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Introduction

De plus en plus, les bibliothèques publiques modernes ne se définissent plus uniquement par leurs collections, mais aussi par leurs actions. Que ce soit en favorisant la rencontre et le dialogue par des aménagements inspirés de l’approche « troisième lieu[1][2] » (Oldenburg, 1999 ; Servet, 2009) ou en accompagnant les gens pour explorer et apprendre par les divers cours, formations et espaces d’apprentissage qu’on peut y trouver, la bibliothèque en 2019 est plus qu’un endroit où l’on emprunte des documents. Malgré tout, nos collections demeurent des volets importants de nos efforts et de nos actions. De plus, nos institutions ont, avec les années, acquis un savoir-faire unique sur les meilleures pratiques pour préparer, identifier, entreposer et prêter du matériel pour nos usagers. Pourquoi ne pas utiliser cette connaissance pour faire circuler d’autres matériels que de l’imprimé ?

C’est ainsi qu’après les livres, les périodiques, les disques, cassettes, vinyles et autres supports, plusieurs bibliothèques se sont lancées dans le prêt d’objets divers. La ville de Toronto prête des bornes Wi-Fi (Toronto Public Library, 2019), celle de Rimouski permet à ses usagers d’apporter un télescope à la maison (Club d’astronomie de Rimouski, 2019) ; plusieurs institutions se sont lancées dans cette expérience d’aller au-delà des livres pour prêter d’autres supports inusités, permettant ainsi de diversifier les outils pour encourager la connaissance, le loisir et la culture. Suivant cette logique, de nombreuses bibliothèques ont fait l’essai de prêter des instruments de musique, avec les enjeux et complications associés au prêt d’objets coûteux et qui requièrent un savoir spécialisé pour les gérer.

Dans cet article, nous allons présenter le programme de prêt d’instruments de musique de la Financière Sun Life tel que développé dans le réseau des bibliothèques de Montréal (PIM[3]). Nous commencerons par décrire le programme pancanadien de prêt d’instruments développé par Sun Life[4], pour ensuite décrire sa déclinaison particulière à Montréal. Nous détaillerons ensuite notre fonctionnement logistique et opérationnel, ainsi que le volet de médiation que nous avons ajouté au programme. Après une section de bilan et de réflexion sur les enjeux du programme, nous terminerons avec un exemple d’une plus petite bibliothèque qui a implanté un programme similaire. Nous proposons donc une étude de cas concret, avec les leçons tirées de presque trois ans de gestion d’un programme novateur et unique au Québec par son ampleur et son succès.

Le programme de prêt d’instruments de musique de la Financière Sun Life

En 2016, la Financière Sun Life (FSL) a décidé de proposer un projet innovant dans trois grandes villes canadiennes : le prêt d’instruments de musique en bibliothèque. Cette nouvelle offre venait s’inscrire dans leur programme philanthropique nommé Fière de donner accès aux artsMC. Ce dernier a pour but :

« … de financer des initiatives philanthropiques qui permettent d’élargir l’accès à une grande variété d’activités culturelles, de spectacles, de concerts et d’expositions qui seraient autrement hors de portée pour un grand nombre de personnes. Il fournit également du soutien financier à des écoles de musique qui offrent des cours à des enfants et des jeunes à risque issus de milieux défavorisés. »

Financière Sun Life, s. d.

La Financière Sun Life a d’abord contacté trois grandes villes canadiennes pour l’implantation du programme : Vancouver, Toronto et Montréal. Aujourd’hui, les villes de Kitchener, Halifax, St-John’s, Ottawa, Fredericton et Regina se sont ajoutées aux trois villes initiales. Afin de démarrer le programme, la FSL a d’abord offert à chaque ville 100 instruments pour la collection et un peu plus de 100 000 $ pour la tenue du programme pendant les deux premières années.

Les Bibliothèques de Montréal offrent donc le programme depuis octobre 2016. Presque trois ans après, les citoyens montréalais peuvent emprunter des instruments dans l’une des 19 bibliothèques participant au programme[5]. Ces bibliothèques se trouvent dans 15 arrondissements, c’est-à-dire sur une grande partie du territoire de la ville. Plusieurs instruments sont disponibles pour l’emprunt : instruments à cordes (guitares, banjo, mandoline, basse, violon, ukulélé), percussions (xylophone, cajon, doumbek, djembe, bongo, mbira, glockenspiel) et claviers (61 et 88 touches). Chaque usager peut emprunter un maximum d’un instrument à la fois pendant trois semaines. Des coûts sont facturés en cas de bris ou de perte des instruments.

Historique de l’implantation à Montréal

La Financière Sun Life (FSL) a approché les Bibliothèques de Montréal lors de la première vague du projet, en même temps que les villes de Toronto et de Vancouver. Étant encore tout au début du programme, le chargé de projet de la FSL a travaillé de concert avec le chargé de projet montréalais pour créer et mettre en place le programme. Les paramètres de base étaient prévus (montant alloué, visibilité pour la FSL, marketing), mais le fonctionnement précis du programme n’était pas encore établi.

