Corps de l’article

Nombre de chercheur·e·s se sont penché·e·s sur l’inscription du continent américain dans la littérature québécoise[1]. Si le concept d’américanité a longtemps guidé les études cherchant à retracer l’appartenance du Québec au territoire nord-américain, on assiste depuis une vingtaine d’années à l’émergence d’une perspective continentale qui vise à rendre compte d’une « amérilatinité » (Lesemann), laquelle se traduit par un rapprochement de plus en plus visible entre le Québec et l’Amérique latine[2]. Ce rapprochement, qui a constitué une « tradition souterraine[3] » dans l’histoire des idées du Québec, est d’autant plus apparent que les échanges économiques et les phénomènes de migration vont en s’accroissant : « les Latinos-Américains montent vers le Nord, ils traversent les États-Unis pour se rendre jusqu’au Canada et parfois jusqu’au Québec. À l’inverse, il existe le courant démographique des vacanciers du Nord qui se dirigent vers le Sud[4] », rappelle Frédéric Lesemann. Ce flux migratoire a évidemment des résonnances dans l’espace littéraire québécois : des écrivain·e·s tels que Gloria Escomel, Flavia Garcia, Sergio Kokis et Mauricio Segura ont contribué à inclure une représentation de l’Amérique latine ou de l’immigration latino-américaine dans le paysage littéraire du Québec. Mais qu’en est-il de cette représentation dans les fictions des écrivain·e·s québécois·e·s qui ne sont pas né·e·s en Amérique latine ? Leurs écrits rendent-ils compte de l’évolution des échanges et du contact accru avec l’Autre ?

Cet article propose d’observer, dans deux fictions québécoises, la représentation des personnages d’origine latine, particulièrement celle entourant la figure de la jeune fille latino-américaine, car cette dernière — trop peu étudiée — se situe au confluent des rapports de genre et de race, lesquels divisent particulièrement, avec les rapports de classe, l’ensemble du continent. À travers l’analyse de Soudain le Minotaure (2002) de Marie-Hélène Poitras, et de Quelque part en Amérique (2012) d’Alain Beaulieu, je chercherai à évaluer si ces figures sont empreintes de préjugés et correspondent à certains mythes historiquement associés à la représentation de la « señorita ». Au lieu d’esquisser un panorama qui prendrait en compte un vaste corpus, j’ai choisi d’examiner la représentation de la jeune latino-américaine dans deux romans qui, à eux seuls, mettent en scène plus d’une dizaine de filles provenant de l’Amérique latine, de façon à étudier en parallèle les constructions imaginaires des deux oeuvres. À l’aide des études sur la représentation des Latinas, faites par Guadalupe Cortina[5], et de la notion d’intersectionnalité développée par Kimberley Crenshaw[6], je tenterai également d’établir si, d’une part, les relations interraciales sont traversées par des scénarios ou des rôles préétablis et si, d’autre part, les différentes représentations reproduisent une certaine image de la « latina girl ».

Entre Ariane et la bête, Maria

Après sa parution, en 2002, le roman Soudain le Minotaure, de Marie-Hélène Poitras, est remarqué par le jury du Prix Jacqueline-Déry-Mochon, finaliste au prix de l’Académie et récipiendaire du prix Anne Hébert, dont le jury a justifié son choix en ces termes : « Ce livre nous fait pénétrer dans l’univers d’un jeune criminel issu d’un village du Guatemala et émigré au Québec. Une analyse vive et profonde des pulsions d’un jeune homme en proie à une colère primitive d’une extrême violence, mais tempérée par le regard humain d’une romancière au ton juste et neuf[7]. » Si la description faite par le jury mentionne d’emblée la provenance latine du personnage, en l’occurrence un violeur venu assouvir au Nord sa colère « primitive », plusieurs critiques ont plutôt insisté sur la virilité exacerbée du personnage et « la figure de l’homme en prédateur[8] ». Le roman, qui raconte successivement l’histoire d’un agresseur, Mino Torres, et celui de l’agressée, Ariane, est en effet construit de façon à opposer la différence entre les genres. La structure binaire du récit, qui fait évoluer les deux perspectives en parallèle, est toutefois unifiée par une narration faite dans les deux cas à la première personne du singulier, ce qui tend à amoindrir ou adoucir l’opposition entre le même et l’Autre.

