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Depuis plus d’une décennie se multiplient les dispositifs de soutien aux démarches d’innovation collaborative qui mettent en interaction des acteurs plus ou moins hétérogènes et susceptibles d’apporter des connaissances nouvelles dont la combinaison nourrit l’innovation. Ces démarches, également connues sous le nom d’innovation ouverte (Chesbrough, 2003), ont bénéficié des évolutions successives des technologies de communication associées au développement d’outils facilitant les échanges de connaissances (par exemple les plateformes collaboratives ou le crowdsourcing). Mais ces nouveaux outils ne se substituent pas pour autant à des méthodes plus traditionnelles de travail au sein d’un consortium de recherche ou d’un projet collaboratif qui ont d’ailleurs confirmé leur rôle en matière d’innovation grâce au soutien financier croissant des pouvoirs publics.

Ces dispositifs d’innovation ouverte soulèvent la question centrale du management des connaissances (Loilier et Tellier, 2011). En effet, la capacité d’une firme à mobiliser des connaissances externes détermine la performance de sa démarche d’innovation (Cohen et Levinthal, 1990 : Laursen et Salter, 2006). Un courant majeur s’est alors développé autour de la notion de capacité d’absorption qui traduit l’aptitude de la firme à s’approprier des connaissances externes et à profiter ainsi des bénéfices attendus d’une démarche d’innovation ouverte (Cohen et Levinthal, 1990).

Si le rôle des capacités d’absorption dans l’assimilation des connaissances externes n’est plus à démontrer, la gestion de ces connaissances reste un phénomène complexe qui articule des mécanismes de création et d’absorption des connaissances, mais aussi d’intégration et de reconfiguration de ces mêmes connaissances (Verona et Ravasi, 2003). Dès lors, le développement de capacités dynamiques, comprises comme l’aptitude de la firme à intégrer, construire et reconfigurer des compétences internes et externes afin de faire face aux changements de l’environnement (Teece et al., 1997), pourra être tourné vers l’utilisation d’un dispositif collaboratif particulier. Les capacités dynamiques sont ainsi propices à un apprentissage incrémental en mêlant des mécanismes d’exploration, d’assimilation et d’exploitation des connaissances internes et externes (Zollo et Winter, 2002). La mise en oeuvre d’une démarche d’expérimentation devient alors fondamentale. Ainsi, une démarche d’expérimentation soutient le processus d’innovation ouverte en facilitant la confrontation des représentations variées des participants à un projet pour un même problème (Garel, 2004) et en favorisant l’accumulation graduelle de connaissances et l’ajustement de la trajectoire au gré de cette accumulation (Thomke, 2006). Au-delà, elle soutient aussi une circulation plus fluide des connaissances liée à la perméabilité des unités organisationnelles partenaires dans des démarches performantes d’innovation ouverte.

Nous proposons d’envisager qu’une démarche d’expérimentation puisse refléter une capacité dynamique dès lors qu’elle se traduit par la mise en oeuvre stable (Zollo et Winter, 2002) et récurrente de projets permettant de renouveler la base de compétences de l’entreprise (Eisenhardt et Martin, 2000; Teece et al., 1997). De nombreux travaux ont envisagé les dispositifs organisationnels qui favorisent la gestion des connaissances en situation d’innovation avec un accent porté sur la mise en place d’équipes projet (e.g. Graebner, 2004; Hargadon et Sutton, 1997). Toutefois, bien qu’il soit admis que l’apprentissage issu d’une collaboration dépend de l’engagement des individus dans un travail conjoint (Browning et al., 1995; Hardy et al., 2003), nous manquons d’une compréhension fine des mécanismes sociaux qui opèrent au niveau des individus issus de différentes organisations. En effet, les échanges de connaissances inter-organisationnels concernent à la fois les pratiques des individus mais aussi les stratégies et organisations des entreprises en la matière. Pour être compris finement, ils requièrent donc une analyse multi-niveaux qui part du niveau individuel pour englober les niveaux organisationnels et inter-organisationnels. Ces interactions entre les différents niveaux sont d’ailleurs au coeur des préoccupations récentes des tenants de l’approche par les capacités dynamiques qui appellent à davantage de travaux permettant de comprendre leurs micro-fondations (Eisenhardt et al., 2010; Felin et al., 2012).

S’intéresser aux micro-fondations d’une capacité dynamique tournée vers l’efficience des échanges de connaissances entre organisations nous amène à distinguer les échanges prévus ex ante par les termes du contrat et ceux qui relèvent de dynamiques émergentes et autonomes (Cohendet et Gaffard, 2012). Ainsi, deux logiques sous-tendent les échanges inter-organisationnels. La première se traduit par des échanges déséquilibrés où l’un des individus manipule l’autre afin d’obtenir des connaissances sans contrepartie (Bouty, 2000). Ces échanges instrumentaux ne permettent ni de soutenir des relations durables, ni d’accéder à des ressources stratégiques. A l’inverse, des échanges équitables caractérisés par une réciprocité[1] soutiennent l’instauration d’un cercle vertueux d’échanges nourri par des expériences passées jugées équitables par les individus (Ibid). La prise en compte d’une réciprocité dans les échanges a été théorisée par Mauss (1950) avec l’identification d’un triple mécanisme – donner, recevoir, rendre – qui anime les relations entre individus. Cette théorie du don/contre-don est particulièrement adaptée à la compréhension des échanges inter-organisationnels car, en intégrant des dimensions individuelles à la réflexion, elle permet de dépasser la logique économique et calculatoire de la collaboration induite par le contrat et de basculer dans une logique d’échange social (Alter, 2010). Elle nous semble donc propice à la compréhension des micro-fondations des capacités dynamiques et nous soutenons notre proposition en envisageant le cas particulier de la mise en oeuvre d’une capacité d’expérimentation. C’est dans ce contexte que nous situons cet article dont la question de recherche est la suivante : comment le lien social qui se tisse entre des individus réalisant des échanges inter-organisationnels réciproques assure-t-il les micro-fondations d’une capacité dynamique d’expérimentation (CDEX) ?

En nous appuyant sur une étude longitudinale d’une entreprise du secteur des télécommunications, notre objectif est donc double. Tout d’abord, nous souhaitons démontrer que l’entreprise peut développer une CDEX soutenue par des échanges inter-organisationnels. Nous proposons ainsi un cadrage théorique de la CDEX qui s’articule autour de trois niveaux – inter-individuel, organisationnel, inter-organisationnel – et qui s’appuie sur le modèle de gestion des connaissances de Zollo et Winter (2002). Ensuite, nous désirons comprendre comment le développement d’un lien social entre individus qui repose sur une logique de don/contre-don constitue une micro-fondation de la CDEX. Cet article est organisé de manière classique en quatre temps. Après avoir présenté le cadre conceptuel, nous détaillons la méthodologie et les résultats de notre étude de cas pour conclure par leur discussion.