Les défis montréalais

Lorsque le programme a été mis en place à Vancouver et à Toronto, il a tout de suite été prévu que le don initial de 100 instruments se retrouverait dans la bibliothèque centrale de chacune des villes. Les usagers auraient ainsi accès au programme en se déplaçant à la plus grande succursale du réseau. À Montréal, la réalité est différente. La Ville de Montréal compte 45 bibliothèques dans 19 arrondissements. Tout de suite, l’équipe montréalaise a vérifié s’il était possible d’offrir le programme dans plus d’une bibliothèque et ainsi rejoindre les citoyens à travers la ville. En plus d’obtenir l’approbation de la FSL, il fallait trouver un fonctionnement qui pourrait convenir à ce modèle. Après réflexion, il a été décidé qu’un « commis ambulant » serait engagé pour entretenir la collection d’instruments. Ce commis aurait la responsabilité de la collection d’instruments dans toutes les bibliothèques concernées par le programme (voir Le spécialiste en instruments de musique : une personne clé dans le fonctionnement du programme). Ce travail, ne correspondant pas aux tâches habituelles des employés de la ville, a été offert sous forme de contrat temporaire. La personne choisie pour ce contrat est musicien et professeur de musique et connaît bien les différents types d’instruments.

Au moment de confirmer l’entente de commandite avec la FSL, l’équipe a dû faire face à un autre défi. En effet, contrairement à la majorité des villes canadiennes, les bibliothèques de Montréal sont sous la responsabilité de la municipalité et non d’un OBNL[6]. Cette structure, bien différente des villes de Toronto et de Vancouver par exemple, a demandé une organisation autre autant pour l’équipe de la Financière Sun Life que pour le personnel des bibliothèques. Il a notamment fallu requérir une demande d’accompagnement auprès du service juridique pour faire valider la lettre d’entente entre les bibliothèques et Sun Life. La Ville ayant des règles strictes pour ce type d’entente, les délais d’approbation ont dû être pris en compte, donnant un échéancier différent des autres villes participantes. Il a également fallu faire approuver le don d’instruments et d’argent aux élus montréalais. Et, détail non négligeable, FSL a dû payer les taxes sur son don, ce qui n’est pas toujours le cas dans les autres modèles administratifs. Pour la période de renouvellement 2018-2020, nous avons également dû procéder à un appel d’offres pour le contrat du spécialiste en instruments de musique pour respecter la Loi provinciale C-65.1 sur les contrats des organismes publics[7].

Recrutement d’un chargé de projet et préparations préliminaires

Pour démarrer le projet dans les bibliothèques de Montréal, un chargé de projet, David Labrie-Klis, a été engagé à l’automne 2016. Sous la supervision d’un bibliothécaire et des gestionnaires de la Direction des bibliothèques, il a effectué plusieurs tâches allant du recrutement du spécialiste en musique à la création du site web du programme.

Préparations matérielles

Les employés du Centre de service partagé[8] n’avaient jamais eu à préparer des instruments de musique pour le prêt. Il a donc fallu créer une procédure à mettre en place pour les 100 premiers instruments et pour les futurs instruments qui se rajouteraient à la collection. Une consultation a été faite auprès de nos collègues torontois et vancouvérois afin d’apprendre de leurs tests et expériences faits quelques mois avant[9]. Une équipe a ensuite été dédiée au projet pendant une période de temps limitée. La même technique a été employée pour le traitement intellectuel, avec de l’aide de notre spécialiste pour aider les techniciens et bibliothécaires chargés du catalogage. Toute l’équipe dédiée au projet a participé à ces tâches. Quelques exemples des tâches effectuées par David Labrie-Klis (le chargé de projet responsable de la mise en place du PIM), Oscar Salazar Varela (le spécialiste en instruments de musique) et par le personnel du CSP (le Centre de service partagé) à la page suivante (voir le tableau 1).

Tableau 1

Répartition des tâches pour la préparation de l’implantation du Prêt d’Instruments de musique (PIM), Bibliothèques de Montréal

Répartition des tâches pour la préparation de l’implantation du Prêt d’Instruments de musique (PIM), Bibliothèques de Montréal

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Lancement et retombées médiatiques

Le 24 octobre 2016, le programme a été lancé en grande pompe à la bibliothèque Georges-Vanier, l’une des huit bibliothèques initiales participant au programme. En présence du maire de l’époque, Denis Coderre, et du groupe de musique Simple Plan, le nouveau programme a été lancé devant une salle remplie de bibliothécaires, de partenaires et de médias, conjointement à une campagne de sollicitation pour des dons en instruments, afin de bonifier les collections. De nombreux médias, comme le journal Le Devoir ou Radio-Canada étaient sur place pour couvrir l’événement et la présence du maire et du groupe Simple Plan ont certainement contribué à la visibilité médiatique de l’événement (Radio-Canada, 2016).

Pour préparer le public au nouveau service, une campagne de promotion a également été déployée par le service de communications de la ville. Des affiches et feuillets promotionnels et explicatifs ont été distribués dans les bibliothèques montréalaises en octobre 2016. Un feuillet annonçant la campagne de dons a également été distribué auprès des citoyens dans toutes les bibliothèques. Quatre vidéos promotionnelles ont été diffusées sur YouTube et sur les autres réseaux sociaux. L’utilisation de Facebook, Twitter et Instagram a été privilégiée par les Bibliothèques de Montréal et la Ville pour faire circuler l’information en ligne. Une actualité sur le blogue de la culture et un site web dédié ont également participé à la promotion.

