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Ce numéro hors série de la revue Nouveaux cahiers de la recherche en éducation (NCRÉ) marque le 25e anniversaire de sa création. Ce numéro est constitué de six articles publiés au fil des ans par la revue[1]. Le choix de ceux-ci repose sur notre volonté tout à la fois d’illustrer le caractère généraliste de la revue et les rapports entre recherche, pratique et formation dont sont porteuses les recherches en éducation. Avant de vous présenter sommairement les articles, il semble pertinent de retracer un peu l’histoire de la revue et d’esquisser certaines de ses orientations pour les années à venir.

Un petit bout d’histoire

La revue NCRÉ est une revue scientifique francophone couvrant le champ de l’éducation. Fondée en 1994, sous l’impulsion du professeur Yves Lenoir alors vice doyen à la recherche à la faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke, elle avait pour vocation première de servir de vitrine aux travaux originaux de recherche conduits par des professeur.e.s et des étudiant.e.s aux études supérieures susceptibles de contribuer au développement de la recherche en éducation, à la qualité de la formation et à la réflexion des acteurs impliqués dans les métiers de l’éducation et la formation. Une des originalités de la revue résidait dans sa volonté d’offrir un espace de publication aux étudiant.e.s aux études supérieures afin de diffuser les résultats de recherche produits dans le cadre de leurs mémoires ou thèses.

Cette vocation première a été réaffirmée lors du passage à une diffusion en format électronique sur la toile en 2005. Le libre accès à la revue et à son catalogue était alors envisagé en référence également au rôle de la Faculté d’éducation et de la recherche en éducation dans le développement d’une société de la connaissance et le développement professionnel des différentes catégories de personnels en éducation. Ainsi la revue affichait sa volonté de s’ouvrir davantage aux travaux de recherche issus d’autres horizons du monde francophone de la recherche en éducation et d’accroître son accessibilité pour les professionnels de l’éducation. L’arrimage à la plate forme Érudit depuis 2012 s’inscrit dans cette même logique. Ainsi, avec le passage au numérique, le bassin des contributeurs et le lectorat se sont considérablement élargis tout comme le rayonnement de la revue aux plans provincial, national et international.

La revue NCRÉ publie des articles provenant de différents domaines de recherche en éducation (apprentissage et formation, didactique, formation des maîtres, adaptation scolaire et sociale, difficultés d’apprentissage, formation professionnelle, les différentes éducations à (à la citoyenneté, à l’éthique, à la santé, etc.), etc.) ou d’autres disciplines en sciences humaines et sociales qui contribuent au développement de la recherche en éducation (psychologie communautaire, psycho éducation, sociologie, orientation, etc.). Elle publie des numéros non thématiques et des numéros thématiques. La liste de ces numéros illustre bien la volonté de la revue (1) de se situer au carrefour de disciplines et de traditions théoriques diverses et (2) de stimuler le dialogue au-delà de telles frontières. À titre d’exemple, on peut citer le numéro proposé en 1995 par Fernand Serre sur l’action réfléchie. Ce dossier préfigure l’adoption du modèle réflexif dans diverses catégories de formation universitaire, le dossier de François Larose et Jean-Luc Gurtner identifiant, dès 1997, les enjeux soulevés par l’intégration des TIC en éducation. Plus récemment, Cécile Sabatier et Julie Myre-Bisaillon explorent l’importance de la triade école-communautés-familles dans le développement de la littératie en contextes culturels pluriels alors que Danièle Périsset et Frédéric Saussez problématisaient les enjeux de la traduction en éducation.

