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Introduction

Les établissements universitaires québécois font face à une forte croissance des ESH (AQICESH, 2014), lesquels forment deux groupes distincts, les étudiants ayant un handicap dit traditionnel du fait qu’ils sont présents dans les universités depuis nombre d’années (problème de mobilité, handicap physique, surdité ou cécité) et les étudiants ayant des conditions dites émergentes du fait de la récence de leur arrivée [troubles d’apprentissage (TA), TDA/H, TSM ou TSA). D’ailleurs, en 10 ans, ce deuxième groupe est passé de 1 224 à 11 160 étudiants, une augmentation de plus de 900 % (AQICESH, 2008, 2018). Parmi ces étudiants, ce sont ceux ayant un TDAH qui ont connu la hausse la plus impressionnante (de 280 à 6113), suivie des étudiants ayant un TSM (de 390 à 2 089) et des étudiants ayant un TA (de 540 à 2 020). Leur forte croissance crée une pression à la fois sur les services universitaires qui leur sont destinés et sur les formateurs incluant les formateurs de stages. Ces derniers admettent méconnaître les mesures d’accommodement et d’accompagnement (ci-après nommées mesures) existantes et les obligations légales auxquelles ils sont tenus, afin d’offrir à ces étudiants des mesures leur offrant une chance égale à celles de leurs pairs de réussir leur formation (Ducharme et Montminy, 2012). Leur méconnaissance provient, entre autres, du fait que les établissements postsecondaires n’ont toujours pas développé de balises claires pour orienter ces mesures (Ducharme et al., 2012). De nombreux formateurs se disent préoccupés par cette situation (Baldwin, 2007 ; Taylor, 2012 ; Villarreal, 2002). Malgré le fait que plusieurs études nord-américaines (Anderson, 2012 ; Nguyen, King, Havel, Barile, Fortin, 2012 ; Heiman et Kariv, 2004 ; Holmes et Sivestri, 2012) portent sur différents aspects relatifs aux ESH en contexte postsecondaire (portée de certains accommodements offerts en classe ou en contexte d’examen, incluant l’utilisation d’outils technologiques ; représentations des professeurs et des étudiants), et que, depuis les dix dernières années, certaines recherches (Dubé, Dufour, Chénier et Meunier, 2016 ; Philion, Doucet, Côté, et al., 2016a ; St-Onge et Lemyre, 2016 ; Tremblay, 2011) contribuent à combler le manque de connaissances scientifiques à cet égard, très peu d’études (tous pays confondus) portent spécifiquement sur les mesures en contexte de stage (Leyser et Greenberger, 2008). C’est pour combler ce manque de connaissances que nous avons effectué une recherche-action à laquelle ont participé des formateurs de trois programmes professionnalisants : éducation, sciences infirmières et travail social. Cet article expose d’abord la problématique inhérente aux mesures à offrir en contexte de stage. Elle sera suivie du cadre conceptuel qui porte sur l’obligation d’accommoder et sur l’accompagnement dans la formation en stage. Ensuite, les aspects méthodologiques ayant permis de répondre aux objectifs de recherche sont présentés suivis des résultats et de leur interprétation.

Problématique et recension des écrits

S’il existe, depuis 2016, un guide universitaire de référence, accessible en ligne, décrivant les mesures à offrir aux ESH en contexte d’enseignement et d’évaluation en classe (Philion, Bourassa, Lanaris et Pautel, 2016b), le manque d’informations spécifiques au stage, tenant compte des caractéristiques de chacun des programmes, constitue une préoccupation grandissante (Becker, Martin, Wajeeh, Ward et Shern, 2002 ; Bonnie et Monahan, 1997 ; Duffet, Levy-Pinto, Mohler, Nieder, Roberts et al., 2014 ; Ihori, 2012 ; Leyser et al., 2008 ; Leyser Greenberger, Sharoni et Vogel, 2011 ; McWaine, 2012 ; Stodden, Brown, Roberts et al., 2011 ; Storr, Wray et Draper, 2011 ; Taylor, 2012). Les formateurs universitaires responsables d’offrir le soutien nécessaire à l’atteinte des exigences du stage et les formateurs de terrain responsables de l’encadrement des stagiaires dans le quotidien se sentent peu ou pas préparés à ce type d’accompagnement (Bonnelli, Ferland-Raymond et Campeau, 2010 ; Brau-Antony et Mieusset, 2013 ; Tang, 2008) lequel a encore gagné en complexité devant les profils toujours plus diversifiés de stagiaires (Lebel, Bélair, Monfette, Hurtel et al., 2016), une situation magnifiée par la pénurie de balises et de recherches dans ce domaine précis (Tremblay, 2011). Cette situation est d’autant plus problématique que les universités ont l’obligation légale, selon la Charte canadienne des droits et libertés et son équivalent québécois, de mettre en place de telles mesures. Or, l’absence de balises susceptibles d’orienter les décisions relatives à ces mesures en contexte de formation pratique, « le manque de ressources internes spécialisées, tant au public qu’au privé, vers lesquelles se tourner » (Ducharme et al., 2012, p. 158) pour la gestion de cas complexes ainsi que la rareté des partenariats établis avec différentes ressources spécialisées, contribuent à maintenir le flou entourant les droits et obligations des établissements d’enseignement et les milieux de stage pour tout ce qui concerne la formation pratique des ESH (ibid.).

Cet état des lieux est d’autant plus surprenant qu’il est démontré qu’il s’agit d’une problématique importante qui soulève de nombreuses préoccupations en ce qui concerne la formation pratique des ESH ayant une condition dite émergente (Akins, Chance et Page, 2001 ; Baldwin, 2007 ; Capps, 2008 ; Gelnmaye et Bolin, 2007). Les quelques études portant sur les programmes orientés vers les interactions humaines en travail social (Gelnmaye et Bolin, 2007 ; Reeser, 1992), en psychologie/counselling (Capps 2008 ; Chan et Johnson, 2005 ; Vande Kemp, Chen, Erickson et Friesen, 2003), en formation à l’enseignement (Baldwin, 2007, Csoli et Gallagher, 2012 ; Leyser et al., 2008, Leyser et al. 2011) et en sciences infirmières (Howlin, Halligan et O’Toole, 2014 ; Symes, 2014 ; Walker, Dearnley, Hargreaves et Walker, 2013) soulignent les préoccupations relatives : 1) à l’éthique (divulgation ou non de la condition, respect de la confidentialité, risque d’atteinte à la sécurité de l’étudiant ou d’autrui), 2) à l’équité envers les autres étudiants, 3) au jugement évaluatif (atteinte des compétences et valeur du diplôme), 4) au type d’accompagnement à offrir à certains étudiants et 5) au travail supplémentaire exigé pour accompagner notamment ceux aux prises avec un TSM, un TSA, un TA ou encore un TDA/H (Anderson, 2012 ; Capps, 2008 ; Cawthon et Cole, 2010 ; Eichhorn, L. 1997 ; GlenMaye et Bolin, 2007 ; Hindes et Mather, 2007, Philion et al., 2016a).