Le message a bien été reçu par les citoyens montréalais qui ont rapidement profité du programme. Le 10 novembre, soit deux semaines et demie après le lancement du programme, 97 % des instruments avaient déjà été prêtés et 181 réservations ont été effectuées. Une dizaine d’articles dans les médias ont fait état du succès du programme auprès du public, mettant en avant la campagne de don.

Comme nous le verrons à la fin de l’article, le bilan du programme reste très positif aujourd’hui, près de trois ans après son début.

Tableau 2

Prêt des instruments de musique du PIM après deux semaines d’opération

Prêt des instruments de musique du PIM après deux semaines d’opération

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2017-2018 : Le programme s’agrandit

La collection initiale comptait les 100 instruments donnés par la Financière Sun Life. La contribution supplémentaire par Eriksson[10] d’une vingtaine d’instruments et la campagne de don du public ont permis d’augmenter le nombre total d’instruments à 162 au terme de la première année. Un deuxième don de la Financière Sun Life, dans le cadre du 150e anniversaire de la Confédération canadienne, a permis d’ajouter 50 instruments à la collection et d’incorporer cinq nouvelles bibliothèques au programme le 28 octobre 2017, près d’un an plus tard. Les cinq nouvelles bibliothèques furent : Benny, L’Octogone, Pierrefonds, Rivière-des-Prairies et Saint-Michel. La sélection des nouvelles bibliothèques participantes s’est faite à partir d’un bassin de candidats volontaires avec l’objectif d’étendre le programme à un maximum d’arrondissements différents pour couvrir le plus grand territoire possible.

L’entente initiale avec Sun Life pour démarrer le projet s’étendant sur deux ans, 2018 fut une année importante pour la continuation du PIM. Une nouvelle entente a été négociée et signée entre la ville et Sun Life pour étendre le programme pour deux autres années, jusqu’en octobre 2020. L’entente comprenait l’ajout d’une centaine d’instruments, ce qui permit à six nouvelles bibliothèques (Roxboro, Frontenac, Père-Ambroise, Mordecai-Richler, Pointe-aux-Trembles et Robert-Bourassa) de se joindre aux 13 existantes, portant le total des bibliothèques participantes à 19. L’entente inclut également un montant de 140 000 $ pour l’embauche d’une personne-ressource ainsi que d’autres dépenses comme les réparations ou le remplacement d’instruments et l’aide à des programmes de médiation.

Fonctionnement actuel et enjeux logistiques

Les instruments

En date de mai 2019, il y a 339 instruments dans la collection, répartis entre les 19 bibliothèques participantes (soit environ une quinzaine par bibliothèque) et la collection de médiation. Les instruments disponibles sont des guitares, des basses, des violons, des xylophones et vibraphones, des tambours, des djembés et des claviers. Chaque instrument est prêté avec un étui et les accessoires nécessaires (courroie, accordeur, archet, plectre, etc.). Aucun instrument à vent n’est disponible, car nous souhaitions éviter les complications au niveau de l’hygiène ; certains usagers le demandent, mais la majorité est heureuse des instruments actuellement offerts. Pour certains instruments (guitares et violons), des formats plus petits ont été acquis pour permettre aux enfants de profiter du programme : ils sont très populaires auprès des familles. Bien que la campagne de dons soit terminée depuis le début 2017, nous continuons de recevoir des dons de façon régulière. Nous acceptons les instruments qui sont en bon état ou qui peuvent facilement être remis à neuf. Par exemple, deux accordéons ont pu être ajoutés à la collection en 2018. Certaines bibliothèques participantes ont aussi choisi d’acquérir des instruments avec des budgets spéciaux, comme La-Petite-Patrie qui a notamment ajouté une mandoline et une balalaïka. L’ajout de ces instruments a soulevé quelques enjeux non prévus initialement. Il fallait que notre spécialiste confirme qu’il serait capable d’inspecter et d’accorder les nouveaux instruments. De plus, la nature inusitée de certains dons et nouveaux achats a demandé que l’on trouve des fournisseurs spécialisés pour la réparation ou la préparation d’étuis faits sur mesure[11].

Réservation et prêt des instruments

Les opérations de prêt et de retour se font directement par les aides-bibliothécaires au comptoir d’accueil et non aux bornes d’auto-prêt, notamment pour expliquer les conditions de prêt, donner les instructions de base sur le transport des instruments et rappeler à l’usager que celui-ci doit être rapporté à la même bibliothèque. En effet, il n’y a pas de prêt ou de retour intersuccursale pour les instruments dans le réseau, ils sont empruntés et retournés obligatoirement dans leur bibliothèque d’appartenance, notamment pour minimiser le transport des instruments et faciliter les suivis d’entretien par le spécialiste en instruments.

