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Ce numéro d’Études Inuit Studies dédié aux collections arctiques et à la muséologie dans les musées fait suite au panel Collections arctiques : Présentations, diffusions et interprétations, proposé lors du XIXe Congrès international d’études inuit qui eut lieu à Québec, en 2014. Il s’agissait de s’intéresser aux artefacts[1] des régions arctiques conservés dans les collections muséales de différents pays du monde et de comprendre leurs parcours. Pourquoi étaient-ils présents en Europe et ailleurs ? Pour quelles raisons et par qui avaient-ils été déposés ? Étions-nous d’ailleurs en mesure de déterminer dans quel contexte ces objets ont été acquis par les musées où ils sont aujourd’hui conservés ? Dans ce numéro, nous avons souhaité poursuivre la discussion en réunissant les participants du panel aux côtés d’auteurs qui engagent une réflexion pluridisciplinaire sur le sujet. Jusqu’à présent, peu de recherches se consacrent à l’études des collections d’artefacts arctiques dans les musées et à leur « mise en scène », et il est difficile de se faire une idée de la muséologie appliquée ou plutôt des muséologies appliquées – au pluriel – à ces objets, à moins de s’en rendre compte sur place. Ce volume vise donc à donner la parole aux spécialistes des collections arctiques des institutions muséales et culturelles.

Un musée, des musées

Rapidement, un premier constat s’impose : le terme « musée » n’est pas perçu par toutes et tous de la même manière. Sa définition a évolué dans le temps, en fonction de l’histoire même des institutions, privées ou publiques, en lien étroit avec la politique nationale et internationale des pays et selon le prisme universitaire dans lequel ces collections étaient sélectionnées, triées, rangées, analysées et présentées au public.

L’International Council of Museum (ICOM)[2] propose la définition suivante :

Un musée est une institution permanente sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation.

ICOM 2017, Art. 3

En résonance avec cette définition à portée universelle, adoptée lors de la 22e assemblée générale de l’ICOM à Vienne (Autriche) en 2007, le panel présenté au Congrès d’études Inuit, Collections arctiques : Présentations, diffusions et interprétations, proposait d’amorcer une réflexion collaborative spécifique autour des collections arctiques conservées principalement à l’extérieur de leurs pays d’origine. Il s’agissait de nous questionner sur les modèles muséographiques en cours, l’impact que pouvait avoir une collection auprès des visiteurs et également auprès des populations à l’origine de ces artefacts.

Cet ouvrage reflète le premier volet[3] d’une sélection de projets qui ont débuté en 2009. D’autres sont en cours ou en phase préparatoire. Il est évident que nous n’avons pas la prétention de dresser un inventaire des très nombreux partenariats qui ont eu lieu ou qui sont en cours. Néanmoins, nous souhaitons, à travers les articles proposés, présenter une grande variété de collaborations, réalisées dans des contextes très différents. Les travaux des auteurs, qu’ils soient de jeunes chercheurs ou des chercheurs accomplis dans leurs domaines respectifs attestent non seulement de la dynamique des sujets liées aux collections muséales, mais aussi de la pertinence d’engager une réflexion pluridisciplinaire ou interdisciplinaire sur les enjeux socio-culturels de ces collections, tant à l’échelle locale, que régionale, nationale et internationale.

Le fil d’Ariane qui se déroule au fur et à mesure de ce volume, pourrait être perçu comme autant de tentatives de renouer, chacun à sa manière, avec une histoire singulière, et de reconstituer pas à pas, une histoire inédite et enrichie d’une documentation importante autour d’items issus de collections, matérielles ou immatérielles, conservées dans des institutions muséales et culturelles. Ces lieux apparaissent alors comme les réceptacles de ces objets conçus par des peuples, des Nations, des communautés, des familles et des individus qui nous transmettent, par leur intermédiaire, leurs histoires, leurs récits et leurs expériences.

L’intérêt croissant des institutions européennes muséales et culturelles pour leur patrimoine extra-européen

Nous pouvons constater par le statut des musées, une véritable volonté internationale d’appréhender l’histoire des collections malgré des méthodes et des procédés différents. Le panel de 2014 avait mis en avant l’importance des collaborations entre les Inuit, les communautés et les institutions muséales et culturelles qui s’étaient développées depuis les années 2000. Elles coïncidaient avec l’avènement du digital et l’impact profond que ce dernier a eu, de part et d’autre de l’Océan Atlantique, dans la redécouverte des collections qui n’avaient jusqu’alors pas bénéficié d’une mise en lumière. Cet intérêt pour les collections, dites « ethnographiques », s’inscrit dans une nouvelle approche des objets qui résulte de la dynamique d’une valorisation de tous les patrimoines conservés, qu’ils soient matériels ou immatériels.

Dans son article « Shared Inuit Culture : European Museums and Arctic Communities », Cunera Buijs, conservatrice du Nationaal Museum van Wereldculturen (National Museum of World Cultures and Research Center Material Culture), Leiden, Pays-Bas, nous présente un état des lieux de différents projets collaboratifs mettant en évidence la complexité des relations entre les institutions muséales et les communautés autochtones. Ces échanges peuvent prendre différentes formes : des expositions temporaires, des prêts plus ou moins longs, et surtout des projets virtuels qui se sont développés grâce au déploiement du numérique, ainsi que des rapatriements réels dans les communautés d’origine comme ce fut le cas, par exemple, pour les collections du National Museet de Copenhague vers le Nunatta Katersugaasivia Allagaateqarfialu à Nuuk, au Groenland. L’article de Buijs insiste sur le fait que les « partages des collections entre les musées européens et les communautés arctiques sont très différents par leur nature, leur portée, leur objectif, leur organisation, leur financement, leur impact sur la communauté locale et leurs résultats ».

