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L’actualité nous livre l’image d’une humanité en mouvement. Par la facilité des transports et la fluidité des communications, le mouvement caractérise l’époque contemporaine. Les visages d’hommes et de femmes en mouvement ne manquent pas : les images de migrants syriens et africains entassés en de petites embarcations sur la Méditerranée ont marqué les esprits ces dernières années. Lampedusa et Lesbos sont devenus des noms familiers. Les mouvements migratoires sont accompagnés d’espérances et de craintes, générant un discours d’exclusion et de peur, ou d’inclusion et d’opportunité. Le mouvement d’êtres humains se voit aussi à travers ces pèlerins se rendant par milliers à la Mecque ou à Saint-Jacques de Compostelle, accomplissant par là un rituel millénaire. Au coeur de cette mise en marche se déploie, pour le théologien, l’enjeu de la rencontre de Dieu dans le mouvement.

Dans la tradition judéo-chrétienne, la rencontre de Dieu est souvent dépeinte dans un contexte de mouvement : exil, libération, quête, montée, pèlerinage. La conscience religieuse juive est aimantée par le souvenir de la Pâque, libération par le Seigneur accompagnant son peuple en marche. Le Christ lui-même était un homme en mouvement qui conclut son périple de proclamation du Royaume lors d’un pèlerinage à Jérusalem, avant la résurrection et l’envoi des apôtres. Paul a poursuivi cette longue marche en devenant l’apôtre des Gentils, préfigurant un mouvement qui prendra diverses formes, du désert à la poussée missionnaire en passant par le pèlerinage, tant concret que littéraire.

Notre intention dans cet essai est de saisir l’expérience de Dieu qui se joue dans les figures du réfugié — figure particulière du migrant[1] — et du pèlerin à travers un regard croisé. Les dimensions religieuses du phénomène de la migration sont parfois auscultées, mais rarement explore-t-on l’expérience religieuse propre à la condition de réfugié[2]. De manière similaire, les études anthropologiques et historiques sur le pèlerinage abondent[3], mais rarement la réflexion théologique a-t-elle embrassé le phénomène du pèlerinage, ce que d’aucuns lamentent (Bartholomew 2004, xiii), malgré l’utilisation du vocabulaire de pèlerinage jusque dans les documents du Concile Vatican II. Pour le théologien, cet oubli s’explique peut-être par la qualité de manifestation « populaire » du pèlerinage, à distance de la réflexion théologique et du contrôle ecclésial. Les auteurs protestants, pour leur part, se sont longtemps tenus à distance d’une notion de pèlerinage intimement associée au catholicisme[4] et condamnée par des grandes figures de la Réforme (Tomlin 2004). Pourtant, dans une réflexion sur l’identité postmoderne, certains auteurs ont fait appel aux ressources de la figure du pèlerin (Cavanaugh 2008, Bauman 2011), en particulier dans le cadre de réflexions comparatives avec d’autres figures de mouvement[5].

Notre réflexion se veut proprement théologique, exploratoire et constructive, contrastant l’expérience de Dieu qui se fait jour dans l’idéaltype du réfugié et du pèlerin. Elle est aussi marquée, dans un registre plus personnel, de nombreux échanges avec des pèlerins sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, à l’été 2016, de même que par le compagnonnage vécu avec des réfugiés habitant le camp de Kakuma, au Kenya, au printemps 2014[6]. Pour cet essai, nous procéderons en trois temps. Dans un premier temps, nous définirons et comparerons les figures du réfugié et du pèlerin. Dans un deuxième temps, nous explorerons l’expérience de Dieu qui s’esquisse à travers la posture du réfugié et du pèlerin ; qu’est-ce qui est dit d’une expérience de Dieu ? Qu’est-ce qui est dit de Dieu ? Cette exploration se fera aussi à l’aulne de la Parole de Dieu. Finalement, nous conclurons ce regard croisé en voyant en quoi réfugié et pèlerin se rejoignent, voire en quoi leurs figures sont appelées à se féconder l’une l’autre et à interpeler l’Église et l’humanité au présent.

