Corps de l’article

Introduction

Le terme polyhandicap est défini différemment selon le pays. Par exemple, en France, il se caractérise par :

un dysfonctionnement cérébral précoce ou survenu au cours du développement, ayant pour conséquence de graves perturbations à expressions multiples et évolutives de l'efficience motrice, perceptive, cognitive et de la construction des relations avec l'environnement physique et humain, et une situation évolutive d'extrême vulnérabilité physique, psychique et sociale au cours de laquelle certaines de ces personnes peuvent présenter, de manière transitoire ou durable, des signes de la série autistique

LégiFrance, 2017, parag. 10

Le groupe de recherche d’intérêts spécifiques de l’International Association for the Scientific Study of Intellectual and Developmental Disabilities (IASSID) définit pour sa part le polyhandicap par une personne qui présente des incapacités intellectuelles profondes (QI < 20), des dysfonctions neuro-motrices profondes et qui présente également souvent des troubles sensoriels et des problèmes médicaux (Nakken et Vlaskamp, 2002). Au Québec, la définition retenue stipule que ces personnes doivent présenter des défis importants dans l’ensemble de leurs comportements adaptatifs, en plus de présenter des incapacités intellectuelles graves ou profondes (QI < 35) et des incapacités motrices persistantes et graves (Rivest, Lauzière, Lemieux et Élie, 1999). En France, la prévalence du polyhandicap se situe entre 0,7 et 1 naissance sur 1 000 (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis [UNAPEI], 2015). Notons qu’à notre connaissance, cette donnée n’est pas documentée dans notre province.

Au quotidien, la présence de limitations sur le plan cognitif, moteur et social représente un défi important lors de la mise en place d’intervention visant à développer les habiletés fonctionnelles des personnes présentant un polyhandicap (Houwen, van der Putten et Vlaskamp, 2014). Cela exige donc la mise en oeuvre d’un accompagnement permanent et soutenu tout au long de leur vie (Gauriat, 2007; Maes, Lambrechts, Hostyn et Petry, 2007; Office national d'information sur les enseignements et les professions [ONISEP], 2014). Cet accompagnement doit être basé sur la reconnaissance du potentiel de ces personnes, en vue de leur offrir des occasions de développer leurs habiletés et ainsi leur permettre une meilleure participation sociale (Réseau international sur le Processus de production du handicap [RIPPH], 2015; UNAPEI, 2015). Selon Lancioni et ses collaborateurs (2013c), l’amélioration de la participation sociale de ces personnes passe notamment par la mise place des conditions nécessaires pour favoriser leur pouvoir d’agir sur l’environnement. Au Québec, ce sont les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et les centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) qui ont pour mandat d’offrir des services aux personnes qui présentent un polyhandicap par le biais des programmes en déficience intellectuelle, trouble du spectre de l’autisme et déficience physique (DI-TSA-DP). Depuis près de 10 ans, l’un des moyens mis en place pour soutenir les personnes présentant un DI ou un TSA dans ces milieux est l’intégration de technologies (Lachapelle et al., 2017). Plus précisément, les intervenants ont recours à l’intervention technoclinique qui se définit comme étant « une modalité d’intervention utilisant les technologies numériques dans une visée d’adaptation et de réadaptation auprès de personnes présentant des déficiences ou des incapacités » (Lussier-Desrochers, 2016, p. 14). L’intervention technoclinique s’est avérée une méthode efficace auprès de plusieurs clientèles (DI, TSA, personne vieillissante) pour l’atteinte de nombreux objectifs (p. ex., développement des habiletés fonctionnelles, autonomie, indépendance; Lussier-Desrochers, 2017). D’ailleurs, plusieurs types de technologies peuvent être utilisées, dont les technologies mobiles, la robotique, la domotique ou la réalité virtuelle (McNaughton et Light, 2013). Ainsi, considérant que le virage numérique est omniprésent dans le secteur de la DP, la DI et le TSA, il nous a apparu nécessaire de vérifier si des études scientifiques ont été réalisées sur l’utilisation de technologies auprès des personnes qui présentent un polyhandicap. Ces informations permettront de documenter le potentiel de ces technologies, lorsqu’utilisées auprès de cette clientèle.

Méthode

Une première revue de la littérature a été effectuée en 2016, puis une mise à jour a été réalisée en 2018 dans les bases de données PsycINFO et ERIC. Concernant la sélection des mots clés, deux groupes ont été formés, soit un premier pour représenter la clientèle et un second pour la technologie. Les mots clés choisis pour représenter les personnes présentant un polyhandicap sont « multiple disabilities » et « profound intellectual disability ». Cette sélection a été un défi en raison de l’absence de consensus sur le plan international quant à la terminologie préconisée. Ainsi, le choix s’est inspiré de l’étude sur la taxonomie réalisée par Nakken et Vlaskamp (2007) qui rapportent que les termes nommés précédemment sont ceux étant les plus adéquats pour représenter la clientèle. Ils correspondent d’ailleurs à la définition québécoise du polyhandicap présentée puisque « profound intellectual » concorde avec la présence d’un QI inférieur à 35 et « multiple disabilities » correspond à la présence d’incapacités motrices et déficits dans les comportements adaptatifs (Rivest et al., 1999). Pour le deuxième groupe de mots clés, « technology », « assistive technology » et « information technology » ont été utilisés.

Avant d’effectuer le repérage des écrits, deux critères d’inclusion et d’exclusion ont été apposés. Le premier concerne l’année de publication. Seulement les études réalisées après 2006 ont été sélectionnées considérant l’évolution rapide des technologies. Le deuxième critère a permis d’inclure que les articles ayant été révisés par les pairs. Ainsi, un total de 318 études ont été identifiées. Afin de réduire le nombre d’articles, un premier tri a été réalisé et l’ensemble des articles abordant l’utilisation de basse technologie (low tech) ont été exclus (p. ex., prothèse, canne, lève-personne). De plus, un second tri a été réalisé en fonction des caractéristiques des participants. Seulement les études dont les participants présentaient une déficience intellectuelle allant de sévère à profonde et ayant des difficultés motrices ont été incluses. Il est à noter qu’aucun critère concernant l’âge des participants ou un contexte d’intervention précis n’a été ciblé.

