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Introduction

Nous menons depuis quelques années des travaux sur les stratégies de gestion des ressources temporelles, matérielles et humaines (Pintrich, Smith, Garcia et McKeachie, 1993) mises en oeuvre par des étudiants universitaires dans un cours en ligne. À travers ce travail, nous cherchons à dégager des caractéristiques communes qui seraient en lien avec leur réussite universitaire (Mottet et Rouissi, 2013; Rouissi et Mottet, 2014). Nous visons ainsi à bonifier un dispositif permettant de déterminer quels étudiants ont besoin d’une attention plus rapprochée tout en les aidant à prendre conscience de leurs stratégies de gestion et à les améliorer. Nous présentons ici les résultats obtenus auprès d’un sous-ensemble de notre échantillon, soit les étudiants qui en sont à leur premier trimestre universitaire : les « primo-entrants ».

Dans un contexte où les universités accroissent leur offre de cours en ligne pour étendre virtuellement leur territoire et augmenter ainsi leur population étudiante (Julien et Gosselin, 2013) tout en cherchant à contenir les coûts de leur offre de formation (Depover et Orivel, 2012), nous nous interrogeons sur l’impact de ces cours en ligne auprès des jeunes qui arrivent tout juste à l’université. En effet, nous savons déjà que l’entrée dans le monde universitaire pose plusieurs défis quant à l’acculturation scolaire (Coulon, 2005; Lahire, Millet et Pardell, 1997; Langevin, 1996). Dans les circonstances, quelles pourraient être les mesures d’appui à la réussite à mettre en place, en particulier dans un cours en ligne qui compte une centaine voire plusieurs centaines d’étudiants?

De nombreux écrits scientifiques ont montré que la gestion du temps constitue une difficulté pour les apprenants à distance (Audet, 2008; Moore et Kearsley, 2012; Pintrich et al., 1993). Cela est vrai également pour les jeunes universitaires qui suivent des cours en classe (Boulet, Savoie-Zajc et Chevrier, 1996). En conséquence, nous travaillons à définir les stratégies de gestion du temps adoptées par ces jeunes étudiants dans un cours en ligne. Pour cela, nous mesurons les liens entre leurs déclarations sur leur gestion du temps et la note finale obtenue dans le cours. Ce qui retient notre attention est l’idée d’évaluer si des stratégies particulières de gestion du temps conduisent ou non à des niveaux de résultats significativement différents.

Méthodologie

Notre étude a été menée dans une université bimodale sur une période de deux années universitaires auprès de 354 étudiants, dont 144 primo-entrants auxquels nous nous intéressons dans ces pages. Nous avons choisi un cours en ligne, en mode asynchrone et offert au premier trimestre d’un programme universitaire de premier cycle. C’est dire que les étudiants qui suivaient le cours entraient tout juste à l’université et que — comme nous le verrons plus loin — la vaste majorité était en quelque sorte contraints à la réussite pour obtenir leur diplôme. Le cours portait sur la recherche documentaire et sur l’utilisation de logiciels de bureautique pour présenter de l’information.

Nous avons mis en place divers outils afin de mieux connaître les étudiants et pour qu’ils puissent — eux aussi — mieux se connaître, réfléchir à leurs stratégies de gestion des ressources et, idéalement, les améliorer. Ainsi, dès leur entrée dans le site du cours, les étudiants devaient répondre à un questionnaire. Cet outil permettait de dresser leur profil, notamment leur expérience en formation à distance, leur habileté à utiliser l’informatique et Internet et le temps consacré à l’étude du cours (ces éléments sont ceux qui ont été retenus ici à des fins d’analyse). Voici l’énoncé des questions sur ces points qui figurent dans le questionnaire :

  1. Quel est votre degré d’habileté par rapport à l’informatique et Internet? Modalités de réponse : Peu habile / Moyennement habile / Très habile / Expert

  2. Avez-vous déjà suivi de la formation, sur quelque sujet que ce soit, qui se déroulait entièrement ou en majeure partie en ligne ou à distance? Modalités de réponse : Oui / Non

  3. Combien de temps prévoyez-vous consacrer au cours, en moyenne, chaque semaine (lectures, exercices, devoirs, etc.)? Modalités de réponse : 1-2 heures / 3-4 heures / 5-6 heures / 7 heures et plus