Les recherches de Bernadette Driscoll Engelstad, de l’Arctic Studies Center de la Smithsonian Institution, en lien avec des associations autochtones et des chercheurs reliés à des musées, mettent en lumière le rôle capital du capitaine George Comer, employé par l’anthropologue Franz Boas. Il fut un pourvoyeur prolifique à l’origine des collections conséquentes conservées à l’American Museum of Natural History de New York, mais également au Penn Museum de Philadelphie, au Musée canadien de l’histoire de Gatineau (Québec) et à l’Ethnologisches Museum de Berlin. Il est question d’artefacts archéologiques et ethnologiques collectés, associés à une documentation détaillée et accompagnés de photographies, ainsi que d’enregistrements sonores. Driscoll Engelstad, dans le cadre de son article, se concentre sur la réalisation de plus de 200 moulages en plâtre, représentant des hommes, des femmes et des enfants de Qatiktalik (Cape Fullerton), au Nunavut. Le parcours de Comer, baleinier de la Nouvelle-Angleterre, se confond avec l’histoire de la chasse à la baleine sur la côte ouest de la baie d’Hudson et nous plonge au-delà de la vie d’un homme sur la mise en évidence d’un réseau impliquant des personnalités inuit ou non-inuit qui ont contribué de manière conséquente aux diverses collectes.

L’histoire des artefacts arctiques ne s’arrête pas à la porte du musée, elle continue et est renouvelée par les différents discours qui lui sont appliqués et par l’intérêt que les scientifiques lui portent. Gwénaële Guigon, historiographe et muséographe indépendante, s’est attachée à présenter le contexte dans lequel sont arrivés et ont été conservés en France, au XIXe siècle, des items provenant des régions arctiques. Ce siècle a la particularité d’avoir vu naître une culture étatique des musées sur le territoire français. Toute ville, de grande ou de moyenne taille, se devait de posséder un musée ouvert au public sous certaines conditions. Les histoires singulières de cette multitude de micro-collections, revisitées dans un contexte national, dresse une histoire régionale en filigrane de l’histoire officielle dont le contenu s’était perdu au cours du XXe siècle.

L’accessibilité aux objets : Objets cachés, objets perdus ?

Les pérégrinations d’un objet conservé dans les collections muséales commencent dès son lieu de création, puis au travers des moyens employés pour le faire parvenir dans le musée et également à la manière dont cet objet est proposé et présenté au public. Il semble évident aujourd’hui que les collections doivent être, dans la mesure du possible accessibles, que ce soit par des moyens virtuels ou sur place, grâce à une simple demande justifiée. Pourtant, cela n’est pas toujours possible et finaliser ce type de recherche demande du temps et des moyens – financiers, entre autres – non négligeables.

Les collections arctiques n’ont été étudiées en Europe que de manière fragmentaire, l’une des raisons principales étant, dans la plupart des cas, leur nombre limité au sein de musées dits « encyclopédiques », hormis dans les grands musées européens ayant des collections ethnographiques et anthropologiques.

Les méthodes et les difficultés rencontrées quant à la réalisation d’un inventaire des collections arctiques sont nombreuses. Les objets ne sont pas toujours exposés et il n’est pas toujours facile d’y avoir accès. Parfois les réserves sont peu accessibles et sont parfois situées sur un autre site géographique. S’adapter aux contraintes de chaque établissement peut vite devenir chronophage et onéreux. Lors de rénovations de bâtiments ou de salles d’expositions, voire même de déménagements comme cela fut le cas en France dans les années 2000, une partie des collections et des documents peut ne plus être disponibles en consultation pour un laps de temps plus ou moins long[4].

La première source d’information disponible se trouve dans les registres d’inventaire, dans lesquels figurent la date d’arrivée au musée de l’objet, ainsi que sa dénomination première[5]. Les commentaires anciens, au XVIIIe et au XIXe siècle, restent plus ou moins sommaires. On trouve néanmoins, des informations sur les conditions d’acquisition, l’adresse du donateur et parfois sur l’utilisation éventuelle de l’objet. Si l’emploi des « dossiers-objets » [6] est une pratique courante dans les musées français, en ce qui concerne les micro-collections arctiques, cela n’est pas systématique mais a tendance à le devenir. Le « dossier-objet » permet, grâce au numéro d’inventaire ou autre[7], de le relier à son histoire sans avoir besoin de le manipuler ou de se déplacer en salle ou en réserve[8].

En France, depuis la fin des années 1990, malgré les politiques d’informatisation si des objets arctiques étaient référencés, peu d’informations leurs étaient associées. Bien souvent, il s’agissait de micro-collections spécifiques, peu ou pas étudiées, et sans lien apparent avec le reste des collections. Si les musées et les diverses institutions sont en partie informatisés, il est parfois nécessaire, pour avoir accès à ces informations, de réexaminer les fichiers-papiers anciens[9]. Il faut toutefois tenir compte que des erreurs peuvent figurer sur les documents originaux. Recouper des informations provenant de sources différentes est donc essentiel pour obtenir des résultats satisfaisants.

On peut également dire que la muséographie adoptée actuellement pour les pièces arctiques reste figée et ne permet que très peu de changements et d’évolution, rendus possible seulement dans le cas d’expositions temporaires. Il s’agit souvent d’une vision qui informe peu sur la vivacité et sur l’actualité de la culture inuit circumpolaire.

Un autre élément très important en France a permis de remettre en lumière des collections oubliées. Depuis 2002[10], l’État français impose, même si cela était officieusement le cas auparavant, de procéder au récolement des collections, c’est-à-dire de vérifier la localisation des pièces inscrites dans l’inventaire des musées publics dépendant de l’État et des collectivités territoriales. La loi précise que « les collections des musées de France font l’objet d’une inscription sur un inventaire. Il est procédé à leur récolement tous les dix ans. » (Gouvernement français 2004, Art. L451-2).

