Corps de l’article

1. Introduction et problématique

La ruralité est parfois associée à une pénurie de main-d’oeuvre dans certains secteurs. En réponse à ce problème, il est dommage que des étudiants intéressés à faire leur stage en régions éloignées se butent à l’incapacité des programmes de formation à fournir une supervision adéquate (Chipchase, Hill, Dunwoodie, Allen, Kane, Piper et Russell, 2014). Selon Rock, Gregg, Gable, Zigmond, Blanks, Howard et Bullock (2012), l’embauche de superviseurs locaux peut poser problème par une absence de l’expertise recherchée. Maintenir la supervision en présentiel malgré des distances à parcourir comporte alors d’autres obstacles, dont les nombreux et longs déplacements de superviseurs qualifiés (Naffziger et Fawson, 2013), ainsi que les coûts qui y sont rattachés (Rock et al., 2012). Heureusement, que ce soit en éducation ou dans d’autres domaines (médecine, soins infirmiers, travail social, psychologie…), la supervision en présentiel n’est pas la seule option pour les étudiants voulant effectuer un stage loin de leur lieu de formation (Carlisle, Carlisle, Hill, Kirk-Jenkins et Polychronopoulos, 2013).

Le numérique représentant l’ensemble des technologies de communication de masse et de l’informatique (Baron, 2014), il est possible d’en utiliser les outils pour étendre la supervision aux nombreux milieux où sont placés les stagiaires (Carlin, Milam, Carlin et Owen, 2012). Ainsi, lorsque les superviseurs locaux ne sont pas suffisamment qualifiés ou ne sont pas disponibles (Dymond, Renzaglia, Halle, Chadsey et Bentz, 2008), la supervision de stage à distance (nommée parfois e-supervision) s’avère une voie possible afin de maintenir l’accompagnement offert par les institutions d’enseignement tout en limitant les dépenses (Hartshorne, Heafner et Petty, 2011). Le potentiel pédagogique du numérique en éducation peut ainsi s’appliquer à la formation pratique. «It is time for teacher educators to change the 75 year tradition that characterizes the typical student teaching field experience and bring it into the 21st century.» (Alger et Kopcha, 2009, p. 44)

Que la supervision de stage soit complètement à distance ou hybride, l’usage du numérique pourrait dégager plus de temps pour l’observation, l’analyse et la discussion avec les stagiaires tout en leur offrant de nouvelles opportunités de réflexion (Schwartz-Bechet, 2014). D’ailleurs, les promesses d’un accompagnement numérique ont amené certains programmes d’institutions postsecondaires à miser sur la supervision de stage à distance, qu’il y ait des distances à parcourir ou non. «Remote supervision can help shift toward a new paradigm of supervising system in teacher education.» (Kelly, O'Neil et Kwon, 2014, p. 141) Toutefois, ce changement de paradigme implique inévitablement des ajustements, voire des contraintes pour les superviseurs. Cela s’applique autant en santé et en sciences humaines qu’en éducation.

Quels sont les avantages et les inconvénients de la supervision de stage à distance en comparaison à celle en présentiel, et ce, pour différents domaines de formation postsecondaire? Considérant le peu d’attention accordée en recherche à l’usage du numérique en formation pratique (Dymond et al., 2008), il apparaît pertinent de s’intéresser aux articles récents concernant la supervision de stage à distance afin d’établir un état de la recherche sur le sujet.

2. Méthodologie

Le type de stage qui nous intéresse se déroule dans le cadre de programmes de formation postsecondaire permettant au stagiaire de vivre une expérience dans un milieu de pratique de son domaine. En éducation, la formation pratique implique habituellement un superviseur provenant de l’institution de formation et un accompagnateur du milieu de pratique (Alger et Kopcha, 2009). Avec le stagiaire, ces deux formateurs peuvent alors constituer une triade (Boutet, 2002) au service de l’accompagnement et de l’implication du stagiaire.

Non limitée à l’éducation, cette recension cherche à identifier les principaux thèmes abordés dans des articles portant sur la supervision de stages à distance dans différents domaines de formation postsecondaire. Nous ne retenons que les articles qui situent la supervision des stages dans un contexte de formation à distance ou hybride. De plus, les articles portant sur la supervision des études supérieures (mémoires et thèses), la téléconsultation médicale à distance et la supervision dans le cadre d’activités de développement professionnel en emploi ne sont pas considérés puisqu’ils ne cadrent pas avec nos intérêts de recherche.

Pour la réalisation de la présente recension systématique des écrits, les articles ont été identifiés, sélectionnés et évalués dans le but de répondre à notre question de recherche (Fortin et Gagnon, 2016) et d’atteindre notre objectif de recherche qui est d’identifier les principaux thèmes des travaux de recherche s’intéressant à la supervision de stage à distance. La démarche employée respecte les treize étapes de la revue systématique de Rew (2011) consistant à:

Cerner une question de recherche, formuler le but de la revue systématique et les objectifs, préciser les critères d’inclusion et d’exclusion des écrits, trouver les termes de recherche à utiliser, localiser les bases de données appropriées, effectuer la recherche électronique, réviser les résultats de la recherche et s’assurer qu’ils coïncident avec les critères d’inclusion et d’exclusion, extraire les données de chaque article inclus, déterminer la qualité des études recensées, résumer les résultats, interpréter la signification de chaque preuve extraite, reconnaitre les limites et les bases inhérentes au processus, publier les résultats et les appliquer dans la pratique.

Fortin et Gagnon, 2016, p. 477

Notre corpus d’articles initial provient de revues scientifiques en anglais ou en français révisées par les pairs. En outre, pour être inclus dans la recension, les articles devaient aborder la supervision de stage à distance dans un domaine d’études postsecondaires et être disponibles en ligne.

La recension systématique s’est déroulée en deux temps. D’abord, la localisation des bases de données appropriées[1] et l’identification des termes de recherche ont été réalisées par une première équipe. Le tableau 1 présente les équations formulées selon une logique de recherche booléenne utilisées en anglais et en français (Boisvert, 2010).