Résultats de la recension

Au final, 33 articles ont été retenus au terme de ce processus dont certains comprennent plus d’une étude. Ainsi, 39 études ont documenté l’utilisation de la technologie numérique pour soutenir l’intervention auprès des personnes qui présentent un polyhandicap. Plus précisément, les articles de Lancioni, Singh et al. (2009b), Lancioni, Singh et al. (2012b), Lancioni, O’Reilly et al. (2013a), Lancioni, Singh, O’Reilly, Sigafoos et al. (2013d) et de Tota et al. (2006) présentent deux études ou plus dans leur article. Les Tableaux 1 à 7 (voir à la fin du texte) présentent les caractéristiques des études retenues dans la recension.

Au final, ces études ont été regroupées en quatre catégories de technologies :

  1. microrupteurs (n=36);

  2. systèmes de reconnaissance optique (n=1);

  3. commandes de jeu vidéo (n=1);

  4. dispositif de synthèse vocale (n=1).

De plus, il a également été possible de regrouper les articles en quatre domaines d’intervention :

  1. la communication (n=19);

  2. la motricité (n=8);

  3. la réduction de comportements indésirables (n=7);

  4. le développement de l’autonomie (n=5).

Ces chiffres comprennent les articles ayant plus d’une étude incluse. Les deux études présentées dans les articles de Lancioni, Singh et al. (2009b) et Tota et al. (2006) correspondent au même domaine d’intervention, soit la communication. L’article de Lancioni, Singh et al. (2012b) présente trois études de cas du domaine de la motricité. L’article de Lancioni, O’Reilly et al. (2013a) présente quant à lui deux études du domaine de la réduction des comportements indésirables. Finalement, l’article de Lancioni, Singh, O’Reilly, Sigafoos et al. (2013d) présente pour sa part une étude du domaine de la réduction d’un comportement indésirable et une autre du domaine de l’amélioration de la posture.

En somme, pour faciliter la compréhension du lecteur dans cet article, les études recensées sont présentées selon les quatre catégories de technologies nommées plus haut. Pour chacune d’elles, les domaines d’interventions visés par l’utilisation de la technologie ainsi que les principaux résultats sont précisés.

Les microrupteurs

La première catégorie de technologie concerne les microrupteurs. Il s’agit de dispositifs technologiques qui permettent une interaction entre la personne et son environnement à partir de gestes minimes (Lancioni, Tota et al., 2007b). Des détecteurs de mouvements (généralement composés de puces, de caméras et/ou d’outils optiques) sont à la base du fonctionnement de cette technologie qui est directement branchée sur un ordinateur (Lancioni, Tota et al., 2007b). Concrètement, lorsque la personne exerce le mouvement souhaité, le système active une réponse préalablement sélectionnée. Il peut s’agir par exemple de l’activation d'une pièce musicale, de sons d’animaux, la voix de personnes familières ou encore des vibrations. Le microrupteur peut également enclencher des réponses dans l’environnement comme l’ouverture d’un ordinateur, le changement de poste d’une radio ou l’appel d’un préposé dans un centre d’hébergement (Lancioni, Tota et al., 2007b). Cette technologie peut donc être utilisée conjointement avec d’autres dispositifs électroniques tels que des ordinateurs, des téléphones cellulaires ou des radios. Il s’agit actuellement du dispositif le plus fréquemment décrit dans la littérature scientifique en lien avec le polyhandicap. Il a été utilisé dans les domaines de la communication, la réduction de comportements indésirables ainsi que le développement de l’autonomie.

Domaine d’intervention : communication. Selon différentes études, les personnes présentant un polyhandicap éprouvent généralement de grandes difficultés à interagir avec leur environnement (Lancioni et al., 2012a; UNAPEI, 2015). Encourager l’expression de ces personnes représente d’ailleurs un défi de taille qui impose de « revisiter les dispositifs de recueil de la volonté des personnes » (UNAPEI, 2015, p. 1). Ainsi, différentes études recensées ont documenté les effets de l’utilisation de microrupteurs pour favoriser la communication de ces personnes, notamment sur le contrôle d’une réponse motrice ainsi que sur l’expression de choix. Pour plus d’information, le Tableau 1 (disponible à la fin du texte) présente les caractéristiques de chacune de ces études.

Contrôler une réponse motrice. Lancioni et ses collaborateurs (2007b, 2010a, 2011a, 2012a, 2013c, 2014a, 2014d) ainsi que Tota et ses collaborateurs (2006) ont évalué si la présentation de stimuli pouvait augmenter les réponses motrices chez des personnes présentant un polyhandicap. Par la suite, ces derniers ont analysé si ces réponses motrices pourraient éventuellement devenir volontaires et donc agir comme des moyens de communication efficaces entre les participants et leur entourage. Bâties sous un même type de procédure d’intervention (ABAB), ces études ont déterminé des réponses ciblées à partir des recommandations de l’entourage des participants et leur diffusion était subséquente à l’apparition des mouvements désirés tels que le mouvement :

  1. de la tête (Lancioni et al., 2014a; Lancioni et al., 2014d);

  2. du menton ou de la main (Lancioni et al., 2007b; Lancioni et al., 2014a; Lancioni et al., 2014d);

  3. de plissement du front (Lancioni et al., 2013c);

  4. de la bouche (ouverture, fermeture ou la formation d’un sourire; Lancioni et al., 2010a; Lancioni et al., 2011a; Lancioni et al., 2012a; Lancioni et al., 2014a);

  5. de la paupière ou de l’oeil (élévation, fermeture d’une ou des deux paupières, clignement d’un oeil; Lancioni et al., 2007b; Lancioni et al., 2010a; Lancioni et al., 2011a; Lancioni et al., 2012a; Tota et al., 2006);

  6. d’élévation d’un sourcil (Lancioni et al., 2011a).

Constats. Le but de ces études était principalement d’évaluer si cette technologie pouvait permettre de favoriser l’apparition de réponses motrices, et ce, dans l’objectif éventuel de cibler des moyens de communication entre ces personnes et leur entourage. Par le monitorage de la fréquence et des moments d’apparition des comportements désirés, les auteurs ont constaté une augmentation dans la fréquence des réponses ciblées chez les participants lors des phases d’intervention, comparativement aux phases de base (Lancioni et al., 2010a, 2013c, 2014a, 2014d; Tota et al., 2006). De plus, les autres études rapportent que ces résultats sont significatifs avec une valeur de p < 0,01 (Lancioni et al., 2007b, 2011a, 2012a; Tota et al., 2006) et de p < 0,05 (Tota et al., 2006). D’ailleurs, les auteurs suggèrent que ces résultats peuvent démontrer qu’un apprentissage lié au contrôle d’une réponse motrice chez les participants a été réalisé puisque l’utilisation des microrupteurs a permis de stimuler le développement moteur chez des personnes présentant un polyhandicap.