Les instruments ne sont donc jamais laissés en accès libre, mais sont plutôt entreposés derrière le comptoir ou dans des bureaux. Les réservations ne peuvent se faire directement par les usagers, mais seulement auprès des aides-bibliothécaires, puisque celles-ci s’effectuent sur un exemplaire et non au document général (afin de bien réserver la guitare acoustique assignée à la bibliothèque où l’on se trouve et non n’importe quelle guitare acoustique de la collection du réseau). Lors du prêt, l’aide-bibliothécaire révise les conseils d’entretien et de manipulation avec la personne qui emprunte l’instrument et glisse un aide-mémoire dans l’étui de l’instrument.

Les règles de prêt sont les suivantes, essentiellement très similaires aux règles normales pour des documents imprimés. Ces règles se retrouvent dans un procédurier développé pour assister le personnel en bibliothèque et sur le site web du programme :

  • Seuls les usagers adultes (14 ans et plus) peuvent emprunter un instrument ;

  • Un usager ne peut emprunter qu’un instrument à la fois ;

  • Le prêt dure 21 jours pour un abonné et 28 jours pour un organisme ;

  • L’usager a le droit à trois renouvellements si son dossier est en règle et s’il n’y a pas de réservation sur l’instrument[12] ;

  • Les frais de retard sont de 1 $ par jour pour un maximum de 3 $ ;

  • Frais lors de bris ou pertes (voir Enjeux).

Lors du retour des instruments (toujours au comptoir avec un aide-bibliothécaire, et non par une chute ou un robot de tri ou simplement déposé sur le comptoir) une inspection sommaire de l’instrument, de l’étui et des accessoires est effectuée par l’aide. Celui-ci ou celle-ci doit également noter tout dommage, altération à l’instrument ou absence d’un accessoire. Les instruments sont ensuite mis de côté avec ces notes (et sans activer toute réservation potentielle) en attendant le passage du spécialiste.

Un cartable de fiches décrivant chaque instrument (avec photo) a été développé par le chargé de projet initial et l’équipe du CSP, pour permettre aux usagers de prendre connaissance des instruments de la collection pour la bibliothèque où ils se trouvent. Les cartables servent aussi au personnel puisque chaque fiche comprend une énumération du contenu de chaque étui et le code-barres associé à chaque instrument.

La coordination du PIM à la direction des bibliothèques de Montréal

Si le travail journalier du PIM est effectué en bibliothèque, une personne à la direction des bibliothèques de Montréal a la responsabilité de la gestion du programme dans l’ensemble du réseau. Le programme de prêt d’instruments de musique relève d’un conseiller en ressources documentaires de la division des programmes et service aux arrondissements. Cette personne a la charge du budget, du maintien des outils (procédurier, cartables, dépliant promotionnel), des suivis avec le spécialiste en instruments de musique et avec les bibliothèques, ainsi que les relations avec la Financière Sun Life[13]. Elle a donc la responsabilité du bon fonctionnement de tous les aspects du PIM (promotion, ressources humaines, collection, etc.) dans une vision réseau. Ceci demande très peu de travail quotidien, le PIM étant assez autonome dans son fonctionnement. Il s’agit donc plus d’un rôle stratégique et de planification.

Le spécialiste en instruments de musique : une personne clé dans le fonctionnement du programme

Un des principaux enjeux pour le bon fonctionnement d’un programme de prêt d’instruments de musique, surtout quand il compte des centaines d’instruments, est l’entretien, l’accord des instruments et les suivis concernant les réparations. Une ou plusieurs personnes avec des connaissances en musique sont nécessaires pour réaliser ces tâches. À Toronto, par exemple, ce sont des bénévoles qui viennent accomplir ce travail à la bibliothèque de Parkdale, qui accueille le programme dans le réseau de cette ville. Aux bibliothèques de Montréal, cette solution a été écartée pour deux raisons ; premièrement, les instruments étaient originalement distribués dans huit bibliothèques, ce qui compliquerait l’affectation des bénévoles ; deuxièmement, la réalité des bibliothèques montréalaises n’inclut pas une grande participation de bénévoles dans leur fonctionnement.

Un commis ambulant, Oscar Salazar Varela, a été engagé en octobre 2016 pour un contrat d’un an, qui a été renouvelé pour une 2e année (octobre 2017 à octobre 2018). Ses tâches telles que définies dans le contrat sont les suivantes :

  • Entretenir les instruments de musique des bibliothèques participantes par la mise au point, le nettoyage, le remplacement des pièces et les réparations mineures ;

  • Assurer le lien avec la boutique d’instruments Long & McQuade pour les réparations, le remplacement de pièces et pour l’achat du matériel nécessaire à l’entretien des instruments ;

  • Effectuer des visites hebdomadaires dans les bibliothèques participantes ou selon les besoins ;

  • Assurer le lien entre les bibliothèques participantes et le coordonnateur de projet à la direction des bibliothèques ;

  • Générer du contenu sur les instruments en location pour la plateforme web du programme de prêt d’instruments de musique (guide d’entretien, ressources en ligne, documents pour les instruments et sur les instruments, etc.).