Cadre conceptuel

La capacité d’expérimentation

En matière d’innovation, l’expérimentation constitue un mode d’apprentissage spécifique dont l’objectif est de générer des connaissances nouvelles en dépassant la simple observation d’un phénomène à travers la manipulation des différentes variables susceptibles de l’expliquer (Thomke, 2006). Elle peut s’apparenter à la formation d’une capacité dynamique (que l’on peut donc qualifier ici de capacité dynamique d’expérimentation) et à son déploiement si et seulement si ces trois critères sont présents : la récurrence et la stabilité des processus sur lesquelles la capacité dynamique se fonde, l’amélioration de la performance qu’elle sous-tend et enfin bien entendu la modification de la base de ressources et de compétences qu’elle implique. Au coeur de la notion d’expérimentation se trouve ainsi l’idée d’une réflexion construite dans l’action (Schön, 1983), c’est-à-dire un apprentissage à travers l’usage aussi bien en environnement réel que virtuel. La mise en oeuvre d’une capacité d’expérimentation permet à l’entreprise de soutenir une démarche itérative d’apprentissage par essai-erreur où chaque essai génère une nouvelle connaissance sur un problème, et chaque erreur révèle des aspects inattendus (Thomke, 1998; Von Hippel, 2005). Il se met en place un cercle vertueux au sein duquel les fondements d’une nouvelle expérimentation reposent sur les résultats de la précédente. La multiplication des projets permet ainsi de tester rapidement différentes voies de développement, de s’ajuster aux évolutions de l’environnement et donc de maximiser l’apprentissage en couplant différentes sources de connaissances (Brown et Eisenhardt, 1998; Hamel, 1998; Thomke, 1998). En outre, la vitesse et la fluidité d’exécution peuvent être améliorées en s’appuyant sur des processus d’innovations conjointes entre utilisateurs et développeurs (Thomke et Von Hippel, 2002). L’expérimentation permet à l’entreprise d’être proactive en construisant sa stratégie autour de nouvelles opportunités tout en s’adaptant aux évolutions de son environnement (Eisenhardt et al., 2010).

Une démarche d’expérimentation se compose ainsi d’un ensemble de projets permettant de tester différentes opportunités de façon cohérente le long d’une trajectoire (Brown et Eisenhardt, 1998; Thomke, 2006). En situation d’innovation inter-organisationnelle, il importe de bien cerner les voies d’apprentissage pour à la fois circonscrire l’espace d’exploration et faire évoluer cet espace en profitant rapidement des « rentes d’apprentissage » (Ségrestin, 2006). Les fortes incertitudes qui caractérisent le démarrage d’un projet collaboratif sont progressivement réduites pour les voies d’apprentissage initiales pendant que de nouvelles émergent à mesure que l’entreprise investigue de nouvelles voies. En effet, dans un contexte d’innovation ouverte qui renforce l’importance du pilotage de projets collaboratifs entre les différentes parties concernées, l’identification collective des opportunités d’innovation nécessite d’une part d’impliquer des partenaires dont les intérêts sont mal cernés et d’autre part de réunir des compétences indéterminées, rendant difficile une correspondance forte entre les attentes et besoins précis des uns et des autres et les contenus des échanges effectifs (Lenfle, 2008; Ségrestin, 2006). La collaboration doit donc s’envisager comme un système ouvert de relations dont le périmètre évolue le long de la trajectoire d’expérimentation au gré des connaissances échangées et construites. La nature des relations entre les partenaires s’affine durant l’exécution du projet et progressivement le rôle de chacun dans l’offre en construction se stabilise.

Globalement, la démarche d’expérimentation est davantage tournée vers l’exploration de nouveaux espaces d’innovation. Toutefois, la mise en oeuvre itérative des projets collaboratifs le long d’une trajectoire, nous amène à considérer dans cet article que les conditions initiales entre les partenaires d’un projet (maîtrise des compétences nécessaires à la collaboration et qualité de la relation entre les individus) puissent être différentes, mais aussi évoluer à mesure que les projets se succèdent. En effet, s’il est admis qu’au lancement d’un projet certains partenaires ne se connaissent pas, cette situation se limite aux premiers temps de la collaboration. Ainsi, en renouvelant des expériences avec les mêmes partenaires, les zones d’incertitudes s’amenuisent. De même, la définition d’un nouveau projet peut amener à collaborer avec de nouveaux partenaires susceptibles de révéler de nouveaux espaces d’action, mais dont le potentiel reste méconnu.

Les échanges de connaissances inter-organisationnels

La logique collaborative entre les partenaires d’un projet d’innovation pose la question centrale de la diffusion et du partage des connaissances. Les échanges inter-organisationnels de connaissances peuvent ainsi être prévus ex-ante et pilotés ou relever de dynamiques émergentes et autonomes (Cohendet et Gaffard, 2012). Les projets collaboratifs d’innovation sont très largement structurés par des contrats décrivant les droits et devoirs de chacun des protagonistes. Ils prennent la forme d’accords intergouvernementaux, de programmes cadres ou encore de contrats privés précisant les caractéristiques des « livrables » attendus par les différents partenaires (études, solutions techniques, objets physiques…). Dans ce cas, les échanges sont largement pilotés et déduits des orientations données par les directions des partenaires : nous parlerons donc d’échanges de connaissances induits[2]. Dans une logique d’agence, ces contrats sont avant tout efficaces pour supprimer les asymétries ou incomplétudes d’information. Autrement dit, ils sont efficaces lorsqu’il s’agit d’échanger des connaissances déjà existantes mais ils le sont nettement moins dès lors que les projets collaboratifs se donnent aussi pour objectif de créer des connaissances nouvelles (Cohendet et Gaffard, 2012). Dans ce deuxième cas, les incertitudes et imprévisibilités sont telles qu’il est impossible de prévoir ex-ante les échanges de connaissances qui vont se développer. Les échanges de connaissances inter-organisationnels induits doivent alors être complétés par un autre type d’échanges de connaissances. Non prévus ex-ante par une forme de contrat (quelle qu’elle soit), nous qualifions ces échanges d’autonomes[3].

Ces échanges de connaissances inter-organisationnels, qu’ils soient induits ou autonomes, sont source d’apprentissage. Les travaux de Zollo et Winter (2002) ont ainsi identifié trois mécanismes de gestion des connaissances qui, d’une part favorisent un apprentissage incrémental en suivant une dynamique cyclique et, d’autre part peuvent coévoluer et contribuer ainsi au développement de capacités dynamiques. Selon ces auteurs, les entreprises adoptent un apprentissage mixte composé d’une accumulation d’expérience et d’investissements délibérés dans des activités d’articulation et de codification des connaissances. Le premier mécanisme est classique et concerne l’accumulation tacite d’expérience. Cette dernière vise la modification des routines existantes et des compétences de l’organisation. Ce n’est qu’à cette condition de modification que ce mécanisme permettra le développement des capacités dynamiques. Les deux autres mécanismes sont moins « naturels » et nécessitent donc un investissement délibéré de la part de l’organisation qui sera facilité dans les contextes d’apprentissage par l’expérience (Prencipe et Tell, 2001). Le premier est l’articulation des connaissances. Il survient lorsque les individus expriment leurs opinions et ressentis et confrontent leurs points de vue. Ce faisant, ils comprennent de façon plus fine les causes des problèmes auxquels ils sont confrontés. Dit autrement, ils sont davantage conscients des conséquences de leurs actions sur la performance de l’organisation. Enfin, le dernier mécanisme est celui de la codification des connaissances. Il consiste en la formalisation par les individus de leur compréhension de la relation actions-performance à travers des outils de gestion ou, dans un contexte d’expérimentation, des outils de test tels que les prototypages et les toolkits (Thomke et Von Hippel, 2002).