1. Les figures du réfugié et du pèlerin

En route vers Saint-Jacques de Compostelle, un pèlerin me raconta une rencontre antérieure avec un homme qui marchait aussi en direction de Compostelle. L’homme était d’origine étrangère, comme nombre de marcheurs, et voyageait avec un bagage léger. Alors qu’il pensait s’entretenir avec un pèlerin, il se rendit compte au fil de la conversation qu’il parlait en fait avec un travailleur migrant qui offrait ses services dans les fermes environnantes. L’attirail semblable du migrant et du pèlerin avait permis de maintenir une confusion qui ne s’était éclaircie qu’à travers la parole échangée. Cette distinction entre eux était à la fois grande et limitée. De l’extérieur, peu de choses les distinguaient : ils étaient tous deux en mouvement, ayant quitté un lieu pour se porter vers un ailleurs à travers efforts et vulnérabilité, avec l’aide d’autrui, mais tant leur destination que leur impulsion initiale ou leurs conditions de vie les distinguaient.

Bien que migrants et pèlerins puissent revendiquer un enracinement dans une généalogie biblique commune, celle de l’appel d’Abraham, puis de l’Exode, ils se distinguent dans leur acception contemporaine par un ancrage davantage économique et politique, pour le migrant, et religieux, pour le pèlerin. Après avoir défini la réalité anthropologique du réfugié, puis du pèlerin, nous contrasterons ce qui les distingue ou les unit.

1.1 Le réfugié

Pour les trois quarts des gens de cette planète / il n’y a qu’une forme de voyage possible / c’est de se retrouver sans papiers / dans un pays dont on ignore la langue et les moeurs / On se trompe à les accuser / de vouloir changer / la vie des autres / quand ils n’ont / aucune prise / sur leur propre vie.

Laferrière 2009, 42

L’écrivain haïtiano-québécois Dany Laferrière, dans L’énigme du retour, réfléchit sur la condition identitaire de l’exilé, rejoignant celle du migrant et du réfugié en quête d’une vie nouvelle en un lieu nouveau. De nos jours, le Haut-Commissariat pour les réfugiés de l’Organisation des Nations-Unies (UNHCR) fait état de plus de 60 millions de personnes relevant de sa compétence, dont 16 millions de réfugiés proprement dits et près de 38 millions de personnes déplacées à intérieur de leur pays[7]. Un réfugié est ainsi défini comme une personne

qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner[8].

Contrairement au déplacé interne qui fuit les mêmes circonstances adverses mais trouve refuge à l’intérieur de son pays, le réfugié a dû quitter son pays d’origine et se retrouve en terre étrangère, parfois dans un camp de réfugiés. Le réfugié ne quitte pas son pays de manière volontaire ; la crainte de persécution qui le pousse à partir met en jeu sa vie même, soit par des menaces directes, soit par des atteintes à l’intégrité physique ou psychologique dont il a été témoin[9]. Partir est une question de vie ou de mort et relève d’un désir de vie, voire de survie. Le plus souvent, le réfugié a quitté à la hâte, n’apportant avec lui que ce qu’il pouvait porter sur lui ; son bagage est léger.

La condition de réfugié, qu’elle soit officiellement accréditée ou non, entraîne un changement radical dans l’existence des personnes concernées. Elles se retrouvent déracinées, vulnérables, habitant avec un statut précaire une terre étrangère. Même dans des camps tenus par l’ONU, l’accès à des services essentiels (nourriture, eau potable, services de santé, éducation) est parfois un défi[10]. C’est sans parler des réfugiés sans statut reconnu ou vivant en-dehors de camps établis, ce qui est le cas, par exemple, de nombre de réfugiés syriens vivant actuellement au Liban. Une grande vulnérabilité se fait jour au quotidien. Être refugié ne constitue pas une étiquette identitaire additionnelle ; être réfugié détermine profondément l’existence concrète et l’identité.