Des orientations pour l’avenir

La stratégie de développement de la revue vise à offrir un espace de publication électronique en libre accès aux chercheurs en éducation tout en défendant l’excellence scientifique. Elle s’inscrit clairement de cette façon dans les nouvelles orientations relatives au financement public de la recherche au Canada et ailleurs dans le monde. Les orientations de la revue pour le futur s’inscrivent dans la continuité de son mandat initial et de ses évolutions récentes. Il importe néanmoins de les situer au regard de l’évolution globale du domaine de l’édition scientifique et du développement d’une logique marchande se caractérisant notamment par sa concentration aux mains de quelques éditeurs. Celle-ci fait courir le risque d’une homogénéisation des thématiques, des cadres de référence et des méthodes de recherche dans le champ et encourage principalement les publications en langue anglaise. Or, la recherche en éducation présente une forte composante politique, culturelle et linguistique. Face à de tels développements, il est de plus en plus difficile pour des revues francophones de se développer en proposant tout à la fois un contenu dans une autre langue que l’anglais, une diversification de leur lectorat et un ancrage fort dans la réalité socio-épistémologique, culturelle et linguistique de leur propre société. L’enjeu principal pour les NCRÉ dans les prochaines années est de mettre en place des conditions propices à la mise en visibilité de problèmes et de manières de faire de la recherche en éducation propres non seulement aux contextes francophones à différents niveaux (nationaux, provinciaux, régionaux, etc.), mais aussi à d’autres contextes linguistiques dont des chercheurs souhaiteraient faire connaître leurs travaux, par le biais d’une traduction, à un lectorat francophone. Il s’agit de s’affirmer, de cette façon, comme un instrument incontournable d’une diffusion électronique et en libre accès de la recherche scientifique en éducation pour un lectorat francophone. À ce titre, la revue NCRÉ a initié différentes initiatives: publication d’un numéro conjoint avec la Revue suisse des sciences de l’éducation, conclusion d’une entente soulignant son 20e anniversaire avec la revue scientifique chilienne Revista Estudios Pedagógicos.

Pour les prochaines années, la revue souhaite accroître ses partenariats avec des rédacteurs invités issus d’autres universités francophones à partir d’appels à contribution ciblés autour d’objets de recherche porteurs de nouveaux développements scientifiques en mesure également de contribuer à la réflexion de différentes catégories d’acteurs impliqués dans les domaines de l’enseignement, de la formation et de l’orientation, mais aussi dans l’élaboration des politiques ou encore dans la gestion et dans l’adminsitration de l’éducation. De cette façon, il s’agit de multiplier les collaborations éditoriales fructueuses autour de différentes thématiques à l’instar de ce que nous avons tenté de mettre en place dans les dernières années avec des numéros tels que: «Rapport à l’écrit/ure et contextes de formation», «Le développement de la pensée algébrique avant l’introduction du langage algébrique conventionnel», «Les savoirs enseignants en ÉPS: modes d’accès et intégration à la formation», «La litéracie à l’école: regard pluridisciplinaire sur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture de la maternelle à la fin du primaire».

Certes, de telles collaborations rédactionnelles sont sans cesse à réinventer. Néanmoins, elles permettent à la revue de se situer à la fine pointe de la recherche francophone en éducation. À ce titre, le comité de rédaction de la revue souhaite dans les prochains mois nouer des partenariats éditoriaux sur des questions qui concerne l’étude des pratiques de l’écrit ou de la littératie chez les adultes , le renouvellement des approches critiques en éducation, les enjeux politiques, éthiques, théoriques et épistémologiques de la recherche francophone en milieu minoritaire, la fabrication et les effets de la ségrégation scolaire ou encore les diverses fonctions de la controverse dans les dispositif d’intervention-recherche, d’enseignement-apprentissage et de formation. Avis aux amateurs!

Retour vers le passé

Le comité de rédaction a fait le choix de six articles pour confectionner ce numéro hors série.