Modèle conceptuel

L’objet de cette recherche est de mieux comprendre les mécanismes opérant au niveau des individus lors d’échanges inter-organisationnels de connaissance induits et autonomes qui interviennent dans le développement d’une capacité dynamique. Précisément, nous envisageons la construction puis le maintien d’une CDEX à travers la mise en oeuvre stable et récurrente de projets collaboratifs qui facilitent le renouvellement des compétences de l’entreprise grâce à un apprentissage incrémental construit dans l’action. La figure 1 détaille notre modèle conceptuel.

La mise en oeuvre de projets collaboratifs mettant en interaction des individus aux statuts et aux cultures variés pose le problème de l’engagement des individus dans la coopération et de son impact sur l’apprentissage (Calamel et al., 2012). La collaboration est ainsi le résultat d’un processus de construction sociale où l’apprentissage est facilité par le niveau d’implication des individus (Hardy et al., 2003) et l’instauration d’une réciprocité visible, c’est-à-dire des engagements sans condition (Browning et al., 1995). S’intéresser au processus social qui s’opère entre les partenaires d’un projet, dont l’efficacité est sous-tendue par l’existence d’une réciprocité dans les échanges, nous amène à placer la théorie du don/contre-don de Mauss (1950) au coeur de notre modèle conceptuel[4]. Selon cette théorie, les individus échangent des choses sans calcul précis et sans logique contractuelle en suivant un cycle en trois temps – donner, recevoir, rendre – qui assure une réciprocité dans les échanges. La réalisation de cycles de dons permet de créer un lien social entre les individus nourri par le caractère à la fois volontaire et obligatoire des échanges (Mauss, 1950). D’un côté, les individus restent en apparence libres de donner dans la mesure où le choix du donataire et du contenu du don ou contre-don n’est pas imposé (Masclef, 2013). De l’autre côté, les échanges sont contraints par une contingence quelconque (sociale, économique, religieuse…) et l’absence de réciprocité risque d’être sanctionnée par les individus. Dans cette logique d’échange, l’action de recevoir est particulièrement déterminante en marquant le moment où les individus sortent des conventions par le biais de gestes ou de paroles qui montrent l’intérêt accordé au don (par exemple un engagement ultérieur, une reconnaissance de la dette) afin de se rapprocher des autres (Alter, 2010). Cette évaluation ne s’effectue pas instantanément et se construit selon l’usage que font les individus du don. Ainsi, ce que donnent les individus ne fait pas l’objet d’une compensation immédiate (Bouty, 2000) et rend compte du lien social qui se construit (Masclef, 2013). Bien que la théorie du don/contre-don semble a priori propice à la compréhension de la logique qui sous-tend les échanges autonomes (voir par exemple le travail de Bouty, 2000), nous pensons qu’elle doit être étendue aux échanges induits. En envisageant ces échanges sous un angle volontariste, il devient alors possible de dépasser la logique d’obligation contractuelle qui induit l’échange et de considérer que celui-ci reflète également les choix et les préférences des individus. En effet, les échanges sociaux intègrent des dimensions symboliques et affectives qui se traduisent par des contenus hétérogènes qui ne sauraient se résumer à des objets ou des informations (Alter, 2010). Ainsi, certains échanges, tels que les informations, les promesses ou le temps passé sur un projet, sont réalisés directement sans être soumis à interprétation, tandis que d’autres sont réalisés de façon détournée et revêtent une dimension cognitive et affective. Ces derniers, qui s’apparentent davantage à un signal donné par un individu sur ses intentions et ses sentiments, prendront par exemple la forme de marques de reconnaissance, de sympathie ou de soutien. Nous envisageons donc que la réalisation de cycles de dons puisse être soutenue par des échanges induits dès lors que leurs contenus - qui ont été choisis librement par les individus - permettent d’émettre un signal qui sera effectivement reçu par un partenaire qui, en retour, formulera une réponse appropriée. Ainsi, entre les individus circulent aussi bien des savoirs codifiés et tacites qu’un soutien, une représentation du monde ou des alliances de pouvoir (Alter, 2011).

FIGURE 1

Modèle conceptuel

Modèle conceptuel

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L’articulation de notre modèle autour de la théorie du don/contre-don, nous amène donc à considérer que les échanges inter-organisationnels de connaissances induits et autonomes opèrent en amont et soutiennent le développement d’interactions inter-individuelles réciproques qui se traduiront par la création d’un lien social entre les individus. Dans le débat relatif au sens de la relation entre le lien social et les échanges de connaissances, deux modes d’interactions s’observent entre les individus : la coproduction et l’exploration collective (Genet, 2007). En suivant une logique de coproduction, les échanges de connaissances sont soutenus par l’existence de relations personnelles antérieures. A l’inverse dans les modes d’exploration collective, les connaissances pré-existent à la coopération et cette dernière contribue à les enrichir. En adoptant cette seconde position, nous considérons que ce sont bien les échanges de connaissances qui permettent progressivement d’établir le lien social. Ce même positionnement se retrouve d’ailleurs dans d’autres travaux étudiant les processus d’innovations collaboratives comme ceux qui s’appuient sur la théorie de la conception innovante (Le Masson et al., 2006).

Grâce au lien social qui s’est créé entre les individus issus d’organisations distinctes, l’entreprise verra sa capacité d’expérimentation soutenue par des interactions répétées qui favoriseront la dynamique d’accumulation d’expérience, d’articulation et de codification de connaissances. Elles permettront à l’organisation de faire évoluer ses compétences au gré de celles détenues par d’autres organisations et de celles construites durant le projet. Le lien social invite ainsi les individus à réitérer des projets collaboratifs à l’origine d’un apprentissage par l’expérience et donc, à l’organisation, de basculer d’une simple capacité d’expérimentation à une CDEX. En ce sens, nous nous positionnons dans la continuité des points de vue défendus par Eisenhardt et al. (2010) et Felin et al. (2012) en considérant qu’il y a bien antériorité du lien social qui assurera la microfondation de la CDEX. Ainsi, des échanges inter-organisationnels devront être réalisés a minima pour que le lien social se crée et devienne suffisamment fort pour soutenir la stabilité et la récurrence de la mise en oeuvre de la CDEX. Ce n’est donc qu’à cette condition d’existence d’expériences passées jugées équitables que les individus instaureront un cercle vertueux autour des échanges inter-organisationnels.

La confrontation de ce modèle conceptuel au terrain vise les réponses aux trois questions suivantes :

  • Quels sont les contenus (objets, informations, signaux, temps…) des échanges induits et des échanges autonomes ?

  • Comment les échanges (induits et autonomes) et les mécanismes de gestion des connaissances (accumulation, articulation et codification) s’articulent-t-il durant les cycles de dons ?

  • Dans quelle mesure le lien social qui s’installe entre les individus soutient la création et la mise en oeuvre d’une CDEX par l’organisation ?