Dans son article intitulé « Déconstruction de la binarité et des genres dans Soudain le Minotaure. Procédés postmodernes pour une réconciliation avec l’Autre », Mélissa Verreault avance que la division narrative et l’absence de dialogue entre les deux personnages « placent le lecteur dans une posture particulière : c’est à lui d’établir le lien entre les deux témoignages […] Il joue un rôle dans la constitution de l’unité du fil narratif et se positionne en tant que troisième sujet du livre, soit celui qui adopte consécutivement le point de vue de l’homme et celui de la femme[9] ». Selon Verreault, le lecteur serait alors muté en une figure androgyne porteuse des deux discours, masculin et féminin. Cette figure androgyne est par ailleurs inscrite dans la diégèse, rappelle Verreault, puisque le personnage d’Ariane, qui a exceptionnellement échappé au violeur en série, effectue un voyage en Europe dans lequel elle fait la rencontre de Ihmre, un Tchèque qui « sans être efféminé [a] quelque chose de féminin. Il [est] la transition heureuse entre l’homme et la femme, l’être de passage qui ouvr[e] à l’autre[10] ». Par le travestissement du personnage et des jeux énonciatifs, le roman se détache donc « de sa manière universilisante et essentialisante de définir l’homme et la femme[11] » et rappelle que tous les hommes ne sont pas comme Mino Torres. Or, ce dernier prétend à maintes reprises que c’est « la nature » qui le pousse à agir ainsi :

Mes pulsions viennent du centre de la Terre. Dans un espace donné, proies et prédateurs évoluent nonchalamment. Tous pressentent ce qui les attend et patientent avant la rupture de l’équilibre. Le masculin force la rencontre avec le féminin. La proie sait qu’un jour les crocs du serpent viendront mordre ses flancs, déchirer ses tissus et ouvrir ses chairs. Comme deux pièces du casse-tête, une dent, une côte, une dent, une côte, imbriquées l’une dans l’autre[12].

Les métaphores animales, qui servent à illustrer la partie « pulsionnelle » et instinctive du violeur, dupliquent le titre du roman qui renvoie explicitement à la figure mythologique du Minotaure, cet être au corps d’homme et à la tête de taureau. Cette association est d’ailleurs appuyée par le nom de Mino, ce dernier étant littéralement le diminutif de « Minotaure ». Lorsque Ariane évoque son agresseur, elle utilise des termes tels que « vermine » (SM, p. 96), « serpent » (SM, p. 103) et « monstres des gardes robes » (SM, p. 127), lesquels renvoient également à l’animalité et à la férocité du prédateur sexuel. Comme on l’a vu, ces qualificatifs ne sont toutefois pas généralisés ni accolés à l’ensemble de la gent masculine, car le roman déconstruit la bicatégorisation et la binarité réductrice des genres[13].

Cependant, force est de constater que si le frère, le colocataire et les hommes qui entourent Ariane ne se transforment pas en prédateurs à ses yeux, il en va autrement des hommes en provenance du Sud : « J’attends le métro à la station Guy-Concordia, devant les regards indiscrets de trois jeunes Latinos assis en face de moi sur l’autre rive. Plus que jamais, je suis convaincue de la nécessité de porter une arme » (SM, p. 150 ; je souligne). De la même manière, alors que la narratrice se sent rassurée à son arrivée en Europe (« Les contrôleurs allemands ont estampillé mon passeport. Leur beauté angulaire, leur froideur respectueuse et leur grâce silencieuse m’ont plu depuis le début » ; SM, p. 152), elle se dit angoissée par l’homme africain qui lui fait essayer un anneau qu’elle éprouve de la difficulté à enlever, et elle panique lorsqu’elle pense être coincée dans le magasin d’un homme dont elle a précédemment remarqué l’origine grecque.

S’il est vrai que le roman offre une perspective double qui permet d’ouvrir un genre désessentialisé, il n’en va pas de même de la dimension raciale qui reproduit des mythes colonialistes et esclavagistes selon lesquels l’homme de couleur, associé à l’animalité et à la dangerosité, est accusé de vouloir violer les femmes blanches[14]. Comme dans tout amalgame culturel, la description des pratiques et des moeurs s’enracine dans une conception essentialiste[15] des différences raciales où « la valeur naturelle se double presque aussitôt d’une valeur culturelle[16] ».

Dans le roman de Poitras, on apprend en effet que Mino a été initié au viol par son oncle, violeur notoire qui a commis des centaines d’agressions pendant la guerre civile et qui a assuré l’éducation de son neveu en l’incitant, d’une part, à lire Chronique d’une mort annoncée[17] et, d’autre part, à aller « cueillir une femme » (SM, p. 51) dans différentes régions du Guatemala. Après avoir violé une vingtaine de filles en s’étonnant de « la facilité de la chose » (SM, p. 13), Mino se dit alors blasé :

Violer était devenu trop facile au Guatemala. Désormais, j’étais un agresseur de calibre intermédiaire et je voulais un peu plus de défi. J’avais entendu dire que les filles du Canada étaient libres, qu’elles allaient à l’université, qu’elles faisaient de la politique, écrivaient des livres, qu’elles faisaient comme les hommes, quoi. Je voulais flétrir une fille blanche libérée, insoumise, intellectuelle et belle. Je lui ferais sa fête et elle verrait bien ce que la nature lui ordonne.