Expression d’un choix. Lancioni et ses collaborateurs (2006a; 2006b; 2007a; 2009a; 2009b; 2011b; 2011c; 2014e) ont expérimenté l’utilisation de systèmes de microrupteurs afin d’évaluer si cette pratique pouvait augmenter les opportunités d’interaction de la personne avec l’environnement, notamment par l’expression de préférences. Ces auteurs présentent des interventions utilisant les microrupteurs afin que les participants puissent choisir un stimulus (Lancioni et al., 2006b; 2007a; 2009a; 2009b; 2011b; 2014e), alors que deux études ajoutent aussi la possibilité de demander une relance d’un stimulus (Lancioni et al., 2006a; 2011c).

Choisir un stimulus. Tout d’abord, les études qui abordent précisément la capacité à choisir un stimulus ont été réalisées par Lancioni et ses collaborateurs entre 2006 et 2014 (Lancioni et al., 2006b; 2007a; 2009a; 2009b; 2011b; 2014e) utilisant le même devis de recherche (ABAB). Lancioni et al. (2006b, 2007a, 2009b) proposent l’utilisation d’un système informatique muni de microrupteurs qui présente un échantillon de stimuli préalablement identifiés par l’entourage de la personne comme étant ses préférés ou non. Afin de se faire présenter le choix de stimuli, les participants devaient effectuer un mouvement de la tête ou de la main. Par la suite, l’émission d’un son (discriminé comme « oui » ou « non » par le système informatique) permettait de distinguer les préférences de la personne et donc le déclenchement ou non d’un stimulus présenté. Les autres études ont utilisé des procédés semblables, mais se distinguent quant à la réponse émise par les participants, soit l’expression d’un sourire (Lancioni et al., 2011b; 2014e) ou encore par la présence de deux technologies combinées (microrupteurs et Voice-output communication aids [VOCA]) lors de l’expérimentation (Lancioni et al., 2009a; voir Tableau 1 à la fin du texte pour plus de détails).

Choisir un stimulus et demander une relance de stimuli. Les auteurs de ces études ont réalisé une intervention qui consiste à choisir un stimulus et ajoutent la possibilité de demander une relance de stimuli (Lancioni et al., 2006a; 2011c). L’intervention propose un stimulus au participant tout en lui offrant la possibilité de poursuivre au-delà de la période de présentation prédéterminée. Par l’émission d’une réponse préalablement ciblée, la personne active le microrupteur, ce qui permet le maintien ou la relance de ce même stimulus. Plus précisément, les auteurs ont observé si les participants pouvaient exprimer un désir de relance à l’aide d’une réponse vocale (Lancioni et al., 2006a) ou encore à l’aide de la fermeture partielle de leur main droite ou gauche (Lancioni et al., 2011c).

Constats. Concernant le choix d’un stimulus, les études démontrent que les personnes présentant un polyhandicap ont la possibilité de s’exprimer grâce à des réponses minimales (Lancioni et al., 2006a; 2006b; 2007a; 2009a; 2009b; 2011b; 2011c; 2014e). Avec l’aide de microrupteurs, les participants ont été en mesure de sélectionner ou de relancer des stimuli environnementaux selon leurs préférences. D’ailleurs, concernant le choix d’un stimulus, seulement les auteurs d’une étude rapportent avoir réalisé le test Kolmogorov-Smirnov (Lancioni et al., 2006b). Des différences statistiquement significatives (p < 0,01) dans ce test lors de la présentation des stimuli préférés ont été observées entre les phases de base et d’intervention (Lancioni et al., 2006b). De plus, les auteurs rapportent que le test se révèle non significatif pour la présentation de stimuli non préférés dans cette même étude. Quant à l’étude de Lancioni et al. (2009a), les résultats obtenus montrent que la combinaison des deux technologies permet autant d’augmenter la fréquence des réponses chez les personnes que de favoriser l’interaction avec leur environnement. Enfin, les auteurs ont observé chez les participants un plus grand engagement à interagir avec l’environnement ainsi que des effets positifs sur l’humeur, et ce, à l’extérieur des séances d’intervention (Lancioni et al., 2007a; 2009b; 2011b; 2011c). En ce sens, des auteurs présument qu’à long terme, une amélioration de la capacité de la personne à s’exprimer est plausible avec de la pratique (Lancioni et al., 2011b; 2014e) et que cela pourrait favoriser leur autonomie et même leur autodétermination (Lancioni et al., 2007a; 2009b).

Domaine d’intervention : motricité. Les incapacités motrices sont une condition présente chez toutes les personnes présentant un polyhandicap, selon la définition retenue au Québec (Rivest et al., 1999). Ces incapacités peuvent se traduire notamment par des difficultés au niveau de la posture, de la déambulation et de l’exécution de certains mouvements (Lancioni et al., 2013d; 2014c). Ainsi, des auteurs se sont intéressés à l’utilisation de microrupteurs pour diminuer l’impact de ces trois difficultés (Lancioni et al., 2010c; 2012b; 2013d; 2014c; 2016; voir Tableau 2 présenté à la fin du texte pour plus de détails).

