations dans l’élément « 3.5.3 unités de description associées », mais elles sont trop narratives, ont peu de possibilités de caractériser la relation et, ce qui est plus important, laissent peu de place à la manipulation des relations pour générer de nouvelles significations. En outre, les relations autorisées officiellement par l’ISAD(G) sont principalement à l’intérieur du même fonds et seulement à l’intérieur des groupes d’entités archivistiques ou entre les documents d’archives et les autorités. En comparaison avec les normes ultérieures, comme ISDF, par exemple, où la section pour les relations est assez bien élaborée, dans ISAD(G) il y a une liste d’éléments et la description qui semble plutôt isolée, en incorporant même la description du créateur. Je crois que c’était une question d’architecture initiale des normes et l’esprit « papier » sous-jacent. Cependant, il y a aujourd’hui plus de possibilités techniques et plus de besoins de descriptions en réseau, pour faire place à une amélioration d’ISAD(G).

Parlant de l’évolution technologique, nous nous demandions si « l’aspect technique », invoqué à plusieurs reprises dans cet article, ne serait pas une référence insultante : faut-il changer notre pratique parce que l’ordinateur le veut ? À notre avis, les archivistes doivent considérer l’aspect technique comme l’un des contextes environnementaux dans lesquels ils travaillent. La formulation du principe de provenance était conditionnée par le cadre culturel et technique de l’époque ; la nouvelle reformulation des différents aspects de notre profession devrait également tenir compte des possibilités actuelles et, surtout, des attentes des utilisateurs. Ni le papier ni l’ordinateur ne dictent comment les archivistes font leur travail ; mais le papier et les ordinateurs sont des outils facilitant la façon dont nos objectifs professionnels peuvent être atteints et comment notre profession répond aux défis de la société.

Dans les années 1970-1980, de grandes bases de données relationnelles ont été construites dans certaines institutions d’archives afin d’héberger des informations archivistiques. C’étaient des outils pour récupérer l’information à partir des descriptions fournies par les archivistes et ils ont été acclamés par des chercheurs qui pouvaient découvrir l’information dont ils avaient besoin plus rapidement. Toutefois, dans les années 1990, on a remarqué que la contextualisation était plutôt absente du tableau et que la technologie XML semblait avoir été inventée pour les archivistes, puisque, avec sa structure hiérarchique, elle faisait tout ressembler à une hiérarchie archivistique (Gilliland-Swetland, 2000, p. 18-19), technologie, qui, plus tard, a été critiquée (Michetti, 2012).

Plus tard, la prise de conscience croissante de la quantité de données et d’informations dans le monde a généré de nouvelles réponses, des technologies émergentes capables de s’attaquer aux mégadonnées, telles que les technologies des graphes ou sémantiques[18]. Comme nous le savons tous, avant même que le mot à la mode « big-data » ne soit inventé, les premiers grands centres de données étaient (et sont peut-être encore) des dépôts d’archives. En conséquence, ces technologies émergentes peuvent être extrêmement utiles pour la description archivistique, permettant de nouvelles relations, de nouvelles connexions entre les entités archivistiques et ouvrant la voie à des interactions transdisciplinaires.