SM, p. 39

Ce passage fait apparaître, en creux, une représentation globale de la femme guatémaltèque, puisque le violeur oppose les femmes blanches « libérées » à ses compatriotes « trop faciles à violer ». Pour trouver une femme qui représente un réel défi, le violeur doit s’éloigner des jeunes filles latino-américaines et s’exiler au Nord, là où les femmes sont libres de faire « comme les hommes » et où les hommes sont libres, suggère le roman, de faire « comme les femmes ».

Alors que le système de sexe-genre est, selon Gayle Rubin, soutenu par un ensemble de paradigmes symboliques qui place la femme du côté de la nature et l’homme du côté de la culture[18], l’extrait met aussi en relief un renversement dans lequel l’homme-taureau se revendique de la nature pour violer des filles explicitement placées du côté de la culture. Ce renversement masculin/féminin ne s’explique toutefois que par la provenance de l’agresseur, lequel est le fils d’un éleveur d’animaux, l’amoureux d’une vendeuse de fruits et un « enfant-animal difforme » (SM, p. 36) qui, avant de se mettre à violer de façon bestiale, est dépucelé sauvagement près d’un volcan actif. À l’inverse, Ihmre est dépeint dans une ville à l’architecture gothique semblable à « celle que l’on rencontre dans les livres de Kafka » (SM, p. 135). La narratrice l’imagine « traversant le pont de Prague un matin brumeux pour aller à l’université » (SM, p. 135) et assiste avec lui à un concert de musique classique en plein air. Encore une fois, ce ne sont pas tous les hommes qui sont assignés au côté de la nature dans le roman, mais seulement ceux qui proviennent du Sud.

Quant à la jeune femme latino-américaine, on a vu, dans l’extrait mentionné ci-haut, qu’elle n’est pas prise en compte dans la binarité nature/culture. Or, les qualités attribuées à la femme blanche révèlent qu’elle est considérée, par comparaison, comme illettrée, apolitique, soumise. La description des vingt femmes violées par Mino au Guatemala forme une figure homogène : « Des cheveux souples jusqu’au milieu de la colonne. Des hanches cassantes. Ma main sur leur bouche. Leurs yeux aussi onctueux que de la crème avec deux grains de café dedans. Je voulais user de plus d’emprise sur elles, mais elles se laissaient faire » (SM, p. 13). Cette silhouette plantureuse et docile, aux hanches cassantes, aux cheveux longs et aux yeux de café rappelle la figure exotique de la « latina-girl », telle qu’on la retrouve dans la culture télévisuelle nord-américaine. Guadalupe Cortina a observé la présence d’images des « Latins exotiques[19] » dans les séries télévisées, le théâtre et le cinéma depuis les débuts d’Hollywood. À l’instar de Jean-Marc Moura qui souligne, dans Lire l’exotisme, « la tendance à se contenter de jugements généraux et flous[20] » pour décrire les paysages et les visages étrangers, Cortina note certaines constantes, dont celles liées aux figures stéréotypées de la jeune fille latino-américaine, représentée majoritairement comme prostituée, femme au foyer, employée domestique ou mère monoparentale[21]. Les observations de Cortina révèlent également que les Latinas sont souvent dépeintes en tant que « beautiful señoritas[22] » cherchant un bon parti, tandis que les familles latines, dysfonctionnelles ou passives, sont dépeintes comme déviantes et dépendantes.

La mère et la soeur de Mino n’échappent pas à cette représentation stéréotypée de la sexualité et de la maternité des femmes de couleur : la mère, devenue veuve alors que Mino est encore jeune, ignore les crimes de son fils et croit que ce dernier gagne sa vie convenablement. Quant à la soeur, qui porte des jupes courtes en montrant « ses fesses lorsqu’elle se penche pour fouiller dans son sac à main » (SM, p. 13), elle finit par se lier avec un banquier du double de son âge et qui « fait un bon salaire » (SM, p. 13). Mis à part les prostituées à l’haleine fétide et « à l’animal mort entre les jambes » (SM, p. 54), la seule femme au Guatemala décrite en position d’autorité dans le roman est une Espagnole qui, telle une « maitresse d’école » (SM, p. 65), humilie les hommes guatémaltèques :

Elle riait de lui, s’époumonant dans le but de se payer sa tête de perdant et de les assassiner de mépris, lui et sa picouille. Elle lui a demandé si oui ou merde il voulait toujours s’offrir à elle. Si c’était le cas, il fallait traverser la clôture au plus vite parce qu’elle risquait de se lasser du ridicule de la situation. Elle riait à en faire vibrer nos tympans et le tuait en le traitant — de son accent espagnol rond comme ses hanches — de clown qu’on n’engagerait même pas dans un mauvais cirque.