Méthodologie

Dispositif méthodologique

Pour répondre à nos objectifs de recherche, nous avons suivi une approche qualitative fondée sur l’étude de cas, cette dernière étant particulièrement propice à l’étude des mécanismes sociaux (Depeyre et Dumez, 2007). Précisément, la nature exploratoire de notre question de recherche, notre perspective longitudinale et notre volonté d’appréhender la construction d’une CDEX par l’entreprise en considérant les différentes sous-unités qui la compose, nous ont amené à privilégier une étude de cas unique (Yin, 2009). La force de notre cas réside dans sa singularité qui favorise la découverte de nouveaux résultats (Siggelkow, 2007).

Notre unité d’analyse principale est l’entreprise puisque c’est bien la mise en oeuvre d’une CDEX par l’entreprise que nous étudions. Le choix de cette entreprise, notre cas principal, a été guidé par la recherche d’une adéquation fine avec notre objet de recherche (Stake, 1998) en retenant deux critères. Premièrement, l’entreprise étudiée doit avoir fait évoluer sa base de compétences grâce à un apprentissage construit dans l’action. Deuxièmement, les membres de cette entreprise doivent avoir réalisé des échanges réciproques avec d’autres organisations. L’identification de cette entreprise a été facilitée par notre bonne insertion dans un pôle de compétitivité et notamment notre participation à différents projets collaboratifs.

Toutefois, envisager la création puis la mise en oeuvre d’une CDEX selon une logique d’apprentissage itératif et incrémental nous amène également à considérer les dispositifs utilisés par l’entreprise pour soutenir ce processus. Ainsi, les projets collaboratifs auxquels a participé l’entreprise constituent des sous-unités d’analyse encastrées dans notre cas principal (Musca, 2006; Yin, 2009). Précisément, nous nous sommes focalisés sur quatre projets identifiés grâce à nos échanges avec des membres de l’entreprise étudiée (Annexe 1). En effet, cette entreprise ayant participé à de nombreux projets collaboratifs dans le cadre et en-dehors du pôle de compétitivité, nous ne pouvions nous limiter à retenir des projets auxquels nous avons collaboré. Nous avons donc sélectionné des projets qui, selon les membres de l’entreprise, s’inscrivaient dans une logique d’acquisition de connaissances incrémentale. Finalement, nous avons participé uniquement à deux de ces projets. Enfin, afin de comprendre à la fois le rôle des échanges inter-organisationnels dans la création d’un lien social entre les individus et le rôle de ce lien social dans la construction d’une CDEX, une troisième unité d’analyse imbriquée dans les projets collaboratifs a été considérée : les individus.

La collecte des données s’étend de 2008 à 2014. Durant cette période, nous avons accumulé un ensemble de données issues de différentes sources afin d’assurer leur triangulation et donc la robustesse de nos résultats (Eisenhardt, 1989). Notre analyse s’appuie essentiellement sur des entretiens semi-directifs, de l’observation participante et des données documentaires secondaires (Tableau 1). Les entretiens ont été réalisés avec des membres de l’entreprise étudiée, mais aussi avec ses partenaires. Selon les cas, une à trois personnes ont été interrogées au cours de l’entretien. Par ailleurs, nous avons multiplié les points de collecte et interrogé à plusieurs reprises certaines personnes afin de percevoir les changements dans le phénomène étudié.

Nous avons réalisé une analyse de contenu de nos données à partir d’une grille de codage (Tableau 2) définie afin de nourrir une approche mixte, combinant analyse de contenu et analyse de processus (Grenier et Josserand, 2007). En effet, notre modèle conceptuel nous amène à considérer deux processus imbriqués : la création de lien social et la transformation du stock de compétences de l’entreprise. Mais, pour déterminer les changements qui s’opèrent dans le temps il est nécessaire d’identifier au préalable les contenus (Van de Ven, 1992). Ainsi, en amont du lien social nous avons caractérisé les contenus des échanges inter-organisationnels afin de comprendre leur logique d’enchaînement et, en aval, les contenus de l’apprentissage nous ont permis de démontrer la création d’une CDEX. Si les contenus des échanges ont été définis a priori à partir de notre revue de littérature, les contenus relatifs aux compétences acquises et reconfigurées ont quant à eux fait l’objet d’un codage émergent selon les propres caractéristiques de l’entreprise étudiée.

Présentation du cas étudié

Créée en 1993, l’entreprise Fidélix (nom fictif) s’est construite autour d’une offre de programmes de fidélité sur carte à puce pour les commerçants de centre-ville. Ses fondateurs sont partis d’un constat : les commerçants indépendants des villes moyennes peuvent difficilement mobiliser les outils marketing de la grande distribution du fait d’un volume de clientèle restreint. Fidélix a eu l’idée de proposer un système de fidélité permettant à ces commerçants indépendants de se regrouper pour à la fois profiter des effets de volume mais aussi jouer sur la complémentarité de leurs offres. L’entreprise s’est donc implantée dans l’une des villes moyennes de Normandie pour être au plus proche de sa cible de clients. Durant une douzaine d’années, elle a développé en interne des compétences complémentaires dans les domaines du paiement électronique et de l’Internet, tout en dupliquant son offre de fidélité pour des grands comptes du secteur pétrolier et de l’hôtellerie. Pour cette petite entreprise, ce développement s’est accompagné de la volonté de ses fondateurs de croître en s’appuyant notamment sur la structuration d’un service de R&D. Compte tenu de la complexité et des évolutions rapides des technologies dans ses domaines d’expertise (transactions électroniques, Internet), Fidélix a participé en 2005 à un projet collaboratif avec une dizaine d’organisations issues de différents secteurs d’activité afin d’identifier et de tester avec des usagers les opportunités de développement d’une carte citoyenne multiservices. Cette première expérience collaborative a ainsi ouvert la voie à d’autres projets dans lesquels la participation de Fidélix a été motivée par une volonté de profiter d’interactions externes afin de contribuer en amont à la construction de nouveaux marchés.

Tableau 1

Données collectées

Données collectées

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Tableau 2

Grille de codage

Grille de codage

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Résultats

En envisageant les interactions de l’entreprise Fidélix avec différents partenaires durant quatre projets collaboratifs, nous poursuivons donc un double objectif. D’une part, nous souhaitons comprendre le contenu des cycles de dons et donc la contribution des échanges inter-organisationnels à la création d’un lien social qui assure les micro-fondations d’une CDEX. D’autre part, nous appréhendons la dynamique des cycles de dons afin de comprendre les effets de leur réitération sur la CDEX.

Echanges inter-organisationnels et lien social : la construction d’une capacité d’expérimentation

Le cycle de dons : de l’échange à la gestion des connaissances

Notre analyse montre que la réalisation d’un cycle de dons, et donc l’observation des trois mécanismes – donner, recevoir, rendre – passe à la fois par des échanges induits et des échanges autonomes. Mais, selon la nature de l’échange (induit ou autonome), le contenu du don peut varier (objet, information, signal, temps…). Par ailleurs, les mécanismes de gestion des connaissances au coeur de la CDEX (accumulation, articulation, codification) prennent place lors de l’obligation de recevoir.