Après le renouvellement de l’entente avec Sun Life pour la période 2018-2020, et pour respecter les enjeux de transparence de la loi C-61.5, un appel d’offres pour un contrat de deux ans pour un spécialiste en instruments de musique a été lancé. L’argent pour payer cette ressource humaine provenait de l’entente avec la Financière Sun Life. La personne retenue fut encore une fois O. S. Varela, qui incidemment a suivi et complété une maîtrise en sciences de l’information à l’École de Bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal depuis le début de son implication dans le projet. À la fois musicien et bibliothécaire, il était donc la personne toute désignée pour travailler sur la version actuelle du PIM.

Par souci d’efficacité et de régularité, O. S. Varela a développé un itinéraire hebdomadaire pour couvrir toutes les bibliothèques participant au PIM (figures 1 à 4).

Figure 1

Circuit Sud-Ouest : Benny, Saul-Bellow, L’Octogone, Jacqueline-de Repentigny, Georges-Vanier

Circuit Sud-Ouest : Benny, Saul-Bellow, L’Octogone, Jacqueline-de Repentigny, Georges-Vanier
Données cartographiques © 2019 Google

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Figure 2

Circuit Nord-Est : Petite-Patrie, Saint-Michel, Maison culturelle et communautaire, Saint-Léonard, Rivière-des-Prairies, Pointe-aux-Trembles

Circuit Nord-Est : Petite-Patrie, Saint-Michel, Maison culturelle et communautaire, Saint-Léonard, Rivière-des-Prairies, Pointe-aux-Trembles
Données cartographiques © 2019 Google

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Figure 3

Circuit Nord-Ouest : Mordecai-Richler, Robert-Bourassa, Du Boisé, Roxboro, Pierrefonds

Circuit Nord-Ouest : Mordecai-Richler, Robert-Bourassa, Du Boisé, Roxboro, Pierrefonds
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Figure 4

Circuit Plateau Centre-Sud : Frontenac, Père-Ambroise, Plateau

Circuit Plateau Centre-Sud : Frontenac, Père-Ambroise, Plateau
Données cartographiques © 2019 Google

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Tous les matins, une liste du statut des instruments est générée par Sierra, notre système de gestion de bibliothèque. Cette liste est envoyée au conseiller en ressources documentaires et au spécialiste en instruments de musique. On peut y voir, par exemple, quels instruments sont empruntés ou déclarés perdus. O. S. Varela y voit également tous les instruments qui ont été rapportés et qui sont indiqués comme retirés temporairement pour assurer un nettoyage et une inspection avant le prochain prêt. Il ajuste donc l’itinéraire du circuit de la journée en conséquence[14].

À chaque arrêt, le spécialiste effectue certaines tâches avec les instruments qui ont été retournés et mis de côté depuis sa dernière visite :

  • Vérifier les instruments retirés temporairement pour tout besoin de réparation et de nettoyage.

  • Accorder des instruments qui en ont besoin.

  • En cas de bris mineurs, réparer les instruments dans la bibliothèque et remplacer les pièces manquantes ou brisées.

  • En cas de bris majeur :

    • Un service de courrier vient chercher l’instrument pour l’amener chez le réparateur (Long & McQuade) ;

    • Le service de courrier rapporte l’instrument lorsque la réparation est faite.

  • Une fois que les instruments peuvent circuler, activer les réservations ou remettre les instruments disponibles pour le prêt.

O. S. Varela assure le lien avec Long & McQuade et les autres fournisseurs de matériel spécialisé pour les réparations, les achats et les remplacements. Il demeure toujours en contact étroit avec le conseiller à la direction des bibliothèques pour les suivis budgétaires et pour toute décision qui peut demander une réflexion d’équipe (comme le choix de remplacer un instrument perdu, la modification de procédures, la mise à jour sur certains instruments de travail, etc.).

Site web

Pour accompagner le programme, un site web dédié[15] a été développé par le chargé de projet et le service des communications de la ville. On peut y accéder à partir de la page d’accueil du site des bibliothèques de Montréal. Le site, qui est actuellement[16] maintenu par Oscar Salazar Varela, sert de source d’information sur le PIM pour la population montréalaise. On y retrouve des informations générales sur le programme et son fonctionnement (comme les règles de prêt) ainsi que la liste et les coordonnées des bibliothèques participantes ainsi que les instruments que l’on retrouve dans chaque bibliothèque[17]. On retrouve également des outils sur le site web, comme une vidéo d’introduction aux instruments à cordes (développée par O. S. Varela), des vidéos similaires pour les différents types d’instruments produites par les bibliothèques de Calgary (en anglais) et des liens vers diverses ressources en ligne (métronome en ligne, méthodes, tutoriels, etc.). Il y a finalement un lien vers un calendrier où l’on retrouve les activités de médiation du programme de prêt d’instruments de musique.

Volet médiation

Collection d’animation

En effet, en plus du prêt d’instrument, le PIM a un volet de médiation, à la fois pour faire la promotion de la collection auprès des usagers des bibliothèques, mais aussi par souci de favoriser l’accès aux arts, un enjeu qui tient à coeur à la fois aux bibliothèques de Montréal et à la Financière Sun Life. Une collection d’instruments prévue pour la médiation a été assemblée par la Direction des bibliothèques afin d’en permettre l’utilisation dans les 19 bibliothèques participantes tout au long de l’année ainsi que dans l’une des 26 autres bibliothèques qui en ferait la demande. Un calendrier a été mis en place afin de permettre la réservation à l’avance par les bibliothèques intéressées, directement auprès de O. S. Varela.