Des chercheurs en formation à l’enseignement (Baldwin, 2007 ; Leyser et al., 2008 ; Leyser et al., 2011) soulignent également l’existence de fortes disparités entre les établissements quant aux mesures offertes. Ils concluent qu’il est primordial de maintenir les exigences d’entrée au programme et d’offrir des mesures et des modalités d’évaluation qui offrent des conditions facilitantes, sans pour autant compromettre l’atteinte des exigences du stage. Plutôt que modifier les exigences d’accès au stage comme le proposent Ducharme et al. (2012), ces chercheurs invitent les établissements à examiner ce qui peut être déployé en amont, pendant et après un stage pour accompagner les étudiants dans l’atteinte des exigences et objectifs de la formation pratique.

En amont, durant et après le stage : quelques propositions

En amont du stage, une première mesure consiste à encourager les ESH à divulguer leur condition et leurs besoins lors d’un cours ou de rencontres préparatoires qui rendent explicites les habilités exigées par la profession (Howlin et al., 2014) ainsi que le soutien apporté par chaque intervenant, incluant le rôle du conseiller des services aux ESH (Akins et al., 2001 ; Csoli et al., 2012 ; Leyser et al., 2011). Une université suggère que le doyen associé de la faculté d’éducation et l’avocat de l’université approuvent les accommodements proposés à chacun des ESH et que le directeur du service aux ESH joue un rôle de premier plan dans de la mise en place des mesures et du suivi de concert avec les formateurs chargés de la formation pratique (Akins, Chance et Page, 2001). Certains auteurs (Csoli et Gallagher, 2012 ; Wertheim, Vogel et Brulle, 1998) suggèrent de sélectionner les formateurs de terrain en fonction de leur attitude positive et constructive à l’égard des étudiants ayant un trouble d’apprentissage. Wertheim et al. (1998) ainsi que Vogel et Adelman (1992) suggèrent de jumeler le groupe d’âge des élèves en fonction du profil du stagiaire de sorte que, par exemple, un stagiaire ayant un trouble d’apprentissage sévère pourrait n’effectuer ses stages qu’au préscolaire. Ces deux dernières propositions sont fort controversées. Baldwin (2007) dénonce la première parce qu’il estime qu’elle risque de teinter le jugement évaluatif des formateurs en faveur des ESH. Brulle (1996) juge, pour sa part, que ces deux mesures sont susceptibles de compromettre la valeur du diplôme obtenu. Pourtant, comme le soulignent Abels (2005), Chan et Johnson (2005) ainsi que Vande Kemp et al., (2003), ces mesures ne sont pas sans rappeler que certains programmes post-gradués considèrent le stage de fin de parcours comme une première expérience d’emploi en psychologie clinique et remettent au stagiaire la responsabilité de trouver un milieu de stage correspondant à ses objectifs de carrière et à ses compétences et de se préparer à l’entrevue pré-stage en comptant sur le soutien de son superviseur universitaire.

Durant le stage, les mesures offertes aux ESH semblent plutôt restreintes. Wertheim et al. (1998) et Symes (2014) proposent d’instaurer un mécanisme de mentorat entre un étudiant ayant déjà effectué un stage et un ESH. Ces auteurs préconisent aussi l’accès à des professionnels qui offrent suggestions et rétroactions ou encore la mise sur pied de groupes d’entraide orchestrés par l’université. Pour leur part, Howlin et al. (2014) proposent que les étudiantes en sciences infirmières ayant une dyslexie puissent faire réviser, par leur superviseur, les calculs liés à la médication et les notes à verser au dossier des patients, qu’elles aient accès à une visite pré-stage, à une liste de vérification personnalisée, à du temps additionnel et à des aides technologiques tels les Smart Pen pour lire et pour écrire leurs notes dans les dossiers de leurs patients. Après le stage, Akins et al. (2001) ainsi que Baldwin (2007) suggèrent de mettre en place des mesures de soutien pour les étudiants ayant échoué de manière à ce qu’ils examinent les difficultés rencontrées et travaillent à se préparer à la reprise du stage, ou à ce qu’ils évaluent l’option de commuer leur diplôme spécialisé en un diplôme d’études générales (p. ex. : baccalauréat ès arts en éducation), en une formation en nursing sans soins cliniques (Symes, 2014), ou encore à ce qu’ils optent pour une consultation en orientation pour examiner d’autres perspectives professionnelles.

Visée et objectifs de la recherche

Le constat qui se dégage de cette recension est double ; il n’existe aucune balise permettant de déterminer quelles mesures offrir aux ESH en contexte de stage ni d’évaluation de l’efficience des mesures offertes. Ducharme et al. (2012) soulignent pourtant l’urgence, au Québec, de « développer des pratiques formelles applicables à l’ensemble des programmes de formation » (p. 165), incluant des mécanismes de suivi, durant et après le stage, encadrés par des procédures claires. Étant donné les préoccupations des formateurs universitaires, la pénurie de balises quant aux mesures à mettre en place pour les ESH en stage et l’absence d’études portant sur la pertinence de ces mesures, la visée de cette étude exploratoire a consisté à dégager les mesures les plus susceptibles de répondre aux besoins des ESH[1] en lien avec les stages. À cette fin, la recherche avait deux visées :

  1. Dégager les défis rencontrés par les formateurs universitaires et de terrain lors de l’accompagnement des ESH en stage.

  2. Répertorier les mesures d’accommodement et d’accompagnement existantes et en identifier de nouvelles en vue de pallier les défis rencontrés.

Cadre conceptuel

Cette étude exploratoire établit des liens entre deux concepts n’ayant jamais été mis en relation dans une même recherche : l’obligation d’accommoder les ESH et leur accompagnement en stage.

Obligation d’accommoder

Le droit fondamental à l’éducation balise l’obligation d’accommoder, c’est-à-dire d’adapter le soutien en offrant aux ESH différentes alternatives (p.ex. du temps additionnel pour les examens). Les chartes canadienne (1982, Article 15) et québécoise (1976, Article 10) des droits et libertés reconnaissent le droit de toute personne d’être traitée de façon équitable, nonobstant des limitations particulières des ESH diagnostiqués par un professionnel du domaine de la santé et des services sociaux assujetti au Code des professions. En découlent plusieurs lois définissant les responsabilités des acteurs oeuvrant auprès des ESH (Ellefsen, 2015). Ces lois visent à assurer aux ESH la possibilité de démontrer l’atteinte des exigences et objectifs relatifs aux cours ou aux stages sans être désavantagés par leur situation de handicap (SH).

Cependant, les tribunaux, appelés à faire évoluer la jurisprudence autour des accommodements, ont établi qu’un établissement scolaire n’a pas de responsabilité à l’égard de la réussite des ESH, mais uniquement à l’égard des moyens offerts qui doivent être équivalents à ceux des étudiants sans handicap. Sur base de cette jurisprudence, Ducharme et al. (2012) soulignent que l’étudiant ne peut exiger une solution parfaite, mais convenable. En fait, l’accommodement sera accordé s’il y a « absence de contraintes excessives pour l’établissement », c’est-à-dire absence d’« un obstacle majeur et important, aux plans pédagogique, administratif et financier » (p.43) qui est de nature à rendre une mesure d’accommodement déraisonnable et excessive. L’obligation d’accommoder est donc flexible quant aux mesures à mettre en place. Plusieurs études (Gregg, 2009 ; Heiman et Precel, 2003 ; Pacaud 2016 ; Skinner, 2004 ; Trammell, 2003, Wolforth et Roberts, 2010) démontrent que, dans l’ensemble, les accommodements offerts dans les cours (p.ex. temps additionnel, accès aux aides technologiques) contribuent effectivement à la persévérance et la réussite des ESH. Cependant, les accommodements en stage sont loin de faire consensus auprès des formateurs (Abels, 2005 ; Akins et al., 2001) et leur efficacité n’est pas démontrée (Csoli et al., 2012 ; GlenMaye et al., 2007).