En matière de collaboration, de nombreux échanges sont induits par l’engagement contractuel qui lie les partenaires mais aussi par le besoin de coordonner leurs actions durant la réalisation de cet engagement (par exemple une réunion du comité de pilotage). Ainsi, les partenaires s’engagent à apporter un ensemble de connaissances aux différents membres durant la collaboration. Ces apports de connaissances étant obligatoires, ils ne constituent pas en soi un don. Toutefois, ils revêtent une dimension symbolique et permettent d’émettre un signal à destination des partenaires. En effet, l’incomplétude du contrat de collaboration fait que chaque acteur s’engage à apporter son expertise métier sans en préciser l’étendue, ni sa volonté de mener une réflexion collective avec tout ou partie des membres afin de construire une réponse conjointe s’appuyant sur les connaissances de chacun. En d’autres termes, un membre peut décider de limiter le contenu de ses interactions avec les autres, ainsi que leurs fréquences, et proposer individuellement son livrable[5]. Le signal envoyé permet d’indiquer la volonté de chacun de réaliser des échanges se limitant ou dépassant les objectifs du projet. Il marque fréquemment le point de départ d’un cycle de dons – i.e. l’obligation de donner. Ces dons ne se limitent pas au démarrage de la collaboration (même s’ils y sont plus nombreux) et permettent de réduire les incertitudes caractéristiques des projets d’exploration.

Les échanges autonomes portent sur des contenus tangibles et ne sont donc pas soumis à l’interprétation du donataire. Les individus accordent davantage de valeur à ces échanges qui favorisent la création de connaissances nouvelles. Ils prennent majoritairement la forme d’objets, d’informations ou du temps. Les dons de temps semblent jouer un rôle important dans la création et le maintien d’un lien social. En effet, nous avons observé des ruptures de lien social entre certains partenaires liées à une absence de réciprocité dans l’allocation de temps. Fidélix n’a a priori pas été confrontée à cette situation, mais l’un des partenaires avec qui elle réalise des cycles de dons a clairement exprimé cette limite.

« Tu t’aperçois au bout d’un moment que [partenaire], il est gentil le gars, il est très compétent, mais bon… On a travaillé avec sa stagiaire, la stagiaire est partie, on n’a plus personne. On nous dit qu’il y a un gars, mais le gars on a beau l’appeler, le joindre, on n’arrive pas à l’avoir. (…) Ils priorisent sur d’autres choses. (…) Mais comme [Partenaire] répondait très mal à nos demandes on a pris la décision d’y aller tout seul au bout d’un moment.

Partenaire 1

Au-delà de leurs effets sur les relations interindividuelles, les dons de temps bénéficient à l’organisation. Notamment, ils favorisent le passage d’une logique de création de connaissances nouvelles par adjonction à une logique de co-construction. Les partenaires n’articulent plus seuls leurs connaissances existantes avec les nouvelles qu’ils ont accumulées mais de manière conjointe avec leurs partenaires. Ils identifient ainsi plus rapidement les opportunités offertes par leur collaboration tout comme les problèmes.

Les mécanismes de gestion des connaissances s’observent durant la réception du don, ce moment étant celui durant lequel les acteurs doivent gérer les flux de connaissances provenant des échanges induits et autonomes. Lors des premiers cycles de dons, l’action de recevoir se limite à de l’accumulation, voire de l’articulation de connaissances. Progressivement, l’entreprise arrive à atteindre la codification. Ainsi, la réitération de plusieurs cycles de dons permet d’initier et de maintenir un lien social entre les individus qui viendra soutenir la capacité de la firme à faire évoluer ses compétences grâce à une codification des connaissances échangées. Un enchaînement de plusieurs cycles de dons semble indispensable à la création d’un lien social suffisamment fort pour assurer les fondations d’une CDEX. En effet, Fidélix elle-même n’a pu atteindre une codification des connaissances échangées qu’après plusieurs cycles de dons.

La dynamique des cycles de dons : une illustration

A présent, nous allons illustrer les éléments énoncés ci-dessus en présentant une des séquences de cycles de dons ayant permis à Fidélix de développer les micro-fondations de sa CDEX. En effet, dans le cadre des projets collaboratifs étudiés, nous avons identifié plusieurs dynamiques de cycles de dons réalisées simultanément qui ont permis à Fidélix d’entrer dans une logique de reconfiguration de ses compétences. La séquence que nous proposons s’est déroulée durant le projet 1 avec le partenaire 1 et a débuté avec un premier cycle de dons réalisé à la suite du lancement du projet (Figure 2).

FIGURE 2

Cycle de dons réalisé lors du lancement du projet 1

Cycle de dons réalisé lors du lancement du projet 1

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Dans le cadre du projet 1, Fidélix s’est engagée à apporter ses connaissances relatives à la production et à l’exploitation de services. Toutefois, afin de préserver ses compétences clés relatives aux programmes de fidélité, elle a proposé de travailler sur un service de billetterie pour un théâtre et un parcours touristique en limitant ses apports à ces domaines. Cet échange induit - et notamment le choix des connaissances diffusées - porte un signal important sur les intentions de Fidélix durant le projet : elle souhaite interagir avec les partenaires autour de nouveaux services et de nouvelles cibles clients. Elle est donc davantage intéressée par des interactions avec des partenaires technologiques qui pourront lui apporter des compétences réplicables d’un service à l’autre (par exemple autour des interfaces service/équipements mobiles) que par des interactions avec des fournisseurs de services avec qui elle est en concurrence plus ou moins directe.

« Clairement, je mets des cas d’usage qui n’ont rien à voir éventuellement, mais dont je sais que je pourrai les utiliser pour mes vrais produits ou de nouveaux débouchés. Je masque en fait, je fais un cas d’usage et ce cas d’usage je ne le déploierai probablement jamais. Je vais l’utiliser pour autre chose. Ça c’est un jeu qui est rigolo, mais dans tous les projets collaboratifs, tout le monde le fait. Personne ne dévoile réellement sa stratégie, ce qui est normal, d’autant plus s’il y a des concurrents sur le terrain. »

Fidélix

Une fois le signal donné par Fidélix sur ses intentions en matière de collaboration, le cycle de dons ne peut se poursuivre qu’avec un partenaire qui accepte de le recevoir.

« Quand ce sont des nouveaux projets avec des nouveaux partenaires, il y a toujours une phase d’apprentissage. Chacun a son langage, a sa façon de voir les choses, et il faut que ça s’harmonise, et puis à un moment donné ça part bien. »

Fidélix

Le partenaire 1, un opérateur de téléphonie mobile, a accepté ce don en évaluant la proposition de Fidélix (assimilation des connaissances). Il a ensuite mené une réflexion sur le potentiel de collaboration directe entre les deux organisations afin de proposer une action commune (articulation des connaissances).

La troisième étape du cycle de dons (rendre) est marquée par la réponse du partenaire 1 à Fidélix prenant la forme d’un échange autonome. Ce contre-don permet au partenaire 1 d’envoyer une information à Fidélix sur sa capacité et sa volonté de travailler conjointement. La complétude de ce premier cycle de dons entre Fidélix et le partenaire 1 a permis d’initier un lien social entre les membres des deux organisations. Toutefois, ce lien n’est pas encore suffisamment fort pour qu’une CDEX émerge chez Fidélix. Mais la réitération de trois nouveaux cycles de dons avec le partenaire 1 permettra de renforcer le lien social et ainsi de contribuer à créer des micro-fondations pour la CDEX (Figure 3).

