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Cet ouvrage collectif prend forme suite à la publication des actes d’un colloque tenu à Montpellier en novembre 2013. Destiné principalement aux jeunes chercheurs, l’objectif est de dresser un bilan des recherches passées tout en soulignant les nouvelles approches de l’histoire de Montpellier au Moyen Âge. Dès l’Époque moderne, de nombreux travaux sur Montpellier ont été rédigés, comme la monographie du chanoine Pierre Gariel, Idée de la ville à Montpellier, recherchée et présentée aux honnêtes gens, premier ouvrage à être publié sur le sujet. Cependant, beaucoup reste à écrire. C’est ce que les éditrices Lucie Galano et Lucie Laumonier, avec l’aide de douze autres chercheurs, tentent de démontrer dans cet ouvrage. Venant de spécialisations variées, tels le droit, l’histoire architecturale, l’histoire juive, l’histoire de la médecine ou du commerce, ils ont tous un point commun : l’étude de l’espace montpelliérain. Dans un style clair et compréhensible, les auteurs s’appuient sur des sources variées : corpus législatif montpelliérain, cartulaires, traités, chroniques, textes normatifs, chartes, cartes, ou encore plans de ville. Pour faciliter la lecture, l’ouvrage contient de nombreuses cartes et illustrations en couleur. Le livre possède une limite temporelle en concentrant les recherches entre le Xe et XVe siècle-les XII, XIII et XIVe siècles principalement.

L’ensemble des articles s’articule autour de la notion de territoire : territoire politique, territoire urbanisé, puis un territoire d’échanges intellectuels et informels. C’est par ces trois notions que l’ouvrage est divisé, chaque notion correspondant à une partie. On retrouve ainsi quatorze chapitres en plus de l’introduction générale et la conclusion de l’ouvrage : six chapitres dans la première partie de l’ouvrage intitulé Territoire seigneurial, ville consulaire, quatre chapitres dans la deuxième partie Une ville habitée : urbanisme et occupation de l’espace, et enfin quatre autres chapitres dans la dernière partie Au carrefour des influences, Montpellier ville marchande et centre intellectuel.

La première section porte sur les espaces gouvernés et les différentes instances de pouvoir qui avaient droit de juridiction sur Montpellier. L’article de P.-J. Bernard traite de la mauvaise conservation des archives seigneuriales et consulaires. L. Galano, pour sa part, adopte une perspective environnementale en reconsidérant l’histoire politique. F. Durand-Dol montre les conséquences de l’intervention pontificale dans les tensions entre ordres mendiants et les chanoines de Maguelone. L. Otis-Cour, de son côté, souligne la maigreur des sources disponibles pour documenter les droits de justice sous les seigneurs de Montpellier. P. Chastang, quant à lui, a analysé les sources sur les criées afin d’attester l’importance des négociations entre les consuls et le roi de France au niveau de l’espace urbain et politique. Enfin, G. Dumas a voulu comprendre la collaboration entre les médecins et le consulat dans la recherche de la santé publique.

La deuxième section éclaire sur la vie sociale et architecturale de Montpellier. Nous retrouvons en premier l’article de K. Reyerson qui traite de l’espace public occupé par des réseaux de femmes propriétaires ou revendeuses. B. Sournia et J-L Vaysettes s’intéressent au patrimoine archéologique en travaillant sur des documents modernes. Au dixième chapitre, Lucie Laumonier s’interroge sur la constante évolution des ménages, qui passent d’une famille nucléaire, au veuvage, puis d’une famille composée et enfin des ménages étendus.

Enfin, la troisième section, porte sur la notion des échanges économique, intellectuel et religieux. M. Ferret-Lesné traite du droit des affaires, de l’encadrement des pratiques marchandes. R. Fauconnier montre les influences multiples (les milieux universitaire, mendiant, juif, marchand et toscan) de deux traités de mathématiques marchandes. Pour ce qui est de D. Iancu-Agou, elle a proposé un bilan des données connues et moins connues de la communauté juive de Montpellier. Le dernier chapitre, celui de D. Le Blévec, traite des liens étroits entre Urbain V et Montpellier et des avantages et privilèges accordés par le pape à la ville.

La méthodologie employée est, dans l’ensemble, bien établie. L’organisation du livre par ses tables des matières, table des illustrations, index thématique, index des noms de personnes, index des lieux, sert d’appuis pour les lecteurs. Cependant, la forme de texte diffère d’un article à l’autre : certains ont des sous-titres, d’autres non, un même article peut avoir différentes polices et tailles, ce qui n’est pas agréable pour l’oeil du lecteur ou de la lectrice. La principale force de l’ouvrage réside dans l’interdisciplinarité des sujets et des nouvelles perspectives, en proposant une trentaine de nouveaux champs de recherche à explorer, que ce soit les stratégies d’acquisition instaurées par les Guilhem, les échanges entre le Saint-Siège et Montpellier, les pratiques artisanales dans la ville ou ses faubourgs demeurant peu connues, les pèlerinages en direction de Montpellier, l’étude de la langue vernaculaire et l’usage identitaire de la langue, ou encore le rôle des Dominicains et Franciscains dans la vie culturelle montpelliéraine. Cependant, bien que Danièle Iancu-Agou consacre un article sur les juifs à Montpellier, aucun nouveau champ de recherche proposé sur les trente-trois ne se rapporte à la situation des juifs à Montpellier, sachant l’influence locale de cette communauté.

Au final, nous pouvons retenir quatre conclusions qui ressortent de cet ouvrage : l’historiographie montpelliéraine a longtemps délaissé certains champs de recherches. Les auteurs ont souligné également l’importance de porter un regard nouveau sur les archives, beaucoup ayant été peu considérées. Les chercheurs ont montré aussi l’intérêt d’aller hors de Montpellier chercher des sources inédites. Enfin, l’ouvrage collectif atteste de l’importance de l’approche interdisciplinaire (archéologie et histoire notamment), déterminante de nos jours, puisqu’elle tient compte de la complexité des sociétés passées. Cette approche ouvre également de nouvelles perspectives, ce qui montre qu’il y a encore beaucoup à écrire sur l’histoire de Montpellier.