Accompagnement dans la formation en stage 

La multitude de définitions de l’accompagnement (Boucenna, 2014) s’explique par la complexité des contextes culturels et éthiques propres à chaque accompagnement et par la diversité des acteurs impliqués. En fonction de leurs savoirs et expériences singulières, les acteurs ont des représentations différentes de leurs rôles et fonctions (Vivegnis, 2018), et à leur tour, ces représentations vont déterminer aussi bien les actions et les rétroactions qui en résulteront. Cette complexité résulte aussi du fait que chaque situation est investie de tensions, par exemple entre les objectifs de formation et les attentes du milieu de stage de même qu’entre les actions visant à soutenir le stagiaire et celles visant à l’évaluer. À ces enjeux génériques, s’ajoutent les profils toujours plus diversifiés de stagiaires, notamment des stagiaires en SH qui sans soutien adéquat, risquent de ne pas pouvoir répondre aux exigences de leur stage (Lebel et al., 2016). L’Office des personnes handicapées du Québec (2009) insiste pour que ces multiples enjeux soient pris en compte à chaque étape du processus de supervision par l’entremise d’une pleine collaboration et concertation entre les formateurs universitaires, responsables d’assurer l’atteinte des exigences de stage telles que définies par l’université et d’offrir un soutien au stagiaire et au milieu de stage, et les formateurs de terrain, responsables d’assurer l’encadrement du stagiaire sur le terrain.

Formateurs universitaires et de terrain se disent peu ou pas préparés à exercer ce rôle (Brau-Antony et Mieusset, 2013 ; Tang, 2008) qui exige de suspendre tout jugement hâtif (Bourassa, 2014) afin : 1) de construire une intelligibilité des situations en prenant en compte les acteurs sociaux, les critères éthiques, les valeurs et les cultures des établissements concernés (Mottier Lopez et Cattafi, 2008, p. 183) et 2) de « laisser la place aux possibles, à l’émergent, au changement et à l’innovation » (Charlier et Biémar, 2012, p. 159). En ce sens, chaque accompagnement devient « une inscription institutionnelle d’une relation qui prend, chaque fois, une forme particulière » et qui engendre invariablement des moments de déstabilisation (Le Bouëdec et al., 2001, p. 140). Selon Boutet et Villemin (2014), ce sont pourtant ces moments de déstabilisation qui peuvent servir d’ouverture à d’autres possibilités, d’autres manières de comprendre et d’agir dans la situation. Or, ces auteurs constatent qu’une telle ouverture dépend essentiellement de la relation établie entre le formateur et le stagiaire. Vivegnis (2016) ajoute que cette relation repose sur l’habileté du formateur à mettre en liaison leurs savoirs respectifs (disciplinaires et professionnels, pratiques et théoriques) afin de concevoir des mesures adaptées à la fois au contexte et, ajoutons-nous, aux besoins des ESH. Cette habileté, propose Le Boterf (2011), est la condition pour que, par la réflexion conjointe, advienne un stagiaire « professionnel compétent » capable d’ajuster ses pratiques et ses ressources à la situation. Pour installer pareille relation, Boutet et al., (2014) insistent sur le fait que le formateur doit théoriser sa pratique d’accompagnement par une analyse qui, selon Tavignot et Buhot (2010), passe par l’examen de son rôle ainsi que par des dimensions d’éthique et d’intersubjectivité propres à la relation. Cette capacité de théoriser devient encore plus critique quand prévaut une situation de handicap.

Cadre méthodologique et démarche

Étant donné le caractère complexe et émergeant du projet et ses enjeux au regard des mesures à proposer, cette étude exploratoire a utilisé un cadre méthodologique qui, en multipliant les perspectives, cherchait à favoriser la réflexion tant critique qu’éthique. S’incarnant dans une réflexion entre personnes partageant les mêmes préoccupations (Wenger, 1998), la recherche-action collaborative (RAC) a mis à contribution l’intelligence collective (Dubost et Lévy, 2002) pour, non seulement multiplier, mais trianguler les perspectives.

Participants

Cette RAC s’est matérialisée en trois communautés apprenantes (CA) (Graves, 1992) relevant de trois programmes orientés vers les actions humaines. Chaque CA se compose des deux chercheuses principales et d’une chercheuse associée au programme disciplinaire, de formateurs universitaires, de formateurs de terrain et de coordonnateurs de stage. Plus précisément : 1) la CA en formation à l’enseignement est constituée de trois chercheuses, 10 formateurs universitaires, six formateurs de terrain et deux coordonnateurs de stage (N : 21) ; 2) la CA en travail social est constituée de trois chercheuses, quatre formateurs universitaires et deux coordonnateurs (N : 9) ; 3) Enfin, la CA en sciences infirmières est constituée de trois chercheuses, neuf formateurs universitaires et deux coordonnateurs (N : 14). Les trois CA réfléchissent aux défis rencontrés dans leurs accompagnements de stagiaires en SH et aux mesures (existantes ou à créer) les plus susceptibles de permettre de les relever. Les deux chercheuses principales ont participé à chacune des rencontres en CA (15 rencontres) et trois autres chercheuses ont participé aux rencontres en CA de leur programme respectif (cinq rencontres chacune).

Outils de collecte, d’analyse et d’interprétation des données

À l’instar de Chevalier et Buckles (2018, 2e éd.), les chercheuses reconnaissent que les cadres conceptuels et méthodologiques entretiennent des liens d’interdépendance, que chaque décision méthodologique repose sur l’examen minutieux des postulats conceptuels sous-jacents. Notre cadre conceptuel souligne qu’au vu de la complexité, l’imprévisibilité et l’unicité des interactions entre stage et défis des ESH, toute contribution à l’avancement des connaissances pratiques et théoriques sur l’accompagnement des ESH à leur devenir professionnel (Dubost, 2006) requiert un cadre méthodologique qui, en multipliant les perspectives, favorise la réflexion critique et éthique. S’incarnant dans une réflexion entre personnes partageant les mêmes préoccupations (Wenger, 1998), la recherche-action collaborative (RAC) s’impose puisqu’elle met à contribution l’intelligence collective (Dubost et Lévy, 2002) pour, non seulement multiplier, mais trianguler les perspectives. Dans ce projet, la recherche est donc conduite au sein de communautés apprenantes (CA) constituées de toutes les parties prenantes concernées, incluant les chercheuses. La RAC s’impose aussi parce qu’elle ajoute au caractère narratif des outils de conversation de la recherche collaborative (focus groups, entretiens), des outils qui, en codifiant in situ les éléments de cette conversation, magnifient leur pouvoir de transformation (Heron et Reason, 1997). En effet, cette codification concurrente à la conversation permet de ne plus dichotomiser la collecte des étapes subséquentes puisque chercheuses et formateurs peuvent désormais réaliser, ensemble, en direct, l’analyse et l’interprétation des données et en inférer les décisions d’action (Bourassa et al., 2007). Cette codification, à l’aide d’outils tirés du « guide de la recherche-action, de la planification et de la réflexion participatives » (Chevalier, Buckles et Bourassa, 2013), encadre la réflexion en train de se tenir de manière à ce qu’émerge une représentation qui tienne lieu de théorie commune temporaire (Sébilotte, 2007).