À la fois traumatisé et résilient, le réfugié vit souvent dans l’attente. S’il est dans un camp de réfugiés, l’attente peut se résoudre de quatre manières : le retour (espéré) dans le pays d’origine lorsque les conditions le permettent, appelé rapatriement volontaire ; l’intégration locale, lorsque la législation le permet ; la relocalisation dans un pays tiers[11] ; ou encore la tentative d’accéder par ses propres moyens — et à ses risques — à un pays tiers, le plus souvent européen. Pour les réfugiés qui choisissent le rapatriement ou la relocalisation, l’attente d’un avenir improbable peut être longue, se comptant en années, voire parfois en décennies. Les pays limitrophes où sont accueillis les réfugiés ne disposent souvent pas des ressources suffisantes — ou du désir — pour les intégrer. Cette attente anime le désir et l’espérance, tout en usant par sa longueur[12]. L’attente accentue ce sentiment de non-possession sur sa propre vie, comme le souligne Laferrière, une vie qui semble avoir été dérobée.

Pour la minorité de réfugiés qui trouvent un accueil dans un pays où ils pourront s’établir, l’attente prendra alors la forme d’une reconnaissance officielle du statut, d’une éventuelle naturalisation, ou encore d’une réunification familiale. Dans ce contexte, une résolution pacifiée de l’attente permet une nouvelle vie, l’entrée dans la terre promise. La terre promise est presque littérale dans le cas des réfugiés qui sont relocalisés dans un pays développé — le plus souvent les États-Unis, le Canada, l’Australie ou un pays européen —, puisqu’elle représente une chance inespérée — et rare. L’accueil populaire enthousiaste réservé au Canada à des réfugiés syriens à l’automne 2015 représente en ce sens un cas d’école où le réfugié se voit extrait de sa situation d’attente et véritablement accueilli en une terre nouvelle.

En somme, de l’expérience du réfugié se détachent des caractéristiques essentielles. D’abord, un départ hâtif, dans la crainte, où se déploie un enjeu de vie ou de mort. Deuxièmement, une existence vulnérable, détachée, vécue avec un bagage léger. Troisièmement, une identité radicalement transformée par la condition de réfugié, qui influence toutes les dimensions de l’existence. Finalement, l’expérience de l’attente, dans l’espérance d’une vie nouvelle, d’une terre promise, ou d’un retour.

1.2 Le pèlerin

Le pèlerin, dans son acception chrétienne à laquelle nous nous limitons, est une personne en marche — littéralement ou figurativement — vers un lieu sacré. Le pèlerin est à la fois en marche avec Dieu et vers Lui, par la médiation du lieu sacré et du chemin. Le pèlerinage invite à une expérience de transcendance, de dépassement, même dans son acception séculière dérivée. La figure paradigmatique contemporaine du pèlerin est certainement celle du pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle, du fait de la place qu’il occupe dans l’imaginaire occidental[13]. Si le pèlerin se rapproche parfois du touriste qui visite le lieu sacré, il s’inscrit toutefois dans une tradition historique qui remonte principalement aux pèlerins de Jérusalem au ive siècle (Julia 2016, 11 ; Maraval 2004, 22s.). Le Moyen-Âge a vu par la suite une européanisation (Turner et Turner 1978, 175) et un développement massif des lieux de pèlerinages, certains d’ampleur internationale, comme Rome ou Compostelle, et d’autres, plus nombreux, d’envergure nationale, régionale ou locale. L’époque moderne n’est pas en reste avec l’avènement de transports de masses et les apparitions mariales qui ont vu naître de grands lieux de pèlerinage, dont Lourdes (1858) et Fatima (1917). Plus récemment, le grand jubilé de l’an 2000, avec ses accents de justice sociale et de repentance, de même que les Journées mondiales de la jeunesse, ont contribué à renouveler le genre du pèlerinage.