Néanmoins, une des grandes particularités françaises réside dans le statut même des objets rentrant dans les collections publiques : « Les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie de leur domaine public et sont, à ce titre, inaliénables. » (Ibid., Art. L451-5)[11]. Ce point qui existe depuis l’Ancien Régime, implique qu’un item ne peut sortir du domaine public. Il ne peut donc ni être échangé, donné, ou vendu. D’autre part, « Les collections des musées de France sont imprescriptibles » (Ibid., Art. L451-3). Quoiqu’il arrive à l’objet, il reste la propriété du musée sans limite dans le temps.[12] Ces objets étant souvent peu représentatifs des musées dont ils dépendaient, leur conservation obligatoire a permis qu’ils ne soient ni détruits ni vendus par les politiques et les gestionnaires des collections, permettant ainsi leur étude sur plusieurs générations.

La documentation disponible hors des musées

Les informations concernant les collections arctiques étant souvent succinctes, c’est hors des murs des musées qu’il faut chercher des réponses. On trouve des informations dans divers lieux tels que les archives départementales, les archives municipales, la presse locale, chez des particuliers, parfois dans les archives des chambres de commerce, etc. Le manque d’informations disponibles est le principal obstacle à surmonter dans ce type de recherche.

L’article de France Rivet, directrice de l’association Horizons Polaires à Gatineau (Québec), est éloquent sur cet aspect. Sur une période de plus de quatre ans, elle a retracé minutieusement le parcours de deux familles du Labrador, venues en Europe en 1880 pour être exhibées devant le public européen. Aucun des membres de ces familles ne sont jamais revenus chez eux et pour cause : tous sont morts après avoir contracté une maladie contagieuse. Ces recherches, dignes d’une historienne, ont permis de reconstituer leur quotidien lors de leur dernier voyage en Europe mais également de retrouver les corps de certains d’entre eux. L’histoire de ces familles n’est malheureusement pas unique et d’autres cas similaires sont à mentionner, notamment aux États-Unis[13].

Néanmoins, il est impossible de négliger le coût financier de telles recherches liées aux aléas d’une documentation parfois éparse. S’intéresser aux collections des musées nécessite une connaissance aussi bien de l’histoire du pays d’origine que des pays où se trouvent désormais ces oeuvres. L’intérêt pour ce type de recherche sur les collections ne peut être dissocié du travail de chercheurs et de chercheures qui nous ont précédés et se sont intéressés à ce sujet.

Ce numéro, pourrait ainsi être vu comme un hommage, entre autres : à l’anthropologue Marcel Mauss (1904 ; Mauss et Beuchat 1904-1905) et ses élèves Henri Beuchat (1912 ; Mauss et Beuchat 1979) et Paul-Émile Victor (Victor et Robert-Lamblin 1989 ; 1993) ; aux anthropologues Franz Boas (1888, 1896, 1897, 1899, 1901, 1904, 1907, 1927, 1932), Ann Fienup-Riordan (1986, 1994, 1996, 1999, 2000, 2005), Lydia T. Black (1983, 1984a, 1984b, 2003) et Bernard Saladin d’Anglure (1962, 1984, 2001, 2006 ; Saladin d’Anglure et Alasuaq 1978) ; aux professeures et historiennes d’art, Ruth Phillips (1998, 2011 ; Phillips et Phillips 2005 ; Phillips et Steiner 1999) et Janet Catherine Berlo (1986, 1990a, 1990b ; Berlo et Phillips 2006) ; aux chercheures Bernadette Driscoll Engelstad (1982, 1985, 2010, 2018) et Molly Lee (2005) ; aux conservateurs, Éveline Lot-Falck (1957 ; Lot-Falck et Falck 1963), Jean-Loup Rousselot (1994 ; Graburn, Rousselot et Lee 1996, Louis Gagnon (1990, 1996, 2003) et Cunera Buijs (2010, 2016 ; Van Broekhoven, Buijs et Hovens 2010 ; Cunera et Jakobsen 2011), qui ont, au XXe siècle et en ce début de XXIe siècle, valorisé l’intérêt d’étudier ces pièces arctiques conservées dans des collections privées ou publiques. Leurs travaux sont une grande source d’inspiration pour les jeunes chercheurs autochtones et allochtones.

Le musée, lieux de rencontre, de passage et d’échange

« Qui prend le passé pour racine, a pour feuillage l’avenir »,

Victor Hugo, Les rayons et les ombres, 1840.

Un objet décontextualisé peut être porteur de messages, dès lors que l’on s’intéresse à des collections, on ne peut négliger la dimension collective d’une étude qui doit nécessairement réunir différents corps de métiers. Les objets ont une vie à l’intérieur du musée, lequel doit être plus que jamais pensé comme un lieu en mouvement par rapport à ce type de collections. L’artefact n’a pas qu’une simple valeur utilitaire, il s’inscrit dans une perspective plus large de découverte de l’Autre.

L’article de la conservatrice Anne Lisbeth Schmidt revient sur le programme pluridisciplinaire de 2009 à 2014, mené grâce à l’initiative du National Museet de Copenhague. Ce programme comprenait la réalisation de 25 projets scientifiques internationaux. L’un d’eux, Skin Clothing from the North[14], avait pour but d’étudier une collection de plus de 2000 vêtements provenant de toutes les régions circumpolaires. Le résultat de ses recherches est consultable sur le site web Skin Clothing Online et a d’ailleurs été enrichi depuis la mise en ligne du programme (Schmidt 2016). L’auteure propose une analyse contextualisée des collections du scientifique finlandais, Henrik Johan Holmberg (1818-1864), qui a rassemblé plus de 400 artefacts dont un grand nombre de vêtements provenant principalement des peuples Koniags (de l’île Kodiak au large de la côte sud de l’Alaska) et des Tlingit (le long de la côte nord-ouest du Pacifique).