Tableau 1

Équations de recherche

Équations de recherche

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De cette première étape de recherche, 40 articles publiés entre 2008 et 2014 ont été retenus selon les critères établis. Ils ont été consignés dans une matrice permettant de répertorier quinze types d’information (allant du nom des auteurs au titre de la revue en passant par le domaine de formation).

Lors d’une mise à jour, les mots clés et les bases de données préalablement identifiées ont été repris pour la recherche d’articles publiés entre 2015 et 2017. Cette seconde phase a permis de réviser et de confirmer les équations ciblées et les critères d’inclusion et d’exclusion des articles (Fortin et Gagnon, 2016). Toutes les démarches ont été consignées dans un journal de recherche. Durant cette deuxième phase de la recension, neuf nouveaux articles ont été identifiés, dont sept pour l’analyse des données.

Quatre articles ont été initialement retenus en fonction des critères de sélection puis éliminés lors d’une analyse plus approfondie de leur contenu. Ces articles retirés présentaient un intérêt pour le domaine de la supervision de stage à distance, mais les résultats se situaient dans le contexte de supervision en présentiel. Un article a aussi été retiré de la sélection parce qu’il abordait davantage la supervision de travaux pratiques à distance plutôt que celle de stages.

Au final, le corpus se compose de 43 articles rédigés en anglais. Les tableaux 2 et 3 présentent deux caractéristiques tirées de la matrice de recension, soit le devis méthodologique et le domaine de formation dont les stages sont supervisés à distance. On remarque que les devis de recherche qualitative et mixte sont en majorité. Les articles sélectionnés portent surtout sur la supervision à distance de stages dans le domaine de l’éducation (26). De plus, la plupart d’entre eux ont été publiés aux États-Unis (30).

Tableau 2

Devis méthodologique de recherche

Devis méthodologique de recherche

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Tableau 3

Domaines de formation

Domaines de formation

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3. Analyse

À partir des résumés des 43 articles, l’analyse s’est réalisée selon une approche systématique utilisant une méthode par codage (Van der Maren, 2003). Pour les fins de l’article, seule la section des résultats a été codifiée. Comme le recommande Van der Maren (2003), nous avons pu identifier une grille d’analyse existante parmi les articles résumés pour construire des catégories de codage. L’analyse des 43 résumés s’est effectuée en 4 étapes afin de vérifier l’exactitude et la pertinence des catégories à tous les 10 articles. Cela a aussi permis de reprendre, à 4 reprises, les opérations à rebours, amenant la confirmation du classement des énoncés dans les différentes catégories (Van der Maren, 2003). De plus, un autre chercheur a utilisé un échantillon de 7 articles sur 43 pour valider le classement, qui s’est révélé exact pour près de 70 % des énoncés. Une révision de tous les énoncés a été effectuée à la lumière de cette validation.

C’est à partir des catégories développées par Wearne, Teunissen, Dornan et Skinner (2015) et de quelques catégories émergentes que nous avons extrait l’information importante en regard de notre question de recherche (Paillé et Mucchielli, 2005). S’intéressant à l’utilisation du numérique pour la supervision de la formation pratique de médecins résidents localisés en milieux isolés, Wearne et al. (2015) ont cherché à connaître la manière dont la supervision à distance affecte l’apprentissage et à faire ressortir l’expérience vécue par ces médecins en formation. Après avoir interrogé des résidents pour qui les superviseurs de stage exercent leur fonction à distance, ils ont classé les données issues de verbatim d’entrevues selon cinq thèmes qui rejoignent nos intérêts de recherche (les raisons d’être supervisé à distance, la comparaison de l’expérience vécue à distance avec l’expérience en présence, l’effet de la supervision à distance sur l’apprentissage, le rôle et la relation avec le superviseur, l’avis des participants sur le dispositif de supervision à distance). Partant de ces thèmes initiaux, l’analyse des résumés des articles du corpus a permis d’identifier et de préciser des catégories et des sous-catégories apparaissant comme les principaux sujets traités par les articles retenus dans la recension. Voici les six catégories (incluant sept sous-catégories) rassemblant les thèmes présents dans les résultats de recherche des articles de notre recension:

  • Les motifs pour superviser à distance;

  • L’expérience vécue par les stagiaires;

  • L’expérience vécue par les accompagnateurs dans le milieu de pratique;

  • La comparaison avec la supervision en présentiel (1- avantages, 2- inconvénients, et 3- similitudes ou absence de différence);

  • Les effets de la supervision à distance sur l’apprentissage;

  • Les enjeux de la supervision à distance (1- organisationnels, 2- numériques, 3- éthiques, et 4- de formation)

4. Résultats

Les résultats des articles retenus sont répartis selon les catégories et les sous-catégories afin de répondre à la question de notre recension.

4.1 Les motifs pour superviser à distance

Cette première catégorie rassemble les motifs initiaux sur lesquels s’appuie la décision d’effectuer la supervision de stage à distance pour un programme de formation universitaire. On remarque que cette catégorie de résultats s’inscrit en continuité avec les éléments de notre problématique qui pose le contexte justifiant le recours au numérique pour assurer un encadrement de qualité aux stagiaires placés en régions éloignées.

La gestion du temps est le motif d’implantation d’une modalité à distance le plus fréquemment identifié. En réduisant ou en éliminant le temps accordé au transport, les superviseurs peuvent gérer plus efficacement leurs horaires (Carlisle et al., 2013; Heafner, Petty et Hartshorne, 2012). Ce faisant, ils ont l’opportunité d’économiser du temps notamment grâce à une planification plus flexible (Franks et Oliver, 2012) et à la possibilité de superviser plusieurs stagiaires dans une même journée (Heafner et Petty, 2010). Les économies financières sont aussi un motif important à l’origine du choix de réaliser la supervision à distance plutôt qu’en présentiel (Cameron, Ray et Sabesan, 2015; Carlisle et al., 2013; Franks et Oliver, 2012; Hartshorne et al., 2011; Heafner et al., 2012; Wearne et al., 2015). Selon Hartshorne et al. (2011), la différence est significative, sans facture de transport et d’hébergement.

