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La démarche qui sous-tend l’ouvrage de Noémie Dominguez est celle du défi de l’internationalisation pour les PME et du choix d’une stratégie tête-de-pont pour la mener à bien. Il y a dans ce travail une triple originalité : en effet, d’une part les travaux s’intéressant aux PME qui s’internationalisent ne sont pas les plus nombreux, les grandes entreprises ayant longtemps tenu le haut du pavé; d’autre part, la démarche tête-de-pont a fait l’objet de peu de travaux (ou au sens plus large, les démarches se démarquant d’une simple logique d’exportation); enfin, le travail prend en compte la dimension temporelle des choix de localisation, ceux-ci devant être régulièrement remis en cause au gré des turbulences de l’environnement (il ne s’agit pas d’un choix acquis une fois pour toutes). L’ouvrage, clair, bien écrit est structuré en trois parties.

La première partie est intitulée « Internationalisation des PME, choix de la localisation et stratégies tête-de-pont : une revue de la littérature ». Elle est divisée en deux chapitres. Stratégies d’internationalisation des PME (chapitre 1) et Stratégies de localisation des PME (chapitre 2). C’est la partie qui classiquement introduit les concepts théoriques mobilisés dans l’ouvrage. D’emblée, on retrouve la logique annoncée par l’auteur à savoir, des démarches régulièrement mobilisées sur l’internationalisation, puis le resserrement sur la localisation, avec la nécessaire remise en cause du caractère statique de cette localisation.

Dans le chapitre 1, l’auteur part du constat, souligné par la littérature, que le recours aux « grandes multinationales, comme unité d’analyse, domine la littérature relative à l’internationalisation », et de fait les modèles sont assez peu adaptés aux PME. Ce constat justifie le découpage retenu dans le chapitre qui passe des modèles d’origine (internationalisation incrémentale) et de leurs évolutions aux approches de l’entrepreneuriat international.

Dans le chapitre 2, l’auteur passe à la question des stratégies de localisation des PME. C’est le coeur de la démarche théorique de l’ouvrage puisque l’on va voir comment, du fait des évolutions des économies mondiales (notamment montée en puissance des économies émergentes), il y aura une relecture des stratégies de localisation, principalement dans le cas des PME. La démarche est structurée en deux étapes : d’une part une présentation des travaux relatifs aux stratégies de localisation, d’autre part une analyse des stratégies tête-de-pont. La première partie de la démarche permet bien de comprendre comment, confrontées aux nouvelles démarches de localisation, les analyses classiques des IDE ne permettent pas d’expliquer les stratégies d’investissement actuelles, à savoir des implantations dans un pays hôte, mais qui ont pour but également de servir des pays étrangers. C’est le passage aux stratégies tête-de-pont. L’étude de la littérature met en avant la quasi-absence (déjà relevée) de travaux académiques sur l’aspect managérial de ce type de stratégies.

La deuxième partie est intitulée « Méthodologie de la recherche et présentation de l’étude empirique ». Dans le chapitre 3, l’auteur présente son choix d’une méthodologie qualitative. S’agissant d’un phénomène nouveau et peu exploré (voir remarques précédentes sur la faiblesse de la littérature académique), on peut que souscrire à ce choix. Il en est de même pour le choix d’un raisonnement abductif. Les développements consacrés au recours à l’étude de cas (multiples) et au processus de collecte et de traitement des données sont particulièrement soignés. Dans le chapitre 4, on aborde la question de l’internationalisation des 5 PME retenues. Elle est très soignée et met bien évidence les diversités de parcours.

La troisième partie est intitulée « Déploiement des stratégies tête-de-pont : motivations, actions et difficultés ». Dans un premier temps, ce sont les motivations à la mise en place des stratégies tête-de-pont (chapitre 5) - à travers un triptyque motivations liées à l’entreprise, aux réseaux et aux pays tête-de-pont et cibles. - qui seront abordées. Dans un second temps, c’est la mise en oeuvre des stratégies tête-de-pont (chapitre 6) qui va être analysée. L’analyse inter-cas est menée autour de deux points saillants : celui du processus de mise en oeuvre et celui des principales difficultés. Dans le premier point, le rôle clé des réseaux émerge.

Dans les deux chapitres de cette troisième partie, l’auteur procédera, de manière méticuleuse, à une analyse intra-cas, puis à une analyse inter-cas qui permettra une discussion et un retour aux éléments théoriques analysés en première partie. Il faut souligner la qualité de cette confrontation des résultats aux éléments issus de la littérature.

L’ouvrage de Noémie Dominguez (issu d’un travail doctoral) est bienvenu. Il intervient à une époque où les mutations de l’environnement poussent les PME à revoir périodiquement leurs stratégies d’internationalisation et à adopter de nouvelles approches pour pénétrer les marchés étrangers. Les stratégies têtes-de-pont s’inscrivent dans cette logique.