L’évolution de la pensée archivistique et de la manière dont la technologie peut servir les représentations des documents d’archives a affecté, bien sûr, la façon dont les normes descriptives ont été élaborées. Afin de lire et de comprendre les outils de recherche traditionnels en papier, depuis plus d’un siècle, les utilisateurs des services d’archives ont dû passer par un processus d’initiation dans chaque dépôt d’archives, sur l’organisation des fonds, la structure d’agrégation des documents et l’utilisation d’instruments de recherche spécifiques. En revanche, l’ISAD(G) était censée ouvrir la possibilité d’une certaine identité d’expression (lire « normalisation ») dans les instruments de recherche à travers les pratiques locales (ISAD(G), I.7), et ainsi faciliter l’accès et la compréhension des archives, même si en pratique, cela ne l’était pas nécessairement[19]. La norme a été conçue comme une expression des principes d’archivage (comme on l’entendait à ce moment-là), et elle était aussi guidée par, et comme elle était reflétée dans, les instruments de recherche classiques, déjà familiers aux chercheurs en archives. À cet égard, compte tenu du moment où l’Énoncé des principes a été adopté (1992), on peut remarquer que l’expérience informatique dans les archives était encore limitée (Horsman, 2002, p. 16 ; Eastwood, 1990, p. 10-11), à la fois dans le développement et les technologies, ce qui a conduit à une vision plutôt simple de « ce que les ordinateurs peuvent faire pour créer des instruments de recherche[20] ». Il semble donc évident que les normes de l’ICA, ou du moins les deux premières, ont été élaborées en tenant compte de « l’expérience papier[21] ». Les membres du comité qui ont rédigé l’ISAD(G) semblent avoir tenté d’identifier les motifs communs à partir de leur expérience professionnelle et de choisir ce qu’ils jugeaient pertinent à partir de leur expérience, considérant qu’il servirait le mieux la communauté archivistique. Cependant, on peut remarquer une sorte de conservatisme – ou cela aurait pu être le résultat d’accommoder des perspectives différentes – dans l’élaboration des normes. Comme Peter Horsman l’a dit :

Paradoxalement – du moins il me semble – après la publication de l’essai de Cook, les archivistes canadiens ont abandonné le groupe de documents [note de traduction : le terme utilisé dans le texte original est Records group] et ont adopté le fonds comme le plus haut niveau de groupement, comme le ferait la Commission ad hoc de l’ICA sur les normes de description. Lorsque Cook a fondamentalement défini le fonds comme une sorte de réalité virtuelle, RDDA[22] et ISAD le considèrent toujours comme un rassemblement physique de documents, suivant la notion de Duchein plutôt que la pensée de Cook.

Horsman, 2002, p. 16, n. 44

Mais aujourd’hui, compte tenu de l’évolution [la révolution] technologique, il faut aussi remarquer qu’il existe une tendance différente dans les attentes. Ces jours-ci, les utilisateurs se trouvent dans un environnement socioculturel où les pratiques collaboratives et la réutilisation des informations (archivistiques) sont courantes. De plus, on attend d’une simple requête en chaîne de donner La Réponse (ou bien, une réponse). C’est donc un devoir professionnel de mettre à jour la façon dont les informations archivistiques sont décrites, bien plus qu’un besoin d’être « à la mode ». Dans cette perspective, les normes descriptives de l’ICA devraient être plus spécifiques, plus flexibles et adaptées aux exigences des nouvelles technologies afin de tirer pleinement parti de leur potentiel et de leurs nouvelles possibilités, sans oublier la nécessité d’une intégration avec d’autres domaines du savoir. Le véritable défi, cependant, est de savoir comment tout cela sera mis en oeuvre, en assumant en même temps la promotion des valeurs professionnelles avec pertinence à travers les âges et les technologies.