Le choix du lieu de stage justifie de repenser la supervision pour répondre aux besoins et aux intérêts des stagiaires qui souhaitent réaliser leur formation en milieux éloignés (Carlin et al., 2012; Carlisle et al., 2013; Orr, 2010) ou même isolés (Wearne et al., 2015). De fait, la supervision à distance élimine les contraintes géographiques associées au placement en stage et rend disponibles des lieux de stage initialement impossibles à superviser selon un mode présentiel (Orr, 2010; Petty et Heafner, 2009; Rousmaniere, Abbass et Frederickson, 2014; Wearne et al., 2015). Cela permet en outre, pour certains domaines, d’avoir accès à des superviseurs plus expérimentés ou de grande qualité malgré la distance (Conn, Roberts et Powell, 2009; Franks et Oliver, 2012; Orr, 2010; Rousmaniere et al., 2014).

Selon Orr (2010), au-delà de l’aspect financier, la disponibilité des outils numériques permet de combiner ceux-ci aux meilleures pratiques de supervision en présentiel et ainsi de joindre la tradition et l’innovation. Dans le même ordre d’idées, Teo, McNamara, Romeo et Gronn (2015) affirment que sous certaines conditions, l’utilisation du numérique pour la supervision a démontré son efficacité, ce qui justifie d’emblée son utilisation pour la formation.

4.2 L’expérience vécue par les stagiaires

L’expérience vécue par les stagiaires regroupe les résultats concernant la perception ou l’appréciation des étudiants supervisés à distance ou ayant expérimenté des outils numériques dans ce contexte. D’ailleurs, nous constatons que les articles s’intéressent davantage à ce que vivent les stagiaires supervisés à distance qu’à l’expérience de ceux qui les accompagnent (superviseurs ou accompagnateurs du milieu).

De façon générale, les stagiaires considèrent que l’expérience de la supervision à distance est positive (Alger et Kopcha, 2011; Cameron et al., 2015; Carlin et al., 2012; Chapman, Baker, Nassar-McMillan et Gerler, 2011; Hartshorne et al., 2011; Mohd Nawi, Jamsari, Sulaiman et Hamzah, 2013; Petty et Heafner, 2009; Yeh, Chang, Chiang, Drost, Spelliscy, Carter et Chang, 2008) ou qu’elle n’a pas d’impact particulier sur leur stage (Yozwiak, Robiner, Victor et Durmusoglu, 2010). Des stagiaires questionnés sur leur expérience apprécient particulièrement la rapidité et la qualité des rétroactions qu’ils obtiennent à la suite d’une observation à distance (Carlin et al., 2012; Chipchase et al., 2014; Kecik, Aydin, Sakar, Dikdere, Aydin, Yuksel et Caner, 2012; Kopcha et Alger, 2011; VanSlyke-Briggs, Hogan, Waffle et Samplaski, 2015). On mentionne aussi leur satisfaction à utiliser des outils numériques supportant la supervision à distance comme la vidéo (Alexander, Williams et Nelson, 2012), un outil de planification en ligne en complément d’un forum de discussion (Alger et Kopcha, 2011), la messagerie instantanée (Carlin et al., 2012), le portfolio numérique (Kecik et al., 2012) ou un site de réseautage (Mohd Nawi et al., 2013). Finalement, lorsqu’ils sont supervisés selon un modèle hybride, les stagiaires interrogés par Conn et al. (2009) ont démontré une attitude plus positive face à l’utilisation du numérique que les stagiaires supervisés uniquement en présentiel.

Un dispositif d’oreillette (bug in ear) utilisé par Rock, Gregg, Thead, Acker, Gable et Zigmond (2009) a suscité des commentaires particulièrement positifs de la part des stagiaires qui en ont fait l’essai. Bien qu’anxieux au départ, les stagiaires interrogés ont soulevé la valeur réflexive de l’utilisation de ce dispositif leur permettant de recevoir des commentaires de la part du superviseur durant leur enseignement.

Carlin et al. (2012) rapportent que des stagiaires interrogés ont jugé la supervision à distance plus pratique, moins stressante et plus productive que la supervision en présence. Heafner et Petty (2009, 2010) mentionnent aussi que les stagiaires ayant été supervisés à distance selon l’approche nommée ROGI (Remote Observation of Graduate Interns) se sont sentis plus indépendants et confiants dans leurs habiletés lorsque le superviseur était absent de la classe. Plutôt qu’être considérée comme une barrière, la distance était perçue par ces stagiaires comme un outil pour développer l’autonomie et le professionnalisme (Ibid.). Dans le domaine médical, des stagiaires en milieux isolés supervisés à distance reconnaissent l’apport du numérique pour contrer l’isolement et augmenter leurs connaissances dans ce contexte d’éloignement (Cameron et al., 2015).

Cependant, la perception des stagiaires rapportée dans la littérature n’est pas que positive. Elle est qualifiée par Yozwiak et al. (2010) de complexe et ambivalente, tout particulièrement à l’égard de l’utilisation de la visioconférence, celle-ci pouvant nuire au bon déroulement des échanges et engendrer une forme de passivité chez les participants. Bien que la supervision par visioconférence se justifie pour les possibilités qu’elle offre, des stagiaires considèrent que ce dispositif comporte des limites lors des séminaires de groupe (Ibid.).

Après avoir expérimenté la supervision à distance, des stagiaires indiquent que malgré l’efficacité des outils numériques, ils apprécient surtout les rencontres en présentiel avec le superviseur (Carlin et al., 2012; Hamel, 2012) ou préfèrent carrément la supervision en présentiel (Chipchase et al., 2014; Yozwiak et al., 2010).