Amélioration de la posture. Les problèmes de posture peuvent avoir de graves conséquences pour les personnes présentant un polyhandicap notamment en contribuant à l’affaiblissement du cou, de la poitrine et des muscles de l’estomac (Lancioni et al., 2015b). En plus des problèmes de santé, une mauvaise posture risque d’entraver l’image sociale selon Lancioni et al. (2013d). Ainsi, dans la présente recension, deux études ont évalué si l’utilisation d’un amalgame de technologies comprenant des microrupteurs et élaboré selon les besoins spécifiques de chacun des participants peut favoriser la réduction de problèmes de posture (Lancioni et al., 2013d ; 2014c). Dans l’étude de Lancioni et al. (2013d), deux types d’intervention sont proposés pour répondre aux besoins et capacités spécifiques des deux participants selon une séquence ABB1AB1. Plus précisément, les phases A représentent celles de base, B celles d’intervention dans lesquelles les réponses adaptatives sont toujours suivies d'un stimulus préféré, tandis que les B1 représentent des phases d'intervention au cours desquelles les réponses adaptées de posture conduisent à un stimulus préféré, mais ce, uniquement en l'absence de posture inappropriée. Ainsi, la première intervention mise en place consiste à attacher un microrupteur optique sur l’appui-tête du fauteuil roulant qui active des stimuli préenregistrés lorsque la tête du participant est à une distance inférieure à 10 cm de l’appuie-tête. Pour le second participant, un microrupteur à pression est placé sur le dossier du fauteuil roulant et active des stimuli lorsque son tronc se trouve à moins de six centimètres du dossier. Quant à l’étude de Lancioni et al. (2014c), une séquence ABAB a été réalisée. Le participant était incité à effectuer des exercices précis dans l’optique d’améliorer sa posture, soit de garder sa tête droite et de pouvoir lever ses bras. Pour ce faire, des microrupteurs optiques ont été installés sur l’appui-tête et sur les côtés du fauteuil roulant.

Constats. Malgré le fait que les auteurs ne rapportent pas si les résultats sont significatifs ou non, Lancioni et al. (2013d; 2014c) rapportent que l’utilisation de microrupteurs augmente la fréquence de la réponse ciblée, soit une bonne posture. D’ailleurs, Lancioni et al. (2014c) croient que réaliser quotidiennement des interventions avec cette technologie pourrait engendrer des effets positifs, notamment sur la réduction de problèmes de posture chez les participants (positionnement de la tête, du tronc ou des bras). D’ailleurs, selon les auteurs, la mise en place d’intervention favorisant l’autodétermination (choix ou non d’adopter une posture) serait davantage renforçatrice pour la clientèle comparativement à l'utilisation de méthodes contraignantes (Lancioni et al., 2013d; 2014c).

Augmentation de la marche. Lancioni et ses collaborateurs (2010c) ont réalisé une étude pour augmenter la marche indépendante chez cinq enfants présentant un polyhandicap par l’utilisation de microrupteurs. Ces derniers étaient placés à des endroits précis pour chacun des participants en fonction de ses capacités de déambulation. Par exemple, pour certains participants, le capteur optique était placé sur les côtés de la marchette, alors que pour d’autres il s’agissait d’un bouton pression qui était placé sous leurs souliers. Lorsque les participants effectuaient un pas, le système activait un stimulus apprécié par le participant.

Constats. Parmi les 5 participants, un devis AB a été réalisé auprès de 1 participant (enjeu de temps) et un devis ABAB pour les 4 autres. Dans tous les cas, les résultats présentés par Lancioni et al. (2010c) montrent une augmentation de la marche lors de la phase d’intervention. Plus précisément, des différences significatives (p <0,01) dans la fréquence de réponse des enfants entre les phases de base combinées (A) et celles combinées d'intervention ou unique (B) pour l’un d’eux.

Exécution de mouvements. Concernant cette section, quatre études publiées dans deux articles de Lancioni et ses collaborateurs (2012b; 2016) ont évalué si l’utilisation de microrupteurs a un impact sur la fréquence de l’exécution de mouvements précis afin d’améliorer la motricité des participants. L’article de Lancioni et ses collaborateurs (2012b) présente trois études comprenant chacune un participant avec qui un devis ABAB a été réalisé. Les participants devaient produire des mouvements tels que : bouger la tête, le bras ou toucher un écran placé devant lui. Pour l’étude de Lancioni et ses collaborateurs (2016), un devis ABABB1BB1 a été utilisé auprès de deux participants. Toutefois, les résultats de seulement l'un des deux participants ont été considérés puisque le second ne correspondait pas aux critères d’inclusion déterminés quant au diagnostic de polyhandicap. Au sujet du déroulement de l’expérimentation, le participant devait se redresser afin d’atteindre le microrupteur placé devant lui. Lorsque le mouvement ciblé était capté, un stimulus apprécié par le participant était activé. Ainsi, la phase A représente celle de base dans laquelle un microrupteur est installé, mais aucun stimulus n’est produit. Quant à la phase B, elle correspond à la première phase d’intervention dans laquelle chaque activation du microrupteur engendrait un stimulus prédéterminé pour une durée de 10 ou 12 secondes, et ce, indépendamment du fait que le participant reste debout. La phase B1 représente une phase d’intervention avancée dans laquelle le participant devait, une fois le microrupteur activé, demeurer debout pendant les 10 à 12 secondes pour maintenir le stimulus.

Constats. Les résultats de chacune des études ont démontré que la mise en place de technologie comme le microrupteur peut favoriser l’exécution de mouvements moteurs ciblés chez les participants, et ce, de façon indépendante (Lancioni et al., 2012b; 2016). D’ailleurs, les résultats présentés dans l’étude de 2012b montrent une augmentation de la fréquence du comportement ciblé lors des phases d’intervention. De plus, celle de 2016 montre une différence significative (p <0,01) entre les phases B et B1. En somme, les auteurs de ces deux études mentionnent que ces résultats sont encourageants, car ces exercices peuvent réduire le risque de dégénérescence des habiletés motrices des participants en les pratiquant régulièrement à faire les mouvements ciblés (Lancioni et al., 2012b, 2016).

Domaine d’intervention : réduction de comportements indésirables. Sept études présentées dans six articles ont utilisé un devis à cas multiple comprenant des séquences AB plus ou moins variables pour chacune d’elles (Lancioni et al., 2008; 2010b; 2013a; 2013d; Stasolla et Caffo, 2013; Stasolla et al., 2015). Elles avaient pour but d’évaluer la fréquence des comportements indésirables initiale et leur diminution par la mise en place de différentes interventions dans lesquelles des microrupteurs étaient installés (voir le Tableau 3 à la fin du texte pour plus de détails). De plus, elles visaient également à augmenter la fréquence des réponses ciblées comme étant adéquates. Parmi les comportements indésirables, on retrouve notamment : laisser écouler de la salive, mettre sa main dans sa bouche ou effectuer des comportements stéréotypés. D’ailleurs, ces comportements sont dits indésirables puisqu’ils peuvent entrainer des problèmes chez certaines personnes présentant un polyhandicap tant pour leur image sociale que pour leur santé (Lancioni et al., 2008; 2010b). Dans les phases de base, pour toutes les études, les participants étaient donc invités à effectuer une action liée à un objet (p, ex., le manipuler, l’insérer dans une boîte, avancer vers un objet) placé devant eux sur lequel était installé un microrupteur. Lorsque le participant manipulait l’objet, un stimulus personnalisé (musique, voix familière, vibration ou lumière) était activé lors de la phase d’intervention.