Il convient également de noter que l’adaptation des descriptions d’archives à certaines exigences technologiques peut aussi faire place à certains changements envisagés comme une amélioration de la pratique professionnelle. C’est le cas des « règles de description multiniveaux ». Dans une hiérarchie parfaite, avec une provenance, les règles de description à plusieurs niveaux sont nécessaires et utiles, afin de créer une description cohérente (Gilliland-Swetland, 2000, p. 19). Il y a cependant plusieurs problèmes avec cette approche, dont certains ont été longtemps et fortement prêchés par l’archiviste australien Chris Hurley[23]. Selon la perspective de l’ISAD(G), le classement – basé sur la provenance – devrait être une condition préalable à la description. Malgré cela, d’une certaine manière floue, mais toujours présente, il y a d’autres critères que la provenance et l’ordre original dans la description. Hugo Stibbe note : « Ces règles ont été conçues pour obtenir une construction logique de descriptions qui est supposée être universelle et à la fois économique à mettre en oeuvre et facile à adopter ou à adapter dans la construction des instruments de recherche » (Stibbe, 1998, p. 139). Par conséquent, non seulement la provenance est pertinente, mais elle est aussi logique[24]; c’est-à-dire qu’en raison de la complexité du réseau de relations autour de la création et de la gestion des documents, on impose un ordre (logique) qui non seulement rompt le but de l’ordre original et la provenance, mais introduit une nouvelle dimension – le subjectivisme de l’archiviste (alors la logique peut varier). Considérant le fait que, comme l’indique Chris Hurley « dans une taxonomie de garde des documents, les relations ne sont pas logiques, elles sont contingentes » (Hurley, 2012, p. 10), on pourrait convenir que la description du général au spécifique ou la non-répétition de l’information ne peut offrir un soutien complet pour décrire les relations contingentes, dans un arrangement « non logique ». Et, malgré le fait qu’elles soient pertinentes dans l’esprit d’ISAD(G), il faut remarquer que si les relations entre les entités archivistiques étaient plus souples, cela signifierait que chaque entité devrait être autosuffisante, ce qui signifie, en outre, que l’information serait répétitive dans une certaine mesure[25]. Une requête simple de récupération d’une entité « fichier » doit donner également quelques informations sur les niveaux supérieurs, afin d’être contextualisée.

En fait, non seulement les règles pour la description multiniveaux peuvent apporter des problèmes, mais la notion même de « niveau » également. L’ISAD(G) ne sait pas clairement si les niveaux de description diffèrent des unités de description : un fonds (unité de description) ne peut pas être au niveau du fichier, évidemment, mais seulement au niveau du fonds. Et, tel est le cas avec toutes les autres unités de description. D’autre part, dans la logique des auteurs de l’ISAD(G), mettre l’accent sur les « niveaux » (également utilisé dans les RDDA ou le MAD[26]) impose l’idée de hiérarchie et de relations verticales qui, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, est pour le moins incomplète, du point de vue de l’éventail des relations.

5. ENTITÉS DESCRIPTIVES D’ARCHIVES

Au début du développement des normes de l’ICA, l’ISAD(G) était l’élément central. Ce qui impliquait que la description archivistique devait se concentrer sur les documents, les vrais objets archivistiques. Dans un premier temps, comme c’est encore visible, le contexte général de la provenance et le contexte des documents ont été intégrés dans la description des documents[27]. Par la suite, les organisations créatrices (sujet de l’ISAAR(CPF)) ont été considérées comme des points d’accès, bien que certains auteurs aient conscience de leur importance accrue dans la représentation de l’environnement pour les documents (Stibbe, 1992, p. 120-123)[28]. Plus tard, ces deux piliers ont été étendus avec des fonctions, comme il a été remarqué que les documents ne sont pas nécessairement organisés/contextualisés par des unités des créateurs, mais plutôt par des fonctions, notamment dans les bureaucraties modernes et dynamiques (ISDF, I.3-I.6)[29].

L’accord sur la nécessité de ces principaux éléments de la description archivistique n’a pas résolu les complexités du domaine archivistique. Par exemple, la lutte intellectuelle des différentes traditions et pratiques concernant l’utilisation de fonds, de séries ou de groupes de documents est bien connue. Initiée comme une tradition européenne, le fonds d’archives a également influencé la pratique nord-américaine, en fondant le concept de « groupe de documents ». À la suite de l’Australien Peter Scott, qui a fondé « le cas de l’abandon » de ces concepts en faveur de ce qui allait devenir l’« Australian Series System », a commencé au Canada un processus de redécouverte de la provenance et de renforcement du concept de fonds comme entité conceptuelle. Les positions radicales ou plus équilibrées ont souligné les avantages et les inconvénients des deux approches[30]. Il est clair cependant que l’approche européenne initiale, considérant le fonds comme une réalité physique monohiérarchique, a été transformée par l’interprétation australienne et canadienne du fonds comme une construction conceptuelle, une réalité virtuelle plutôt qu’un objet tangible (Cook, 1992, p. 73-74)[31].