4.3 L’expérience vécue par les accompagnateurs du milieu de pratique

Lorsque la supervision se fait à distance, ceux qui accompagnent les stagiaires dans les milieux de formation sont aussi interpelés par l’utilisation du numérique. Leurs rôles variant selon les domaines de formation et les contextes de stage, il est plus ardu de trouver une voix commune à ces accompagnateurs dans les articles recensés. De plus, leur expérience n’apparaît pas aussi positive que celle des stagiaires.

Néanmoins, Alger et Kopcha (2011) se sont spécifiquement attardés à l’appréciation d’accompagnateurs ayant accès aux mêmes outils numériques que les stagiaires en éducation. Ceux-ci reconnaîssent que la supervision virtuelle développée par ces chercheurs est différente de la supervision en présentiel en cela qu’elle permet un partage d’informations entre tous les acteurs. Ils ont apprécié l’accès aux outils mis à leur disposition permettant de bien comprendre les attentes de l’université. Dans le même ordre d’idées, Kecik et al. (2012) indiquent que des accompagnateurs ont aimé consulter le portfolio numérique et voir les écrits à l’origine des planifications des stagiaires.

De leur côté, des formateurs de terrain associés au stage en travail social sont ouverts à recevoir leur formation d’accompagnant en ligne. Selon Dedman et Palmer (2011), ces formateurs sont intéressés à avoir accès aux documents sur le site Internet de la formation, bien que beaucoup moins enclins au clavardage et aux échanges virtuels sur celui-ci. Scherff, Singer et Brown (2013) rapportent que des mentors accompagnants des enseignants voient positivement le mentorat en ligne

En psychologie, des accompagnateurs de stagiaires ont eu l’impression d’être plus proches de ceux qu’ils observent en temps réel, mais ils considèrent que leur expertise est rapidement sollicitée, voire testée par les stagiaires, créant de l’anxiété chez certains (Rousmaniere et Frederickson, 2013). Finalement, dans le domaine de l’archivistique, des accompagnateurs du milieu de pratique recommandent à l’université de mieux préparer les stagiaires afin qu’ils possèdent les compétences permettant d’être supervisés à distance (Franks et Oliver, 2012).

4.4 La comparaison entre la supervision à distance et la supervision traditionnelle

De toutes les catégories, celle portant sur la comparaison entre la supervision à distance et la supervision traditionnelle, ou présentielle, est la plus foisonnante. Pour cette raison, nous l’avons organisée selon trois sous-catégories qui ont émergé durant l’analyse. D’abord, des articles recensés identifient des avantages qui, sans être à l’origine de la supervision, sont apparus aux chercheurs engagés dans la recherche sur la supervision à distance. Ensuite, des chercheurs mettent en évidence des inconvénients ou des désavantages représentant des pertes ou des obstacles généralement absents de la supervision en présence. Finalement, une troisième sous-catégorie porte sur les similitudes identifiées entre la supervision à distance et en présence ou sur l’absence de différence notable entre les deux modalités de supervision.

4.4.1 Les avantages

Les avantages de la supervision à distance sont de différentes natures. Dans cette sous-catégorie, ils se distinguent des motifs justifiant la supervision à distance, car ils sont apparus durant ou au terme d’implantations, d’expérimentations ou d’évaluations de dispositifs de supervision à distance. Les résultats retenus sont surtout liés aux interactions entre les acteurs du stage, à la productivité, aux rétroactions et aux possibilités qu’offrent les outils numériques pour la réflexion, l’observation et la conservation des données enregistrées.

Dans l’étude d’Hamel (2012), les outils numériques procurent plus d’interactions entre les stagiaires et les superviseurs qu’en présentiel. Plusieurs articles font mention de l’effet positif de la supervision à distance sur les communications durant le stage. Celles-ci sont simplifiées grâce aux outils numériques (Alger et Kopcha, 2009, 2011) en plus d’être mieux organisées et structurées entre les acteurs du stage (Chipchase et al., 2014; Heafner et al., 2012). Par exemple, un logiciel comme Skype permet des communications rapides et efficaces tout en donnant la possibilité aux stagiaires de voir leur superviseur (Hamel, 2012). Dans le secteur du travail social, cela peut s’illustrer par un meilleur accompagnement du stagiaire sans que le superviseur ait besoin de réduire son engagement dans sa propre pratique (Orr, 2010). Pour ce qui est de l’encadrement des internats de médecine, Cameron et al. (2015) jugent que le modèle de supervision à distance qu’ils ont développé favorise la richesse des interactions. En raison des routines cliniques et des sessions d’enseignement, ce modèle de supervision permet d’entrer en relation chaque semaine, ce qui encourage les stagiaires et les superviseurs à développer des liens plus étroits.

Ensuite, la supervision à distance est possiblement plus productive puisqu’elle amène des économies de temps tout en permettant des observations sur une base régulière (Berkey et Conklin, 2016; Carlisle et al., 2013). Cela donne la possibilité de penser autrement le processus d’observation et de redéfinir les paramètres du milieu traditionnel de travail (Heafner et al., 2012). En d’autres mots, l’observation de stagiaires dans différentes situations d’enseignement avec des groupes d’élèves variés sans égard au moment de la journée est impensable en présentiel, trop de contraintes venant contrecarrer une telle organisation (Ibid.). De plus, la visioconférence a démontré son efficacité pour la supervision individuelle ou de groupe et elle peut s’utiliser internationalement (Rousmaniere et al., 2014) et rassembler des gens répartis sur plusieurs sites (Berkey et Conklin, 2016).

La qualité de la rétroaction offerte aux stagiaires en contexte de supervision à distance constitue un autre avantage. Les rétroactions sont plus fréquentes (Alger et Kopcha, 2011; Kecik et al., 2012; Yeh et al., 2008), immédiates, pratiques et productives (Kelly et al., 2014; Rock et al., 2012). Selon Heafner et al. (2012), profitant de sa perception de la distance qui le sépare du stagiaire, le superviseur éprouve plus de facilité à offrir des commentaires critiques détaillés et des suggestions d’amélioration lors du compte-rendu en ligne plutôt qu’en présentiel. De plus, puisque plusieurs observateurs ont la possibilité de voir la pratique du stagiaire grâce aux outils numériques, les rétroactions peuvent être nombreuses et se faire selon différentes perspectives (Berkey et Conklin, 2016; Heafner et al., 2012). La visioconférence permet aux superviseurs de se concentrer sur des aspects autres que l’évaluation (Hamel, 2012) et la prise de recul est améliorée pour les stagiaires (Rousmaniere et al., 2014).