SM, p. 65

La représentation de la femme espagnole comme dompteuse et cavalière est évidemment lourde de sens : l’origine européenne de cette dernière, que le père de Mino qualifie par la suite de « sorcière » (SM, p. 66), est d’autant plus significative qu’elle renvoie à la figure colonisatrice de la « maitresse » venue d’Espagne pour faire la leçon aux hommes indigènes. Mino la remarque et la désire, même s’il lui préfère Maria, la douce vendeuse de pomelos farcis qu’il va finir par épouser avant d’immigrer avec elle au Canada. À l’instar de sa mère et comme le rappelle Mino, sa femme ignore tout de ses crimes : « Maria ne parle ni ne comprend l’anglais. Elle ne sait pas pour les viols. Je lui ai raconté que je vendais un peu de drogue et que, au Canada, la peine est sévère lorsqu’on t’y prend » (SM, p. 22).

Lorsque Ariane apprend et imagine l’arrestation de son agresseur, elle se figure d’ailleurs une femme qui ignore la teneur des crimes de son mari violeur, alors qu’il ne se doute pas non plus de ce qui l’attend : « Écrasé devant la télé dans son salon, il n’a jamais pensé une seconde que c’était des policiers qui sonnaient à la porte. “Que pasa, mi amor ?” a peut-être demandé sa femme qui cuisinait dans une autre pièce, d’une voix chantante. » (SM, p. 128) Cet extrait, qui reproduit au passage la figure de la femme traditionnelle en train de cuisiner alors que son mari regarde la télé, fait aussi écho à la scène réelle de l’arrestation de Mino, telle qu’elle est reproduite ailleurs dans le roman : « en apercevant les trois voitures de police par la fenêtre […], j’ai ordonné à Maria d’aller dans notre chambre et, pour la rassurer, je lui ai raconté qu’on m’avait volé mon portefeuille au travail » (SM, p. 41). Quand le violeur est finalement menotté et emmené par les policiers, Maria crie, pleure et lance des oignons aux policiers en les insultant dans un argot guatémaltèque incompréhensible. Face à cette scène, Mino se dit insensible, « comme devant le spectacle d’une belle aveugle qui chercherait son reflet dans le miroir » (SM, p. 41) et se souvient, peu de temps après, qu’Ariane a ri au début de son agression.

Le rire d’Ariane comparé aux pleurs de Maria n’est qu’une des antithèses que l’on retrouve dans le récit, lesquelles suggèrent à plusieurs reprises que les deux femmes s’opposent l’une et l’autre. Alors qu’Ariane circule et voyage seule, Maria ne sort pas sans Mino : telle une « fleur longue et fragile » (SM, p. 22), elle est délicate et sans défense. Contrairement à Ariane qui étudie, aspire à une vie professionnelle et investit librement sa sexualité, Maria ne vit que pour son mari, s’occupe de maintenir la maison étincelante et souhaite ardemment avoir un enfant, seule raison pour laquelle elle accepte d’avoir des relations sexuelles :

Ma femme n’avait jamais d’orgasme et faisait la morte pendant nos relations sexuelles. J’avais l’impression de me déverser dans un sac d’organes. Elle se moquait bien de ne pas jouir, car la seule raison pour laquelle elle me permettait de la prendre était son désir de devenir une petite mère. Elle s’ennuyait seule dans l’appartement. Tout était toujours très propre.

SM, p. 16

La passivité de Maria, qui contraste avec les « manières[s] aguichante[s] » (SM, p. 13) de la soeur de Mino, est également mise en opposition avec la combattivité et la pugnacité d’Ariane qui sont maintes fois soulignées dans le roman : « je suis une “pas tuable”, qu’on se le dise », soutient cette dernière (SM, p. 109). Mino renchérit sur l’opposition vie/mort qui caractérise les deux femmes en les décrivant en ces termes : « Ariane était comme un poisson que j’aurais tiré hors de l’eau. Je n’avais jamais vu personne se démener ainsi […] Ariane est le contraire de Maria ; Ariane est la vie, Maria, la mort » (SM, p. 47 ; je souligne.)

En somme, si le roman de Poitras oppose la femme lettrée et l’homme animal, il est aussi permis de penser qu’il oppose la jeune femme du Nord — indocile et cultivée — à la jeune femme du sud. Dans la structure binaire qui cherche à déconstruire les oppositions hommes/femmes, mais qui reproduit une bicatégorisation entre les personnes provenant du Nord et celles originaires du Sud, la jeune fille latina est marginalisée, au point de se trouver au confluent de deux perceptions dégradantes : celle qui est liée au sexisme de Mino et celle, disséminée dans le roman, qui fait appel à des paradigmes symboliques sur lesquels s’appuient plusieurs préjugés exotiques ou raciaux. Car, si la femme libérée ne se trouve qu’au Nord, comme semble le suggérer le roman, cela insinue également que la femme du Sud est intrinsèquement soumise, comme s’il n’y avait pas de femmes libérées au Sud et de femmes soumises au Nord. À l’instar d’Edward Saïd, qui rappelle que la polarisation Orient/Occident renforce les stéréotypes[23], il est possible d’affirmer que l’opposition Nord/Sud confine l’Amérique latine dans une irréductible altérité au sein de laquelle la femme latino-américaine est une Nord-Américaine inversée. Or, la première est justement celle qui, dans le roman de Poitras, n’a pas droit à la parole : coincée entre le « je » de l’homme de couleur et celui de la femme blanche, elle se retrouve à la fois aveugle et muette, comme le sont les « parfaites victimes ». La structure binaire du roman, qui donne successivement la parole à Mino et à Ariane et qui constitue, selon Verreault, une façon de déconstruire l’antique dialectique entre le même et l’autre, fait donc paradoxalement disparaître la voix de la jeune fille latino-américaine.