Le second cycle de dons a été initié par le partenaire 1. Dans le cadre du projet, ce dernier s’était engagé à fournir un kit de développement pour les fournisseurs de services. A nouveau, il s’agit d’un échange induit porteur d’un signal car le partenaire 1 a précisé aux autres partenaires qu’il ne souhaitait pas limiter sa contribution à la production de ce kit, mais au contraire l’améliorer grâce aux retours d’utilisation des fournisseurs de services. Fidélix a bien reçu le signal émis par le partenaire 1 et a débuté des tests sur le kit qui se sont traduits par de l’assimilation et de l’articulation des connaissances. Rapidement, Fidélix a eu des difficultés ce qui lui a permis de réaliser son contre-don en transmettant l’information au partenaire 1. Ce contre-don a également initié un nouveau cycle de dons.

« Par exemple, on travaille beaucoup avec Mickaël de [Fidélix]. Sur le kit il avait des problèmes, j’ai dit : écoute vient. On se met d’accord sur une date, on formalise un minimum. Après il part avec l’équipe qui fait le kit et le gars lui explique le kit en détail, il va prendre une heure, deux heures pour bien lui expliquer. Donc derrière, le gars il est content parce qu’il a eu des réponses à ses questions. »

Partenaire 1

Ainsi, le partenaire 1 a reçu la demande et y a répondu favorablement à travers un échange autonome dans lequel il proposait une rencontre physique (assimilable à un don de ressources et de temps). L’obligation de recevoir est ensuite marquée par l’acceptation de la rencontre par Fidélix qui a réalisé un dernier contre-don sous forme de ressources et de temps lors du travail commun sur le kit entre les deux organisations. Grâce à ces cycles de dons, Fidélix a ainsi réussi à concevoir un prototype de son application de billetterie de théâtre à partir du kit de développement fourni par le partenaire 1 et enrichi grâce aux interactions entre les deux organisations. Fidélix est allée jusqu’à une codification des connaissances qui lui a permis de faire évoluer ses compétences dans des domaines technologiques et dans la proposition de nouveaux types de service (billetterie). Cette évolution sera confirmée avec le projet 3 dans lequel Fidélix utilisera à nouveau le kit pour développer un autre service. Le lien social qui s’est créé entre Fidélix et le partenaire 1 assure donc les fondations de ce qui deviendra une CDEX dès lors que Fidélix aura réitéré cette même dynamique pour modifier ses compétences.

Echanges de connaissances et renforcement du lien social : vers une CDEX

L’étude des cycles de don réalisés par Fidélix a montré la contribution du lien social à la création d’une capacité d’expérimentation. A présent, afin de constater l’existence d’une CDEX chez Fidélix nous devons d’une part démontrer que sa capacité d’expérimentation lui a permis de faire évoluer progressivement ses compétences et d’améliorer sa performance et, d’autre part, nous intéresser à la récurrence et à la stabilité du processus. Ainsi, en répondant à ce double objectif, nos résultats permettront d’apporter un éclairage sur la logique sous-tendue par la poursuite de cycles de dons au gré des projets collaboratifs et de montrer le rôle fondateur du lien social.

Evolution des compétences et performance

La participation de Fidélix à des projets collaboratifs est motivée par la volonté d’accumuler de nouvelles connaissances, puis de les articuler et de les codifier avec celles déjà existantes.

« Pas à pas, un autre projet, toujours pour aller plus loin et compléter toutes ces nouvelles technologies qu’on devrait pouvoir après industrialiser pour les vendre. »

Fidélix

Le premier projet collaboratif de Fidélix débuté en 2005 lui a révélé le potentiel offert par les échanges inter-organisationnels de connaissances. Mais ce n’est qu’à partir de 2008 (et le lancement simultané et successif de plusieurs projets) que Fidélix a su profiter intensément de ce potentiel. A compter de 2008, on observe à la fois une continuité dans les partenaires qui participent aux projets (condition nécessaire à la poursuite des cycles de dons entre les individus) et une évolution rapide des compétences de Fidélix autour de deux axes : compétences technologiques et compétences relatives aux marchés[6]. L’évolution des compétences de Fidélix et la contribution des différents projets collaboratifs étudiés à cette évolution sont présentés dans la Figure 4.

FIGURE 3

Renforcement du lien social

Renforcement du lien social

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FIGURE 4

Evolution des compétences de Fidélix

Evolution des compétences de Fidélix

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A travers la mise en oeuvre d’une CDEX, Fidélix a pu non seulement diversifier son offre et adresser de nouveaux marchés, mais aussi accroître sa visibilité dans le maillage régional et national.

« Ça nous a donné de la visibilité sur ce domaine-là, et ça nous a permis en fait de déclencher d’autres contrats parce qu’on était identifié »

Fidélix

Cette meilleure performance s’est par exemple observée au niveau de son outil de production. Ainsi, entre 2005 et 2012, tout en maintenant son niveau de chiffre d’affaires, Fidélix a vu son taux de valeur ajoutée gagner un peu plus de 20 points. De même, Fidélix a signé de nouveaux partenariats commerciaux avec de nouveaux débouchés. Dans le cadre du projet 4, Fidélix, dont la participation était uniquement motivée par son expertise technique relative aux cartes à puce, a instauré des échanges réciproques avec un spécialiste du monde universitaire. Progressivement, leurs échanges ont dépassé les motivations expérimentales des projets et se sont traduits par un partenariat commercial.

« Dans le projet, [Fidélix], par exemple, ne s’était pas positionnée sur le créneau des universités. Donc ils n’avaient pas les architectures pour pouvoir répondre vraiment concrètement à la demande. Donc ce sont des gens qui étaient spécialisés dans le domaine qui ont été sélectionnés. [Fidélix] a été sélectionnée sur la partie vraiment innovante. Et il se trouve qu’ensuite, [Fidélix] et [Partenaire] se sont mis à travailler ensemble. Ça a créé d’autres partenariats plus orientés business. »

Partenaire 2

Récurrence et stabilité

Les caractères stables et récurrents de la mise en oeuvre de la CDEX passent par la réitération des projets d’innovation collaboratifs qui sont soutenus par l’instauration d’un cercle vertueux autour des échanges inter-organisationnels réciproques. Deux logiques expliquent la poursuite d’expériences collaboratives. Tout d’abord, la définition et la réalisation d’un nouveau projet collaboratif sont, de manière classique, motivées par l’intérêt de l’organisation. En effet, l’évolution des compétences respectives des organisations révèle de nouveaux besoins qui appellent à une nouvelle réponse conjointe. Par exemple, les travaux réalisés conjointement par Fidélix et le partenaire 1 durant le projet 1 ont soulevé des difficultés car deux solutions techniques distinctes pouvaient être utilisées pour gérer l’interface créée. Ils ont donc envisagé de définir un nouveau projet collaboratif pour spécifier ce point et continuer à faire évoluer conjointement leurs connaissances.

« En tout cas c’est ce qui manquait peut être un peu dans le projet. On s’en est rendu compte à la fin. On ne l’a pas vraiment traité ce thème-là. On s’était même demandé s’il ne fallait pas monter un projet à côté pour vraiment « spécifier » sur ce point. »

Partenaire 1

Ensuite, la mise en oeuvre de la CDEX est également déterminée par des motivations individuelles. Durant les projets, les individus se découvrent des affinités qui leur donnent l’envie de continuer à travailler conjointement.