La supervision de stage à distance supportée par le numérique génèrerait des avantages directement liés à l’utilisation d’outils numériques. Heafner et al. (2012) soulignent l’accessibilité des documents transmis par les étudiants via une plateforme numérique avant l’observation de leur pratique. Les forums de discussions s’avèrent aussi des outils pertinents, car les échanges entre stagiaires semblent les rassurer quant à leur pratique (Alger et Kopcha, 2009, 2011), brisent l’isolement et procurent un espace réflexif de qualité (Hamel, 2012). Cette dimension écrite des échanges situés dans ce que Scherff et al. (2013) qualifient de «troisième lieu» permet aux accompagnateurs et aux stagiaires de réfléchir ensemble. À ce propos, les échanges écrits, bien que plus exigeants cognitivement, apparaîssent davantage réflexifs que ceux produits à l’oral durant les stages (Hamel, 2012). Les stagiaires ont la possibilité d’écrire leur réflexion personnelle et de rapporter des activités quotidiennes se déroulant sur les lieux de stage (Mohd Nawi et al., 2013). Ultimement, les commentaires textuels, les fichiers vidéo et audio et les échanges entre les observateurs peuvent être archivés (Carlisle et al., 2013; Heafner et Petty, 2010) et ramenés lors des discussions avec le superviseur (Alger et Kopcha, 2011) sans contrainte de temps (Kecik et al., 2012).

Utilisée pour l’observation synchrone ou en différé de la pratique des stagiaires, la caméra est un outil incontournable de la supervision à distance et présente des avantages notables. Les stagiaires sont plus à l’aise d’être observés à distance par l’intermédiaire d’une caméra que par le superviseur sur place (Carlin et al., 2012; Hartshorne et al., 2011). Le superviseur n’étant pas visible, l’observation à distance est alors moins stressante, non-intrusive et plus réaliste et authentique qu’en présentiel (Hartshorne et al., 2011; Heafner et al., 2012; Teo et al., 2015). Des recherches en éducation ont aussi démontré que lors d’une observation à l’aide d’une captation vidéo, le superviseur peut mieux entendre le déroulement des activités que celui présent dans la classe grâce à un emplacement favorable des micros (Dymond et al., 2008; Heafner et Petty, 2010; Heafner et al., 2012).

Finalement, des auteurs voient positivement les modalités de supervision à distance comme un ajout à la supervision en présentiel (Chipchase et al., 2014). Cependant, Gronn, Romeo, McNamara et Teo (2013) affirment que le numérique n’est pas uniquement un complément au présentiel, car il offre de riches opportunités pour la réflexion ainsi que de nouvelles possibilités pour la formation pratique.

4.4.2 Les inconvénients

Les pertes ou obstacles qu’on ne rencontre pas en supervision en présence ont été classés dans la catégorie des inconvénients. La littérature tend à s’intéresser aux avantages de la supervision à distance, mais les recherches identifient des désavantages particulièrement associés à l’établissement des relations entre les partenaires et au numérique. En effet, une diminution de la qualité des rapports humains et des relations engendrée par l’absence ou la réduction de contacts en présence est une perte identifiée par plusieurs articles (Alger et Kopcha, 2009; Carlin et al., 2012; Carlisle et al., 2013; Conn et al., 2009; Dedman et Palmer, 2011; Hartshorne et al., 2011; Heafner et al., 2012). De plus, il apparaît que le lien relationnel entre le superviseur et le stagiaire est plus long à construire à distance (Deane, Gonsalvez, Blackman, Saffioti et Andresen, 2015). Cela s’explique entre autres par la perte de la communication non verbale (Orr, 2010; Yozwiak et al., 2010). D’ailleurs, certains stagiaires supervisés à distance peuvent vivre des situations d’anxiété et de stress occasionnées par une perte de repères (Orr, 2010; Rousmaniere et al., 2014; Wearne et al., 2015) et un sentiment d’isolement (Wearne et al., 2015). De plus, durant des rencontres à distance, Deane et al. (2015) ont observé que les interlocuteurs sont tentés par des activités multitâches et peuvent ainsi diminuer leur engagement durant la rencontre.

Schwartz-Bechet (2014) indique que si la perception de l’utilisation du numérique par le superviseur de stage est négative, la performance de ce dernier en supervision à distance sera moindre qu’en présentiel. Cela se répète chez Yozwiak et al. (2010), Wearne, Dornan, Teunissen et Skinner (2013) et Carlisle et al. (2013), qui affirment que le succès repose sur la volonté des acteurs et des milieux à accepter la supervision à distance comme une nouvelle voie de formation pour l’accompagnement des stagiaires.

Du côté du numérique, les difficultés techniques comme une connexion inefficace au réseau Internet ou une défaillance des appareils constituent des irritants pouvant faire obstacle au bon déroulement de la supervision à distance (Chipchase et al., 2014; Mohd Nawi et al., 2013; Rock et al., 2012). Même s’il semble que la supervision soit moins intrusive dans un contexte d’observation à distance, il n’en demeure pas moins que des participants peuvent être distraits par l’usage de l’ordinateur ou de la caméra dans le milieu de pratique (Carlin et al., 2012; Dymond et al., 2008; Hamel, 2012; Rousmaniere et Frederickson, 2013).