Quelque part en Amérique, une « señorita » en détresse

Si la structure narrative de Soudain le Minotaure empêche la jeune-fille latino-américaine d’avoir voix au chapitre, les jeux énonciatifs de Quelque part en Amérique[24] permettent au personnage de la jeune « latina » de parler en son nom propre. Structuré comme un roman choral, l’ouvrage d’Alain Beaulieu est le deuxième roman d’une trilogie qui commence en Amérique latine, mais le premier où les personnages provenant du sud du continent se retrouvent en Amérique du Nord. L’ouvrage raconte l’arrivée de Lonie et de son fils, Ludo, tous deux originaires du Bélize et venus aux États-Unis dans l’espoir d’une vie meilleure. Le récit, qui est successivement pris en charge par les voix des personnages principaux, débute par celle de Lonie : on apprend comment un certain Marco, ami de la cousine de Lonie, Liana, a répondu aux lettres adressées à cette dernière pour convaincre Lonie d’aller vivre aux États-Unis. Grâce à Nick Delwigan, un policier qui se convertit en son protecteur et celui du jeune Ludo, elle évite les griffes de la prostitution, puis elle est emmenée chez la soeur de Nick, Maureen, qui accepte de la prendre comme domestique afin que se régularisent sa situation et celle de son fils.

À première vue, le roman reconduit plusieurs des représentations stéréotypées observées par Cortina : une jeune mère monoparentale échappe de justesse à un réseau de traite de femmes dirigé par un groupe criminel, elle est « sauvée » par un cowboy, en l’occurrence un policier, avant d’être hébergée chez un couple blanc sans enfant qui l’engage comme domestique. Bien que l’origine bélizienne de Lonie lui permette de parler couramment l’anglais[25], elle ignore tout du pays où elle immigre et ne semble pas au courant de l’illégalité de sa situation : « Ma cousine m’avait expliqué, dans l’une de ses lettres, que ce pays ne demandait rien aux immigrants qui voulaient travailler. Qu’il leur suffisait de se présenter dans les usines ou les commerces pour qu’on les engage sur-le-champ, sans manières et sans façon » (QPA, p. 43). Ainsi, le roman reconduit une autre figure surreprésentée dans les médias étasuniens et dont Cortina a observé la récurrence : celle de l’immigrée illégale, attirée au Nord par le « rêve américain » et bernée par les « passeurs » illégaux : « il y avait toujours eu quelqu’un pour nous montrer la piste à suivre à travers les montagnes, puis dans la poussière aride des basses terres, encore pour atteindre le train qui nous avait conduits jusqu’ici » (QPA, p. 15), rappelle Lonie.

Toutefois, son séjour dans la vaste demeure de Maureen et de son mari, tous deux adeptes d’une église évangéliste qui a déjà été en « mission » au Bélize, laisse poindre à l’horizon la possibilité d’une conversion ou d’une émancipation de la femme blanche par la femme noire. Alors que Lonie remarque d’emblée que « Bill tenait le haut du pavé dans la maison, Maureen approuvant chacune de ses remarques et de ses instructions » (QPA, p. 60), le contact entre les deux femmes s’intensifie et évolue. Après avoir refusé les avances du mari et les avoir révélées à Maureen, cette dernière fait face à une prise de conscience et se met à considérer Lonie autrement :

Nous avions des discussions parfois longues sur la vie que nous avions eue et celle dont nous rêvions. J’ai découvert avec une certaine stupéfaction que cette femme, qui était née et avait grandi dans le pays le plus riche du monde, qui n’avait manqué de rien et qui vivait maintenant dans un palace sans jamais se soucier de savoir si elle allait un jour manquer d’argent pour se nourrir ou se loger, que cette femme pour qui la vie avait tenu ses promesses les plus audacieuses, était au bord de la dépression. Cela m’a incitée à en prendre soin par de petites attentions qu’elle a sans doute fini par associer à des marques d’amitié.

