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Professeur émérite de l’Université Libre de Bruxelles, membre de l’Académie Royale de Belgique et de l’Institut International de Philosophie, M. Gilbert Hottois a été professeur-visiteur dans plusieurs universités en Amérique, en Afrique et en Europe. Bioéthicien réputé, ayant siégé à plusieurs comités et commissions d’éthiques, tels le Groupe Européen pour l’Éthique des Sciences et des Nouvelles Technologies et le Comité Consultatif de Bioéthique. Il est l’auteur de plus d’une vingtaine de monographies de philosophie contemporaine sur le langage, l’éthique, les sciences et les techniques. Éditeur scientifique de plus d’une quinzaine d’ouvrages collectifs, dont un dictionnaire et une encyclopédie de bioéthique, son dernier ouvrage sur le trans/posthumanisme montre son expertise sur des sujets complexes de la philosophie contemporaine, de l’éthique des technosciences et de la bioéthique. Cet ouvrage est dans la lignée de l’essai Le transhumanisme est-il un humanisme ? (2014), car il en approfondit et enrichit la réflexion (p. 17).

Le fil conducteur de l’ouvrage est résumé en ces termes : « […] ce qui nous a intéressé dans cet essai, ce sont les idées transhumanistes. Celles qui méritent d’être prises au sérieux par les philosophes. Penser ne signifie pas adhérer, mais clarifier et comprendre, évaluer et prendre position de façon nuancée » (p. 286) et de « lever des confusions […] parce que transhumanisme et posthumanisme se recouvrent partiellement » (p. 17). G. Hottois formule son hypothèse de la manière suivante : « […] la nébuleuse trans/posthumaniste est prégnante de la philosophie ou, du moins, de l’accompagnement philosophique à la fois critique […] et constructif » (p. 286).

L’ouvrage, préfacé par Jean-Yves Goffi, est structuré en huit chapitres selon un enchaînement logique. L’introduction donne un éclairage sur l’approche adoptée : « […] notre approche du trans/posthumanisme est philosophique : elle n’est ni historique ni socio-politique ; elle croise seulement ces éclairages » (p. 18). En d’autres termes, l’A. se méfie de la rhétorique à emporte-pièce technolâtre. Il invite le transhumanisme à se transformer et à s’enrichir de l’humanisme. Le premier chapitre (p. 21-56) présente l’histoire que se donne le transhumanisme et développe les thèmes principaux autour du trans/posthumanisme selon différents auteurs. Le deuxième chapitre (p. 57-81) situe le transhumanisme dans les courants philosophiques et le définit comme « une philosophie de la technique et de l’action qui ne se préoccupe de ce qui est qu’afin de déterminer ce qui est possible et souhaitable, non pour dire l’essence ou le sens de ce qui est — de l’Être — et trouver le repos dans une énonciation contemplative de la Vérité » (p. 73). L’A. insiste sur le fait que la visée du transhumanisme n’est pas métaphysique. Ce chapitre aborde également la relation avec la religion. En effet, la compatibilité entre religion et transhumanisme serait variable selon la religion envisagée (p. 72). Dans le troisième chapitre (p. 83-100), G. Hottois dégage une anthropologie pour une espèce technicienne en insistant sur la mutation profonde du rôle et de la place du langage. Dans le quatrième chapitre (p. 101-136), une éthique de liberté et d’ouverture invitant à la prudence en ce qui concerne la finitude et la vulnérabilité de l’espèce humaine est développée. Le chapitre cinq (p. 137-146) explicite la tentation du trans/posthumanisme de se projeter au-delà de l’éthique, une tentation esthétisante et expérimentaliste par le biais des techno-arts et des technosciences. Le chapitre six (p. 147-185) soulève les enjeux sociaux et politiques, les risques d’inégalité, d’injustice et de communautarisme, ainsi que la question de la régulation politique qui est un objet de dissension au sein du transhumanisme. Le chapitre sept (p. 187-222) porte sur les enjeux stratégiques des technologies convergentes par l’analyse de rapports américains et européens sur les politiques technoscientifiques. Le dernier chapitre (p. 223-283) essaye de clarifier les rapports entre transhumanisme et posthumanisme en mettant l’accent sur la Singularité technologique, le courant posthumaniste autonome et les risques liés à la Super-Intelligence et à l’Intelligence artificielle (IA).

En fin d’ouvrage, l’auteur précise sa position tout en apportant un regard critique et une ouverture sur les enjeux, les risques et les limites du transhumanisme. Face à un débat houleux, G. Hottois réussit à se situer au-dessus des idées relatives au transhumanisme et aux transhumanistes avec brio en proposant un schéma d’interprétation philosophique de la réalité passée, présente et future. Toutefois, un développement plus élaboré du posthumanisme apporterait un éclairage, ce qui pourrait faire l’objet d’un ouvrage à part entière. Un récapitulatif de la bibliographie aurait été plus que bénéfique.