Les participants au cours devaient aussi réaliser une autoévaluation de leurs facteurs de réussite[1] inspirée de (Pintrich et al., 1993). Nous avons décidé pour cette étude de concentrer notre attention sur les données relatives à la gestion du temps, sachant que le questionnaire utilisé comporte 33 questions réparties en 11 thèmes (gestion du temps, procrastination, concentration, prise de notes, mémorisation, lecture, passation des examens et anxiété, travaux écrits, motivation, perfectionnisme, orientation). Sur la base des questions qui leur étaient posées au tout début du cours, voici celles que nous avons retenues et analysées pour la gestion du temps (elles ont toutes pour modalités de réponse Vrai ou Faux) :

  1. La plupart du temps, je planifie mes activités.

  2. Habituellement, je sais quelles sont les tâches scolaires à faire en priorité.

  3. Je connais les moments où je suis le plus efficace selon le type de tâches à faire.

  4. Je remets peu au lendemain l’exécution de mes tâches scolaires.

  5. La réalisation de mes tâches scolaires est souvent à la dernière minute.

  6. La plupart du temps, je remets mes travaux dans les délais prescrits.

Nous avons de plus offert aux étudiants une série de conseils d’étude : Quoi étudier? Comment étudier? À quel rythme étudier? Comment se préparer à l’examen? Ces recommandations avaient pour but de les encourager à prendre le temps de bien s’approprier le contenu du cours, à prendre des notes, à demander de l’aide de même qu’à étudier régulièrement, à respecter le calendrier du cours (très détaillé, avec des activités à faire chaque semaine), à consacrer autant de temps au cours en ligne qu’à un cours en classe, à faire de courtes séances d’étude et à choisir un environnement de travail favorable. Ces conseils sous la forme de documents ou de pages à lire à l’intérieur du cours étaient essentiellement concentrés en début de formation à la suite des questionnaires évoqués ci-avant, eux aussi proposés en début de cours.

Par la suite, à la fin de chacun des quatre modules du cours (environ un module par mois), nous avons proposé aux étudiants une activité métacognitive (Romainville, 1993) visant à favoriser l’autorégulation (Kitsantas, Winsler et Huie, 2008). Appelée « moment de réflexion », cette activité les amenait à faire le point, en répondant à des questions à choix multiples sur les thèmes suivants : apprentissages faits et encore à faire ou à améliorer, méthodes d’étude et rythme d’étude (régularité, respect du calendrier du cours, durée des séances, conditions d’étude). Enfin, ils devaient répondre à une question ouverte sur les améliorations à apporter à leurs méthodes d’étude pour le prochain module du cours. Parmi les questions posées, voici celles que nous avons retenues pour notre analyse :

  1. J’ai étudié régulièrement chaque semaine. Modalités de réponse : Jamais / Parfois / Souvent / Toujours

  2. J’ai respecté le calendrier hebdomadaire du cours. Modalités de réponse : Jamais / Parfois / Souvent / Toujours

  3. Pour la prochaine partie du cours, je vise à améliorer mes méthodes d’étude comme suit. (Question ouverte)

Les données quantitatives présentées ci-après, soit les réponses aux questions fermées, ont été traitées à l’aide du logiciel Le Sphinx. Les variables ont d’abord fait l’objet d’une analyse à plat et d’une analyse croisée entre les variables, avec application systématique du test du chi-2, qui mesure les liens existants (ou non) entre les variables. Le test du chi-2, appelé parfois test d’indépendance, permet de déterminer s’il existe une dépendance significative voire très significative ou aucune dépendance entre deux variables. L’analyse des données qualitatives recueillies, en réponse à la question ouverte, a été réalisée à l’aide d’une grille de codage ouverte, d’où neuf thèmes ont émergé. Il nous semblait surtout utile de vérifier la participation à cette question ouverte de nature à développer chez les étudiants une attitude réflexive sur leur propre engagement dans le cours. Notre choix d’analyse de contenu est simplifié volontairement en visant à cerner principalement et prioritairement la présence du thème « gestion du temps » dont nous traitons dans ce travail.

Résultats et discussion

Nous étudierons dans cette partie les résultats obtenus qui nous informent tout d’abord sur le profil des étudiants sur la base de leurs déclarations au début du cours, puis sur l’analyse des moments de réflexion qui interviennent à la fin de chaque module (soit environ toutes les quatre semaines) et le rapprochement que nous pouvons faire entre ces différentes variables au regard des résultats obtenus par les étudiants à la fin du cours.