Ainsi, les variances principalement identifiées dans les études concernent la complexification et le nombre de phases. Dans le cas de deux études de Lancioni et al. (2008; 2010b), un devis ABAB a été utilisé avec une phase post-intervention. Dans ces études, le stimulus se désactivait lors des phases d’intervention dès que le participant cessait l’action demandée et effectuait le comportement indésirable. À l’inverse, deux études de l’article de Lancioni et al. (2013a) laissaient actif le stimulus lors de la phase B, et ce, même si la personne émettait un comportement indésirable lors de l’action demandée. Dans leur cas, un devis ABB1AB1 a été réalisé et ce n’était que dans la phase B1 que le stimulus cessait lors de ce comportement. Concernant l’étude de Lancioni et al. (2013d), une démarche similaire a été réalisée, mais en y ajoutant une phase B2. Cette phase se voit être une extension de l’intervention réalisée en B1.

Enfin, Stasolla et Caffo (2013) et Stasolla et al. (2015) ont également utilisé un devis à cas unique, mais en y ajoutant comme objectif d’évaluer l’impact de l’utilisation des microrupteurs sur l’humeur des participants. Pour ce faire, les auteurs ont enregistré les expérimentations par vidéos pour colliger la fréquence des comportements stéréotypés et des indices d’humeur. Un accord inter-juge a d’ailleurs été réalisé. Bien que les études avaient un nombre différent de phases d’intervention, chacune d’elle visait à consolider les acquis obtenus en modifiant l’action que devait réaliser le participant afin de provoquer la réponse attendue (ABA1B1B2 vs ABA1B1B2A2B3B4).

Constats. Pour les sept études en lien avec ce domaine d’intervention, les résultats révèlent que les réponses ciblées (p. ex., toucher un objet dans une boîte) sont plus fréquentes lors des phases d’intervention, ce qui a permis une diminution des mouvements inappropriés pour tous les participants (Lancioni et al., 2008; 2010b; 2013a; 2013d; Stasolla et Caffo, 2013; Stasolla et al., 2015). De plus, Stasolla et Caffo (2013) et Stasolla et al. (2015) mentionnent que les réponses de joie sont plus fréquentes lors des interventions et moins de comportements stéréotypés ont été manifestés. Plus précisément dans le cas de Stasolla et Caffo (2013), une différence statistiquement significative (p < 0,01) a été démontrée entre les phases de base et d’intervention pour l’un des deux participants pour les comportements stéréotypés. Les résultats au test de Kolmogorov-Smirnov pour l’autre participant n’est toutefois pas disponible en plus de celui pour l’humeur des participants. Finalement, Stasolla et al. (2015) rapportent que les résultats étaient significativement différents pour chacun des participants.

Domaine d’intervention : développement de l’autonomie. Selon l’ONISEP (2014), les personnes présentant un polyhandicap réalisent peu d’activités de la vie quotidienne seules et ont besoin de l’assistance d’une personne en quasi-permanence. Ainsi, quatre études ont été réalisées avec l’aide de microrupteurs dans l’optique de favoriser l’autonomie de personnes présentant un polyhandicap (Antonucci, Lancioni, Singh, O’Reilly et Sigafoos, 2006; Lancioni et al., 2013b; 2014b; 2015a).

Tout d’abord, l’objectif de l’étude d’Antonucci et ses collaborateurs (2006) était que le participant actionne un ouvre-porte électrique seul, afin de pouvoir accéder aux locaux de ses activités de jour. Le participant avait le choix entre deux comportements ciblés pour faire actionner le mécanisme de l’ouverture de porte, soit en effectuant un mouvement vers le haut de la main gauche ou un mouvement latéral du pied droit. Les auteurs ont noté s’il y avait une préférence de comportement pour actionner l’ouverture de la porte.

Ensuite, les études de Lancioni et al. (2013b; 2014b; 2015a) ont mise en place un principe de guidance[1] technologique afin d’aider les participants dans l’apprentissage d’une tâche et pour augmenter leur engagement occupationnel. Les guidances servaient entre autres à 1) inciter le participant à débuter l’activité à l’aide d’un rappel, 2) fournir une rétroaction positive et des encouragements lorsqu’il arrive à la station et 3) offrir un renforcement lorsque l’activité est complétée (p. ex., en débutant une pièce musicale). Cette guidance était reliée à un microrupteur qui s’activait après que le participant ait réalisé une action ou encore après un temps prédéterminé par les chercheurs. Des stimuli appréciés des participants s’activaient lorsque ces derniers effectuaient l’entièreté de la séquence. Dans tous les cas, un devis ABAB a été réalisé et les données ont été vérifiées via un accord inter-juge. Concernant les objectifs individuels des études, celle de Lancioni et al. (2013b) visait à soutenir l’apprentissage d’une tâche en six étapes par l’assemblage d’une roue. Pour ce faire, les auteurs ont collecté le nombre de roues terminées par session, soit celles étant réalisées correctement, et ce, sans guidance. Enfin, les études de Lancioni et al. (2014b; 2015a) avaient pour objectifs d'augmenter la manipulation constructive d’objets chez des participants. Ainsi, les auteurs ont mesuré la fréquence des actions réalisées indépendamment des instructions de l'assistant de recherche (voir le Tableau 4 à la fin du texte pour plus de détails).

Constats. Pour l’étude d’Antonucci et al. (2006), le participant a réussi à utiliser les deux microrupteurs, soit d’effectuer les deux comportements, pour actionner l’ouvre-porte. Les auteurs notent qu’il avait une préférence pour celui actionné par son mouvement de pied et que ce dernier semblait être plus efficace que l’autre. D’ailleurs, le participant a également maintenu ses performances lors de la phase post-intervention, ce qui montre un maintien de l’acquis. Ensuite, Lancioni et al. (2013b) rapportent que la guidance technologique peut être efficace pour la réalisation de tâches. Les deux participants ont réussi à assembler des objets au cours des séances d'intervention utilisant le système de technologie alors qu'ils avaient échoué lors des sessions sans le système. Selon les auteurs, les rappels verbaux auraient contribué à la poursuite de l’activité et la musique utilisée comme renforçateur à la fin de l’activité aurait amélioré la motivation et l’humeur générale des participants. Pour les deux autres études, les participants ont augmenté leur engagement occupationnel par l’exécution des comportements ciblés (Lancioni et al., 2014b; 2015a). Lancioni et al. (2015a) mentionne d’ailleurs que l’utilisation de microrupteurs s’avère être une avenue prometteuse pour les familles, car cela permettrait de diminuer la supervision nécessaire pour assurer une stimulation des personnes présentant un polyhandicap.