Instruments de la collection d’animation :

  • Guitares acoustiques et électriques

  • Ukulélé

  • Bongos

  • Basse

  • Conga

  • Maracas

  • Güiro

  • Djembé

  • Claves

  • Den-den Daiko (tambour)

  • Bâton de pluie

Activités de médiation

Différentes activités sont offertes par des musiciens employés par les bibliothèques ou directement par Oscar Salazar Varela pour favoriser l’éveil musical des clientèles des bibliothèques. Voici quelques exemples d’activités qui sont organisées dans le cadre du programme de médiation :

  • Concerts participatifs : l’objectif de cette activité est de faire un concert didactique dans lequel les usagers peuvent aussi jouer. Ce concert donne également l’occasion de rencontrer un artiste local.

  • Atelier-médiation : cet atelier a pour objectif d’initier les usagers à l’apprentissage de l’un des instruments. Il est également possible de le faire en même temps qu’un autre événement en mettant la collection de médiation disponible pour les usagers en présence d’un expert qui répondra aux questions.

  • Activité libre : pour les bibliothèques qui participent au projet de prêt d’instruments, il est possible d’emprunter les instruments de médiation et d’organiser leur propre activité.

Les bibliothèques participantes ont aussi développé leurs propres activités de médiation, et la formule est en constante évolution pour fournir les activités qui répondent le mieux possible aux besoins des bibliothèques.

  • Référence du Biblio-Musicien : se déroule à la bibliothèque du Boisé. Oscar Salazar Varela est disponible pour répondre aux questions des usagers sur la musique, les instruments ou le programme en général.[18]

  • Les Ludothèques du Sud-Ouest : dans le cadre d’un projet estival de ludothèques, l’arrondissement du Sud-Ouest a demandé un prêt de longue durée de quelques instruments de la collection de médiation pour que les visiteurs puissent les utiliser directement dans le parc des Jazzmen[19]. Une rencontre avec le personnel de l’arrondissement a permis de clarifier certains enjeux, comme l’entreposage d’instruments dans un conteneur mobile en métal[20].

  • Initiation aux percussions : ce projet a été développé sur mesure par l’association Jeunesses Musicales Canada pour les bibliothèques de Montréal. Le but de l’activité est d’initier les tout-petits (3-6 ans) aux percussions et d’informer leurs parents de la possibilité d’en emprunter dans les bibliothèques. Un petit montant provenant du budget Sun Life sera offert aux bibliothèques qui l’ajouteront à leur programmation afin d’encourager la tenue de cette activité à l’automne 2019.

D’autres projets à long terme pourraient être envisagés dans l’avenir. Par exemple, un Medialab spécialisé en musique va bientôt ouvrir à la bibliothèque du Boisé, et cherchera à monter des projets en partenariat avec le collège Saint-Laurent voisin de la bibliothèque qui a un programme spécialisé en musique. Des coopérations entre ces acteurs et le PIM pourraient éventuellement donner des résultats très prometteurs. L’important est de demeurer ouvert aux propositions des alliés potentiels et de toujours garder en tête l’objectif final du programme, qui est de faciliter l’accès à la musique.

Bilans et enjeux

Le programme de prêt d’instruments de musique de la Financière Sun Life fonctionne depuis maintenant plus de deux ans et demi. Même si des enjeux et défis pour le futur ont surgi en cours de route, nous pouvons en faire un bilan très positif.

Enjeux

L’équipe des Bibliothèques de Montréal a géré des complications imprévues depuis les débuts du PIM. Nous avons aussi constaté des problèmes structurels qui pourraient venir mettre en jeu la viabilité à long terme du programme. Nous en présentons ici quelques-uns ainsi que nos réflexions sur les solutions à envisager.

  • Questionnement sur les frais : la politique du réseau des bibliothèques de Montréal est de facturer des frais aux usagers pour les livres perdus ou endommagés. Dès le début, nous avons hésité à le faire dans le cas du PIM, vu le prix très élevé des instruments. Il nous semble contre-productif de développer un programme pour favoriser l’accès à la culture pour une clientèle qui ne peut se permettre d’acheter des instruments coûteux et ensuite de leur demander de payer 300 $ pour de la malchance (exemple d’un de nos usagers tombé de vélo en rapportant son violon, devenu impossible à réparer par la suite). Dès le départ, nous avons statué que nous facturons les instruments irrécupérables, mais nous laissons aux gestionnaires locaux la liberté d’assigner des frais selon leur jugement, en leur recommandant de ne pas en attribuer aux usagers en cas de bris accidentel : « Dans le cas d’un instrument de musique perdu ou endommagé sans possibilité de réparation, le montant facturé à l’abonné est décidé par le gestionnaire de la bibliothèque d’appartenance de l’exemplaire » (Bibliothèque de Montréal, 2019, p.6). Après plus de deux ans d’opération, cette approche n’a pas causé de problème majeur.