Voyons d’abord les caractéristiques des étudiants ayant participé à l’étude. Rappelons qu’ils en étaient tous à leur premier trimestre universitaire.

Caractéristiques générales des étudiants

Sur les 144 étudiants, 59,7 % sont des hommes et 40,3 % des femmes. Pour 76,4 % d’entre eux, le cours est obligatoire alors qu’il est facultatif (11,1 %) ou hors programme (12,5 %) pour une minorité.

Profil et autoévaluation des habiletés de gestion du temps

Une large majorité (77,8 %) n’a jamais suivi de cours en ligne ni de cours à distance. Quant à l’autoévaluation de leur maîtrise de l’informatique et d’Internet — sujets étroitement liés au cours —, 61,1 % se considèrent peu habiles ou moyennement habiles.

La plupart ne prévoient de consacrer au cours qu’un total de 1 à 2 heures (14,6 %) ou de 3 à 4 heures par semaine (63,2 %), ce qui n’équivaut même pas — ou à peine — à la présence en classe (normalement de 3 heures par semaine). Ceci exclut donc, dans la représentation que se font les étudiants primo-entrants, toute période de temps supplémentaire à consacrer à l’étude personnelle et à la réalisation des travaux. Comme les étudiants n’ont pas encore lu le plan du cours au moment de répondre à ce questionnaire, cela nous donne une indication quant à leurs représentations sur le degré de « facilité » d’un cours en ligne et du temps à y consacrer. En effet, ils imaginent à priori que ce cours en ligne ne nécessite même pas le temps normal de 3 heures en présence, temps qu’ils auraient à consacrer à minima dans tout autre cours non dispensé en ligne.

Qu’en est-il de l’autoévaluation des étudiants quant à leur capacité à bien gérer leur temps, au début du cours? Alors que 56,9 % d’entre eux déclarent avoir fortement tendance à remettre au lendemain l’exécution de leurs tâches scolaires, 54,2 % disent réaliser souvent ces tâches à la dernière minute. Comme nous pouvons le voir, les étudiants ont plutôt tendance à considérer qu’ils gèrent bien leur temps. Notre analyse sera affinée plus loin sur les deux questions qui concernent la procrastination (« Je remets peu au lendemain l’exécution de mes tâches scolaires » et « La réalisation de mes tâches scolaires est souvent à la dernière minute ») que nous croiserons avec le résultat obtenu dans le cours.

Tableau 1

Déclarations relatives à la gestion du temps

Déclarations relatives à la gestion du temps

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Moments de réflexion – Questions fermées

Qu’en est-il une fois le cours commencé? Répondre aux questions posées dans les « moments de réflexion », placés après chacun des quatre modules, amène les étudiants à faire le point sur leurs pratiques d’étude des trois ou quatre dernières semaines. Ces questions portent sur les mêmes thèmes que le questionnaire d’autoévaluation du début du trimestre.

D’un module à l’autre du cours, nous n’avons pas trouvé de progression significative dans les réponses des étudiants. Évidemment, il est fort possible que ces moments de réflexion aient été insuffisants pour les amener à modifier, un tant soit peu, leurs pratiques, de surcroît sur une courte période de 15 semaines.

En l’absence de progression significative, nous avons donc regroupé dans le tableau ci-dessous les réponses données aux quatre moments de réflexion qui ponctuent le cours. Nous les avons aussi réunies dans deux catégories, soit Souvent / Toujours et Parfois / Jamais, pour mieux comparer ces données à celles qui ont été collectées au début du cours à l’aide de questions « Vrai / Faux ».

Tableau 2

Pratiques déclarées en matière de gestion du temps tout au long du cours — Questions fermées

Pratiques déclarées en matière de gestion du temps tout au long du cours — Questions fermées

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La gestion de leur temps d’étude semble poser problème à nombre d’étudiants. Ainsi, un peu moins des deux-tiers (respectivement 56,3 % et 61,8 %) déclarent étudier régulièrement chaque semaine et respecter le calendrier hebdomadaire du cours. Ces résultats en cours de route nous semblent globalement congruents avec les représentations recueillies au début du trimestre.