4.4.3 Les similitudes

Comme nous venons de le présenter, des recherches discutent des avantages et des limites de la supervision de stage à distance. Cependant, il faut aussi considérer que cet accompagnement à distance peut ne générer aucune modification notable sur certains aspects et démontrer une efficacité et une qualité équivalente à celle de la supervision en présentiel (Conn et al., 2009; Gronn et al., 2013; Hamel, 2012; Hartshorne et al., 2011; Kopcha et Alger, 2011; Yozwiak et al., 2010). Hamel (2012) affirme qu’il est possible de superviser à distance par une adaptation de l’utilisation des outils numériques permettant ainsi des interactions verbales et écrites d’une grande qualité et générant des conditions presque semblables à celles du présentiel. Chipchase et al. (2014) concluent que la supervision à distance fonctionne très bien en milieu clinique et qu’elle n’a aucun effet nuisible sur l’apprentissage des étudiants (mais sans entrer dans le détail des apprentissages en question).

S’attardant sur l’évaluation des stagiaires dans le cadre d’une étude comparative, Dymond et al. (2008) affirment que la supervision à distance permet de produire des évaluations similaires à celles effectuées en présentiel et que les superviseurs sur place et à distance observent les mêmes comportements de la part des stagiaires. Toujours dans le cadre d’une étude comparant des groupes supervisés à distance et en présence, Kopcha et Alger (2011) constatent que les résultats obtenus par les groupes de stagiaires ne présentent pas de différence significative. Cependant, pour assurer le succès de la supervision à distance, dont l’observation est un élément clé (Hartshorne et al., 2011), le son et l’image des enregistrements ou des observations synchrones doivent être de grande qualité (Cameron et al., 2015; Schmidt, MacSuga-Gage, Gage, Cox et McLeskey, 2015).

4.5 Les effets de la supervision à distance sur les apprentissages

La supervision à distance peut agir positivement sur les apprentissages des stagiaires. En ce sens, des chercheurs la considèrent comme un moyen de formation. Les recherches récentes menées par Cameron et al. (2015) et Wearne et al. (2015) soulignent que la supervision à distance durant la formation des médecins résidents agit sur l’apprentissage des étudiants. En effet, pour Cameron et al. (2015), la découverte la plus notable de leur recherche est la notion de dépassement des limites professionnelles (professionnal edge) que peut générer un stage supervisé à distance, thème qui ne se retrouve pas dans les autres études de la recension. Toutefois, Wearne et al. (2015) précisent que l’apprentissage vient davantage du contexte de pratique en milieu éloigné que de la supervision à distance.

Le thème de l’apprentissage dans le contexte de la supervision à distance apparaît dans d’autres articles. Kopcha et Alger (2011), Chipchase et al. (2014) et Hartshorne et al. (2011) observent que la supervision à distance de stage peut agir positivement sur les apprentissages. Le partage d’expériences et de techniques sur les forums de discussion permet aux stagiaires de lire à propos de ce que leurs pairs éprouvent et de la manière dont ils résolvent les problèmes rencontrés et favorise l’utilisation d’un langage académique (Kopcha et Alger, 2011). Selon ces auteurs, une telle utilisation du numérique peut alors améliorer la performance et les attitudes des stagiaires. Quant à la supervision à distance en synchrone faite à l’aide d’un dispositif d’oreillette, elle amène l’étudiant à travailler sur son savoir d’action (Rousmaniere et al., 2014) et à augmenter le nombre de mises en oeuvre de pratiques efficaces (Rock et al., 2009).

4.6 Les enjeux de la supervision à distance

Les articles de la recension abordent tous des enjeux pouvant compromettre l’efficacité de la supervision de stage à distance. Par enjeux, nous entendons les défis que rencontrent les universités qui utilisent ou développent la supervision à distance. À la lumière des résultats obtenus, nous identifions quatre sous-catégories d’enjeux: organisationnels, numériques, éthiques et de formation. Ces sous-catégories font écho aux quatre types de considération à l’égard de la supervision de stage à distance identifiés par Petit (2015).

4.6.1 Les enjeux organisationnels

Pour Alger et Kopcha (2009), la supervision à distance est un système complexe dépassant le simple ajout d’outils numériques à une pratique déjà connue. Elle exige donc des moyens d’organisation et de soutien suffisants de la part des universités qui font le choix de cette modalité de supervision de stage (Mabunda, 2013).

Le démarrage du stage supervisé à distance et l’établissement d’une bonne collaboration reposant sur l’utilisation du numérique sont des enjeux que nous associons à l’organisation de la supervision à distance. Vazquez et Sevillano (2013) considèrent la collaboration comme une composante critique de l’efficacité de la supervision à distance. Ainsi, afin de favoriser le bon déroulement du stage supervisé à distance et l’établissement d’une approche collaborative (Rousmaniere et al., 2014), le programme doit jumeler des superviseurs et des étudiants volontaires, autonomes et ouverts à ce mode de supervision (Cameron et al., 2015; Deane et al., 2015; Wearne et al., 2013). La planification des rencontres et leur fréquence (Cameron et al., 2015; Chipchase et al., 2014; Wearne et al., 2013), la mise à jour des activités sur le site Internet (Mohd Nawi et al., 2013) et l’établissement d’objectifs de formation et d’attentes spécifiques de part et d’autre (Cicco, 2014; Rousmaniere et al., 2014; Wearne et al., 2013) sont autant d’aspects liés à l’organisation qui agissent sur l’efficacité de la supervision de stage, qu’elle soit à distance ou non. En outre, une rencontre en présentiel au début du stage ressort comme un moyen stratégique pour l’établissement d’un lien entre les acteurs du stage (Cameron et al., 2015; Conn et al., 2009; Wearne et al., 2013).

4.6.2 Les enjeux numériques

Les enjeux numériques se répartissent selon différentes difficultés vécues ou observées durant la supervision à distance dans différents domaines. Bien que de très nombreux articles relèvent des enjeux numériques, nos résultats indiquent qu’ils portent généralement sur des défaillances techniques plutôt similaires les unes aux autres, occasionnant une expérience négative pour les participants (Carlisle et al., 2013; Chipchase et al., 2014; Conn et al., 2009).