Le système de reconnaissance optique

La seconde catégorie de technologie utilisée est le système de reconnaissance optique. Il s’agit d’un logiciel qui est installé sur un ordinateur et qui permet la reconnaissance d’images à l’aide d’une caméra de la même façon qu’un code à barres (Bunning, Kwiatkowska et Weldin, 2012). Cet outil sert principalement à remplacer l’utilisation de la souris et du clavier conventionnels par la manipulation de cartes représentant les multimédias disponibles sur l’ordinateur. Dans la présente recension des écrits, ce système a seulement été utilisé dans une étude, soit celle de Bunning et al. (2012) dans l’optique de développer l’autonomie des personnes.

Domaine d’intervention : développement de l’autonomie. Bunning et al. (2012) ont réalisé une étude dont l’objectif était de faire l’essai d’un système de reconnaissance optique et d’en explorer le potentiel auprès de cinq personnes présentant un polyhandicap. En fait, le système permet aux utilisateurs de faire la sélection d’un multimédia sur ordinateur en positionnant la carte désirée devant le système de reconnaissance. Concrètement, cette étude a été effectuée à partir du logiciel ReacTIVision. Un ensemble de cartes représentant les actions possibles sur l’ordinateur était mis à la disposition de la personne. Il pouvait s’agir de débuter un clip multimédia ou de faire une recherche sur internet (Bunning et al., 2012). Ainsi, l’individu choisissait la carte de l’action désirée, la positionnait devant la caméra qui en faisait la lecture et qui activait le programme associé dans l’ordinateur. Autrement dit, la caméra détecte le code et effectue la commande qui s’affiche aussitôt à l’écran (voir le Tableau 5 disponible à la fin du texte pour plus de détails).

Constats. Les résultats obtenus par Bunning et al. (2012) montrent une variabilité dans l’efficacité du système de reconnaissance optique sur ordinateur auprès des cinq adultes présentant un polyhandicap. De fait, les chercheurs ont réalisé leur analyse à partir du monitorage de quatre caractéristiques, c’est-à-dire l’attention, la manipulation simple des cartes, la manipulation fonctionnelle des cartes pour activer l’ordinateur et l’expression globale durant les séances d’intervention. Ainsi, bien que les cinq participants aient démontré un niveau d’engagement satisfaisant face au système, la conclusion de l’étude propose plusieurs pistes pour une utilisation plus optimale de l’outil (Bunning et al., 2012). Premièrement, le niveau de confort des participants a été observé comme un facteur influençant l’aisance et la performance des manipulations. Comme les participants présentaient des limitations motrices importantes, leur positionnement et leur niveau de mobilité des membres supérieurs ont eu un impact sur leur engagement global dans l’expérimentation (Bunning et al., 2012). Deuxièmement, la plastification des cartes utilisées sur une table lisse a fait en sorte que leur manipulation a été difficile. Les chercheurs proposent d’ailleurs de coller les cartes sur un morceau de mousse ferme pour les rendre plus malléables ou de fabriquer des poignées spécialisées sur lesquelles il est possible d’installer ces cartons. Finalement, les auteurs suggèrent de réaliser un apprentissage de la signification des cartes en lien avec les multimédias de l’ordinateur avant de débuter l’utilisation proprement dite du système de reconnaissance optique (Bunning et al., 2012). Somme toute, l’accessibilité et la flexibilité du système de reconnaissance permettent d’affirmer qu’il s’agit d’un outil pouvant être bénéfique pour les personnes présentant un polyhandicap dans la réalisation de leurs divertissements sur ordinateur.

Les commandes de jeu vidéo

L’utilisation de commandes de jeu vidéo est la troisième catégorie de technologie recensée (ordinateur et Wii). Il s’agit d’un mini-ordinateur Eee Box dans lequel le logiciel Active head position correcting program (AHPCP) est installé (ASUS, 2009, cité dans Shih, Shih et Shih, 2011). Cet ordinateur est relié par des câbles à un téléviseur pour diffuser les vidéos préférées du participant et à une télécommande Wii attachée à un casque d'écoute et placée sur la tête des participants pour détecter leurs réponses. Plus précisément, le logiciel AHPCP comporte trois fonctions 1) évaluer si la tête est droite par l’angle de cette dernière, 2) contrôler la réponse environnementale (la diffusion d’une vidéo appréciée par le participant) selon la position de sa tête et 3) enregistrer la durée de maintien de la position verticale de la tête du participant (Shih et al., 2011). Ainsi, une étude a utilisé ce type de technologie dans le but de développer la motricité des participants (Shih et al., 2011).

Domaine d’intervention : motricité. Seule l’étude de Shih et al. (2011) a été répertoriée utilisant un ordinateur et une télécommande Wii. L’intervention visait le maintien de la posture de la tête en favorisant une position verticale. Lorsque le participant maintenait une position appropriée de sa tête, le système de contrôle produisait une stimulation environnementale appréciée par ce dernier (par exemple la présentation d’une vidéo). À l’inverse, lorsque la position de la tête était inappropriée, la stimulation cessait aussitôt (voir le Tableau 6 à la fin du texte pour plus de détails).

Constats. Les résultats de cette étude montrent une amélioration considérable de la posture chez les participants (Shih et al., 2011). Ces derniers étaient en mesure de maintenir leur tête en position verticale sur une plus longue période de temps. Les auteurs se sont appuyés sur le modèle d’intervention proposée par Lancioni et ses collaborateurs (2007b, 2010b, 2011a) qui vise à réduire l’apparition d’un comportement par la mise en place de renforcements (stimulus apprécié par la personne). Néanmoins, la différence majeure entre ces deux groupes d’auteurs réside dans le fait que Lancioni et ses collaborateurs (2007b, 2010b, 2011a) exploitaient les microrupteurs alors que Shih et al. (2011) ont voulu proposer une solution utilisant des dispositifs commercialisés et ainsi plus accessibles et plus abordables.