Toutefois, en posant ces questions fermées aux étudiants, nous les avons amenés à réfléchir réellement sur leurs méthodes d’étude. Cela apparaît plus nettement dans leurs réponses à la question ouverte.

Moments de réflexion — Question ouverte

En effet, à la question « Pour la prochaine partie du cours, je vise à améliorer mes méthodes d’étude comme suit… », les étudiants ont répondu abondamment. Ils ont fait 418 contributions (sur un total possible de 576, soit un taux de participation moyen de 72,6 %) pour un total de 566 unités de sens. Nous avons regroupé les thèmes abordés en deux catégories pour fins de comparaison :

La gestion du temps

  • Gestion de l’effort : consacrer plus de temps, prendre davantage son temps, étudier plus;

  • Rythme d’étude : faire de plus courtes séances de travail, faire des pauses;

  • Régularité et procrastination : respecter le calendrier du cours, étudier plus régulièrement, ne pas procrastiner, ne pas faire les travaux à la dernière minute;

Les six autres thèmes

  • Prise de notes : prendre des notes, plus de notes, de meilleures notes;

  • Concentration, motivation : se concentrer davantage, choisir un meilleur endroit pour étudier, s’appliquer;

  • Mise en pratique : faire les exercices;

  • Méthode d’étude : faire une lecture plus attentive, relire les aide-mémoires;

  • Demande d’aide : recourir à l’enseignant ou aux pairs;

  • Divers : problèmes externes au cours, etc.

Le tableau ci-dessous montre que près de la moitié des déclarations des étudiants concernent la gestion du temps.

Tableau 3

Pratiques déclarées en matière de gestion du temps tout au long du cours — Question ouverte

Pratiques déclarées en matière de gestion du temps tout au long du cours — Question ouverte

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Le pourcentage de déclarations associées à la gestion du temps décroit au fur et à mesure que les étudiants avancent dans les modules, mais il reste tout de même important pendant tout le trimestre. Nous observons ainsi que les taux de réponse sont de 88,9 % (moment 1) puis de 78,5 % (moment 2), 63,9 % (moment 3) et 59,7 % (moment 4). Nous précisons ici qu’il ne s’agit pas d’une diminution de la participation des étudiants au cours, mais seulement de la décroissance de réponses ouvertes qui étaient facultatives tout au long de ces moments. Nous retenons à ce sujet qu’il serait sans doute pertinent de diminuer le questionnement réflexif des étudiants de manière aussi répétée et régulière dans un cours en ligne.

Comme 77,8 % d’entre eux n’avaient jamais suivi de cours entièrement en ligne, nous croyons que les étudiants ont été déroutés, particulièrement dans le 1er module, par l’absence d’un horaire fixe et d’un lieu fixe pour « recevoir » un enseignement. Ceci explique que la gestion du temps apparaît majoritairement dans le moment de réflexion du 1er module. Rappelons que la grande majorité d’entre eux prévoyaient, au début du trimestre, de consacrer un maximum de 4 heures par semaine au cours. Au 1er module, ils ont découvert la nécessité de s’approprier le matériel pédagogique, de faire les exercices… et d’organiser leur temps pour le faire.

Au total, 112 étudiants sur 144 (77,8 %) évoquent, à un moment ou à un autre du trimestre, la nécessité d’améliorer leur gestion du temps. De plus, ils sont 19 (13,2 %) à avoir systématiquement évoqué, pour chaque module, une question relative à la gestion du temps.

Notons aussi que, dans leurs interventions, les étudiants reprennent parfois les termes ou les propositions contenus dans les conseils d’étude, ce qui nous amène à conclure qu’ils ont non seulement pris le temps de les lire, mais qu’ils en ont retenu au moins certains éléments.

Les contributions des étudiants rendent bien compte de leur difficulté à gérer leur temps dans un cours en ligne asynchrone et leurs tentatives pour trouver des solutions.

Il y a la difficulté à faire une place à ce cours, sans horaire, dans l’ensemble des cours suivis.