Des visions, comme celles de Laura Millar, Peter Horsman ou Geoffrey Yeo, avaient complexifié le monde des entités archivistiques encore plus. Essentiellement, ces interprétations affirment que dans les archives il n’y a pas de fonds (et, on pourrait ajouter, aucune série), car presque jamais « l’ensemble des documents » n’aurait pu être conservé, puisqu’il était « organiquement » créé par leurs créateurs. Les archives ne contiennent que des « restes » du fonds idéal (Millar, 2002, p. 7), qu’on pourrait appeler « groupe de documents » (Horsman, 2002, p. 20-21) ou « collections » (Yeo, 2012, p. 52-53 ; 57-58).

Ancrée par son lien étroit avec le fonds en tant qu’objet physique, l’ISAD(G) reste à l’écart de ces débats, sa dénomination claire d’unités de description indiquant la tradition archivistique européenne – qui est au moins « politiquement incorrecte » en ce qui concerne d’autres traditions. La véritable question, cependant, est que malgré un réseau de relations plus vaste que prévu initialement (document d’archives + autorités + fonctions), la description archivistique telle qu’elle est décrite par les normes de l’ICA ne fournit pas suffisamment de moyens pour révéler des contextes plus complexes[32], ni l’intégration et la perspective sur les relations des entités concernées, ni des points d’intégration suffisants avec d’autres espaces culturels, afin de transformer l’information archivistique isolée en information intégrée :

Ce qui semble être nécessaire [note G. Yeo] c’est un cadre plus riche qui ne nous oblige pas à imposer un seul ensemble de frontières (...) L’intérêt croissant pour les entités de modélisation et leurs relations reflète une prise de conscience croissante dans notre domaine que les associations logiques de documents dépassent les documents eux-mêmes et embrassent les relations avec d’autres entités dans le monde plus large. Il s’agit notamment de relations non seulement avec les créateurs et les fonctions (commerciales), mais potentiellement aussi avec les collectionneurs et les dépositaires, dont le rôle est largement ignoré dans les normes existantes.

Yeo, 2012, p. 71

6. VERS UNE NOUVELLE APPROCHE : RECORDS IN CONTEXTS

En lisant les lignes ci-dessus, on pourrait comprendre que l’ISAD(G) et les normes qui l’accompagnent sont les pires produits jamais créés. Vu la quantité de littérature critiquant le travail des « pères fondateurs » de la normalisation descriptive de l’ICA, il peut paraître surprenant que quelqu’un utilise encore ces normes dans la pratique. Cependant, de telles intentions sont loin de ce que nous suggérons. Nous considérons l’ISAD(G) comme l’un des jalons les plus importants de l’histoire de la science archivistique, qui a permis de résumer/rassembler, à l’échelle internationale, les expériences professionnelles de nombreux pays. Peut-être n’était-elle pas parfaite, comme c’est le cas pour les oeuvres humaines ; mais sans elle, beaucoup des apprentissages pratiques qui ont conduit la profession vers de nouveaux domaines de compréhension n’auraient jamais existé[33].

Avec l’avènement de la technologie en réseau, de l’information interreliée et communiquée, le regroupement général des connaissances humaines, le besoin d’une identification plus claire des services que notre profession peut offrir a été ressenti. Tant que chaque discipline ou institution a travaillé en fonction de son propre mandat, indépendamment de l’exécution de leurs tâches, chacun a construit ses propres règles et pratiques, en essayant d’atteindre ses objectifs dans les meilleures conditions. La société (post)moderne a rompu et continue de briser les frontières, dans un monde transdisciplinaire et mondialisé. Quel est, dans un tel environnement, le rôle de la science archivistique ? Qu’est-ce que la science archivistique apporte au monde ? Quelles sont les spécificités de notre profession et sont-elles pertinentes ? De telles questions « philosophiques » ont été posées et de nombreuses réponses ont été données[34], mais derrière les réponses, il est nécessaire de manifester concrètement cette contribution, qui prouve la validité de l’approche archivistique (bien sûr, si c’est le cas, nous n’excluons aucune hypothèse). Dans cet environnement, comme souligné, les défis pour le nouveau Groupe d’experts pour la description archivistique établi au sein de l’ICA étaient les suivants :