  • Renouvellement de la collection : la collection actuelle est de 316 instruments de circulation et de 23 instruments de médiation. Malgré le fait que nos usagers font en général extrêmement attention et que les dommages majeurs ou les pertes sont assez rares, chaque année nous perdons quelques instruments. Nous disposons de fonds reçus dans le cadre de l’entente avec Sun Life pour payer des remplacements et acheter du menu matériel comme les cordes de guitares ou des archets, mais nous devons avoir une réflexion à long terme sur le financement de ce programme. Nous devrons nous concerter avec Sun Life à l’hiver 2020 afin de voir s’ils renouvellent l’entente avec nous et s’ils verseront de nouveaux budgets pour acquérir et remplacer des instruments. Mais si jamais ce n’est pas le cas ? En 2017, Sun Life a choisi de ne pas renouveler son engagement annuel de 200 000 $ auprès des bibliothèques de Toronto pour le financement de leur programme de prêt de laissez-passer de musées[21]. Le réseau de Toronto a dû trouver un autre bailleur de fonds. Cet exemple démontre qu’il faut avoir des plans de contingence lorsque notre financement dépend en grande partie de partenaires extérieurs. Dans le cas du renouvellement de notre collection d’instruments, d’autres campagnes de dons du public pourraient être une solution pour faire grandir la collection à faible coût.

  • Rétention à long terme du spécialiste en instruments : nous sommes tombés sur une ressource humaine précieuse en engageant Oscar Salazar Varela. En plus de ses compétences pour réparer et entretenir les instruments, il peut animer les ateliers de médiation. Et son obtention d’une maîtrise en bibliothéconomie démontre son intérêt pour nos institutions et notre mission. Nous avons les fonds pour le garder jusqu’en 2020, mais pour la suite tout dépendra si Sun Life décide de renouveler l’entente avec nous et continue son soutien financier. Comme évoqué plus haut, l’enjeu d’un financement stable pour ce genre de projet est primordial.

Bilan

Maintenant les bonnes nouvelles ! Les prêts des instruments sont très élevés, et ce depuis le début. Voici quelques tableaux pour le démontrer :

Tableau 3

Prêts de la collection d’instruments de musique Bibliothèques de Montréal (24 octobre-31 décembre 2016)

Prêts de la collection d’instruments de musique Bibliothèques de Montréal (24 octobre-31 décembre 2016)

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Tableau 4

Prêts de la collection d’instruments de musique (2017) Bibliothèques de Montréal

Prêts de la collection d’instruments de musique (2017) Bibliothèques de Montréal

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Tableau 5

Prêts de la collection d’instruments de musique (2018) Bibliothèques de Montréal

Prêts de la collection d’instruments de musique (2018) Bibliothèques de Montréal

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Nous avons aussi compilé un portrait statistique après la première année complète d’opération (octobre 2016 à octobre 2017, juste avant l’ajout de la 2e vague de bibliothèques).

Tableau 6

Prêts de la collection d’instruments de musique (première année) Bibliothèques de Montréal

Prêts de la collection d’instruments de musique (première année) Bibliothèques de Montréal

* Le taux de rotation indique le nombre de fois où l’ensemble de la collection est prêté dans une année, calculé en divisant le nombre de prêts dans une année par le nombre de documents dans une collection. Par exemple, si l’on avait 100 instruments dans une collection et qu’il y a eu 100 prêts dans une année, le taux serait de 1. Si l’on avait 100 instruments prêtés 50 fois, le taux serait de 0,5. Et si les 100 instruments étaient sortis 200 fois, le taux serait de 2.

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Une analyse rapide des statistiques de prêt pour 2019 nous donne des données similaires à la première année. De janvier à avril 2019, les 316 instruments de la collection de circulation ont été empruntés 869 fois, ce qui donne un taux de rotation de 2,75 pour quatre mois. Si la tendance se maintient, nous atteindrons donc un taux de rotation de 8,25 pour l’année, soit plus de quatre fois le taux moyen pour les collections imprimées.

Ces statistiques démontrent que la collection du PIM est extrêmement populaire, et ce depuis ses débuts. Bien entendu, une analyse quantitative ne suffit pas pour connaître le véritable succès d’une action en bibliothèque. C’est pourquoi nous comptons procéder à une analyse qualitative cette année, en distribuant un questionnaire aux personnes empruntant les instruments de la collection. Existe-t-il des irritants, comme la durée de prêt ou la difficulté d’avoir un instrument face aux nombreuses réservations ? Nous espérons avoir un portrait plus complet grâce à cette démarche. En attendant, il demeure tout de même gratifiant de constater le succès du programme, qui répond clairement à un besoin auprès de nos usagers.

Le prêt d’instruments de musique dans une autre bibliothèque québécoise

En octobre 2018, à l’occasion de la Semaine des bibliothèques publiques québécoise, la Bibliothèque de Sainte-Julie[22] a elle aussi amorcé un service de prêt d’instruments de musique auprès de ses citoyens. Dans un contexte tout à fait différent, Sainte-Julie propose un service semblable sans l’appui d’un commanditaire.