  • « Faire les modules à chaque semaine. Pour le premier devoir, j’avais un peu oublié l’existence du cours, alors j’ai fait 3 semaines en 1. »

  • « Suivre le plan du cours. Faire chaque module à la semaine demandée. »

Différentes avenues sont explorées pour trouver la bonne formule, le juste équilibre :

  • « Me fixer des horaires fixes durant lesquels je travails [sic] ce cours. »

  • « Faire de plus courte [sic] session [sic] d’étude à quelques reprises durant la semaine. »

  • « Faire moins de petites séances, car je perds du temps à me mettre dans le bain à chaque séance. »

  • « Ne pas trop espacer mes séances d’étude et d’apprentissage pour ne pas toujours être obliger [sic] de revenir au module précédent parce que je ne me rappele [sic] pu [sic] de rien du tout. »

Cependant, certains semblent progresser dans la gestion de leurs études en ligne : « J’ai amélioré mes méthodes d’étude depuis le dernier chapitre. J’ai fais [sic] des séances d’étude plus courtes et j’ai pris davantage de notes. Je souhaite poursuivre cette méthode de travail. »

Résultat au cours et liens avec la gestion du temps

Les résultats au cours de l’ensemble des 144 étudiants se répartissent comme suit : 62,5 % obtiennent un résultat très bon ou bon, 31,9 % un résultat moyen ou faible, et 5,6 % sont en échec. Ces résultats sont issus des notes attribuées aux étudiants par l’enseignant responsable du cours. Afin de pouvoir établir des croisements de variables et pour des raisons de lisibilité, nous avons fait le choix de regrouper les notes dans ces trois catégories. En effet, les notes dans le système d’évaluation vont des notes A+ à D complétées par E, I et X qui correspondent à échec, dossier incomplet et abandon de l’étudiant. Pour les bons résultats, ceux-ci comprennent les notes A+, A, A-, B+ et B; alors que les autres notes sont considérées comme moyennes voire faibles : B-, C+, C, C-, D+ et D).

Qu’obtenons-nous en croisant les déclarations des étudiants, au début du cours, avec cette note finale?

Il y a une dépendance très significative entre la tendance à remettre peu au lendemain l’exécution des tâches scolaires et la note obtenue (chi-2 = 15,66, ddl = 2, 1-p = 99,96 %; les données en caractères gras et soulignés sont celles pour lesquelles l’effectif réel est nettement supérieur à l’effectif théorique et les données en caractères italiques et entre parenthèses, celles pour lesquelles il est nettement inférieur.). Ainsi, 76,1 % des notes moyennes ou faibles sont liées à la déclaration des étudiants qui reconnaissent remettre au lendemain leur travail. Comme nous pouvons le lire au tableau 4, si globalement 43,1 % des étudiants primo-entrants déclarent remettre peu au lendemain, ceux qui échoueront au cours ne sont que 12,5 % à faire de même et 23,9 % pour une note moyenne ou faible.

Tableau 4

Je remets peu au lendemain l’exécution de mes tâches scolaires — Croisement avec la note

Je remets peu au lendemain l’exécution de mes tâches scolaires — Croisement avec la note

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Il y a également une dépendance très significative entre la tendance à réaliser les tâches scolaires à la dernière minute et la note obtenue (chi-2 = 11,37, ddl = 2, 1-p = 99,66 %). Ainsi, 71,7 % des notes moyennes ou faibles sont liées au fait de déclarer faire un travail à la dernière minute.

Tableau 5

La réalisation de mes tâches scolaires est souvent à la dernière minute — Croisement avec la note

La réalisation de mes tâches scolaires est souvent à la dernière minute — Croisement avec la note

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Qu’en est-il des déclarations faites après le 1er module, soit après trois semaines de cours, au sujet du respect du calendrier hebdomadaire et de l’étude régulière, chaque semaine? Quoiqu’il y ait encore une fois une dépendance entre les déclarations et la note obtenue, celle-ci est moins significative (respect du calendrier hebdomadaire : chi-2 = 7,59, ddl = 2, 1-p = 97,75 %; étude régulière, chaque semaine : chi-2 = 8,12, ddl = 2, 1-p = 98,27 %).

Tableau 6

J’ai respecté le calendrier hebdomadaire du cours — Croisement avec la note

J’ai respecté le calendrier hebdomadaire du cours — Croisement avec la note

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À la lecture du tableau 6, il apparaît clairement que la réussite des étudiants (très bon ou bon) est en lien direct avec le fait de déclarer avoir respecté le calendrier du cours. Pour plus de deux étudiants sur trois (67,0 %) ayant eu une bonne note, cela est le cas. Dans le même ordre d’idées, en ce qui concerne les notes moyennes ou faibles, pour une majorité d’entre elles, soit 56,8 % — ce pourcentage est d’après le test du chi-2 supérieur à ce qui serait attendu si les deux variables croisées étaient indépendantes —, cela se vérifie.