  • élaborer un modèle de référence unique pour les normes descriptives, permettant aux archivistes de décrire différents types d’entités archivistiques (documents d’archives, personnes morales, personnes ou familles et fonctions) et de documenter ces entités en relation les unes avec les autres à des moments précis, ou au fil du temps [...] ;

  • clarifier des concepts clés tels que « Fonds », « Mandat », « Fonction », « Niveaux de description » ;

  • examiner les relations conceptuelles qui sous-tendent les normes de l’ICA, afin de faciliter l’échange d’informations archivistiques, bibliographiques et muséales (ICA/CBPS, 2012a, p. 15).

La vaste littérature citée ci-dessus (qui n’en est pourtant qu’une petite partie) montre les défis de la profession au coeur même de sa théorie et de sa pratique. Certaines des réponses que l’EGAD a tenté de fournir ne sont donc pas des caprices théoriques, mais des demandes de la communauté professionnelle et, dans de nombreux cas, des besoins pratiques qui requièrent des solutions.

Compte tenu de l’accumulation antérieure des fonds dans la profession d’archiviste, des lacunes identifiées dans l’application des quatre normes descriptives de l’ICA, des opportunités technologiques actuelles et du besoin d’interconnexion avec les professions apparentées, le Groupe d’experts pour la description archivistique a commencé à élaborer un modèle conceptuel de description archivistique qui sera doublé par une ontologie des entités archivistiques[35]. Les entités archivistiques et les relations qui les relient seront au coeur du modèle conceptuel. Ces relations, séparément et conjointement, permettent de révéler des contextes différents dans lesquels les documents prennent part ; c’est pourquoi le modèle conceptuel a été appelé Records in Contexts (RiC).

Le modèle conceptuel prenait également en compte des modèles différents de l’Espagne, de la Finlande et de l’Australie. Fondamentalement, RiC définit huit entités archivistiques spécifiques et dix entités partagées, communes avec d’autres domaines connexes. Chaque entité d’archivage est caractérisée par un ensemble de propriétés, certaines spécifiques, certaines partagées. L’identification des valeurs de ces propriétés pour les entités mène, fondamentalement, à la description archivistique. En outre, chaque entité à été conçue comme ayant une riche gamme de relations, aussi bien entre des entités de mêmes types que de types différents, permettant de façonner différents contextes. [Note du traducteur : comme indiqué précédemment, les traductions françaises des concepts du RiC utilisées ici peuvent encore faire l’objet de modifications, voir note 30. Par commodité, le terme anglais est indiqué entre crochets.]

La première entité archivistique[36] est « Agent » [Agent] défini comme une « identité connue responsable de l’action et de la production d’effets ». En dépit du fait que les anciennes entités (personnes, familles et personnes morales) sont toujours considérées comme les principaux agents, la définition vise également les :

entités créées par une personne ou un groupe agissant pour le compte de l’Agent créateur – de manière autonome ou semi-autonome (par exemple, agents logiciels, sondes spatiales et sous-marines) qui génèrent des données (documents) qui remplissent la fonction ou la fonction mandatée par l’Agent créateur.