La RAC s’impose encore parce qu’elle conçoit que le choix de l’outil n’est jamais anodin pour qui veut faire avancer, avec la rigueur et l’éthique requises, les connaissances pratiques et théoriques. Les chercheuses déterminent, parmi une cinquantaine d’outils, celui qui, à ce point de la discussion, favorisera le mieux l’émergence du sens de la situation en examen de manière à également guider les actions en découlant. À ces outils s’ajoute le journal de bord, qui, en tant que mémoire vive (Savoie-Zajc, 2000), oriente les chercheuses dans leurs décisions tout au long du processus de recherche.

Visées des rencontres en CA et leurs outils

Au sein de chacune des trois CA, une première rencontre fait émerger les défis rencontrés par les participants en utilisant un outil (remue-méninges et classification) issu du « guide » (Chevalier et al., op.cit) : le remue-méninges invite chaque participant à noter, sur des fiches distinctes, trois à cinq situations lui ayant posé un défi en supervision de stages, défis pour lesquels il n’a pas eu de réponses qui l’ont satisfait. La classification se fait de manière à ce que chaque participant présente, à tour de rôle, le descriptif d’une de ses fiches. Si ce descriptif entre en écho direct (identique ou semblable) avec celui d’un ou de plus d’un participant, la ou leur fiche est placée dans une même pile. Le processus se poursuit jusqu’à épuisement des fiches. Les piles ainsi constituées sont alors analysées (pondération sur base du nombre de fiches par pile et choix consensuel d’un titre). Les participants entreprennent ensuite une interprétation en mixant leurs savoirs et expériences pour examiner notamment en quoi ces piles s’apparentent ou diffèrent de leur expérience de terrain et de leurs connaissances théoriques du sujet. Cette interprétation oriente la réflexion autour de la question DE quelle suite donner (satisfaits des résultats, nous passons à l’objectif suivant, insatisfait, nous poursuivons notre réflexion) ! Entre chaque rencontre, les chercheuses procèdent à une analyse qualitative de contenu (Fortin, 2010) de leurs journaux de bord conjugués aux résultats du travail en CA (tableaux, graphiques et transcription des analyses et interprétations groupales). Les tableaux synthèses qui résultent de cette analyse guident les chercheuses de trois CA, à la fin de chaque rencontre, dans leur conception des visées et outils de la rencontre suivante. À chaque nouvelle rencontre, les participants sont invités à valider le tableau synthèse réalisé par les chercheuses de chaque CA et le cas échéant, à valider les visées de la rencontre. Les participants des trois CA ont chaque fois validé tant les tableaux que les visées. Par conséquent, dans les trois CA, la deuxième rencontre visait à réviser leur classification (titres et leurs éléments) en prenant appui sur leurs expériences récentes d’accompagnement de stagiaires et à ajouter à la classification, si requis, des défis en procédant de façon analogue à la première rencontre auquel s’ajoutent, en amont de cette rencontre, l’invitation à lire, sur un Google Drive, des recherches récentes sur le sujet. De l’exercice en CA, cinq catégories de défis communs aux trois programmes et une dernière commune à deux programmes sont répertoriés. Une troisième rencontre précise les mesures susceptibles de pallier les défis rencontrés pour chacune des catégories. À cette fin, chaque CA est scindé en deux équipes chargées d’identifier, pour deux ou trois catégories de défis, les mesures leur ayant permis de les pallier, avec la liberté d’ajouter celles qu’elles aimeraient aussi mettre en place. Chaque mesure est inscrite sur une fiche distincte et placée sous sa catégorie. Le nombre de fiches par pile agit comme un premier facteur de pondération. Chaque mesure est ensuite pondérée selon deux autres facteurs à l’aide de l’outil contribution et faisabilité.

Schéma 1

Les six catégories de défis identifiées par les participants

Les six catégories de défis identifiées par les participants

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Dans un premier temps, l’équipe se demande si la mesure offre une contribution élevée, moyenne ou faible à la résolution de ce défi et dans un deuxième temps, quel est son niveau de faisabilité (élevé, moyen, faible). Toutes les mesures ayant obtenu un niveau de contribution élevée, mais un niveau de faisabilité moyen à faible, sont redéfinies de manière à en accroître, lorsque réalistes, leur faisabilité. Toutes les mesures ayant un niveau de faisabilité élevée, mais une contribution faible sont abandonnées. La quatrième et la cinquième rencontre visent à bonifier les mesures en prenant appui sur des documents relatifs aux stages, répertoriés par les chercheuses, dans dix universités québécoises. De ces textes, chaque équipe retient les éléments susceptibles d’enrichir les mesures identifiées à la troisième rencontre. L’outil « carrousel » (Chevalier et al.,op. cit.) est ensuite utilisé pour recevoir, des autres équipes, une rétroaction rigoureuse sur les mesures ainsi révisées afin de maximiser leur pertinence eu égard à leur contribution et leur faisabilité à résoudre tel défi.

Analyse et interprétation croisées des résultats

Il est possible de croiser les expertises de chaque partie prenante in situ, par l’intermédiaire des outils du guide pour ainsi faire appel à l’intelligence collective aux moments de l’analyse et de l’interprétation des résultats. Les tableaux synthèses de ces analyses et interprétations, réalisés par les chercheuses membres de chaque CA, étant à nouveau validés par les participants en début de la deuxième et la troisième rencontre en CA programme, offrent une assurance additionnelle que ces analyses et interprétations sont fiables. Dans cette section, nous présentons d’abord les éléments d’analyse et d’interprétation en lien avec le premier objectif de la recherche, soit quels sont les défis rencontrés. Ces défis sont accompagnés d’éléments de l’objectif 2, soit les mesures spécifiques visant à les pallier. Nous présentons ensuite la synthèse des éléments d’analyse et d’interprétation de l’objectif 2 en nous centrant, cette fois, sur les mesures plus génériques d’accommodement et d’accompagnement.

Les six catégories de défis et les mesures en découlant (objectifs 1 et 2)

De l’analyse et l’interprétation croisée des résultats en lien avec l’objectif 1, six catégories émergent (voir schéma 1), dont cinq sont communes aux trois programmes, la première, sur le langage, étant la seule qui ne constitue pas une préoccupation dans une CA, soit celle du travail social.