Il semble évident aujourd’hui de faire appel à des spécialistes de l’Arctique, associés aux communautés autochtones, mais cela ne fut pourtant pas toujours le cas (Fienup-Riordan 2010). Les auteurs de ce numéro d’Études Inuit Studies ont toutes et tous été associés ou sont à l’origine d’un projet ou d’un programme international qui a permis la redécouverte d’une histoire plurielle. Soulignons que l’implication et la collaboration d’associations autochtones sont à l’origine même de la réussite des projets. L’élaboration de tels projets, pour mener à bien l’identification des artefacts, englobe toutes les disciplines des sciences humaines et sociales et dépasse les frontières. Par exemple, en Alaska, des aînés Yup’ik ont été sollicités pour documenter des objets du Ethnologisches Museum de Berlin (Fienup-Riordan 2005). De même, l’Institut culturel Avataq de Montréal (Québec) fait régulièrement appel à des Inuit du Nunavik pour venir consulter et documenter les objets de ses collections (George 2009). L’Institut a, par ailleurs, engagé une étroite collaboration avec les Nunavimmiut pour restituer les items de leurs collections aux communautés du Nunavik d’où ils proviennent.

Dans leur article consacré aux objets acquis en Alaska par Alphonse Pinart et William Dall, les chercheures Marie-Amélie Salabelle, Claire Alix, et Allison McLain, reviennent sur le contexte historique de l’acquisition des objets des deux collections de Pinart et Dall, qui se trouvent aujourd’hui au Château-Musée de Boulogne-sur-Mer, en France et au National Museum of Natural History de la Smithsonian Institution à Washington (DC), aux États-Unis. Leur texte permet d’engager une réflexion sur les contextes historiques et socio-culturels de l’époque à laquelle ont été acquis les objets qui se trouvent actuellement loin de leur lieu d’origine. Il est également question de l’autodétermination des Peuples autochtones et de leur demande de restitution des objets au sein de leurs communautés (Buijs 2016 ; Driscoll Engelstad 2018). Les auteures soulignent qu’un processus collaboratif avec les communautés ainsi qu’une étude interdisciplinaire se révèle alors nécessaire pour donner une visibilité tangible et permettre une restitution physique ou virtuelle, selon les valeurs éthiques en vigueur à la fois au sein des communautés autochtones et des institutions allochtones.

L’intérêt de la redécouverte de ces collections se révèle également à un autre niveau, en permettant aux Peuples autochtones, soucieux de se réapproprier leur(s) histoire(s), de découvrir de par le monde, les objets familiers de leurs ancêtres. Eva Aariak, Première Ministre du Nunavut, de 2008 à 2013, présenta sa vision politique en soulignant : la valeur des patrimoines inuit, matériel et immatériel passé et présent ; le rôle essentiel de l’appropriation de leur identité culturelle ; et l’importance des partenariats avec les communautés inuit.

Le Nunavut est reconnu pour sa langue, sa culture et son patrimoine uniques, et sa présence artistique dynamique. En s’appropriant notre identité culturelle, nous permettrons à toutes les facettes du monde artistique de s’épanouir. Nous travaillerons de concert avec les communautés, les artistes et les entreprises afin de développer un secteur culturel et artistique plus florissant. Il inclura les arts visuels traditionnels et contemporains, les langues, les arts de la scène et toute autre forme d’expression artistique.

Aariak 2009, 11

Ce processus de diffusion et de compréhension des savoirs est relayé, en Europe, par la mission des conservateurs de collections extra-européennes. Analyser chaque objet dans sa réalité permet d’ouvrir un champ de connaissances partagées. Ainsi, les projets collaboratifs entre les Autochtones et les musées se multiplient, en Europe comme au Canada ou aux États-Unis[15]. Il est vraisemblable que, dans un futur proche, de nombreux musées soient approchés afin de mettre en commun un patrimoine matériel à portée universelle. Il existe désormais différentes manières de croire en un véritable dialogue des cultures. Mais diverses problématiques latentes se posent alors. Peut-on définir une muséographie applicable par tous et en tous lieux ? Doit-on pérenniser un seul modèle muséographique au détriment d’un autre dans la mesure où le statut des musées privés ou publics et la constitution des collections ont subi les affres de l’histoire et des politiques culturelles de chaque pays ?

L’article de Tone Wang, chercheure au UiO Kulturhistorisk Museum d’Oslo, s’inscrit dans une démarche collaborative, qui a permis le retour d’artefacts au Nattilik Heritage Centre d’Uqsuqtuuq (Gjoa Haven) au Nunavut, en 2013. Ces derniers avaient été acquis par Roald Amundsen lors de son séjour dans la communauté de 1903 à 1905. Il s’agissait d’un groupe d’objets usuels du quotidien, dont les cartels explicatifs avaient été réalisés en partenariat avec les aînés d’Uqsuqtuuq. L’implication forte, de part et d’autre, fut pour beaucoup dans la réussite de ce projet. Tone Wang a d’ailleurs mis l’accent sur les procédés occasionnés et l’importance de parcours pédagogiques, afin de s’interroger sur l’appellation et l’utilisation, par exemple, d’une coupe : « En tant qu’objet de musée restitué à sa communauté d’origine, l’artefact en question devait contribuer au travail de mémoire locale, s’inscrivant dans le contexte du savoir traditionnel et du patrimoine de Gjoa Haven ».

Dans cette perspective, la municipalité de Panniqtuuq (Pangnirtung, île de Baffin, Nunavut), par exemple, a créé un centre culturel local, Angmarlik Visitor Center[16], qui présente des objets en lien avec le mode de vie nomade des Inuit et avec les baleiniers qui s’étaient établis dans le fjord à la fin du XIXe siècle. Ce lieu qui témoigne du passé historique de la région compte également une pièce où les aînés ont l’habitude de se réunir chaque jour pour jouer aux cartes ou pour coudre. Une autre pièce sert de bibliothèque. Cet endroit rassemble donc toutes les générations de la communauté et agit comme un lieu de transmission des savoirs et des savoir-faire par l’intermédiaire des objets présentés, des récits partagés par les aînés ou par les livres disponibles à la bibliothèque.

Au Nunavik, Eugène Arima évoquait en 1986, l’intérêt de reconstituer des qajait (kayak, au pluriel) pour les exposer et transmettre les savoirs inhérents à sa conception : « Au cours des trente dernières années, il est arrivé de temps à autres que des embarcations traditionnelles aient été construites à des fins d’exposition et de préservation, de sorte que la technique de conception des kayaks est bien vivante. », selon Arima (1986, 29)[17]. Aujourd’hui, l’Institut culturel Avataq s’inscrit dans cette même démarche de restitution des objets aux communautés et de reconstitution. Des projets similaires existent ailleurs au Canada.