L’insuffisance de la bande passante et l’inefficacité de la connexion Internet dans les établissements où se déroule le stage constituent un des enjeux les plus souvent mentionnés dont les nombreuses conséquences compromettent la qualité de la supervision à distance, peu importe la discipline (Chipchase et al., 2014; Dymond et al., 2008; Mohd Nawi et al., 2013; Naffziger et Fawson, 2013; Orr, 2010; Rousmaniere et al., 2014; Teo et al., 2015). Sur le plan affectif, des coupures de connexion peuvent réduire la continuité des apprentissages et causer de la frustration, de l’anxiété (Chipchase et al., 2014), de l’inquiétude (Dymond et al., 2008) ou un manque de naturel dans les communications (Deane et al., 2015).

La qualité de la vidéo et du son lors de la supervision à distance synchrone agit également sur l’expérience vécue par les participants (Cameron et al., 2015; Hartshorne et al., 2011). Hamel (2012) insiste sur l’importance de la fluidité de l’image permettant aux participants de se voir lors des séminaires tandis que Heafner et al. (2012) et Deane et al. (2015) mentionnent son influence sur la détection des expressions faciales et du langage non verbal durant les communications avec le superviseur. La qualité de la vidéo est aussi dépendante de la position de la caméra qui influence la vision du superviseur (Chipchase et al., 2014; Dymond et al., 2008) au point où Gronn et al. (2013) recommandent l’utilisation de caméras contrôlées à distance. Comme la vidéo, le son est tributaire de l’efficacité de la connexion Internet, mais VanSlyke-Briggs et al. (2015) notent également l’importance d’avoir un micro près de la personne stagiaire pour faciliter la capture du son de sa voix et diminuer l’interférence des bruits ambiants (Chipchase et al., 2014), particulièrement si le stagiaire est en mouvement (Schmidt et al., 2015).

Finalement, des articles s’intéressent tout spécialement au choix des appareils ou du dispositif de téléconférence en considérant leurs fonctions (Gronn et al., 2013), leur coût (Berkey et Conklin, 2016; Dymond et al., 2008; Gronn et al., 2013; Heafner et Petty, 2010; Wearne et al., 2013), leur stabilité (Berkey et Conklin, 2016), leurs performances (Teo et al., 2015) et les possibilités de modification des composantes (Schmidt et al., 2015).

4.6.3 Les enjeux éthiques

Des considérations éthiques sont soulevées dans les articles, particulièrement dans le domaine de la santé et du travail social (Carlisle et al., 2013; Cicco, 2014; Conn et al., 2009; Deane et al., 2015; Orr, 2010; Rousmaniere et al., 2014; Wearne et al., 2013). Selon Carlisle et al. (2013), il n’y a pas de standards éthiques balisant spécifiquement les applications numériques reliées à la supervision à distance dans le domaine des professions d’aide. Il est d’ailleurs souhaitable que la recherche s’intéresse davantage à cet enjeu de taille en supervision de stage à distance (Naffziger et Fawson, 2013; Orr, 2010).

Plus spécifiquement, les enjeux éthiques quant à l’accompagnement en ligne concernent surtout la confidentialité des informations et la sécurité des données (Carlisle et al., 2013; Cicco, 2014; Conn et al., 2009; Deane et al., 2015; Orr, 2010; Rousmaniere et al., 2014; Wearne et al., 2013). En éducation, les articles soulèvent des préoccupations pour la protection de l’identité des élèves mineurs et de la présence de caméra dans les classes (Hartshorne et al., 2011; Heafner et al., 2012; Naffziger et Fawson, 2013). En outre, avant que le superviseur ait accès à des données vidéo lors de supervisions en synchrone ou en asynchrone ou que le stagiaire puisse enregistrer sa pratique sur vidéo, le consentement des participants est requis (Deane et al., 2015; Naffziger et Fawson, 2013; Rousmaniere et al., 2014). L’échange ou le partage des données numériques, le contrôle de l’identité des utilisateurs ainsi que le cryptage des communications sont identifiés comme des enjeux éthiques importants (Carlisle et al., 2013; Deane et al., 2015; Naffziger et Fawson, 2013; Orr, 2010; Wearne et al., 2013). Alors que des lois régissent les normes de transmission des informations, la consultation et la conservation des dossiers de patients et le respect de la vie privée, il y a lieu de se questionner sur la manière dont la supervision à distance permet de respecter les protocoles de sécurité et de confidentialité associés à certaines professions (Carlisle et al., 2013; Cicco, 2014; Conn et al., 2009; Deane et al., 2015; Orr, 2010; Rousmaniere et al., 2014; Wearne et al., 2013).

4.6.4 Les enjeux de formation

La difficulté de former les superviseurs et les accompagnateurs en milieu de pratique peut mener à une expérience négative qui ne se limite pas aux lacunes liées à une méconnaissance du numérique (Conn et al., 2009). Former les superviseurs permet le développement d’une conscience préalable des exigences de l’utilisation du numérique (Gronn et al., 2013), une meilleure compréhension de leur rôle (Hamel, 2012) et des changements qui s’imposent avec la «supervision virtuelle» (Vazquez et Sevillano, 2013). Zournazis et Marlow (2015), Schwartz-Bechet (2014) et Hamel (2012) soulignent l’importance de former les accompagnateurs du milieu de pratique, mais également les défis que cela pose pour rejoindre ces participants qui sont, à l’instar des stagiaires, éloignés des centres ou des réseaux de développement professionnel. Toutefois, il est tout à fait envisageable de former ces partenaires à distance (Dedman et Palmer, 2011; Vazquez et Sevillano, 2013), en leur proposant des formations en ligne, autoportantes ou non.

5. Discussion et conclusion

L’objectif de cette recension des écrits concernant la supervision de stages à distance dans différents domaines de formation postsecondaire était d’identifier les thèmes abordés dans la littérature récente. Nous nous sommes appuyés sur des catégories développées par Wearne et al. (2015) pour classer les thèmes présents dans les résultats de 43 articles préalablement sélectionnés. Cela a permis de préciser de nouvelles catégories et de faire émerger des sous-catégories.