Entrevue avec la bibliothécaire en chef

Lorsqu’on lui a demandé d’où venait l’idée d’offrir ce service, Marie-Hélène Parent, bibliothécaire en chef de la bibliothèque, nous a répondu ceci : « en ligne droite avec l’offre de service du Médialab[23], il nous semblait logique de proposer aux citoyens le prêt des instruments de musique. La conjoncture de l’élaboration de la politique culturelle de la Ville nous a permis de proposer de nouveaux services qui atteignaient les futurs objectifs de celle-ci. De plus, la dynamisation de la bibliothèque par l’exploration de nouveaux services nous anime et la réception de ceux-ci par les citoyens nous confirme qu’il faut poursuivre dans cette voie ».

Elle continue en précisant qu’il n’a pas été difficile de convaincre les élus qui, généralement, accueillent favorablement les projets innovants qui permettent d’offrir le meilleur service possible aux citoyens.

Ainsi, un budget initial de 3 650 $ a permis un premier achat de 11 instruments : un banjo, une guitare acoustique, une guitare basse, un violon, une flûte traversière, une trompette, une batterie compacte, un bongo, un djembé, un glockenspiel et un clavier portatif. Un deuxième clavier et une deuxième batterie compacte ont été achetés vu le grand nombre de réservations sur ces deux instruments. Un récent appel à dons, toujours en cours, a permis de récupérer plusieurs guitares qui pourront être ajoutées à la collection. Un montant de 1 200 $ annuel est réservé pour l’entretien de la collection, lequel est effectué par un employé de Long & McQuade, chaîne de boutique d’instruments. Puis, un montant de 1 500 $ est réservé pour d’éventuelles réparations ou remplacements, ainsi que pour l’achat du matériel d’entretien.

Six mois après le lancement du service, son succès est indiscutable. Tous les instruments sont continuellement empruntés et réservés. Un plus grand nombre d’instruments serait nécessaire pour répondre à la demande. Les usagers comprennent toutefois le contexte et sont d’autant plus heureux d’obtenir un instrument réservé lorsque leur tour arrive.

Si elle avait des conseils à donner à une bibliothèque qui choisirait de se lancer dans ce nouveau service, Marie-Hélène Parent dirait ceci : « que ce soient des instruments de musique ou autres objets prêtés en bibliothèque, la réponse des usagers est très positive. La mise en place d’un tel nouveau service se fait assez facilement et s’inclut rapidement dans la routine du personnel s’il est bien préparé. Pour y arriver, il faut travailler de concert avec le personnel, leur faire manipuler les instruments, demander à notre spécialiste d’effectuer des démonstrations et répondre à leurs questions. De plus, l’implication du personnel dans la préparation des instruments, des règles et procédures est nécessaire afin de diminuer leurs craintes. Finalement, il est primordial de mettre en place des outils promotionnels pour faire connaître le nouveau service et en prévoir le budget ».

Conclusion

En 2016, l’idée d’instaurer un projet comme le programme de prêt d’instruments de musique semblait une tâche titanesque. Il s’agissait de lancer un programme pour prêter des documents complètement différents de ceux auxquels nous étions habitués, avec des enjeux de logistiques et de ressources humaines inconnus. Les bibliothèques participantes allaient-elles pouvoir intégrer de nouvelles procédures, le personnel allait-il suivre avec enthousiasme ou reculer devant ce changement ? Et les usagers ? Allaient-ils se montrer intéressés ? Est-ce qu’ils allaient bien traiter les instruments ?

Avec le recul, force est de constater que le projet est un réel succès. Les instruments sont constamment en circulation et il y a énormément de réservations. Les usagers sont prudents avec les instruments et bien qu’il y ait des bris et des accidents, ils ne sont pas fréquents. Les employés ont apprécié que le service développé soit clé en main pour les bibliothèques, avec un minimum de bouleversements dans les pratiques, et des outils pour faciliter leur travail auprès des usagers. L’embauche du spécialiste en instruments nous assure une stabilité, une régularité dans le service et un niveau élevé de professionnalisme dans la gestion quotidienne.

Bien entendu, des défis demeurent et des questions doivent se poser. Les usagers resteront-ils au rendez-vous si les listes de réservations demeurent très longues ? Comment s’assurer que la collection d’instruments demeure suffisante pour répondre à la demande et qu’elle puisse résister aux pertes et aux bris ? Quelle stratégie employer pour mieux faire connaître ce nouveau service auprès de la population montréalaise ? Et, finalement, comment assurer la pérennisation du poste de spécialiste en instruments, pour que le système actuel puisse continuer ? Ce sont toutes des questions essentielles sur lesquelles l’équipe du PIM devra se pencher pour que le programme demeure vivant et dynamique. Mais si notre expérience démontre quelque chose, c’est que les bibliothèques publiques sont capables, avec un peu de planification et d’ingéniosité, d’implanter avec succès un programme complexe et inusité. Et le succès de notre entreprise prouve la pertinence de l’aventure. En prêtant gratuitement des instruments de musique à un public qui embarque avec enthousiasme dans l’aventure, nous nous alignons parfaitement avec nos objectifs de démocratiser la culture et de répondre aux besoins de nos usagers. Si nous avons pu relever ce défi, nous pourrons affronter les imprévus et écueils que l’avenir nous réserve. Et nous pourrons le faire en musique !