Dans l’ordre du discours, le pèlerinage laisse transparaître, chez saint Augustin, un caractère de retrait du monde ; le pèlerin est le chrétien véritable qui est en marche vers la Cité de Dieu en vivant détaché dans la cité humaine (ex. : Augustin, La Cité de Dieu, livre 1, chap. 15 et 29). L’écho des tribulations du pèlerin augustinien se propagera jusqu’aux documents du Concile Vatican II présentant l’Église en marche vers Dieu malgré les épreuves du monde (Concile Vatican II, Lumen Gentium, §§ 7-8). Dans son acception protestante, héritière de l’élan de la devotio moderna (Julia 2004, 232) et dans la foulée de la critique radicale des réformateurs (Davies 1988, 96-108), le pèlerinage a pris résolument un tournant intérieur, accentuant une dimension métaphorique qui se perpétue de manière plus séculière par le vocable large de « pèlerinage de la vie ».

Même en contexte de tradition chrétienne, les motifs et les formes du pèlerinage sont divers. On peut cependant dégager un certain idéaltype qui en saisisse les caractéristiques principales, bien que leur importance relative varie. Ces caractéristiques, au nombre de dix, se divisent en quatre groupes : les fondements, la géographie du mouvement, en chemin, pour se conclure avec la question de la transformation[14].

Au niveau des fondements, on retrouve trois caractéristiques importantes : 1) le désir ou l’intention, 2) la transcendance et 3) la mémoire. Le désir motive toute l’entreprise du pèlerin et le soutient sur la route. Le désir accentue la dimension volontaire du pèlerinage, qui est normalement préparé de longue date. Le pèlerin choisit souvent d’entreprendre son périple à un moment de kairos qui correspond à une jonction importante de la vie : anniversaire, fin d’études, séparation, deuil, retraite ou autre transition. L’intentionnalité de la démarche pèlerine la distingue du tourisme religieux, qui entraîne la visite des mêmes lieux, mais dans une optique subjectivement différente[15]. L’intention du pèlerin peut aussi s’imposer extrinsèquement, par exemple dans le cadre d’une démarche pénitentielle[16]. La dimension de transcendance, pour sa part, prend traditionnellement la forme d’un rapport à Dieu ou au saint associé à un pèlerinage particulier. Le rapport à une telle transcendance marquera même le quotidien du pèlerinage, par la prière, les célébrations religieuses, ou d’autres rites. De nos jours, l’objet de la transcendance du pèlerin est parfois plus diffus, mais il se présente comme quête d’un plus grand que soi, d’un dépassement de l’horizon quotidien. Finalement, la dimension de la mémoire est essentielle ; un pèlerinage est toujours un retour, même pour un lieu jamais visité. Le pèlerin participe d’une mémoire le plus souvent collective, qui a trait aux fondements de sa religion, à la commémoration des actes d’un saint ou au culte de ses reliques, ou à des apparitions. Le pèlerin va toujours vers un lieu connu où d’autres sont passés avant lui.

Dans la géographie du mouvement, on trouve deux caractéristiques : 4) quitter et 5) la destination. Le pèlerin quitte son foyer, bien que ce soit pour un temps limité et dans l’optique d’un retour[17]. Peut-être son foyer aura-t-il changé à son retour, mais il est attendu qu’il revienne, le pèlerinage marquant une parenthèse dans la stabilité du quotidien. Le facteur marquant de la géographie du pèlerinage se situe dans la destination. Celle-ci est habituellement un lieu sacré qui sert de point de référence et de telos pour le périple. En ce sens, le pèlerin est attiré par la destination, plus qu’il ne tente de se distancier de son point de départ. L’attirance domine le désir de partir.