Qualité déficiente du langage écrit

La première catégorie de défis porte sur la qualité du langage écrit. Il s’agit d’un enjeu important souligné par les participants des programmes de sciences infirmières et d’éducation. En éducation, la tension relative à cet enjeu apparait d’autant plus critique que plusieurs étudiants ayant ou pas reçu un diagnostic de dysorthographie et ayant réussi un test de certification en français écrit pour l’enseignement (TECFÉE) permettant d’obtenir le brevet d’enseignement au terme de leur formation démontrent, en stage, des difficultés marquées à l’expression écrite spontanée (tableau, note aux parents, etc.). La communication constituant une des 12 compétences à atteindre en stage, les participants en enseignement se demandent comment évaluer judicieusement cette compétence du premier au quatrième stage. Afin de pallier ce défi, les participants proposent que les étudiants à risque suivent un cours d’appoint en français adapté à leurs besoins. Ils proposent également qu’en amont du stage, le formateur examine avec le stagiaire en SH, aux prises avec des défis langagiers, les stratégies compensatoires disponibles et pertinentes telles du temps additionnel et l’utilisation, pour toute écriture spontanée, des aides technologiques (ex., Antidote et Lexibar) disponibles, en classe, grâce au tableau numérique interactif (TNI). En sciences infirmières, les défis à l’écrit s’avèrent particulièrement critiques. En effet, les stagiaires doivent impérativement rédiger des notes de soin intelligibles et comprendre les notes qui leur sont remises pour exécuter leurs tâches. Une incompréhension même partielle peut poser un risque inacceptable, notamment lorsqu’une intervention doit être effectuée de toute urgence, et ce, à plus forte raison, si la survie du patient en dépend. Devant la gravité potentielle de certaines erreurs de compréhension, afin de pallier ces défis, les participants proposent de mettre en place, préalablement à l’admission, un test de dépistage des difficultés à l’écrit. En cas d’échec à ce test, les candidats devraient suivre et réussir un cours d’appoint adapté aux défis de la profession. Les participants souhaitent également que leurs stagiaires puissent se munir d’un iPad équipé des mêmes aides technologiques énumérées en éducation pour lire les notes reçues et rédiger les leurs. Ce souhait requiert un changement de culture de plusieurs milieux hospitaliers qui utilisent les notes manuscrites.

Adaptation aux défis posés par le milieu d’accueil

Des difficultés d’adaptation aux caractéristiques du milieu d’accueil sont rapportées par les participants des trois CA. L’absence de sensibilisation des formateurs aux différences entre les représentations du stagiaire, celle du milieu universitaire et celle du milieu de stage engendre inévitablement des tensions qui risquent de devenir conflictuelles sans un travail systématique de réflexion.

Par exemple, comment des formateurs doivent-ils composer avec un stagiaire qui :

  • Sur le plan des actions, peine à accomplir les tâches, notamment en sciences infirmières, pour administrer une médication intraveineuse dans les délais prescrits ; en sciences de l’éducation, pour articuler la longueur des consignes en fonction de l’âge et de la complexité de la tâche ; en travail social, pour composer de manière optimale avec une situation de crise.

  • Sur le plan relationnel, justifie son comportement autoritaire, en sciences infirmières, auprès des patients, en se référant au respect des règles ; en éducation, auprès des élèves, en affirmant qu’il est important « de casser les élèves ».

Dans l’optique d’atténuer ce défi, les participants proposent qu’une sensibilisation soit effectuée dans le cours d’introduction au programme, dans les séminaires de stage ou sous forme d’ateliers interactifs avec simulation ou études de cas. Cette sensibilisation leur apparait un atout essentiel à la maîtrise de la compétence relative à l’éthique de leur profession de même qu’à l’insertion des stagiaires dans leurs milieux de stage. Ils ajoutent qu’un soutien via le mentorat par les pairs faciliterait cette insertion, comme c’est déjà le cas en travail social où les étudiants de deuxième année agissent comme mentors pour ceux de première année. Les participants constatent qu’en amont, ils souhaitent réfléchir davantage aux moyens efficaces et éthiquement responsables d’accompagner cette sensibilisation. En éducation et en travail social, pour mieux soutenir l’insertion des ESH dans le milieu d’accueil, les participants suggèrent de :

  • Créer un répertoire des formateurs de terrain ouverts à toutes les diversités ;

  • Instaurer un pré-stage fait de quelques jours d’observation.

Méconnaissances ou non-maîtrise des savoirs et savoir-faire

Dans la majorité des programmes de formation professionnelle, la difficulté à articuler les liens entre théorie et pratique devient si apparente en stage qu’elle représente un véritable défi pour un nombre significatif de stagiaires et de formateurs. Selon les participants, plusieurs concepts théoriques sont peu ou mal maîtrisés, de sorte que leur translation en actions au moment du pilotage d’activités en stage s’en trouve compromise. Lorsqu’un stagiaire ne saisit pas l’incidence concrète d’un concept dans la pratique, les participants observent qu’il risque de :

1) Ne pas établir de distinctions claires entre des notions proches, comme, en enseignement, de ne pas établir de distinction claire entre la syllabe, le phonème et son graphème, ou encore, entre le nombre et le chiffre.

2) Ne pas savoir quels concepts s’appliquent dans quelle situation, par exemple : en sciences infirmières, ignorer qu’il doit effectuer une équation mathématique de conversion (cl, ml) lorsque vient le temps d’administrer un soluté ; en travail social, les comportements rigides d’un stagiaire aux prises un trouble obsessif-compulsif (TOC), illustrent de grandes lacunes dans sa capacité à traduire des savoirs théoriques en savoir-faire et savoir-être.

Dans le but d’atténuer ce défi, les participants proposent de renforcer l’approche programme en rendant beaucoup plus explicites les liens entre les cours théoriques et les savoirs, savoir-faire et savoir-être requis en stages. Ils comptent notamment sur les laboratoires et les cours concomitants au stage pour qu’ils offrent maintes occasions de lier concrètement la théorie aux exigences du stage. Une première mesure consiste à arrimer les travaux des cours au stage, par exemple en éducation, en invitant les étudiants à concevoir des activités d’enseignement/évaluation dans leurs cours de didactique qu’ils vont effectivement piloter en stage. Une deuxième mesure consiste à mettre en place en amont du stage, dans certains cours cibles, une modalité d’identification des étudiants à risque sur le plan cognitif, métacognitif ou affectif. Sur base volontaire, les étudiants ainsi identifiés pourraient bénéficier de soutien, notamment en situations stressantes, pour mettre leurs savoirs théoriques à contribution dans : 1) leur mise en oeuvre d’une stratégie ou d’un protocole, 2) le repérage d’informations critiques dans une note ou un texte, 3) le calcul de la quantité de médications à administrer.

Défis en régulation de ses ressources personnelles et interpersonnelles

Les défis liés à la régulation de ses ressources personnelles et interpersonnelles concernent plus particulièrement trois catégories d’étudiants : ceux démontrant des défis liés à une anxiété de performance, ceux ayant d’importantes difficultés d’organisation associées à un TDA/H et ceux aux prises avec une condition de santé mentale. Au regard de l’anxiété de performance, les participants des trois programmes constatent une augmentation significative du nombre de situations pour lesquels la sévérité compromet la performance en stage. Les participants en travail social constatent que l’anxiété peut provenir de la conciliation travail et études ou famille et études.

Les participants du programme de sciences infirmières soulignent qu’une mauvaise gestion de l’anxiété fait en sorte que le stagiaire n’arrive pas à réaliser une méthode de soin pourtant bien maîtrisée s’il doit l’exécuter dans une situation imprévue et urgente. Ils ajoutent que l’anxiété est particulièrement handicapante en chirurgie et en soins critiques. Enfin, les participants de l’éducation et de travail social mentionnent que, lorsque les efforts des stagiaires sont orientés vers des buts de performance plutôt que d’apprentissage, les stagiaires aux prises avec une anxiété de performance ne tirent pas profit de l’accompagnement ni de la rétroaction parce que « la peur de l’échec paralyse leur capacité à penser et à agir ».