Le matériel d’archives a été divisé en 3 entités différentes : le document [record], comme l’élément de base des archives, la composante du document [record component] et l’ensemble de documents [record set]. Bien qu’il soit généralement convenu au sein de la profession que « l’unité fondamentale de description est l’agrégat » (Eastwood, 1990, p. 9), nous avons apprécié que pour les documents médiévaux, souvent décrits au niveau de la pièce, pour les papiers/fonds personnels ou pour les documents électroniques, il peut être utile de prendre en compte la description de l’élément et, même plus « profondément », la composante des documents. Le document est considéré comme une :

information représentée sous quelque forme que ce soit, sur tout support durable, par quelque méthode que ce soit par un agent au cours de la vie ou des événements et des activités de travail. Ces informations peuvent servir à diverses fins, y compris la documentation des événements et des activités. En raison de sa relation avec les événements et les activités, il sert de preuve pour celles-ci.

Le composant du document est défini comme « élément d’un document avec un contenu d’information discret qui contribue à l’intégrité physique ou intellectuelle du document ».

Des discussions ont été menées au sein de l’EGAD sur la désignation de « collections » de documents. Comme le terme « agrégations » est assez répandu, c’était une option de l’utiliser, afin de dénommer n’importe quel groupe de documents, de manière agnostique dans le débat série/fonds, par exemple. Finalement, il a été convenu d’utiliser le terme « ensemble », où les connotations mathématiques étaient intentionnelles. Un ensemble de documents [record set] est « un ou plusieurs documents regroupés par un ou des agents (p. ex., administrateur, gestionnaire de documents, archiviste, utilisateur final, etc.), où qu’ils résident et quels que soient les objets ou les relations qu’ils partagent entre eux (par exemple, une même provenance, documentant la même activité d’affaire, être des états différents du même document, être la même forme documentaire, concernant le même sujet, etc.) ». Tel qu’il est défini, « l’ensemble des documents » couvre également le concept précédent des unités de description (fonds, sous-fonds, séries, dossiers), mais peut également couvrir les associations ad hoc créées, par exemple, lors des opérations de traitement. Il est destiné à être un terme générique, en aidant à dénommer toute agrégation de documents et à la décrire en conséquence aux pratiques archivistiques. Comme on peut le remarquer, l’approche tient compte de la perspective de provenance, mais aussi d’autres modes d’association pour les documents, y compris le classement basé sur la pertinence. Ainsi, le RiC pourrait être le pont unificateur entre les principes de provenance et de pertinence.

La façon dont l’agent interagit avec les documents est définie par 4 entités. La fonction [function] est « tout objectif, responsabilité ou tâche de haut niveau assigné à l’ordre du jour de la responsabilisation d’une personne morale par une loi, une politique ou un mandat. Les fonctions sont ensuite décomposées en un ensemble connexe d’activités ». L’activité est « une transaction ou un ensemble d’opérations interdépendantes employées dans la réalisation de l’objectif ou des objectifs d’une fonction ». L’activité décrit comment un agent réalise une fonction. Les règles [rules] sont des « règlements qui régissent la façon dont une fonction est réalisée ou l’(les) activité(s) est(sont) réalisée(s). Cette(ces) règle(s) peuvent se présenter sous la forme d’un plan (par exemple, une séquence (calendrier) comportant des jalons, des activités spécifiques et des sous-fonctions) ». Enfin, le mandat [mandate] est défini comme « un acte dans lequel un ou plusieurs agents autorisent et attribuent la responsabilité d’une ou de plusieurs fonctions, activités ou professions à un ou plusieurs agents ».

Les entités partagées sont : Lieu, Date, Occupation, Fonction (résumé), Forme documentaire, Sujet (résumé), Figure/Personnage/Être, Événement nommé, Période dénommée, Mouvement [Place, Date, Occupation, Function (abstract), Documentary Form, Subject (abstract), Figure/Character/Being, Named Event, Named Period, Movement]. Dans leur mise en oeuvre, ils peuvent être liés à des vocabulaires contrôlés et servir de point d’accès pour récupérer des informations et établir des liens avec d’autres ressources informatives.