En chemin, quatre caractéristiques s’imposent : 6) habiter le corps et l’espace, 7) la vulnérabilité et le dépouillement, 8) l’effort, 9) autrui. Le pèlerin rejoint ici grandement le migrant, et surtout le réfugié. Le déplacement avec un bagage léger le force à discerner l’essentiel et à se confronter tant à la nature qu’à son habitation du corps, dans sa force et ses meurtrissures[18]. Le dépouillement du pèlerin l’expose à la vulnérabilité ; il marche avec d’autres, n’a que ce qu’il porte — et peut donc manquer de choses utiles —, dort parfois dans des installations rudimentaires. Le pèlerin expérimente une forme de mise à nu[19]. Le pèlerinage implique aussi un effort — financier, temporel, voire physique — que vient parfois redoubler la dimension pénitentielle et peut se décliner comme souffrance. Enfin, autrui sera présent, dans le compagnonnage d’un moment ou d’un périple, dans les rencontres fortuites, dans l’accueil[20].

Finalement, une dernière caractéristique, sous forme de possible résultante, mais aussi de question : 10) la transformation. En quoi le pèlerin est-il transformé au retour par son expérience ? Le pèlerinage n’aura-t-il été qu’une parenthèse ludique ? S’inscrira-t-il au coeur même de l’identité de soi, comme ce fut le cas pour Ignace de Loyola qui, dans un texte autobiographique, parle de lui-même comme du « pèlerin[21] » ?

1.3 Réfugié vs pèlerin

La caractérisation propre du réfugié et du pèlerin invite à une analyse contrastée ; en quoi réfugié et pèlerin sont-ils semblables ou distincts ? En chemin, ils se révèlent semblables, et c’est pourquoi on peut les confondre à première vue. Mais leur expérience se distingue nettement du côté des motifs et de ce qui échappe à la vue.

Les dimensions de transcendance et de mémoire désirée — par opposition à une mémoire honnie que l’on cherche à fuir — sont particulièrement appropriées pour le pèlerin, bien que la transcendance ne soit pas exclue d’emblée de l’expérience du réfugié — quoiqu’elle ne soit pas au fondement de sa démarche. Le réfugié se distingue nettement du pèlerin quant à la nature du désir qui l’habite. Son périple est une question de vie et de mort, et n’est en rien ludique. Il s’agit d’une nécessité, non d’un choix arbitraire. En ce sens, l’accent entre quitter et la destination est à l’inverse de celui du pèlerin : le réfugié est d’abord poussé hors de son lieu — et ce pour une longue durée, voire définitivement — davantage qu’il n’est attiré par une destination — qui est souvent initialement confuse. Le réfugié est mis en marche par une fuite. Il avance vers l’inconnu, contrairement à la dimension mémorielle à l’oeuvre dans le pèlerinage et sa destination. Le réfugié sera ensuite poursuivi par la mémoire de persécutions et d’atrocités, mémoire de ce qui l’a poussé à chercher refuge.

En chemin, le rôle d’autrui sera fortement différencié entre le réfugié et le pèlerin. Le pèlerin forme souvent communauté de manière informelle. De plus, il est habituellement accueilli là où il se présente et demande de l’aide pour les nécessités de la vie. Un présupposé favorable le soutient dans son humanité et sa démarche, apaisant la vulnérabilité qui est sienne. Au contraire, le réfugié est souvent vu avec suspicion, encouragé à aller ailleurs et devient parfois la proie de passeurs ou d’officiels malintentionnés. Un certain discours politique anti-étrangers (et en particulier anti-réfugiés) fait malheureusement florès en de nombreux points du globe à notre époque. S’il est parfois accueilli comme un frère ou une soeur, le réfugié est souvent perçu avec crainte, ce qui n’est pas le cas du pèlerin contemporain.