Lors de la Journée mondiale de la science au service de la paix et du développement le 10 novembre 2016, Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO, mentionnait dans son discours : « Les musées et centres scientifiques sont des lieux de dialogue, de compréhension et de résilience. Le plaisir immense et l’émerveillement qu’ils suscitent chez tous les visiteurs, indépendamment de leur sexe, de leur âge ou de leur origine, les fédère autour de valeurs communes » (UNESCO 2016).

Un grand nombre de propositions vont dans le sens d’un partage des connaissances afin de permettre aux Autochtones de prendre connaissance d’un patrimoine parfois oublié. La réalisation de partenariats, d’accords mutuels, de partages des compétences entre les différents protagonistes, voire de restitutions des biens vont dans le sens des réflexions engagées au sein de l’ICOM. Le code de déontologie des musées de l’ICOM, dès son édition de 2013, posait comme un de ses principes que :

Les musées font appel à un vaste éventail de spécialités, de compétences et de ressources matérielles dont la portée dépasse largement leurs murs. Il peut s’ensuivre un partage des ressources ou la prestation de services et, par là même, un élargissement des activités du musée. Elles seront alors organisées de manière à ne pas nuire à la mission statutaire du musée.

ICOM 2017

Sommes-nous dans la possibilité de répondre positivement à cette demande ? Mutualiser nos connaissances nécessite l’organisation de programmes d’envergures impliquant un grand nombre de personnes et de moyens.

Les collections inuit sont à intégrer dans une réflexion qui, plus que jamais, est d’actualité dans le monde muséal. La prochaine rencontre du conseil d’administration de l’ICOM aura lieu à Kyoto en septembre 2019, et l’une de ses prérogatives sera de travailler à une reformulation de la définition actuelle des musées. Parmi les éléments à retenir on découvre que « la définition du musée doit reconnaître et traiter avec respect et considération les différentes visions, conditions et traditions qui régissent les musées dans le monde. ». Il est précisé que « la définition du musée doit exprimer l’unité du rôle d’experts des musées en matière de collaboration, d’engagement de responsabilité et d’autorité envers leur communauté. »[18]

Récemment, l’attribution aux Inuit de postes à responsabilités dans les musées ouvre de nouvelles perspectives tant pour le public que pour les collections et la muséographie. Tel est le cas, notamment à Iqaluit où Jessica Kotierk est la première Inuk au Nunavut à avoir été nommée conservatrice du Nunatta Sunakkutaangit Museum, en avril 2019[19]. Selon elle, « The more variety of positions Inuit have, the more young Inuit can see that they can do anything and be in the administration of organizations like this » (citée in Edgar 2019).

L’un des enjeux pour les musées du XXIe siècle sera probablement de trouver un juste milieu entre attirer un large public et développer des partenariats scientifiques internationaux prenant en compte les communautés à l’origine de certains objets conservés. Pour les musées européens, à l’instar des musées nord-américains, le musée de demain, pourrait être un véritable intermédiaire prépondérant entre les cultures. Mais pour cela, il est essentiel que l’on puisse trouver les moyens nécessaires pour le faire. Est-il possible de rêver qu’au XXIe siècle, nous puissions avoir une meilleure connaissance de ces collections éparses ? Les générations futures sauront, nous l’espérons, répondre à cette question. Ne sommes-nous pas également des transmetteurs, des pourvoyeurs en communion avec le passé portant la responsabilité d’un discours qui sera inévitablement jugé par ces dernières ?


This issue of Études Inuit Studies is dedicated to Arctic collections and museology in European museums. It follows a panel called Arctic Collections: Presentations, Disseminations, and Interpretations, which took place during the 19th Inuit Studies Conference in Quebec in 2014. The panel focused on artifacts[1] from Arctic regions held in museum collections around the world and explored their trajectories. Why were these Arctic artifacts in Europe and elsewhere? Why and by whom were they deposited? Was it possible to determine the contexts in which these objects had been acquired by the museums that house them today? In this issue, we wished to further the discussion by uniting panel participants with authors who engage in multidisciplinary reflection on the topic. Until now, little research has focused on the study of Arctic artifact collections in museums and their staging, and it is difficult to form an idea of museology, or rather of the museologies, applied to these objects, without being on location. This volume showcases the work of Arctic collection specialists in museums and cultural institutions.

One Museum, Several Museums

Quickly, an initial observation stands out: meanings of the term museum vary within the field. Its definition has evolved through time, according to the history of institutions themselves, private or public, in close relation to the national or international policy of the countries where they are located and in relation to the academic prism in which >the collections were selected, triaged, organized, analyzed, and presented to the public. The International Council of Museums (ICOM)[2] proposes the following definition:

A museum is a non-profit, permanent institution in the service of society and its development, open to the public, which acquires, conserves, studies, communicates and exhibits the tangible and the intangible heritage of humanity and its environment for the purposes of education, study and enjoyment.

ICOM 2017, Art. 3

In resonance with this universal definition, adopted during ICOM’s 22nd general assembly in Vienna (Austria) in 2007, the Arctic Collections: Presentations, Disseminations, and Interpretations panel at the Inuit Studies Conference proposed to initiate a collaborative reflection specifically on Arctic collections held mainly outside their country of origin. The goal was to question current museographical models and the impact a collection can have on visitors as well as the populations from which the artifacts originate.

This issue reflects the first phase[3] of a selection of projects that started in 2009. Others are underway or under preparation. This volume is not an inventory of the numerous past or planned projects. Rather, the articles collected here highlight the great variety of collaborations that have been realized in very different contexts. The work of the authors, whether they are emerging or accomplished researchers in their respective fields, attests not only to the dynamism of the topics related to museum collections, but also to the relevance of engaging in a multidisciplinary and interdisciplinary reflection on socio-cultural issues relating to these collections, on local, regional, national, and international levels.