Les propriétés considérées comme étant partagées par les dix-huit entités sont :

  • Identifiants [Identifiers] (identificateur persistant global et identificateur local) permettant une identification unique de l’entité, même dans un cadre global ;

  • Nom (titre) [Name (title)] de l’entité ;

  • Une note générale [General note], qui « est utilisée pour toute description textuelle de l’entité qui n’est pas autrement adressée par une propriété explicite ».

Pour les entités principales (« premier ordre »), il existe des caractéristiques définies, certaines communes à toutes, certaines spécifiques. Étant donné qu’une présentation exhaustive de toutes les propriétés de toutes les entités ne relève pas de la portée de cet article, nous présenterons brièvement quelques-unes des propriétés pour les documents et les ensembles de documents.

Un document, en tant qu’entité dans RiC, est caractérisé par les propriétés suivantes :

  • Dates, recensant tous les types de données liées à l’entité (date de création, date de constitution, date de début de validité, date de fin de validité, date de capture, date d’ouverture, date de transfert, date de disposition, etc.) ;

  • État du document, reflétant le statut diplomatique de la transmission du document : projet, original, copie, etc. ;

  • Une propriété (à déterminer) caractérisant le statut de classification ou d’ordonnance ;

  • Note d’authenticité et d’intégrité, décrivant la caractéristique de l’authenticité et l’intégrité de l’enregistrement ;

  • Note de portée et contenu, répondant aux mêmes objectifs que dans ISAD(G) ;

  • Note de qualité de l’information qui comprendra une description des « conditions d’un enregistrement qui ont une incidence sur la qualité de l’information enregistrée, et donc son utilisation. De telles conditions peuvent être associées à la qualité de l’information lors de la création du document (comme une mauvaise qualité de capture d’image) ou à la détérioration du document (ou de la perte d’information) au fil du temps » ;

  • Une propriété (à décider) définissant les caractéristiques de la fiche documentaire du document ;

  • Type de contenu (indiquant la façon dont les humains expérimentent l’information : texte, matériel pictural, musique notée, matériel graphique, matériel géographique) et propriétés liées au contenu (Type de média – « type général d’intermédiation requis pour visionner, jouer, le contenu de l’enregistrement » ; Type de codage – « informations sur la forme logique de l’information représentée numérique », Langue) ;

  • Type de transporteur, défini comme « le matériel physique dans ou sur lequel l’information est représentée » ;

  • Technique de production, identifiant « le procédé utilisé pour la représentation d’informations sur le transporteur » ;

  • Étendue, en identifiant la « quantité, les dimensions physiques, la taille logique ou la durée de l’enregistrement » ;

  • Historique du document, qui est destiné à enregistrer que « l’histoire peut inclure des évènements liés à la garde, les mesures prises dans le dossier dans le cadre de sa gestion (évaluation, description, classification et reclassement, la migration de stockage de données, les conversions de type d’encodage, etc.). Qui ont contribué à son état au moment de la description » ;

  • Conditions d’accès, indiquant les règlements ou les aspects physiques qui peuvent entraver l’accès au document ;

  • Droits indiquant l’utilisation équitable des documents, une fois l’accès accordé.

Ces propriétés reflètent la caractérisation d’une unité de description par des éléments descriptifs dans ISAD(G), avec quelques différences permettant une meilleure description pour les documents électroniques.

Un changement plus important dans les propriétés se produit lors de la caractérisation des entités d’ensemble de documents. Les propriétés sont divisées en :

  • Propriétés des ensembles de documents (comme un tout) : Type de l’ensemble de documents ; Statut d’accroissement ; Dates de l’ensemble de documents ; Histoire de l’ensemble de documents ; Accroissement ; Classification ; Note d’authenticité et d’intégrité [Record Set Type ; Accrual status; Dates of Record Set ; History of Record Set; Accrual; Arrangement ; Authenticity and Integrity Note] ;

  • Propriétés résumant les contenus des documents ou de l’ensemble de documents : Dates des ensembles des documents ou des documents contenus ; Note de portée et de contenu ; Étendue [Dates of contained Record Sets or Records; Scope and Content Note ; Extent] ;

  • Propriétés qui peuvent être partagées par tous les documents descendants : État du document ; Code de classification ; Forme documentaire ; Type de contenu ; Type de transporteur ; Type d’encodage ; Type de support ; Langue ; Caractéristiques physiques ; Technique de production ; Conditions d’accès ; Droits [Record State ; Classification Code ; Documentary Form; Content Type ; Carrier Type ; Encoding Type ; Media Type; Language; Physical Characteristics; Production Technique ; Conditions of Access; Rights].