Finalement, si la question de la transformation personnelle du pèlerin se pose avec acuité[22], dans le cas du réfugié, la démarche n’est pas qu’une parenthèse dans l’existence ; elle en vient, parfois malheureusement, à la définir. Le réfugié reconnu comme tel dispose d’un statut qui permet certaines possibilités, mais le limite aussi grandement pour d’autres, ce qui affecte toutes les facettes de son existence. Pour le meilleur et pour le pire, le réfugié est transformé radicalement par son expérience.

Sa qualité de réfugié peut en venir à dominer son existence de manière telle que des efforts doivent être faits pour ne pas le confiner à une caractérisation globale dans laquelle son caractère unique pourrait être dissout — comme on peut le voir dans certains discours politiques —, lui enlevant son identité propre comme être humain singulier. En effet, bien que chaque réfugié ait une histoire personnelle, il est foncièrement marqué par une dimension collective qui dépasse l’individu. Son statut de réfugié est normalement défini par l’appartenance à un collectif (race, religion, nationalité, groupe social) et il se retrouve rarement seul dans sa situation. Son avenir, sous forme de retour, d’intégration locale, ou de relocalisation, est aussi déterminé par des forces qui le dépassent. À l’inverse, le pèlerin vit d’abord une aventure qui est personnelle.

2. L’expérience de Dieu

Bien que le pèlerinage soit une expérience qui implique d’emblée la transcendance, donc, le plus souvent, une certaine expérience de Dieu, une telle expérience n’est pas à exclure du côté du réfugié. En fait, ces deux figures humaines en mouvement peuvent nous révéler une expérience de Dieu propre dans leur itinérance. Dans un monde postmoderne marqué par le mouvement, elles font écho à la condition humaine et peuvent informer un rapport à Dieu renouvelé. Dieu est rencontré non seulement malgré le mouvement, mais au coeur du mouvement.

2.1 Voix de réfugiés

La voix des pèlerins est largement entendue, mais celle des réfugiés demeure souvent confidentielle[23]. Il est essentiel d’y tendre l’oreille. Dans un témoignage typique, Mary Angel, une jeune femme originaire du Congo et vivant au camp de réfugiés de Kakuma (Kenya), exprime en ces mots le rapport à Dieu qu’elle entretient, tissé de protection, de force et de paix :

J’essaie d’être courageuse en demeurant ferme dans ma foi. Si nous, réfugiés, sommes pauvres en esprit, s’il n’y a pas de paix en nos coeurs, alors nous souffrirons. Sans Dieu, nous n’aurions pu nous rendre aussi loin. Alors que je n’étais qu’un enfant, je n’aurais pas été en mesure de traverser trois pays. C’est seulement par sa grâce que je suis toujours vivante. La prière m’aide à oublier ma vie passée et me rappelle que Dieu est ici avec chacun d’entre nous.

JRS 2015, 22, nous traduisons

Alors que la foi de Mary Angel aurait pu être fracassée par les épreuves entraînées par sa condition de réfugiée, l’expérience d’une présence divine désinstallée et ferme se fait jour. Elle perçoit cette présence de Dieu comme l’ayant accompagnée pendant le périple ardu qui la mena, adolescente, après la perte de ses parents, du Congo au Kenya. C’est le même Dieu qu’elle perçoit toujours au sein du camp, non seulement de manière individuelle, mais à l’oeuvre en tous. Au coeur de la vulnérabilité de son expérience de réfugiée, l’expérience de Dieu se lit chez Mary Angel comme protection, en réponse au danger, présence, par opposition à bien des absences (famille, moyens financiers), et dans l’attente, comme espérance de ce qui n’est pas encore.

Dans une relecture spirituelle de son expérience, alors qu’il vit maintenant au Canada, Pema Tamang, un réfugié originaire du Népal, déclare : « Vivre une vie de réfugié est difficile. C’est obscur, sans avenir, sans espoir, sans rêve, sans destin. Je rends grâce à Dieu qu’il ait eu un plan pour moi[24]. » Au sortir d’un long séjour dans un camp de réfugiés, Dieu se présente alors comme celui qui a aménagé contre toute espérance une issue positive. L’expérience de Dieu est parfois articulée explicitement, comme dans ces deux courts témoignages, mais elle se retrouve le plus souvent implicite[25].

