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En décembre 2018 et janvier 2019, l’exposition itinérante Calliope Autriche : les femmes dans la société, la culture et la science était de passage à la Bibliothèque des lettres et sciences humaines de l’Université de Montréal dans le cadre de la série d’événements Lettres d’Autriche, une collaboration entre le Centre canadien d’études allemandes et européennes et le Forum culturel autrichien de l’Ambassade d’Autriche à Ottawa. Traduite en français pour l’occasion, elle y a fait escale après avoir été présentée en anglais dans plusieurs villes canadiennes depuis 2017 – parmi d’autres Toronto et Moncton ainsi que les universités de Waterloo, McMaster, Dalhousie, Memorial et l’Université de la Colombie britannique à Vancouver.

Cette exposition constitue un complément au répertoire biographique Calliope Austria, publié par le Forum culturel autrichien, qui présente le parcours de plusieurs femmes autrichiennes issues des horizons politique, scientifique, culturel ou éducatif. Qu’elles soient devenues célèbres ou non, leurs réalisations ont inspiré autant leurs contemporain.e.s que la génération actuelle.

Image de l’exposition Calliope Autriche à la Bibliothèques des lettres et sciences humaines à l’Université de Montréal

© Elisabeth Tutschek

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Chacun des dix panneaux regroupe les moments marquants du parcours personnel et professionnel de quatre ou cinq femmes autour d’un même angle, offrant ainsi au visiteur un parcours thématique et chronologique qui s’ouvre au début du 19e siècle, pendant la période Biedermeier, et se termine à l’époque contemporaine. La visite se concentre uniquement sur la lecture des panneaux puisqu’aucun artefact ne vient compléter l’exposition. Ce cheminement est néanmoins enrichi par la consultation de quelques oeuvres produites par ces femmes remarquables, complétées par des biographies et commentaires, puisées dans les riches collections documentaires des Bibliothèques de l’Université de Montréal.

C’est véritablement le thème de l’émancipation de la femme autrichienne qui sert de fil conducteur à ce parcours accidenté, fait d’avancées et de reculs répétés. Ce parcours exemplifie celui que les femmes ont dû emprunter dans l’ensemble des pays occidentaux depuis deux siècles, y compris en terre québécoise, pour que naissent les premiers mouvements féministes. Ainsi, le panneau « Briser le corset : le corps de la femme, caché et libéré » dévoile comment la dessinatrice de mode Emily Flöge (1874-1952), révoltée devant le port obligatoire des corsets, « ces carapaces de fanon (sic) de baleines et bandes en acier », créa une collection haute-couture de robes non cintrées, inscrivant ainsi sa création dans le mouvement de réforme de la robe victorienne (le « Reformkleid »).

Le panneau intitulé « Pour l’humanité et contre la guerre : la résistance dans les années sombres » est particulièrement intéressant puisqu’il souligne le fait que les femmes ont parfois su profiter du stéréotype d’« êtres naïfs et incultes » pour « obtenir plus de succès que les hommes dans leur résistance au nazisme ». En d’autres mots, la société semble avoir été plus tolérante envers ces femmes soupçonnées d’être trop stupides pour s’insurger de manière organisée. Irene Harand (1900-1975) apparaît à ce titre comme une résistante emblématique : elle cofonda en 1933 le Mouvement international Harand contre la haine raciale et la souffrance humaine. Elle publia même à ses frais, en 1935 (ou 1936), une réponse au Mein Kampf de Hitler dans laquelle elle s’employa à réfuter les préjugés antisémites colportés par le national-socialisme[1].

Enfin, nous soulignons la présence de l’actrice Hedy Lamarr, née Eva Maria Kiesler (1914-2000), sur le panneau « Pas seulement des muses : des femmes "bon vivant" et artistes ». Hedy Lamarr est principalement connue comme actrice en Europe et aux États-Unis. Toutefois, peu de gens savent qu’elle est l’inventrice de l’étalement de spectre par saut de fréquence, un système de guidage pour les torpilles radioguidées rendant impossible la détection de leur fréquence par l’ennemi. Ce système, élaboré en collaboration avec le pianiste et compositeur George Antheil, a fait l’objet d’un brevet émis par le Bureau des brevets américains en 1942. Mais c’est seulement en 1997 que l’Electric Frontier Foundation décida d’octroyer un prix au couple d’inventeurs et, en 2014, après leur décès, qu’ils seront immortalisés au le National Inventors Wall of Fame américain : une reconnaissance bien méritée, mais tardive, pour « la mère du Wi-Fi ».