« C’est de créer un vrai réseau de gens, de relations, et que les relations continuent. C›est-à-dire que ce n’est pas : une fois que le projet est terminé, on ne se voit plus jamais. Alors y’a des entreprises qu’on ne voit plus, mais y’en a d’autres qu’on voit régulièrement. Et puis il y a le côté un peu humain, c›est-à-dire que des fois on a des affinités effectivement, on crée des affinités avec d’autres acteurs, et puis on reste en relation souvent. Et quand y’a quelque chose on pense à l’autre et on se dit « tiens, est-ce qu’on pourrait faire ça ? ». Ça démarre souvent comme ça : des idées qui émergent, une constatation de quelque chose ou un besoin qui se crée. »

Fidélix

Ces deux logiques montrent que la mise en oeuvre de la CDEX permet de concilier progressivement les objectifs de l’organisation (évolution des compétences et performance) et ceux des individus (maintien d’une relation avec des individus originaires d’une autre organisation). Ainsi, on observe un auto-renforcement entre ces deux logiques soutenu par la réciprocité continue des échanges et donc un lien social de plus en plus robuste. Au-delà d’assurer les micro-fondations de la CDEX, le lien social continue ainsi à oeuvrer tout au long de sa mise en oeuvre. Les relations inter-individuelles deviennent le coeur des projets collaboratifs et déterminent le choix des partenaires et l’accès à des connaissances nouvelles. Cette dynamique s’explique par l’instauration de la confiance entre les individus et l’existence d’une proximité géographique.

« Et puis il y a tout ce qui ne se voit pas forcément et qui n’est pas directement lié au projet, c’est aussi tous les liens qui se tissent avec les personnes. Donc les liens de confiance qu’on peut avoir par exemple avec [Fidélix], qui viennent régulièrement, avec [Partenaire]. […] On voit surtout des liens de proximité qui se tissent là, avec les sociétés qui sont dans le coin. »

Partenaire 1

Le lien social permet ainsi d’assurer l’efficacité de la CDEX en améliorant sa vitesse d’exécution grâce à une meilleure maîtrise du temps durant le projet. Notamment, il permet de dépasser la logique contractuelle des échanges qui deviennent de plus en plus autonomes. En effet, les échanges induits, qui participent indirectement aux cycles de dons au travers des signaux qu’ils portent, sont soumis à l’interprétation des individus et ralentissent dans une certaine mesure les premiers échanges. De même, les individus réalisent de plus en plus d’échanges et donc des cycles de dons en dehors des projets. Ces échanges autonomes contribuent à lever les incertitudes entre les partenaires qui, désormais, se connaissent. Les phases de lancement de projets sont alors plus rapides.

« Et puis maintenant on travaille en confiance. On va partir de là aussi, pour un autre projet justement, on a eu besoin d’avoir des renseignements sur un certain nombre de cartes et lui il avait fait le travail, donc il est venu avec ses cartes, il nous les a prêtées le temps qu’on les évalue. Voilà, donc on se fabrique des échanges de ce type-là. »

Partenaire 1

Discussion

Dans un contexte d’innovation collaborative, la construction puis la mise en oeuvre d’une CDEX se traduit par une dynamique de gestion des connaissances (1) qui est rythmée par des échanges inter-organisationnels réciproques à l’origine d’un lien social entre les individus et (2) qui combine les niveaux inter-individuel, organisationnel et inter-organisationnel.

La création et le renforcement du lien social comme micro-fondation d’une CDEX

La création puis le renforcement du lien social passe par la multiplication des cycles de dons entre les mêmes partenaires. En la matière, certains de nos résultats sont confirmatoires. En particulier, le fait que l’entreprise renouvelle des expériences pour faire face à de nouveaux problèmes - qui ont émergé à la suite d’une évolution des connaissances - renforce les travaux sur les dynamiques d’expérimentation (Brown et Eisenhardt, 1998; Thomke, 2006). En effet, la CDEX a pour objet de faire évoluer de façon incrémentale le stock de compétences de l’entreprise grâce à un apprentissage par essai-erreur. Chaque test permet d’explorer une opportunité et peut ainsi révéler un nouveau problème faisant lui-même l’objet d’un nouveau test. Les cycles de dons contribuent donc à la fois à l’identification et à la résolution des problèmes en maintenant les échanges de connaissances entre les individus[7].

Par ailleurs, la réalisation de cycles de dons soutient l’investissement des organisations dans une démarche d’innovation collaborative. En effet, au début d’un projet les intérêts à collaborer sont mal cernés (Ségrestin, 2006) et ce d’autant plus que le collectif bénéficie de fonds publics. Certaines entreprises sont alors davantage dans une logique de financement de leurs activités de R&D que dans une logique de construction collective. Un lien social qui amène les individus à accroître leur investissement dans le projet à travers des dons de temps complémentaires, c’est-à-dire à dépasser les objectifs initiaux fixés par l’organisation pour profiter des opportunités offertes par la collaboration.

Enfin, le lien social peut être considéré comme une micro-fondation dès lors qu’il repose très nettement sur la volonté des individus de poursuivre des échanges entre eux. Si ces interactions sont indispensables aux organisations pour co-construire leurs offres, elles n’en répondent pas moins à l’envie de leurs membres de créer une relation de travail inter-individuelle telle qu’ils la vivent au sein de leurs organisations respectives. En effet, dans l’organisation, l’action collective est guidée par une vision commune sous-tendue par un sentiment d’appartenance au même groupe. On retrouve ici l’idée de coopération communautaire développée par Dameron (2004). La coopération communautaire se construit à travers un processus dynamique d’identification sociale au groupe qui est porteur d’une identité commune. Les individus ont alors tendance à tourner leurs actions vers la réalisation d’objectifs partagés par l’ensemble du groupe, plutôt qu’à répondre aux intérêts de leur organisation d’origine. Ainsi, la définition d’un projet collaboratif d’innovation peut reposer sur une volonté de former, puis de reformer un groupe avec les mêmes acteurs, reflétant la recherche de cette dimension communautaire par les individus. Au-delà, les individus accumulent de l’expérience et un savoir-faire en matière de collaboration, mais aussi développent un réseau de relations au gré des cycles de dons. De même, ils poursuivent une démarche rationnelle de recueil, traitement et interprétation des informations en provenance de l’environnement (Altintas, 2015), à travers la mise en oeuvre du tryptique donner - recevoir - rendre. Ils développent ainsi leur capital humain, leur capital social et leur cognition, trois facteurs managériaux qui sous-tendent l’émergence d’une capacité dynamique (Adner et Helfat, 2003).

Une dynamique multi-niveaux de construction de la CDEX

La confrontation au terrain du modèle proposé (cf. Figure 1) a permis de l’enrichir afin de mieux comprendre les dynamiques à l’oeuvre dans la construction de la CDEX. La Figure 5 synthétise ces modifications.