The thread in this volume, of each paper, could be perceived as so many attempts to reconnect, each in their own way, with a singular history, and to reconstitute step by step an unwritten history and enriched with important documentation surrounding items from collections, tangible or intangible, kept in museum and cultural institutions. These sites appear as receptacles for these objects conceived by peoples, nations, communities, families and individuals who transmit, through them, their history, their stories, and their experiences.

The Growing Interest of European Museum and Cultural Institutions for Their Heritage Outside Europe

We can observe with the status of museums a true international willingness to grasp the history of collections despite different methods and procedures. The 2014 panel discussed the importance of collaborations between Inuit, communities, and museum and cultural institutions that had developed in the 2000s. These collaborations coincided with the rise of digital technologies and the deep impact they had, on each side of the Atlantic Ocean, in the rediscovery of collections that had until then not been brought to light. This interest in the collections, described as “ethnographic,” is part of a new approach to objects that results from the dynamic of valorization of all preserved heritage, tangible or intangible.

In “Shared Inuit Culture: European Museums and Arctic Communities,” Cunera Buijs, curator at the Nationaal Museum van Wereldculturen (National Museum of World Cultures and Research Center for Material Culture), Leiden, Holland, introduces us to several collaborative projects that highlight the complexity of relations between museum institutions and Indigenous communities. These exchanges can take different forms: temporary exhibits, short- or long-term loans, and especially virtual projects that were developed with the digital rollout, as well as physical repatriations to communities, as was the case, for instance, for collections of the National Museet de Copenhague to the Nunatta Katersugaasivia Allagaateqarfialu in Nuuk, Greenland. Buijs insists that the “collection sharing between European museums and Arctic communities are very different in character, scope, aim, organization, funding, impact on the local community, and results.”

In her work in this volume, Bernadette Driscoll Engelstad, of the Arctic Studies Center of the Smithsonian Institution, is concerned with the relationships between Indigenous people and researchers or explorers who were connected to museums. She focuses on the role of Captain George Comer, who was employed by anthropologist Franz Boas. Comer was a prolific purveyor of Indigenous objects at the origin of collections held at the Museum of Natural History in New York, as well as at the Penn Museum in Philadelphia, the Canadian Museum of History in Gatineau, Quebec, and the Ethnologisches Museum in Berlin. The paper examines archaeological and ethnographic artifacts collected, associated with detailed documentation and accompanied with photographs, as well as sound recordings. Driscoll Engelstad focuses on the realization of over two hundred plaster casts, representing men, women, and children of Qatiktalik (Cape Fullerton), in Nunavut. Comer’s trajectory, as a whaler from New England, merges with the history of whale hunting on the West Coast of Hudson Bay, and immerses us beyond the life of a man, in bringing to light a network implicating Inuit and non-Inuit personalities who have contributed to various collections.

The history of Arctic artifacts does not stop at the museum door; it continues and is renewed by the different discourses that are applied to it and by the interest of scientists in it. Gwénaële Guigon, an independent historiographer and museographer, presents the context in which items from Arctic regions were brought to and kept in France in the nineteenth century. This century saw the birth of a state culture in museums in the French territory. Any medium or large city had to have had to have a museum open to the public under certain conditions. The stories of the multitude of micro-collections, revisited in a national context, raise the filigree of a regional history that was lost during the twentieth century.

Accessing the Objects: Hidden Objects, Lost Objects?

The journey of an object held in a museum collection starts in its place of creation. It continues through the means employed to bring it to a museum and the way in which it is proposed and presented to the public. It seems obvious today that collections should be, as far as possible, accessible, whether by virtual means or on site, through a simple justified request. However, such access is not always possible, and digitizing collections and virtual repatriation, for example, require time, money, and skills that are often in short supply.

Arctic collections have only been studied in a fragmented way, mainly because in most cases, their volume is limited within so-called encyclopedic museums, except in great European museums that house ethnographic and anthropological collections.

The methods and the difficulties encountered when attempting to inventory Arctic collections are numerous. Objects are not always exposed, and it is not always easy to access them. At times, reserves offer little access or are even on other geographical sites. Adapting to the constraints of each establishment can quickly become time-consuming and onerous. During renovations of buildings or exhibit halls, or during moves as was the case in France in the 2000s, parts of collections and documents are no longer available for consultation.[4]

The first available source of information is found in inventory registries, in which the date of the object’s arrival at the museum, as well as its first denomination, appear.[5] Old commentary, from the eighteenth and the nineteenth centuries, remains limited. One can find, however, information on the conditions of acquisition, the address of the donor, and, occasionally, information on the eventual use of the object. While the use of “object-files” is a current practice in French museums, it is not systematic among Arctic micro-collections, although it is becoming more common. Thanks to inventory numbers or other information,[6] the object-files allow us to link an object to its history without having to manipulate it or to travel to a museum or a reserve.[7]

Despite digitalization policies that began in France in the 1990s, little information is associated with inventoried Arctic objects. Quite often, specific micro-collections, which had been studied little or not at all and with no apparent relation to the rest of the collections, were digitalized. If museums and different institutions are partly computerized, it is sometimes necessary to re-examine older paper files[8] to access information. Of course, mistakes can appear on original documents. Triangulating information from different sources is essential to obtain satisfactory results.

We can also say that current museography for Arctic pieces remains frozen in time; change and evolution are made possible only in temporary exhibits. Most often, the presentation reflects a relatively outdated outlook[9] in the way it depicts objects and informs the visitor. It is a vision that provides little information on the vivacity and current state of circumpolar Inuit culture.

Another important factor in France has encouraged bringing forgotten collections to light. Since 2002,[10] the French State has required the inventory of collections, even though this was unofficially the case before. In other words, French law requires the verification of the location of pieces registered in the inventory register of public museums depending on the state and territorial authorities. The law specifies that “museum collections in France are subject to registration in an inventory. Inventory must be done every ten years” (Gouvernement français 2004, Art. L451-2).