En ce qui concerne les étudiants ayant un TDA/H, les participants des trois programmes soulignent que certains stagiaires démontrent une désorganisation susceptible de compromettre leur performance en stage parce qu’ils arrivent fréquemment en retard, qu’ils peinent à respecter l’horaire et la routine du milieu et enfin, qu’ils échouent à rencontrer les échéances relatives aux travaux à remettre. Les participants se demandent s’ils doivent retarder la prise en charge autonome et jusqu’à quel point il est raisonnable de réduire les exigences.

Enfin, dans leur supervision d’étudiants ayant un problème de santé mentale, les participants des trois programmes mentionnent naviguer à l’aveugle au regard de questions comme : est-ce que le stagiaire est apte à effectuer un stage et à travailler dans ce domaine ? Quand et comment effectuer un arrêt de stage ? En éducation, un participant réalise qu’une étudiante aux prises avec un état dépressif se débat avec des trous de mémoire lorsqu’elle enseigne. Les trois groupes de participants s’interrogent également sur les effets que certaines médications ont sur la somnolence ou la vigilance. En travail social, les participants se demandent s’ils doivent éviter de placer un stagiaire dans un milieu où les clients composent avec le même problème qu’eux, qu’il s’agisse de toxicomanie, d’anorexie, de pensées suicidaires, etc.

Les participants des trois programmes notent à quel point un pourcentage significatif de stagiaires accueille difficilement une rétroaction critique. Leur réaction de figement ou d’hostilité marque parfois le stress que cette rétroaction produit, et ce, de manière encore plus marquée chez les stagiaires ayant un trouble de santé mentale. Certains participants se demandent quelles traces laisser dans le dossier étudiant, d’un stage à l’autre, afin d’assurer une continuité dans le soutien et l’accompagnement offerts. Ils considèrent cette continuité essentielle tandis que d’autres participants estiment qu’il est préférable d’accompagner sans se laisser influencer par les résultats antérieurs.

De l’ensemble de ces questions en CA, il se dégage le consensus suivant afin d’atténuer ces défis : instaurer un bilan de stages décrivant les forces, défis, et les mesures mises en place et celles recommandées au prochain stage. Cette modalité entérinée par l’avocat de l’université comme respectant le droit à la confidentialité a désormais cours en éducation. Lorsque sa raison d’être est expliquée aux stagiaires, les participants en éducation constatent que plusieurs de leurs stagiaires présentent spontanément leur bilan à leur nouveau superviseur et que les stagiaires en SH apprécient le fait que leur réflexion avec leur superviseur guide plus efficacement leurs décisions quant aux mesures et à l’accompagnement qui leur convient. De plus, les mesures qui font consensus, lorsqu’elles s’avèrent raisonnables,[2] concernent la gestion flexible des modalités suivantes :

  1. Identifier un milieu de stage disposé à accompagner un stagiaire à risque d’échouer en tout respect des exigences relatives à l’atteinte des compétences visées par le stage ;

  2. Prolonger la durée du stage d’une à deux semaines pour diminuer le nombre d’heures ou de journées consécutives en stage ;

  3. Interrompre momentanément le stage (ex. : une à deux semaines) avec reprise de ces journées à la fin du stage afin que, selon le besoin, l’étudiant effectue une mise à niveau ou entreprend une démarche de gestion de ses obstacles à l’apprentissage ;

  4. Offrir du temps additionnel pour remettre les travaux en lien avec le stage et reporter la prise en charge autonome ;

  5. Offrir une continuité dans le soutien en permettant qu’un même formateur puisse superviser deux fois le même stagiaire.

Problèmes de savoir-être et d’attitudes

Selon les trois groupes de participants, de tous les défis rencontrés en contexte d’accompagnement, les problèmes de savoir-être et d’attitude et les défis éthiques en découlant semblent parmi les plus préoccupants et difficiles à gérer.

Les participants indiquent avoir observé des soupirs, des yeux levés au ciel, de la nonchalance, de la brusquerie auprès des élèves, patients ou clients en situation de désaccord ou de tensions. Ils ajoutent subir eux aussi de tels comportements de la part de stagiaires à risque d’échec ou en échec. Bien que l’éthique de la profession soit une compétence évaluée dans chacun des programmes, le manque d’indicateurs rend son évaluation particulièrement difficile lorsque les comportements observés y contreviennent. L’ensemble des participants se demande : comment réagir face au stagiaire qui n’accepte pas la rétroaction alléguant qu’elle ne « correspond » pas à son vécu ? Que faire lorsque, malgré toutes les mesures proposées par le formateur, le savoir-être attendu n’est toujours pas au rendez-vous ? Quels appuis offrir, en cours de stage, de manière à ce que le stagiaire sache composer avec son anxiété et retrouve une confiance suffisante pour oser réfléchir de manière introspective aux défis rencontrés ? Comment, en fin de stage, s’il y a échec, accompagner les stagiaires qui se font menaçants ou menacent de se suicider ? Au regard de ces questions, les participants considèrent qu’ils se sentent coincés dans une impasse du fait que la tâche de supervision tente de concilier deux lentilles qui, de prime abord, s’opposent, soit celle de la performance qui sanctionne l’erreur comme évidence d’un manquement aux finalités du stage et celle de l’apprentissage qui la perçoit comme trace essentielle pour repenser sa compréhension de la situation ou sa décision d’action. Dans le premier cas, l’accent est placé sur les critères et indicateurs de performance ; dans le second, sur le questionnement pour conférer du sens à la situation en examen. Lors de rétroactions négatives, la lentille d’apprentissage cède sa place à celle de performance, la tension de l’échec devient palpable et les participants se voient confrontés à « l’attitude de déni et à des propos irrespectueux du stagiaire ». Pour sortir de cette d’impasse et atténuer ces défis, les participants des trois programmes suggèrent :

En amont de l’admission, en travail social et en sciences infirmières, de faire passer un examen portant sur le savoir-être. En sciences infirmières, l’examen consisterait en une série de vignettes vidéo sur des études de cas. Cet examen serait équivalent à celui utilisé dans certaines facultés de médecine et certains programmes IPS (infirmières praticiennes spécialisées). À l’entrée dans le programme, plusieurs formules de sensibilisation aux comportements éthiques responsables, tels une grille d’évaluation des comportements éthiques attendus en stage et la mise en place d’un contrat personnalisé d’apprentissage (voir 6.3).

En cours de programme, il est proposé de mettre en place un comité des cas complexes constitué de membres permanents du programme (coordonnateur de stage, professeur responsable de la formation pratique) et de membres ad hoc choisis en fonction du cas (ex., direction du module, formateur universitaire, conseiller du service destiné aux ESH). Ce comité aurait un triple mandat :

  • D’examiner toute situation (absentéisme, attitudes ou comportements peu professionnels, manquement éthique important, déni et rigidité du stagiaire, etc.) où est compromise l’atteinte des compétences attendues. En fonction de son analyse rigoureuse de la gravité de la situation et de la pertinence des mesures de soutien mises en place, en amont (s’il y a lieu) et en cours de stage, le comité a charge de prendre une décision eu égard à la poursuite du stage, au retrait préventif, ou à l’échec.