On peut remarquer que cela est destiné à établir une plus grande précision dans la description des caractéristiques d’une agrégation de documents. Comme nous l’avons invoqué ci-dessus, les dates d’un fichier résultent des dates du plus ancien et du plus récent document se trouvant à l’intérieur. Mais, la création du fichier lui-même, comme l’agrégation (lire l’ensemble) peut dater d’un autre moment, et, dans un certain contexte, cela pourrait avoir sa pertinence.

Le changement le plus significatif serait celui de la « zone de relation », qui permet fondamentalement d’établir une relation avec toutes les autres entités dans le modèle : Note d’agent associé ; Note de lieu connexe ; Note de document connexe ; Note de composante de document connexe ; Note d’ensemble de documents connexes ; Note de fonction ou d’activité connexe ; Note de mandat connexe ; Note de règle connexe [Related Agent Note ; Related Place Note; Related Record Note; Related Record Component Note; Related Record Set Note; Related Function or Activity Note; Related Mandate Note ; Related Rule Note]. Les relations ne sont pas nécessairement hiérarchiques, mais tiennent également compte de ce point de vue. Un exemple imaginaire de relation peut ressembler à ceci :

Tableau 1

Exemples de relations entre entités

Exemples de relations entre entités

Tableau 1 (suite)

Exemples de relations entre entités

-> Voir la liste des tableaux

Compte tenu de la technologie des graphes, on s’attend à ce que la création de relations de cette manière permette un degré plus élevé d’intégration de la description archivistique et facilitera une récupération meilleure et plus précise des informations existantes dans les archives.

CONCLUSION

Que deviendra le RiC ? Modifiera-t-il les quatre univers de normes descriptives de l’ICA ? Nous osons dire que ce seront les quatre normes et bien plus encore. C’est un effort d’abstraction de nos principes et de nos pratiques professionnelles, afin de rendre les ressources archivistiques et la perspective archivistique plus pertinentes pour le monde. Il permettra une description indépendante de l’histoire de chaque entité archivistique. Il acceptera des descriptions révélant des provenances et des contextes variés, ainsi que pour des entités granulaires ou collectives. Il permettra une plus grande possibilité d’exploitation du riche réseau de relations entre entités, en tenant compte de diverses perspectives, de la pertinence à la provenance, de la description officielle à la participative. Il y a un espoir fondé qu’il permettra l’intégration de la description des documents électroniques, de même que la mise à jour des pratiques professionnelles vers le nouveau type de documents. Cependant, dans l’ensemble, grâce à sa flexibilité et à l’expression graphique des relations, à l’aide des technologies du Web sémantique, on s’attend à ce que les ressources archivistiques soient intégrées dans le vaste univers des connaissances électroniques partagées de l’Humanité.

Qu’en est-il de scopeArchiv ? Et bien, nous dirions que scopeArchiv est une représentation illusoire d’ISAD(G) et d’ISAAR(CPF). Avec ses possibilités de lier des agrégations physiques (versements ou conteneurs) avec des unités de description, avec les possibilités d’étendre des éléments de description comprenant des vocabulaires contrôlés, avec un thésaurus puissant qui offre une vue multidimensionnelle sur le contenu archivistique, nous dirions que ce n’est pas l’ISAD. C’est plutôt une manifestation du RiC.

Par conséquent, il n’y a pas à avoir peur : RiC sera l’ISAD(G) et beaucoup plus.