La majorité des articles procèdent à une forme de comparaison entre la supervision présentielle et à distance. On cherche encore à démontrer l’efficacité de l’usage du numérique pour superviser et à prouver que les stagiaires vivent une expérience meilleure ou à tout le moins équivalente à ceux supervisés selon un mode en présentiel (Carlin et al., 2012).

Il apparaît en outre que les institutions justifient le recours à la supervision à distance à l’aide du numérique par les mêmes arguments de base, c’est-à-dire la non-disponibilité d’un superviseur pour encadrer le stage d’un étudiant en région éloignée, le manque de temps et la nécessité d’économies financières (Cameron et al., 2015; Carlisle et al., 2013; Franks et Oliver, 2012; Hartshorne et al., 2011; Heafner et al., 2012; Wearne et al., 2015). Une fois que le besoin d’assurer une qualité d’encadrement pour un stagiaire éloigné de son institution est comblé, d’autres avantages associés à la supervision à distance se révèlent ou intéressent les chercheurs (Cameron et al., 2015; Wearne et al., 2015).

On remarque que le thème des effets de la supervision à distance sur les apprentissages est une catégorie qui s’impose. Les préoccupations de certains chercheurs tendent à s’éloigner des moyens utilisés pour se concentrer sur les processus d’apprentissage en formation pratique supervisée à distance. À ce titre, Wearne et al. (2015) et Cameron et al. (2015) affirment que la supervision à distance dans le domaine de la médecine amène les stagiaires à développer leurs compétences d’une manière plus complète qu’ils le font en présentiel. Il est pertinent d’approfondir davantage ce thème de recherche dans d’autres domaines de formation, dont en éducation, question d’envisager de nouvelles possibilités pour la formation pratique plutôt que de considérer la supervision à distance comme un mal nécessaire (Gronn et al., 2013).

Lorsque les articles abordent l’expérience vécue par les différents membres de la triade, deux phénomènes attirent notre attention. D’abord, les recherches s’intéressent davantage à ce que pensent les stagiaires plutôt qu’à l’expérience des deux formateurs. En comparaison, un nombre important de recherches (19) rapportent l’expérience vécue par les stagiaires supervisés à distance (Alexander et al., 2012; Alger et Kopcha, 2011; Cameron et al., 2015; Carlin et al., 2012; Chapman et al., 2011; Chipchase et al., 2014; Conn et al., 2009; Franks et Oliver, 2012; Hamel, 2012; Hartshorne et al., 2011; Heafner et Petty, 2010; Kecik et al., 2012; Kopcha et Alger, 2011; Mohd Nawi et al., 2013; Petty et Heafner, 2009; Rock et al., 2012; Rock et al., 2009; Yeh et al., 2008; Yozwiak et al., 2010) comparativement à six s’intéressant de la même manière aux superviseurs (Alger et Kopcha, 2011; Dedman et Palmer, 2011; Franks et Oliver, 2012; Hamel, 2012; Kecik et al., 2012; Rousmaniere et Frederickson, 2013). Notons qu’une seule recherche s’intéresse spécifiquement à l’expérience des accompagnateurs du milieu (Zournazis et Marlow, 2015).

Lorsqu’il est question des superviseurs ou des accompagnateurs du milieu, les recherches s’inscrivent davantage dans le thème des enjeux de formation pour ces partenaires qui doivent ajuster leurs pratiques aux modalités de la supervision à distance et à l’utilisation du numérique pour superviser (Carlisle et al., 2013; Conn et al., 2009; Hamel, 2012; Schwartz-Bechet, 2014; Vazquez et Sevillano, 2013; Zournazis et Marlow, 2015). Cependant, on s’intéresse à ce qu’ils en pensent (Vazquez et Sevillano, 2013) et bien peu à ce qu’ils font lorsqu’ils supervisent à distance.

En effet, les pratiques des superviseurs nous apparaîssent importantes, d’autant plus que la recherche indique que les outils numériques ont démontré leur efficacité pour la supervision à distance (Teo et al., 2015). Toutefois, la difficulté à établir une relation de supervision significative à distance équivalente à celle vécue en présence est un désavantage identifié par plusieurs auteurs (Alger et Kopcha, 2009; Carlin et al., 2012; Carlisle et al., 2013; Conn et al., 2009; Dedman et Palmer, 2011; Hartshorne et al., 2011; Heafner et al., 2012). L’établissement du lien entre un superviseur et un stagiaire dépend aussi de la capacité des acteurs à utiliser les outils numériques mis à leur disposition et de l’autonomie qu’ils démontrent (Conn et al., 2009; Franks et Oliver, 2012; Hamel, 2012). «It is the responsibility of each course participant to maximize course tools to creatively collaborate so as to build, cultivate, and maintain effective supervisory relationships» (Cicco, 2014, p. 2). Ceci nous amène à nous questionner sur les pratiques des superviseurs lorsqu’ils exercent leurs fonctions à distance, car aucun article du corpus ne s’intéresse à ce thème.

Finalement, la dimension éthique en supervision à distance et la sécurité des données ressortent comme des enjeux importants pour certains domaines. Alors que les protocoles de confidentialité, le consentement des participants et le respect de la vie privée sont des thèmes soulevés à grand renfort d’arguments dans les domaines de la psychologie (Deane et al., 2015; Rousmaniere et al., 2014), de la médecine (Wearne et al., 2013) et du travail social (Carlisle et al., 2013; Orr, 2010), ce sujet est à peine abordé dans les articles portant sur l’éducation, pourtant les plus nombreux de la recension. Néanmoins, cette dimension est bien présente dans ce domaine de formation, car la supervision à distance exige souvent de filmer la pratique de stagiaires en classe (Hartshorne et al., 2011) durant leurs interactions avec des élèves mineurs (Naffziger et Fawson, 2013). Il est souhaitable que des recherches s’intéressent davantage aux enjeux éthiques de la supervision à distance des stages en enseignement de manière à réfléchir à la protection de tous les acteurs, y compris celle des élèves présents dans les classes. Nous voyons là des perspectives de recherche prometteuses permettant d’éclairer d’autres enjeux.