Le dispositif de synthèse vocale

Finalement, la quatrième catégorie de technologie concerne le dispositif de synthèse vocale. Le système VOCA est un dispositif de synthèse vocal, c’est-à-dire un appareil qui produit de la parole afin que l’individu puisse communiquer oralement. Il peut être utilisé via différents appareils mobiles comme des tablettes numériques, ordinateurs, téléphone cellulaire, etc. D’ailleurs, avec le développement des technologies, il est également possible de retrouver le VOCA combiné électroniquement avec un système de communication par échange d’images (Picture-exchange communication system [PECS][2]; Bondy et Frost, 1994; Sigafoos et al., 2016) par le biais d’applications disponibles sur les mêmes appareils mobiles nommés plus haut (Sigafoos et al., 2016). Pour les faire fonctionner, la personne doit appuyer sur le pictogramme ou le symbole voulu qui est présenté sur un écran et l’appareil nomme le message à voix haute. Ainsi, la présente section rapporte l’étude de Stasolla et ses collaborateurs (2014) quant à l’utilisation de ce dispositif auprès de personnes présentant un polyhandicap.

Domaine d’intervention : communication. Stasolla et ses collaborateurs (2014) ont évalué l’utilisation des interventions PECS et VOCA auprès de trois participantes ayant un syndrome de Rett. Selon eux, l’utilisation de ce dispositif peut être une avenue intéressante pour faciliter la communication de personnes présentant un polyhandicap avec leur entourage. L’objectif était de voir si chacune des interventions augmentait les opportunités de communication chez les participantes (voir le Tableau 7 à la fin du texte pour plus de détails).

Constats. L’étude a montré que les participantes effectuaient plus de demandes et de choix de stimuli préférés avec l’utilisation des deux stratégies d’intervention, comparativement aux phases de base (Stasolla et al., 2014). Deux des trois participantes ont choisi uniquement l’utilisation du VOCA lors des phases de vérification des préférences, ce qui peut démontrer la pertinence de cette stratégie pour le développement de la communication chez les personnes présentant un syndrome de Rett (Stasolla et al., 2014). Par ailleurs, les dispositifs VOCA peuvent être favorables aux systèmes PECS lorsque les capacités intellectuelles et motrices de la personne sont particulièrement limitées.

Discussion

Au terme de cette recension, il a été possible de répondre à l’objectif qui visait à documenter le potentiel d’utiliser des technologies auprès des personnes qui présentent un polyhandicap. En plus des constats présentés ici haut, il a également été possible d’identifier des limites des études, différents enjeux et des recommandations sont proposées en vue d’apprécier le potentiel de ces outils.

Limites des études recensées

La grande majorité des études recensées a été réalisée par les mêmes auteurs. Bien que ces auteurs aient développé une spécialisation dans ce domaine, ce constat engendre quelques lacunes. Premièrement, certaines études reprennent les mêmes participants qu’une autre étude ou sont des réplications de résultats obtenus dans des études précédentes (Lancioni et al., 2007b; 2009a; 2009b; 2011a; 2011c; 2012a; 2013d; 2014d; 2014e). Il s’agit d’ailleurs d’études relevant principalement un nombre restreint de participants. L’étude de Lancioni et al. (2009a) est celle comprenant le plus haut nombre de participants, soit un total de 11. Ensuite, sur les 31 études réalisées par Lancioni et ses collaborateurs, seulement 20 rapportent les résultats au test de Kolmogorov-Smirnov pour évaluer si l’écart entre les résultats obtenus dans les phases d’intervention et les phases de base étaient significatifs (Lancioni et al., 2006a; 2006b; 2007a; 2007b; 2008; 2009a; 2009b; 2010b; 2010c; 2011a; 2012a; 2016). De plus, un manque de constance a été observé particulièrement dans l’étude de Lancioni et al. (2009a), où les auteurs mentionnent que le test s’est révélé significatif pour les quatre premiers participants (n=11), mais ne font qu’indiquer par la suite que les résultats des autres participants sont équivalents, sans préciser les résultats de ce test. Par ailleurs, six des sept articles provenant d’autres auteurs (Antonnuco et al., 2006; Shih et al., 2011; Stasolla et al., 2013; 2014; 2015; Tota et al, 2006) rapportent également les résultats à ce test. En effet, seul Bunning et al. (2012) rapportent avoir des résultats significatifs à ces tests, mais ce, sans indiquer la valeur-p. Il aurait été intéressant que les auteurs réalisent ce test pour toutes les études effectuées, d’autant plus que le nombre de participants est faible.

Enjeux liés à l’utilisation de technologies

La présente recension a permis de relever les domaines d’intervention visés par l’utilisation de technologies auprès des personnes présentant un polyhandicap. Par ailleurs, certains enjeux ont été identifiés dans la littérature quant à l’utilisation de technologies notamment au niveau : 1) des coûts; 2) de la prise en compte des besoins et des capacités spécifiques des personnes; 3) de la disponibilité; 4) de la complexité; et 5) du caractère intrusif et stigmatisant de certaines d’entre elles.

Les coûts. Bien que les recherches actuelles démontrent le potentiel d’utiliser des technologies pour favoriser le développement d’habiletés des personnes présentant un polyhandicap, les coûts qui y sont rattachés représentent une barrière importante à l’accroissement de son utilisation. Par exemple, dans les études de Lancioni et al. (2012a, 2013b), il est mentionné que le coût des installations des microrupteurs se situait entre 1 500 $ et 3 000 $ américain. Afin de bénéficier au maximum de ce type d’installation, Lancioni et al. (2013b) suggèrent que la mise en place de ce type d’intervention pourrait être faite dans des centres de réadaptation, augmentant ainsi le nombre de participants pouvant l’utiliser. Cela aurait pour impact de réduire le coût par participant.

La prise en compte des besoins et des capacités des personnes. Les personnes qui présentent un polyhandicap ont des profils hétérogènes qui exigent la mise en place d’interventions spécifiquement adaptées à leurs besoins et à leurs capacités (Chard et Roulin, 2015; Cheslock, Barton-Husley, Romski et Sevcik, 2008). Les auteurs qui utilisent des technologies auprès de cette clientèle doivent ainsi ajuster les dispositifs technologiques afin de répondre aux besoins de chaque participant (Lancioni et al., 2013b, 2013c).