Nonetheless, a great French particularity resides in the very status of objects in public collections: “The goods constituting collections in the museums of France belonging to a public person are part of the public domain and are, as such, inalienable” (Gouvernement français 2004, Art. L451-5).[11] This inalienability, which has existed since the Ancient Regime, implies that an item cannot be taken out of the public domain. It cannot, then, be exchanged, given, or sold. Furthermore, “collections of French museums are imprescriptible” (Gouvernement français 2004, Art. L451-3). No matter what happens to an object, it remains property of the museum without a time limit.[12] As these objects were often unrepresentative of the museums they were associated with, their mandatory retention ensured they were neither destroyed nor sold by politicians or collection managers, which permits their study over many generations.

Documentation Available Outside Museums

As information regarding Arctic collections is often limited, answers must be found outside museum walls, in places such as departmental or municipal archives, archives of chambers of commerce, local presses, with individuals, and so on. The lack of the available information is the main obstacle to surmount in such research.

The article by France Rivet, director of the Polar Horizons in Gatineau, Quebec, is eloquent on this fragmentation of data. For over four years, she meticulously retraced the trajectory of two families from Labrador who travelled to Europe in 1880 to be exhibited before the European public. Neither family came home as they died after contracting a contagious disease. Her skilled historical research pieces together a portrait of their daily life during their last trip to Europe and uncovers what happened to their bodies. The history of these families is sadly not unique; similar cases, notably in the United States, are perhaps more well known.[13]

Nevertheless, it is impossible to neglect the financial cost of conducting time-consuming research where sparse documentation is a challenge. Focusing on museum collections demands knowledge of both history of the country of origin and of the country where pieces are now held. The value of such research on collections cannot be disassociated from the work of researchers who preceded us and who focused on this topic.

This issue can also be viewed as an homage to anthropologist Marcel Mauss (1904; Mauss and Beuchat 1904–1905), his students Henri Beuchat (1912; Mauss and Beuchat 1979) and Paul-Émile Victor (Victor and Robert-Lamblin 1989; 1993); to anthropologists Franz Boas (1888, 1896, 1897, 1899, 1901, 1904, 1907, 1927, 1932), Ann Fienup-Riordan (1986, 1994, 1996, 1999, 2000, 2005), Lydia T. Black (1983, 1984a, 1984b, 2003), and Bernard Saladin d’Anglure (1962, 1984, 2001, 2006; Saladin d’Anglure and Alasuaq 1978); to professors and art historians Ruth Phillips (1998, 2011; Phillips and Phillips 2005; Phillips and Steinr 1999) and Janet Catherine Berlo (1986, 1990a, 1990b; Berlo and Phillips 2006); to researchers Bernadette Driscoll Engelstad (1982, 1985, 2010, 2018) and Molly Lee (2005); to curators Éveline Lot-Falck (1957; Lot-Falck and Falck 1963), Jean-Loup Rousselot (1994; Graburn, Rousselot, and Lee 1996, Louis Gagnon (1990, 1996), and Cunera Buijs (2010, 2016; Van Broekhoven, Cunera, and Hovens 2010; Cunera and Jakobsen 2011), who have, during the twentieth century and the beginning of the twenty-first century, emphasized the value of studying the Arctic pieces kept in private and public collections. Their work is a great source of inspiration for emerging Indigenous and non-Indigenous researchers.

The Museum: A Space for Meetings, Crossings, and Exchanges

Who takes the past as root, has the future as foliage.

—Victor Hugo, Beams and Shadows, 1840

A decontextualized object can be the carrier of many messages. Thus, when focusing on collections, one cannot neglect the collective dimension of a study that must necessarily bring together various professions. Objects have a life inside the museum, which must be, more than ever, thought of as a moving and changing space. An artifact does not have a simple utilitarian value; it is part of a larger perspective of the discovery of the Other.

The article by curator Anne Lisbeth Schmidt looks back on a multidisciplinary program developed in the context of an initiative of the National Museet de Copenhague between 2009 and 2014. This program included the realization of twenty-five international scientific projects. One of them, Skin Clothing from the North,[14] aimed to study a collection of over two thousand pieces of clothing from all circumpolar regions. The results of Schmidt’s research are available on the Skin Clothing Online website, which has expanded since the launch of the program (Schmidt 2016). The author proposes a contextualized analysis of the collections of Finnish scientist Henrik Johan Holmberg (1818–1864), who gathered over four hundred artifacts, a great number of which were clothes from the Koniags peoples (of Kodiak Island on the south coast of Alaska) and the Tlingit (along the northwest coast of the Pacific).

It seems obvious today to call on specialists of the Arctic associated with Indigenous Peoples, but this was not always the case (Fienup-Riordan 2010). The authors in this issue of Études Inuit Studies have all been associated with or are at the source of a project or an international program that has allowed for the discovery of a plural history.

We emphasize that the involvement and the collaboration of Indigenous associations are at the very source of the success of such projects. The elaboration of projects to identify artifacts encompasses all disciplines of human and social sciences and goes beyond borders. For example, in Alaska, Yup’ik Elders have been invited to document objects of the Ethnologisches Museum de Berlin (Fienup-Riordan 2005). Likewise, the Avataq Cultural Institute in Montreal, Quebec, regularly calls on Inuit from Nunavik to consult and document objects from the collections (George 2009). Morever, Avataq has collaborated closely with the Nunavimmiut to restore items in their collections to the Nunavik communities from which they originate.

In their article on objects acquired in Alaska by Alphonse Pinart and William Dall, researchers Marie-Amélie Salabelle, Claire Alix, and Allison McLain examine the historical context surrounding the acquisition of the objects in Pinart’s and Dall’s collections, which are now located in the Château-musée de Boulogne-sur-Mer, in France, and the National Museum of Natural History of the Smithsonian Institution in Washington, DC. Their paper initiates a reflection on the historical and socio-cultural contexts when the objects were acquired.