Le premier texte intitulé «L’explicitation et la reconstruction des arguments pratiques dans l’enseignement» a été publié dans le premier numéro de la revue Cahiers de la recherche en éducation, ancêtre de la revue actuelle. Il s’agit d’une traduction française d’un texte publié initialement en anglais. Cette traduction a contribué a diffuser auprès d’un lectorat francophone une réflexion de nature philosophique concernant la capacité de la future enseignante ou de l’enseignante à réfléchir sur ses actes professionnels en proposant une méthode pour mettre en visibilité des convictions profondes constituant les prémisses du raisonnement pratique en mesure de fonder la pratique d’enseignement. Au Québec, le concept d’argument pratique a alors été repris dans différents travaux de recherche relatifs au développement de la réflexivité en formation à l’enseignement.

Le second texte intitulé «Pratique, formation et recherche: l’espoir d’un dialogue» possède une valeur symbolique pour l’ensemble des professeur.e.s et étudiant.e.s au doctorat de l’Université de Sherbrooke. En effet, il témoigne de la contribution d’Yves Saint Arnaud au développement du concept qui structure le programme de doctorat en éducation de l’Université de Sherbrooke: les rapports organiques entre recherche, formation et pratique caractéristiques de nombreux travaux en éducation. Ce texte constituait d’ailleurs une référence d’un cours de fondements de l’éducation obligatoire dans le cadre de la formation doctorale à savoir, le cours EDU-900-Interrelations recherche, pratique et formation. Malheureusement, ce cours a été victime des compressions budgétaires engendrées par l’austérité libérale au Québec et probablement par la myopie des gestionnaires quant à l’importance des fondements de l’éducation dans la construction d’une posture intellectuelle en recherche.

Le troisième texte intitulé «L’intervention dans les groupes de développement de l’employabilité: entre ce qu’on en dit et ce qui s’y fait» souligne l’importance de la contribution du domaine de l’orientation aux sciences de l’éducation au Québec. Il relate une recherche dont les orientations fermement adossées à la psychodynamique du travail et à une posture clinique demeurent encore structurante pour ce domaine d’étude au Québec et notamment au sein du Centre de recherche et d’intervention sur l’éducation et la vie au travail (CRIEVAT) de l’Université Laval. Son choix est aussi un clin d’oeil aux collègues d’orientation pour les encourager à investir davantage la revue pour diffuser leurs travaux de recherche et pour les rendre également facilement accessibles auprès des membres de la profession.

Le quatrième texte intitulé «La part du lecteur de textes littéraires dans la classe de français» témoigne de l’engagement de la revue à publier des textes produits par les étudiant.e.s dans le cadre de leur parcours de formation à la recherche. Ce texte propose une analyse critique de la notion de sujet lecteur afin d’éclairer le rapport interprétatif et singulier qui s’établit entre le lecteur et le texte littéraire.

Le cinquième texte intitulé «Facteurs personnels, scolaires et familiaux différenciant les garçons en problèmes de comportement du secondaire qui ont décroché ou non de l’école» témoigne de travaux de recherche en psycho éducation qui ont une portée considérable en ce qui à trait à l’intervention auprès de jeunes à risque de décrocher de l’école secondaire. Ces travaux ont conduit au développement d’un partenariat, inédit à l’époque, entre la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke et la Commission scolaire de la région de Sherbrooke (CSRS) se concrétisant dans la mise sur pied d’une chaire de recherche sur l’intégration, l’engagement et la réussite des élèves.

Enfin, le sixième texte intitulé «L’enseignement en contexte d’inclusion: proposition d’un modèle d’analyse des pratiques d’adaptation» propose un modèle d’analyse des pratiques d’adaptation de l’enseignement à l’inclusion d’élèves en difficulté d’apprentissage. Compte tenu des débats actuels sur cette question dans la littérature scientifique et dans la presse quotidienne, il nous semblait pertinent de remettre sur le devant de la scène une contribution qui propose tout à la fois un cadre d’analyse pour problématiser les questions d’inclusion des enfants présentant des difficultés d’apprentissage à l’école primaire et les moyens d’outiller les enseignant.e.s dans une réflexion sur leur pratique d’inclusion.