La disponibilité. La majorité des études recensées offrent des combinaisons de dispositifs conçues sur mesure pour chaque participant et qui ne sont pas commercialisées (Lancioni et al., 2006, 2007b, 2010a, 2010b, 2011a, 2011b, 2011c, 2014a, 2014e). Dans ce contexte, la reproductivité de l’intervention devient complexe (Cheslock et al., 2008) et l’accessibilité à ces dispositifs s’avère très limitée.

La complexité. Certaines technologies proposées dans ces études présentent une complexité d’utilisation qui exige un niveau de connaissances et d’expertise important de la part des intervenants et des parents (Lancioni et al., 2011b). Par exemple, des systèmes de microrupteurs nécessitent la mise en place spécifique de marqueurs de couleurs sur le visage de la personne et requièrent un niveau de précision dans le réglage. De plus, il est nécessaire de reproduire cet exercice complexe pour chaque utilisation de la technologie. Néanmoins, on peut observer au fil des années une évolution dans le développement de ces technologies et une simplification de leur procédé. À cet effet, Lancioni et al. (2014a) ont réalisé une étude qui met en application une nouvelle technologie par caméra exempte de l’obligation de réaliser ces marques. Cette étude a par ailleurs démontré que le personnel et les parents ont acquis les compétences nécessaires pour utiliser efficacement cette technologie, et ce, dans un court laps de temps. De plus, Bunning et al. (2012) ont nommé que le niveau de complexité dans l’utilisation de l’outil peut dépendre, non seulement de la technologie proprement dite (dans ce cas-ci du système de reconnaissance optique), mais aussi de la manipulation qui doit être réalisée. Effectivement, il a été constaté que le simple fait de prendre les cartes associées aux multimédias de l’ordinateur s’avérait être un défi pour certains participants.

Le caractère intrusif et stigmatisant. La recension des écrits a permis de constater une évolution notable de la technologie qui se veut de moins en moins intrusive et stigmatisante pour l’utilisateur. Dans un effort de réduction des obstacles à la participation sociale des personnes présentant un polyhandicap, les auteurs tentent de développer des solutions technologiques davantage respectueuses en comparaison avec les microrupteurs traditionnels qui nécessitent, par exemple, l’utilisation de dispositifs de soutien, de ruban adhésif ou de marques de couleurs sur le visage et qui, par conséquent, peuvent constituer une discrimination sociale négative en plus d’être perçus par la personne comme une forme d’imposition et/ou de nuisance (Lancioni et al., 2010a, 2011a). Bien que moins envahissantes, ces dernières et nouvelles méthodes exigent toutefois une installation importante, ce qui peut être difficilement généralisable dans tous les contextes de vie des personnes présentant un polyhandicap (Lancioni et al., 2011b, 2014a).

Conclusion

Pour conclure, les études recensées laissent percevoir que ce domaine en émergence représente une avenue prometteuse pour soutenir l’intervention technoclinique auprès des personnes présentant un polyhandicap. Cependant, plusieurs contraintes limitent le déploiement technologique dans ce secteur. Cet état des lieux a tout de même permis de relever un certain nombre de recommandations pour soutenir les développements futurs.

Tout d’abord, il est essentiel de centrer l’intervention technologique sur les besoins, les capacités et le bien-être de la personne. Les personnes présentant un polyhandicap vivent avec des limitations cognitives et physiques importantes qui doivent nécessairement être considérées lors de l’implantation d’une technologie (Bunning et al., 2012). Or, il est nécessaire de s’assurer que la technologie puisse répondre aux besoins de la personne et qu’elle soit adaptée à ses capacités (Bunning et al., 2012). Lancioni et al. (2013d) soulignent que les impacts réels et les retombées d’une intervention technologique dépendront de l’acceptation et de la motivation du participant. À cet effet, Lancioni et al. (2013d) suggère de renforcer le comportement approprié par l’utilisation de stimuli appréciés par la personne plutôt que de mettre en place des interventions contraignantes. Concernant la solution technologique, un appareil plus simple d’utilisation et plus économique doit être mis au point. Le coût et la complexité de celles utilisées dans les études recensées représentent une barrière importante à leur déploiement (Lancioni et al., 2012a; 2013b). Bien que les dispositifs technologiques tendent à se simplifier au fil des ans, les auteurs admettent que d’autres avancées doivent se faire dans ce sens (Lancioni et al., 2012a, 2013c).

Les auteurs suggèrent également que le développement de ce type de technologie et la mise en place de programmes pour promouvoir la participation active et l'autodétermination des personnes présentant un polyhandicap soient une priorité tant dans les services d'éducation que ceux de réadaptation (Cheslock et al., 2008; Lancioni et al., 2007a; 2009b). Les technologies représentent un moyen efficace pour améliorer les conditions de ces personnes en augmentant notamment les possibilités d’interaction avec l’entourage, l’expression de préférences, l’amélioration de la posture, etc. (Lancioni et al., 2011a, 2011b, 2013b). En ce sens, les intervenants et les proches doivent être soutenus puisqu’ils représentent des acteurs importants à la généralisation de telles interventions (Lancioni et al., 2010a). Selon Lancioni et al. (2010a), l’accessibilité de la technologie dans tous les environnements (domicile et milieu scolaire) ainsi que le nombre de sessions d’intervention réalisées influenceront la réussite de la mise en place des interventions technologiques. Il serait d’ailleurs intéressant de réaliser des études qualitatives auprès des intervenants et des proches concernant l’usage de ces technologies afin de documenter leur niveau de satisfaction et d’obtenir leur point de vue sur les besoins de développement (Lancioni et al., 2013c).

Enfin, il est important que d’autres études soient réalisées en vue de reproduire les conclusions auprès de plus de participants, de lieux et, principalement, d’équipes de recherche afin d’assurer la validité des résultats obtenus et permettre une éventuelle généralisation. En effet, actuellement peu d’études ont été réalisées auprès des personnes présentant un polyhandicap. Puisque le fait que plusieurs études recensées soient des extensions d’études précédemment réalisées (Lancioni et al., 2007b; 2009a; 2009b; 2011a; 2011c; 2012a; 2013d; 2014d; 2014e; Tota et al., 2006), les résultats doivent être interprétés avec prudence (Lancioni et al., 2013c; Shih et al., 2011).