QPA, p. 77

De fait, à la suite d’une dispute entre Bill et Maureen au cours de laquelle le mari de cette dernière la gifle violemment, Lonie accepte de quitter la maison et de la suivre sans poser de questions. Les deux femmes se retrouvent donc seules avec l’enfant, unies par leur condition de femme. Bien que toutes deux soient victimes de la domination des hommes (l’une par la menace du réseau de prostitution et l’autre par la violence conjugale), les deux femmes ne sont cependant pas traversées par les mêmes oppressions. À l’instar des femmes noires qui vivent aux États-Unis, Lonie est maintes fois victime de racisme et ce, dès son arrivée dans le village frontalier qui regarde passivement « les noiraudes du Sud » (QPA, p.32) se jeter dans les griffes de Marco[26]. De plus, sa condition d’illégale place Lonie dans une position de vulnérabilité que ne connait pas Maureen, comme en témoigne le passage où cette dernière demande naïvement à Lonie comment elle entrevoit son avenir et celui de son fils :

Sa question m’a secouée, parce que je n’ai pas su quoi répondre. Je me serais moi aussi engagée comme elle dans la recherche d’un travail et d’un appartement pour pouvoir inscrire Ludo à l’école l’année suivante, mais je ne savais pas si ce projet était réaliste. Je n’avais aucun papier qui me permettrait de trouver un emploi intéressant et ne savais pas comment aborder un problème. J’avais peur que, si je me présentais à l’Immigration, on me force à retourner dans mon pays. Maureen a promis de s’informer pour moi et de m’accompagner dans mes démarches.

QPA, p. 92

Par la suite, Maureen propose de se porter garante afin que la mère et le fils obtiennent la citoyenneté étasunienne. Cette proposition (jamais réalisée) met en évidence les rapports de pouvoir entre les deux femmes, rapports d’autant plus présents que Lonie est déjà dépendante de son ancienne patronne qui détient le capital pour financer leur cavale, laquelle les place conjointement en situation de vulnérabilité. Or, encore une fois, cette vulnérabilité est traversée, chez Lonie, par d’autres conditions qui contribuent à la fragiliser davantage. En fait, la situation de la jeune Bélizienne illustre ce que Kimberley Creenshaw définit comme « l’intersectionnalité[27] », notion élaborée pour comprendre comment le genre interagit avec la race, l’ethnicité et la classe, en façonnant différemment les expériences des femmes.

Creenshaw, qui développe la notion d’intersectionnalité pour montrer qu’il n’existe pas deux catégories binaires (les hommes et les femmes), mais bien des réalités différentes au sein même de l’identité de genre, insiste surtout sur l’identité raciale qui influence la façon dont les femmes de couleur se battent politiquement :

Les hommes de couleur et les femmes blanches sont rarement confrontés à cette dimension intersectionnelle particulière de la dépossession qui oblige l’individu à cliver son énergie politique entre deux projets parfois antagonistes […] Parce que les femmes de couleur ne vivent pas toujours le racisme sur le même mode que les hommes de couleur ni le sexisme sur des modes comparables à ceux que dénoncent les femmes blanches, les conceptions dominantes de l’antiracisme et du féminisme restent forcément limitées, y compris au regard de leurs propres exigences[28].

La notion, qui visait au départ à aborder le fait que les expériences et les luttes des femmes de couleur tombaient systématiquement dans les failles des discours féministes et antiracistes, a par la suite « été théorisé[e] pour explorer comment l’identité des femmes, leur positionnement social et leurs expériences de l’inégalité et de la violence avaient été structurés par les multiples systèmes de domination liés à la race, au genre, à la classe et à la nation[29] ». Nonobstant le fait que certaines chercheures, dont Sirma Bilge, s’opposent à cette vision « additive » (ou cumulative) de l’intersectionnalité[30], cette approche permet, dans le cadre des études littéraires, d’observer comment les rapports de pouvoir peuvent être imbriqués, enchevêtrés chez un personnage comme Lonie.

Consciente que son destin se situe à un carrefour, cette dernière refuse d’ailleurs de se laisser mener par Maureen et profite de leur cavale et de la rencontre avec Nick, venu les rejoindre toutes les deux, pour poursuivre les recherches visant à retrouver sa cousine. Cette quête pour rescaper Liana, toujours captive du réseau mis en place par Marco, laisse lentement entrevoir la réalité des filles que le bandit a fait venir de l’Amérique centrale. On apprend en effet que, parmi la quinzaine de filles arrivées illégalement aux États-Unis, quatre sont « utilisées par les dirigeants d’un réseau de prostituées », cinq filles dansent dans un « bar privé fréquenté par des hommes d’affaires » (QPA, p. 100) et six autres, dont Liana, ont disparu du radar.