It also addresses the matter of self-determination for Indigenous peoples and their demand for restitution of objects within their community, in the world (Buijs 2016; Driscoll Engelstad 2018). The authors emphasize that a collaborative process with Indigenous communities, as well as an interdisciplinary study, is necessary to provide tangible visibility and allow physical or virtual restitution, according to ethical values of the time, both in Indigenous communities and non-Indigenous institutions.

The rediscovery of these collections is also noteworthy because they allow Indigenous people, mindful of the reappropriation of their history(ies), to discover familiar objects used by their ancestors around the world. Eva Aariak, premier of Nunavut between 2008 to 2013, presented her political vision by emphasizing the value of Inuit heritage, tangible or intangible, past and present; the essential role of appropriation by the Inuit of their cultural identity; and the importance of partnerships with Inuit communities:

Nunavut is known for its unique language, culture, heritage, and rich artistic presence. By taking active ownership of our cultural identity, we will provide more opportunities for all aspects of the arts to flourish. We will work together with communities, artists, and businesses to build a more cohesive culture and arts sector. It will include traditional and contemporary visual arts, language, performing arts, and all other forms of artistic expression.

Aariak 2009, 11

The dissemination and understanding of knowledge are relayed, in Europe, by the mission of curators of collections outside of Europe. Analyzing each object in its reality opens a field of shared knowledge. Thus, collaborative projects between Indigenous Peoples and museums are multiplying in Europe as well as in Canada and the United States.[15] It is likely that in the near future, numerous museums will be approached to bring together a material heritage with universal reach.

There are many ways to have genuine dialogue between cultures. Thus, latent issues arise. Can we define a museography that is applicable by all and in all places? Must we sustain a single museographical model to the detriment of another to the extent where the status of private and public museums and the constitution of collections have been affected by history and cultural policies in each country?

In her article, Tone Wang, a researcher at UiO Kulturhistorisk Museum in Oslo, describes a collaborative process that allowed for the return of artifacts to the Nattilik Heritage Centre in Uqsuqtuuq (Gjoa Haven) in Nunavut in 2013. These artifacts were acquired by Roald Amundsen during his stay in the community from 1903 to 1905. The descriptions of this group of everyday objects were realized in partnership with Elders from Uqsuqtuuq. Strong involvement on both sides contributed to the success of this project. Moreover, Wang emphasizes the processes and importance of pedagogical trajectories in order to interrogate the designation and the utilization, for instance, of a cup: “as a museum object restored to its original community, the artifact in question had to contribute to work on local memory, in the context of traditional knowledge and Gjoa Haven’s heritage.”

In the same way, the municipality of Panniqtuuq (Pangnirtung, Baffin Island, Nunavut), created a local cultural centre, Angmarlik Visitor Center,[16] which presents objects in relation to the nomadic way of life of the Inuit and whalers, who had established themselves in the fjord in the nineteenth century. The centre, which bears witness to the historic past of the area, includes a room where the Elders meet each day to play cards or sew. Another room serves as a library. The centre, called serves all generations in the community and acts as a space of transmission of knowledge and know-how through the intermediary of objects presented, stories shared by Elders, or books available in the library.

In Nunavik in 1986, Eugène Arima solicited interest in the reconstitution of the qajait (plural of kayak) to expose their history and transmit knowledge of their conception: “During the last thirty years, traditional boats were built from time to time for exhibit or conservation purposes in order to keep the construction technique for kayaks alive” (Arima 1986, 29).[17] Today, the Avataq Cultural Institute is involved in similar processes of restitution and reconstitution of objects to communities; other projects exist throughout Canada.

During the World Science Day for Peace and Development on November 10, 2016, Irina Bokova, UNESCO’s director-general, remarked, “Museums and scientific centers are places of dialogue, understanding and resilience. The immense pleasure and the wonderment they evoke in visitors, independently of their sex, age or origin, unify them around common values” (UNESCO 2016).

Today, many knowledge-sharing efforts aim to have Indigenous Peoples (re)learn a heritage that has, in some cases, been forgotten. The realization of partnerships, mutual agreements, skills sharing, and even restitutions continue in the same direction as that initiated during ICOM meetings. The 2013 edition of the ethical code of the ICOM proposes, as one of its principles, that

Museums utilize a wide variety of specialisms, skills and physical resources that have a far broader application than in the museum. This may lead to shared resources or the provision of services as an extension of the museum’s activities. These should be organized in such a way that they do not compromise the museum’s stated mission.

ICOM 2017

Are we able to answer this demand positively? Sharing our knowledge requires planning large-scale programs that implicate a great number of people and resources.

Inuit collections must be integrated in way that, more than ever, reflects the current museum world. The next meeting of the ICOM board of directors will take place in Kyoto in September 2019; one of the goals will be to work to formulate a current definition of museums. Among the elements to keep in mind, we find that “the definition of museum must recognize and treat with respect and consideration the different visions, conditions and traditions which regulate museums in the world.” ICOM specifies that “the definition of ‘museum’ must express the unity of the role of museum experts on the topic of collaboration, engagement towards responsibility and authority towards their community.”[18]

Inuit and First Nations people are increasingly occupying positions of power in museums and cultural institutions, and bringing new perspectives to the public as well as to the collections and museography more broadly. Such is the case, notably, in Iqaluit where Jessica Kotierk was the first Inuk in Nunavut to be named as a curator at the Nunatta Sunakkutaangit Museum, in April 2019.[19] As she remarked, “The more variety of positions Inuit have, the younger Inuit can see that they can do anything and be in the administration of organizations like this” (cited in Edgar 2019).

One of the issues for twenty-first-century museums will be to find a just middle ground between reaching a broader public and developing international scientific partnerships that take into account the communities of origin and certain objects. For European and North American museums, tomorrow’s museum could be one of the main true intermediaries between cultures. For this to be possible, the necessary means must be found. Is it possible to dream that in the twenty-first century, we might reach a better understanding of these scattered Arctic collections? Future generations will, we hope, answer this question. Are we not also transmitters, purveyors in communion with the past, responsible for a discourse that will inevitably judged by them?