  • De s’assurer, s’il y a poursuite du stage, qu’il y a mise en place d’un contrat personnalisé d’apprentissage rédigé par le stagiaire en concertation avec les formateurs universitaires et de terrain. Ce contrat définit les objectifs du stage et les moyens à déployer par le stagiaire, en cours du stage (si poursuite) ou en amont (si retrait préventif), pour les atteindre. Pareil contrat nécessite, selon plusieurs participants, un savoir interroger et accompagner qui demeurent à développer.

  • De s’assurer, s’il y a échec du stage, qu’un contrat personnalisé d’apprentissage soit rédigé par le stagiaire, cette fois en concertation avec le coordonnateur de stage, pour définir les moyens à déployer par le stagiaire pour qu’il développe les compétences requises avant la reprise de celui-ci.

Défis relatifs à la responsabilité professionnelle

La dernière catégorie traitant des défis identifiés par les participants concerne la responsabilité professionnelle des stagiaires à l’égard de leur formation et du dévoilement de leur situation de handicap. Cette catégorie est transversale à l’ensemble des défis susmentionnés. Les participants abordent, entre autres, l’épineuse question du droit à la confidentialité des stagiaires, laquelle découle de principes légaux entérinés par les chartes canadiennes et québécoises des droits de la personne. Il y est notamment question des droits et responsabilités des stagiaires en ce qui a trait à la divulgation ou non de leur condition diagnostiquée et des besoins qui en découlent. À titre d’exemple, les participants en travail social s’interrogent sur la manière d’intervenir quand la condition de l’étudiant, connue uniquement par la coordonnatrice de stage, contient un risque de porter préjudice à une clientèle déjà vulnérable à laquelle le stagiaire est exposé, ou encore lorsque le milieu de stage observe que l’accompagnement requis par le stagiaire dépasse ses capacités. Bien que les participants comprennent que certains stagiaires craignent d’être stigmatisés ou discriminés et que cette crainte est parfois fondée puisque certains milieux démontrent de tels biais, ils estiment que la divulgation, en amont du stage, permettrait aux formateurs de mieux les accompagner.

Les participants constatent que la divulgation tardive, soit au moment où d’importants obstacles surgissent pendant le stage ou lorsqu’il y a échec en fin de stage, compromet toute chance de pallier les défis. Pour atténuer ce défi, ils souhaitent explorer comment aborder le sujet sans heurter la sensibilité du stagiaire ni brimer la relation de confiance. Les programmes de sciences infirmières et de travail social proposent de mettre, dans les guides de stage, un mémo analogue à celui proposé en éducation, lequel spécifierait les raisons pour lesquelles tout stagiaire a avantage à préciser ses besoins et les risques associés à la non-divulgation au moment où le stage semble à risque. Bien que ce mémo vise plus spécifiquement les ESH, les participants envisagent de sensibiliser tous les stagiaires à l’importance de nommer leurs besoins pressentis en fonction du contexte de stage (compétences à l’écrit, savoir-être avec des élèves en troubles de comportement ou des clients aux prises avec un problème de santé mentale, vitesse d’exécution d’une tâche en situation d’urgence, etc.) et de se prévaloir des services de l’université (ex. Centre d’aide en français, soutien psychologique, etc.). Par ailleurs, les participants des trois programmes constatent que la responsabilisation des étudiants repose sur une communication formateurs/stagiaires fluide et transparente, laquelle précise les exigences relatives au stage, les règlements et procédures à suivre ainsi que toutes les mesures de soutien pouvant être offertes. Bien que tous estiment que ces informations doivent paraître dans les guides de stage, ils souhaitent également, pour atténuer ce défi, identifier les plateformes (cours d’introduction, séminaire de stage, laboratoires, site Internet du programme) les plus susceptibles de rejoindre efficacement tous les étudiants. Les participants sont particulièrement sensibles à la nécessité d’explorer, avec les stagiaires, outre le référentiel de compétences et les grilles d’évaluation qui en découlent, les responsabilités éthiques qui leur incombent en repérant toute situation susceptible de porter préjudice à la clientèle dont ils ont charge et en les incitant à mettre en place des attitudes et stratégies éthiques et responsables.

Synthèse des éléments d’analyse et d’interprétation portant sur les mesures génériques d’accommodement et d’accompagnement

Cette étude exploratoire a mis en lumière que ces six catégories de défis sont observées auprès de tous les stagiaires, mais que leur importance et leur complexité augmentent lorsque les stagiaires sont des ESH. À l’instar de certains auteurs (Baldwin, 2007 ; Glenmaye et al., 2007, Symes, 2014), les participants soulèvent des problèmes d’ordre éthique se retrouvant dans chacune des catégories. Bien que tous s’entendent pour reconnaître que ces problèmes sont magnifiés lorsqu’il est question de savoir-être et d’attitude, les participants se disent préoccupés par les problèmes éthiques résultants d’un manque de maîtrise du niveau de langue à l’écrit, ou d’une difficulté d’adaptation à un milieu d’accueil lorsque, comme le notent Legault (2003) et St-Vincent (2011), il s’avère trop différent sur les plans des valeurs, des principes et des acquis. Les mesures qui suivent tiennent compte de ces résultats. Pour pallier ces défis, à l’instar de plusieurs chercheurs (Baldwin, 2007 ; Leyser et al., 2011 ; Howlin et al., 2014 ; Symes, 2014), les participants proposent de mettre en place des mesures d’accommodement et d’accompagnement servant à mieux préparer le stagiaire en amont d’un stage, puis à lui offrir l’aide requise pendant et entre les stages lorsqu’un ou plus d’un défi n’a pu être résolu. Par ailleurs, il ressort qu’au-delà des mesures d’accommodement, peu nombreuses en comparaison de celles à offrir en lien avec les cours (Philion et al., 2016), ce sont les mesures d’accompagnement (l’effet formateur) qui se révèlent être la pierre angulaire pour relever les défis rencontrés par les stagiaires.

Mesures d’accommodement

Trois types de mesures d’accommodement émergent de la réflexion :

  • Une gestion flexible du temps, incluant : 1) offrir du temps additionnel pour se préparer (p. ex., examen d’un dossier, visite pré-stage) ou pour déposer un rapport, 2) reporter un stage ou la prise en charge autonome des élèves ou encore des patients, 3) interrompre durant quelques jours le stage afin de permettre une mise à niveau, 4) en prolonger la durée tout en diminuant le nombre de jours par semaine.

  • Le choix des formateurs et des milieux de stage disposés à accueillir et accompagner des étudiants aux prises avec des défis particuliers, une mesure également proposée par Symes (2014) ainsi que Csoli et al., (2012).

  • L’accès aux aides technologiques, incluant, pour les stagiaires en éducation, le TNI et Lexibar en salle de classe et, pour les stagiaires en sciences infirmières l’utilisation des aides technologiques (iPad, Smart Pen) pour leurs notes d’intervention (de soins) ainsi qu’une calculatrice pour calculer la posologie d’une médication (Howlin et al., 2014).