Durant leur enquête pour retrouver Liana, Nick et Lonie rencontrent des gens qui leur mentionnent qu’elle travaille à faire des « massages » avec des Colombiennes et des Mexicaines (QPA, p. 107-108), alors qu’il est bien spécifié que les clients sont aussi des hommes blancs : « Les filles habitaient là, mais il y avait toujours des types qui arrivaient ici en taxi ou qui garaient leur voiture de l’autre côté de la rue, dans le stationnement du centre commercial là-bas, ou de l’autre côté du parc. Des types bien mis la plupart du temps, et de toutes les couleurs » (QPA, p. 108). L’absence de diversité ethnique parmi les travailleuses du sexe, jumelée à la description des clients bien nantis et « de toutes les couleurs », reproduit une asymétrie systémique qui perdure en Amérique du Nord. Au Canada, comme aux États-Unis, les personnes qui pratiquent le travail du sexe « proviennent davantage de couches sociales défavorisées, aux revenus précaires et limités, de minorités ethniques, de groupes indigènes, de réfugiés, d’immigrants clandestins, du tiers-monde, des pays déstructurés par leur transition catastrophique vers l’économie capitaliste », soutient Richard Poulin[31].

Or, les figures et les représentations entourant les femmes racisées découlent également de réalités historiques, notamment celles liées au colonialisme, à l’impérialisme et au tourisme sexuel pratiqué en Amérique latine. Évidemment, ce tourisme sexuel a un impact sur la représentation qu’on se fait des femmes latines et caribéennes et participe du stéréotype de la femme « chaude » (sensuelle, plantureuse, etc.), auquel se greffe celui de « l’aventurière[32] » flirtant avec les groupes criminels et les cartels de la drogue.

De fait, lorsque Liana est finalement retrouvée par la police, elle est renvoyée dans son pays, « alors que la pauvre aurait voulu rester là où on l’avait découverte, une piaule malfamée de Toronto où elle vendait son corps pour subvenir aux besoins de son copain héroïnomane » (QPA, p. 157). Encore une fois, la figure de la jeune Latina est empreinte de préjugés et correspond à certains mythes historiquement associés à la représentation de la « latina girl ». Seul le personnage de Lonie, à qui Maureen va finir par enlever son enfant, va évoluer au fil du récit au point de se transformer en « mère courage » pleine de sang-froid qui va parcourir les États-Unis pour chercher son fils, aidée en cela par Nick qui l’accompagne sur la longue route qui la mène à retrouver son enfant, devenu grand.

Certes, l’union interraciale, qui survient pendant les années de captivité de Ludo, reproduit, elle aussi, plusieurs scénarios préétablis, du moins au début de leur relation : Nick est protecteur, alors que Lonie est dévastée ; il est propriétaire alors qu’elle cherche un toit, il est policier alors qu’elle se trouve hors-la-loi. Très vite, leur rôle respectif tend cependant à s’égaliser, puisque leur mariage permet à Lonie d’accéder à la citoyenneté étasunienne. La naissance de leur première fille, Destiny, et de leur deuxième fille, Hope, incite Nick à prendre part aux tâches ménagères alors que Lonie est engagée comme préposée au rangement, puis responsable de la bibliothèque municipale. Lorsque la trace de Maureen et de Ludo est finalement retrouvée par un collègue de Nick, c’est Lonie qui prend l’initiative de faire le voyage : « Ce ne sera pas facile, Nick, mais il va falloir y aller […] Je veux partir demain » (QPA, p. 165), lui ordonne-t-elle. Une fois dans la ville où Maureen et Ludo vivent sous une nouvelle identité, Nick conseille à Lonie la prudence et l’empêche de précipiter les évènements. Cependant, Lonie refuse encore une fois de se laisser mener :

Elle avait du feu dans les yeux et me semblait prête à me couper la main si je ne lui donnais pas ce qu’elle voulait. Comme il n’était pas question que je la laisse aller là toute seule, j’ai abdiqué et lui ai dit que je la conduirais. Nous sommes donc montées dans la voiture et nous avons refait en sens inverse le chemin qui nous avait conduits aux Entreprises Vince Thompson. Nous avons retrouvé sans peine la maison de Maureen […]

QPA, p. 175

Néanmoins, les retrouvailles avec Ludo, devenu un jeune adulte nommé Koby, laissent entrevoir un retour à la division traditionnelle des rôles : confronté à la ténacité et l’agressivité de Maureen qui tente d’empêcher la rencontre entre la mère et son fils, Nick prend les choses en mains et s’assure de ne pas laisser ce dernier lui filer entre les doigts : « J’avais tiré le premier, convaincu de servir la justice, mais encore secoué d’être celui par lequel celle-ci devait s’accomplir » (QPA, p. 192), affirme-t-il, après avoir poussé un cri pour empêcher Ludo de partir. L’affrontement avec Maureen révèle par la suite à Ludo son racisme latent, puisqu’elle répond à ses invectives en lui lançant : « [T]’as pas le droit d’agir comme ça, je t’ai donné ma vie, tu serais qu’une merde de chien qu’on pousse du pied dans le caniveau. » (QPA, p. 204) Il se rappelle ensuite sa mère oubliée, alors qu’il gardait peu de souvenirs « des cinq premières années de [s]a vie, sinon celui d’une nounou qui s’était bien occupé de [lui] et à laquelle [il s’était] attaché » (QPA, p. 120).