Tableau 7

J’ai étudié régulièrement chaque semaine — Croisement avec la note

J’ai étudié régulièrement chaque semaine — Croisement avec la note

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Comme nous l’avons souligné pour le tableau 6, cette situation se confirme également pour le lien entre la note finale au cours et les déclarations à propos de l’étude régulière à chaque semaine.

De façon générale, ces différents résultats confirment les liens étroits entre gestion du temps et réussite dans le cours.

Une déclaration de mauvaise gestion du temps faite dès le début du cours s’avère être confirmée par le résultat obtenu en fin de cours. Nous l’avons vu (tableau 4) pour 87,5 % des étudiants en échec et 76,1 % pour les résultats moyens ou faibles, contre « seulement » 44,4 % des bons ou très bons. Ce qu’il nous semble intéressant de retenir de ces analyses est de pouvoir continuer à travailler en vue d’établir assez tôt dans un cours en ligne quels étudiants sont susceptibles de requérir plus d’aide. Nos résultats démontrent que puisque la collecte des déclarations se fait en première semaine (auto-évaluation, déclarations sur le profil, etc.), nous disposons possiblement, avec une marge d’erreur évidemment, d’une liste d’étudiants qui statistiquement méritent une attention plus particulière dans le cadre de l’accompagnement et du suivi à assurer. Ces observations sont certes basées sur des déclarations, même si nous avons croisé nos résultats avec la note obtenue en fin de cours à posteriori. Il conviendrait de les compléter par des mesures objectives telles que les traces de connexion et de présence dans le cours en ligne, travail qui reste encore à accomplir. Mais ces résultats sont déjà de nature à influer sur nos pratiques de construction de cours en ligne et du suivi de nos étudiants.

Conclusion et perspectives

Que ressort-il de cette étude? Nos résultats sont congruents avec ceux d’autres recherches, notamment celles citées plus haut, qui établissent un lien significatif entre l’habileté à bien gérer son temps et la réussite. Cela nous conforte donc dans l’idée de conserver telles quelles les questions que nous avons soumises aux étudiants dès leur entrée dans le cours. En effet, elles nous permettent d’atteindre notre objectif de détermination des étudiants susceptibles d’avoir besoin d’une attention plus soutenue de manière à ce que l’enseignant puisse lui-même… bien gérer son temps en se consacrant davantage à ces étudiants.

Sur le plan pédagogique, les moments de réflexion se révèlent un bon outil pour inciter les étudiants à faire le point sur leurs études et à travailler à l’amélioration de leurs stratégies de gestion du temps. Les réponses à la question ouverte montrent leur difficulté à s’ajuster à l’apprentissage en ligne, en mode asynchrone, et nous amènent à apporter des précisions dans nos conseils d’étude pour mieux les accompagner dans l’apprentissage de leur « métier d’étudiant en ligne » pour bâtir sur la célèbre expression de Coulon (2005, p. 11).

Toutefois, comme les étudiants ont été de moins en moins nombreux, au fil des modules, à répondre aux moments de réflexion, nous conserverons seulement le premier et appellerons les étudiants à faire plutôt un bilan de leurs stratégies d’étude à la fin du cours, notamment en lien avec leur réussite dans les modules où leurs travaux auront été évalués (il reste alors l’examen final à faire). De plus, étant donné qu’il est bien difficile de changer radicalement ses stratégies de gestion du temps en 15 semaines, nous mettrons de l’avant la nécessité pour les enseignants de travailler en concertation, dans une approche-programme, et ce, dans une perspective à moyen ou long terme

Enfin, nous comptons tester ce matériel d’enseignement et de recherche dans d’autres cours et auprès d’autres profils d’étudiants, notamment les étudiants internationaux, qui sont de plus en plus courtisés par les universités, mais qui doivent relever de nombreux défis dans les cours en ligne (Kember, 2007). Ces travaux pourront aussi être menés en collaboration avec d’autres établissements situés dans des pays en développement qui sont fortement et de plus en plus concernés par des situations de massification.