La plupart de ces propositions entrent en écho avec les orientations de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Ducharme et al., 2012). Cependant, pour mettre en place certaines de ces mesures, des changements dans les normes et les règles des stages devront être entérinés, les unes dans les milieux universitaires de formation, les autres, dans les milieux d’accueil. À titre d’exemple, la dernière mesure mentionnée, l’utilisation, en milieu hospitalier, d’aides technologiques tel un iPad, contrevient aux normes en vigueur dans certains milieux hospitaliers. Cette demande d’accommodement pourrait se voir refuser sur base qu’elle constitue une contrainte excessive que le milieu pourrait refuser.

Mais, comme le souligne Ellefsen (2015), avant de statuer qu’un accommodement constitue une contrainte excessive, il faut essayer de trouver une solution, mettre tout en oeuvre pour accommoder l’étudiant. Ceci implique la participation et l’engagement de tous les acteurs concernés (p. ex. : l’étudiant, le milieu de stage et le milieu universitaire).

Mesures d’accompagnement en amont des stages

Les mesures d’accompagnement requièrent également des changements au sein même de la structure du programme universitaire de formation. C’est le cas de toutes les mesures d’accompagnement envisagées en amont des stages telles :

  • Offrir un cours d’appoint obligatoire aux étudiants qui échoueraient à un test de dépistage du langage écrit, préalable à l’admission (sciences infirmières) ou en cours de formation (éducation). L’imposition d’un tel test et la création d’un cours d’appoint exigent de modifier les règlements institutionnels.

  • Mieux préparer les stagiaires aux réalités du terrain, en les sensibilisant à la culture des milieux d’accueil par l’intermédiaire, soit : 1) d’un cours d’introduction au programme, 2) de simulations en laboratoire durant lesquelles les étudiants constatent les habiletés exigées pour, notamment en sciences infirmières, assurer la sécurité des patients (Symes 2014), 3) d’un pairage avec des étudiants mentors, une mesure proposée notamment par Symes, (2014).

  • Assurer, à la manière de Baldwin, (2007) et Leyser et al. (2011), un meilleur arrimage entre les cours et les stages, notamment en misant sur une approche programme qui rend explicites les liens entre les cours et les différents savoirs à démontrer en stage.

  • Mettre en place une modalité d’identification des étudiants à risque d’échec dans les cours afin de leur offrir, dans la mesure du possible, avant le stage, un accompagnement personnalisé susceptible de les préparer adéquatement au stage.

Mesures d’accompagnement durant et après les stages

Il est proposé de créer un comité de gestion des cas complexes ayant pour finalité de proposer aux étudiants un contrat personnalisé d’apprentissage (objectifs et actions à déployer par le stagiaire, le milieu et l’université) adapté à leurs besoins. Sur ce dernier point, les participants insistent sur l’importance que ce contrat d’apprentissage soit réalisé dans un climat de bienveillance et d’ouverture à la différence afin que le stagiaire trouve la force de s’y engager. Les participants constatent, sur les traces de Bourassa (2014), qu’il leur faut repenser deux aspects critiques de leur métier : 1) leur savoir interroger le stagiaire non pour qu’il se justifie, mais pour cheminer ensemble vers une définition plus concrète et expérientielle des défis et des actions précises qui lui permettraient de les relever ; 2) leur savoir s’engager (Cifali, 2018) en examinant, avec leur stagiaire, quels soutiens lui offrir, qu’il s’agisse d’échanges réguliers, de l’élaboration et la mise en oeuvre du contrat d’apprentissage, d’une vidéo-rétroaction où les stagiaires et formateurs s’impliquent pour faire émerger des hypothèses de solutions à expérimenter, ou de toutes autres mesures de soutien adaptées aux défis.

Conclusion

Cette étude exploratoire met en évidence la nécessité d’opérer un ensemble de changements au sein de l’université et de ses programmes professionnels orientés vers les métiers de l’humain pour mieux composer avec les profils toujours plus diversifiés des ESH (Lebel et al., 2016 ; Philion, 2010). L’étude met ainsi en exergue la complexité sans cesse croissante du métier de formateur confronté, d’une part, à la lente transformation identitaire du stagiaire du statut d’apprenant au statut de professionnel et d’autre part, à des enjeux multifactoriels émanant des importantes disparités contextuelles, épistémologiques et fonctionnelles des milieux et des personnes concernées. Comme le notent Brau-Antony et Mieusset (2013), devant de telles disparités, les participants à cette étude sont conscients d’être peu ou pas préparés à accompagner les ESH, en particulier lorsqu’ils se retrouvent à risque d’échouer et paralysés par la peur de l’échec (Vandercleyen et al., 2018).

Souhaitant que ces stagiaires aient une chance égale à leurs pairs de devenir des « professionnels compétents » (Mukamurera, Desbiens.et Perez-Roux, 2018), les participants, sur les traces de McIntyre (2009), notent que cette transformation ne dépend pas du nombre d’heures en stage, mais bien d’un savoir réfléchir ensemble pour construire, de façon éthique et responsable (Legault, 2016), une « intelligibilité de la situation » (Mottier Lopez et Cattafi, 2008), ouverte aux possibles, à l’émergent, au changement et à l’innovation (Charlier et al. 2012), et ce, même dans les moments de déstabilisation (Le Bouëdec et al., 2001).

Les participants conviennent que ce travail conjoint consiste à : 1) interroger ce qui se coince ou résiste (Desbiens 2018) jusqu’à ce qu’il se transforme en « une force pour construire » (Cifali, 2012), 2) poser, des jugements pondérés par le contexte (Boutet et Villemin, 2014), 3) examiner comment adapter leurs pratiques et ressources en harmonie autant avec la situation que leurs compétences (Le Boterf, 2011), et 4) convenir ensemble que ce travail ne sera pas fini une fois pour toutes et qu’il importe de rester en apprentissage.

Tout cela fait dire aux participants que leur accompagnement doit prendre la forme d’une conversation, entendue dans le sens d’une délibération qui « tourne autour » de la situation (Aristote) jusqu’à ce que du sens émerge. Au fil des rencontres, il leur semble que le métier du formateur - qui encadre, propose, modélise – doit progressivement céder sa place au métier du formateur qui interroge en même temps qu’il s’interroge afin de suspendre tout jugement (Dewey, 1938), se maintenir en réflexion (Arendt, 1955) jusqu’à ce qu’émerge, de la conversation, une compréhension nouvelle, adaptée au contexte et aux acteurs (Perez-Roux, 2018). Selon Boutet et Rousseau (2002), de cette conversation dépend la qualité de la réflexion du stagiaire.

Le métier de formateur est exigeant (Biémar et al., 2018) puisqu’il s’agit de se risquer, ensemble, à partir d’événements singuliers et déstabilisants (Malo, 2018), à créer une compréhension nouvelle (Ricoeur, 1995). Notre étude exploratoire se poursuivra en misant sur les deux perspectives qui se dégagent. D’une part, il sera question d’expérimenter et d’évaluer les diverses mesures proposées dans cet article afin de les adapter aux ESH et au contexte du stage aux fins de les ajuster ou de les modifier lorsque requis. D’autre part, il s’agira d’expérimenter diverses stratégies pour mieux converser et ainsi, dénouer l’impasse du figement du stagiaire, et de la relation, dans toute situation où l’ESH se trouve à risque d’échec. Nous anticipons que cette conversation gagnera, vraisemblablement, à inclure davantage de formateurs de terrain pour mixer les perspectives et installer une collaboration multipartite.