Ce souvenir de Ludo où sa mère biologique est transformée en nounou est révélateur du poids des stéréotypes dans l’imaginaire nord-américain et dont Maureen a bénéficié pour lui faire croire, durant ses seize années de captivité, que la jeune femme de ses souvenirs n’était qu’une employée. Victime d’un mensonge échafaudé à même le discours social[33], Ludo se rend compte qu’il a été déraciné et aveuglé au point d’être surpris à la vue d’un couple mixte se tenant par la main (QPA, p. 140).

À la fin du roman, Lonie apparaît, dans les yeux de son fils retrouvé, telle une femme résiliente et courageuse à qui il va faire l’honneur de lui présenter sa fille nouvellement née et prénommée comme elle. En donnant la parole à Hope et à Destiny, et en attribuant le nom de Lonie à la petite fille née aux États-Unis, la fin du roman laisse présager la possibilité d’une réconciliation et d’une intégration intergénérationnelle en sol étasunien. Après avoir écrit un roman qui se situe en Amérique latine[34], Beaulieu intègre donc des personnages venus du Sud dans une nordicité où se réfléchissent les enjeux migratoires nord-américains. Comme si la migration difficile d’une jeune fille latino-américaine pouvait représenter à elle seule les paradoxes qui traversent le nord de l’Amérique, comme si l’évolution de ce personnage à la croisée des oppressions pouvait nous montrer les différentes avenues possibles.

Renouveler la représentation pour une nouvelle américanité

Le portrait partiel que nous offre l’analyse de la représentation de la jeune femme latino-américaine dans Soudain le Minotaure et Quelque part en Amérique met en relief la façon dont ces deux romans reproduisent certaines figures historiquement associées à la représentation de la « señorita ». À l’aide des études de Cortina et de la notion d’intersectionnalité, nous avons pu observer comment les différentes figures de jeunes femmes latino-américaines reproduisent une image stéréotypée et plutôt défavorable de la « latina girl ». Dans ces deux romans, qui proposent à eux seuls plus d’une dizaine de représentations (même secondaires) de femmes latino-américaines, on note en effet une surreprésentation de prostituées, de victimes d’agressions et de femmes au foyer.

La mise en parallèle des analyses permet également d’observer que, alors que Maria n’a pas de voix dans la fiction de Poitras, celle de Lonie demeure prééminente dans le roman choral de Beaulieu. Contrairement à Maria qui ne constitue qu’un personnage secondaire dans l’histoire de Mino et d’Ariane, le personnage de Lonie est central, ce qui lui confère un pouvoir narratif et la possibilité d’évoluer au fil du récit. Cependant, les deux femmes offrent plusieurs similarités sur le plan de la représentativité : elles se situent toutes deux du côté de la maternité ; l’une veut devenir mère alors que l’autre l’est déjà et voit son statut lui être dérobé. Les personnages féminins étant décrits comme des victimes, dans un cas, de l’homme latino-américain, et, dans l’autre, de la femme nord-américaine, la représentation de la jeune femme latino-américaine est donc elle-même scindée en deux : il y a les mères et les autres. Parmi ces dernières, aucune n’est complètement libre d’agir, aucune n’est en position de savoir ou d’autorité. En outre, elles se situent à l’intersection des préjugés envers les Noirs et les femmes, ce qui les place dans une position doublement défavorisée.

Peut-être en aurait-il été autrement si l’analyse s’était penchée sur la représentation de la jeune femme dans des fictions qui situent l’action du récit en Amérique latine ? Une étude ultérieure pourrait en effet se concentrer sur ce que Pruteanu nomme « un corpus littéraire (signé par des auteurs québécois “de souche”) fortement marqué par l’imaginaire sud-américain : Frontières ou tableaux d’Amérique (1995) de Noël Audet, Clair-obscur à Rio (1998) de Claire Varin ou la “trilogie brésilienne” de Pierre Samson[35] ».

Le choix de privilégier des fictions qui mettent en scène des personnages latino-américains en territoire nord-américain n’était toutefois pas fortuit, car s’il est vrai que « [l]e Québec actuel ne pourra saisir sa véritable américanité que le jour où il prendra acte du récit diasporal qui l’habite[36] », il est important d’analyser les paradigmes qui entourent les mouvements migratoires et qui forgent les constructions imaginaires d’une amérilatinité, laquelle, pour être réellement continentale, doit participer d’une représentation diversifiée. Pour y arriver, les auteur·e·s pourront notamment se baser, à l’instar de Louise Desjardins pour ses romans Le fils du Che (2008) et L’idole (2017), sur une identification aux mythes et aux mouvements sociaux latino-américains, de façon à investir une transculturalité[37] ou une nouvelle américanité.