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La question de la confiance définie comme l’espérance ferme en quelqu’un ou quelque chose (Académie Française, 1798) est au centre de l’action publique. La restauration de la confiance tant dans la relation entre une administration et ses fonctionnaires que celle entre l’administration et l’administré est souvent évoquée comme étant la cause principale des réformes administratives Ainsi, la dernière réforme conduite en France, nommée CAP22 fait de la restauration de la confiance l’enjeu majeur de la réforme.

Le New Public Management une voie de restauration de la confiance

La baisse de la confiance dans l’administration publique est souvent évoquée pour justifier le recours aux pratiques managériales du secteur privé considérées comme vertueuses. S’inscrivant dans le courant du NPM, les politiques publiques ont cherché à légitimer l’action de l’Etat et à restaurer la confiance dans l’action publique en faisant de la recherche de la performance l’axe central des réformes. Les rapports de l’OCDE postulent l’existence d’une relation entre la performance du secteur public et la confiance de l’usager-citoyen-contribuable. La recherche de la performance, au travers des impératifs dits des 3 E (économie, efficience et efficacité), est désormais au coeur du pilotage de l’action publique que ce soit par le développement de l’évaluation des politiques publiques (comme par exemple pour la RGPP et la MAP en France) ou l’instauration du contrôle de gestion dans les administrations et organisations publiques. Cette recherche de performance réalisée de façon conjointe avec des pratiques managériales conformes au principe d’accountability et de transparence doit permettre de légitimer l’action publique. Il ne suffit pas à l’Etat de bien faire les choses, il se doit de montrer qu’il réalise bien les choses. Cette transparence ou ce libre accès à une information à jour et fiable sur les décisions et les performances est la voie de restauration de la confiance. Elle s’appuie sur des mécanismes permettant de rendre compte de l’usage des fonds publics et des conséquences encourues si les objectifs de performance ne sont pas atteints. Cette question du rendre compte irrigue toutes les fonctions (finance, contrôle, GRH, communication, stratégie, …). Dans le cadre des politiques inspirées par les principes du NPM, la relation à l’usager s’apparente de plus en plus dans nombre de secteurs publics à une relation de clientèle, où le client décide de la marque qu’il souhaite utiliser en fonction de la confiance qu’elle crée dans le prestataire public. Cette dimension relationnelle, véritable capital immatériel, est importante, pour les organisations publiques soumises à la concurrence de prestataires. Cette notion de confiance est au centre du développement des stratégies de marque développées par les organisations publiques (musées comme le Louvre à Abou Dhabi, ou les universités) et par les collectivités territoriales notamment dans le cadre du tourisme.

Le NPM source de défiance

Certains auteurs font au contraire du NPM l’un des facteurs de développement de la défiance. Les approches dites Post New Public Management montrent que le NPM privilégiant comme seul modèle managérial celui du privé, conduit à une forme de défiance vis-à-vis de l’administration que ce soit auprès des agents du service public ou des administrés. Ces approches s’inscrivant dans le Post New Public Management privilégient en retour un mode de gestion fondé sur les valeurs (Shergold,2004; Lodge et Gill, 2011) et objectifs partagés pour restaurer une confiance des agents publics réduite par l’introduction d’outils provenant du secteur privé. L’exemplarité des agents publics est « un ciment de l’organisation » que l’on peut renforcer par le développement des principes et valeurs éthiques et de déontologies. Les valeurs partagées avec l’usager-citoyen par l’administration dans le cadre de charte seraient une voie qui permettrait de construire une nouvelle forme de confiance. L’usage de chartes, certifications et autres dispositifs s’expliquerait non par un phénomène d’imitation de pratiques du privé mais par le désir de combler le « competence gap » entre l’expert et le profane comme l’illustre la relation médecin/patient, décrite par Talcott Parsons. La confiance serait in fine une valeur publique intrinsèque produite par les organisations publiques qui par leurs actions renforcent la cohésion sociale.

La nouvelle gouvernance : une voie de restauration de la confiance avec les citoyens

Enfin, il convient d’inclure dans l’analyse des causes de la crise de confiance dans l’administration publique, l’effet possible d’une défiance dans nos institutions démocratiques. La baisse de la confiance des citoyens dans le gouvernement est souvent perçue comme l’une des principales forces de changements de mode de gouvernement et de réforme de l’administration (McNabb, 2009). Le développement de la défiance envers les institutions démocratiques et leurs représentants serait en grande partie à la source de la crise de confiance dans l’administration. Cette crise démocratique affecte naturellement in fine l’administration et ses agents en charge de l’application et de la mise en oeuvre des politiques publiques. Elle nous interroge sur le rôle de l’Etat, producteur de règles. La surrèglementation pourrait s’interpréter comme le signe d’un manque de confiance en l’homme, en l’individu et en la liberté. La question de la restauration de la confiance entre les acteurs de politiques publiques et les citoyens est au coeur de la réforme de la gouvernance de l’action publique. La nouvelle gouvernance se fonde sur une dénonciation du modèle de gouvernement traditionnel qui confie au seul gouvernement la capacité de prendre des décisions et de pouvoir les appliquer en vertu d’un pouvoir coercitif légitime dont les institutions de gouvernement ont le monopole.

La confiance entre les acteurs privés et publics de la politique publique est le pivot de ces nouvelles formes de gouvernance. Elle est au coeur des réseaux de politiques publiques locales. Cette confiance inter-organisationnelle correspond à l’idée de bienveillance et, de crédibilité ou de fiabilité du partenaire dans son comportement, celui-ci tenant ses promesses (Geykens et alii, 1998). Elle est fondée sur des engagements réciproques des parties et sur les échanges d’informations qui permettent de réduire les asymétries d’information. Cette confiance réduit les coûts de transaction, renforce la performance collaborative entre les acteurs des réseaux (Provan et al, 2009; Ansell et Gash, 2008) et augmente le niveau d’intégration des politiques publiques (TJM et al. 2017).