Dans des situations d’exploration collective où les conditions initiales de la collaboration sont floues (Ségrestin, 2006), les échanges de connaissances inter-organisationnels débutent avec des échanges induits par la volonté des partenaires d’entamer une réflexion conjointe, progressivement formalisée à travers un engagement contractuel. Ces échanges permettent de générer un terreau (dé)favorable à l’instauration de cycles de dons et au développement d’initiatives autonomes. En effet, le rôle des échanges induits dans la création du lien social ne doit pas être sous-estimé. Ces échanges portent une dimension symbolique qui permet aux individus de faire connaissance, mais aussi de comprendre les intérêts de collaboration des uns et des autres. Ils déterminent ainsi la poursuite d’échanges entre les individus. Ce rôle d’incitateur est wwensuite soutenu par des échanges autonomes qui permettent au donataire, à travers son contre-don, de montrer qu’il a effectivement reçu le signal envoyé. A mesure que des échanges réciproques se renouvellent au sein du projet et de ceux qui suivent (Flèches 1 : instauration d’échanges réciproques), les incertitudes initiales se réduisent, permettant ainsi de circonscrire les opportunités d’exploration (Ségrestin, 2006). La trajectoire d’expérimentation se façonne progressivement à mesure que les individus testent, puis éventuellement écartent, certaines opportunités (Brown et Eisenhardt, 1998; Thomke, 2006).

FIGURE 5

La dynamique de construction de la CDEX : proposition d’un modèle d’analyse multi-niveaux

La dynamique de construction de la CDEX : proposition d’un modèle d’analyse multi-niveaux

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Les échanges inter-organisationnels de connaissances vont contribuer à la création et au développement d’un lien social entre les individus (Flèches 2 : développement du lien social). La confrontation de notre modèle initial (cf. Figure 1) au terrain a conforté cette relation tout en la précisant. C’est bien un ensemble constitué d’initiatives individuelles et d’échanges induits qui est à l’origine du lien social. En effet, si la réalisation d’un cycle de dons permet d’initier un lien social entre les individus (Mauss, 1950), ce dernier reste fragile et peut rapidement se rompre. Il nécessite d’être soutenu par un enchaînement de cycles de dons pour assurer les micro-fondations d’une CDEX (Flèche 3 : accumulation des cycles de dons). Les cycles permettent donc à la fois de soutenir le déploiement de la CDEX (récurrence et stabilité, Altintas (2015)) et d’atteindre un niveau supérieur de gestion des connaissances. Lorsqu’un individu reçoit un don, il ne peut se limiter à de l’accumulation dans la mesure où la poursuite du cycle est soumise à sa capacité à formuler une réponse qui repose sur la compréhension et l’appropriation du don reçu. Il réalise ainsi un investissement délibéré pour articuler et/ou codifier les connaissances reçus (Zollo et Winter, 2002) afin de pouvoir réaliser son contre-don.

La construction de la CDEX est un phénomène multi-niveaux. Elle est à la fois le produit et le déterminant de la dynamique des échanges de connaissance inter-organisationnels. Autrement dit, si le niveau inter-individuel (lien social) influence le niveau organisationnel (construction de la CDEX), ce dernier influence en retour le niveau inter-individuel puisque la CDEX facilite les échanges de connaissances (Flèche 4 : rétroaction). A la lumière de l’analyse du cas retenu, il est enfin apparu que la dynamique de la CDEX est facilitée par l’activation de la proximité géographique. En plus de faciliter les échanges de connaissances et un apprentissage interactif, la proximité géographique contribue en effet à augmenter la confiance entre les acteurs (Boschma, 2005; Torre, 2009). Le lien social se crée ainsi en profondeur et se retrouve renforcé par la confiance qui s’est développée entre les acteurs. Par ailleurs, les individus créent un cercle vertueux autour des échanges qui deviennent de plus en plus autonomes. Ils favorisent l’accès à des connaissances stratégiques et l’instauration de relations durables (Bouty, 2000). Progressivement, les individus partagent une base de connaissances communes (proximité cognitive), organisent leurs relations au sein des projets (proximité organisationnelle), développent des affinités (proximité sociale) et les cycles de dons deviennent une routine qui régule leurs interactions (proximité institutionnelle). La dynamique des cycles de dons contribue donc à faire émerger un ensemble de proximités complémentaires (cognitive, social, organisationnelle, institutionnelle). Cet ensemble renforce la proximité géographique en créant un cadre stable pour l’apprentissage (Boschma, 2005). Les dynamiques de proximité favorisent les échanges inter-organisationnels au sein d’un projet mais constituent aussi une ressource sur laquelle l’entreprise peut s’appuyer pour initier d’autres projets collaboratifs.

Enfin, notre terrain a permis d’esquisser des relations directes entre d’une part le lien social et les échanges inter-organisationnels de connaissance et d’autre part le lien social et la CDEX (Relation 5 : relation directe micro-fondations - échanges inter-organisationnels). Par exemple, ce lien social permet aussi, indépendamment de la CDEX, de faciliter des relations inter-organisationnelles coopératives qui dépassent le simple cadre des expérimentations comme des partenariats commerciaux. Toutefois, l’identification d’une relation directe et bidirectionnelle entre le lien social et la CDEX tout comme avec les échanges inter-organisationnels de connaissance dépasse les objectifs de cet article et devrait faire l’objet d’investigations supplémentaires. La relation reste donc pour l’instant non-orientée.

Conclusion

L’objectif de cet article était d’analyser les micro-fondations d’une CDEX mise en oeuvre dans des projets d’innovation collaboratifs. Nous avons donc élaboré un modèle conceptuel articulé autour de trois niveaux d’analyse. Des échanges inter-organisationnels (prenant la forme de dons et contre-dons) permettent de construire du lien social entre les acteurs concernés, lien social qui soutient ensuite la création et le déploiement de la CDEX. En confrontant ce modèle à une étude de cas, les résultats de notre article montrent tout d’abord que les connaissances échangées, qu’elles répondent à l’engagement contractuel (échanges induits) ou qu’elles relèvent d’initiatives locales (échanges autonomes) alimentent les cycles de dons dont la répétition est nécessaire à la construction d’un lien social suffisamment fort permettant d’assurer les micro-fondations de la CDEX. Ensuite, ce cercle vertueux cycles de dons – déploiement de la CDEX stimule en retour les échanges de connaissances.

En termes managériaux, cette recherche a au moins deux implications. La première a trait à l’importance des échanges autonomes dans la dynamique de construction de la CDEX. Ils doivent donc être soutenus et encouragés par les directions des entreprises concernées par les projets collectifs. La seconde concerne la nécessité d’investir dans des dispositifs concrets d’articulation et de codification des connaissances pour soutenir dans la durée les échanges induits et autonomes des acteurs comme par exemple les réunions d’échanges de bonnes pratiques, les retours d’expériences ou encore l’élaboration de toolkits.

Enfin, nous souhaitons préciser que bien que nous établissions une relation entre lien social et dynamiques de proximité, d’autres facteurs peuvent également motiver les échanges inter-organisationnels. Par exemple, nous n’avons pas envisagé que la taille de l’entreprise partenaire puisse être un critère qui stimule les échanges. Certains auteurs ont ainsi montré que les entreprises en quête de nouveaux territoires pouvaient chercher à interagir avec des partenaires pour profiter de leur réputation en suivant une logique de cooptation (Santos et Eisenhardt, 2009).