2.2 Échos bibliques

Réfugié et pèlerin sont mus par une quête, un désir de vivre et de se mouvoir vers un espace autre, un espace qui ne soit pas sien[26]. Dieu ne se trouve pas pour eux dans la stabilité du monastère, du temple voire même de la communauté, mais au coeur même du mouvement, dans une recherche. Le chemin, entre départ et destination, est le lieu sans lieu où Dieu se configure comme celui qui accompagne. En ce sens, réfugié et pèlerin incarnent l’expérience fondatrice d’Abraham, père des croyants, enjoint de se mettre en marche au moment de connaître Dieu (Gn 12 ; voir Vella 2016, 84-87). Abraham n’entrera dans une expérience de Dieu qu’en acceptant de se mettre en marche. La connaissance de Dieu est coextensive de la connaissance de soi du marcheur. Dieu se dévoile dans la tension du mouvement.

Le théologien camerounais Jean-Marc Éla, lui-même un exilé, remarque que « [l]e risque de “sortir de chez soi” et d’aller ailleurs est indissociable de la révélation de Dieu dans la Bible. Les chemins de l’exode et de l’exil sont le passage obligé pour accéder à la vie en plénitude » (Éla 2008, 6). Pèlerin et réfugié incarnent cette dimension fondatrice de l’expérience de Dieu en christianisme. L’expérience hébraïque de l’Exode met en lumière cette tension entre la fluidité d’un Dieu qui accompagne son peuple sous la tente (Ex 40) et le sentiment d’assurance d’une présence divine installée dans le Temple (2 Ch 5). Ce Dieu qui met en route est aussi celui qui dérouta Moïse dès le commencement, l’entraînant vers le lieu du buisson ardent, lui révélant un Nom insaisissable (Ex 3,14). Un tel Dieu force la conversion du regard posé sur Dieu. Par l’arche d’alliance en mouvement, Dieu se tient au milieu de son peuple et l’accompagne dans sa marche après une longue attente. Dieu met en route et marche avec son peuple. Dieu accompagne le réfugié et le pèlerin.

En retournant le miroir, on peut se demander ce que l’expérience du réfugié et du pèlerin met en lumière de la « personnalité » d’un Dieu en marche, un Dieu duquel l’être humain est créé à l’image et à la ressemblance (Gn 1,26) et qui s’est fait chair (Jn 1,14). Habitant le corps et l’espace, en marchant, pèlerin et réfugié renvoient à l’image d’un Dieu, en Jésus-Christ, incarné et dépouillé, épousant l’expérience de la finitude humaine. Un Dieu qui, en Jésus-Christ, expérimente l’exil, depuis une naissance hors du foyer familial (Lc 2,4.7) jusqu’à mourir hors des murs de la ville, en passant par la condition temporaire de réfugié (Mt 2,13-23).

En marche, en tension entre départ et destination, réfugié et pèlerin nous mettent sur la piste d’un Dieu qui, en Jésus-Christ, monte vers Jérusalem (Mt 16,21 ; 20,17-18 ; Mc 10,32-33 ; Lc 9,51 ; 13,22), inexorablement attiré par la cité sainte et son Temple. Sa marche est aussi une quête, attentive et progressive, de la volonté du Père, marquée par la prière (Mt 14,23 ; 26,39-44 ; Mc 1,35 ; 6,46 ; 14,32-39 ; Lc 5,16 ; 6,12 ; 9,18.28-29 ; 22,41-44). La recherche creuse en lui un désir de connaître et de vivre ce qui le dépasse.

Pèlerin et réfugié nous renvoient à l’image d’un Dieu qui forme communauté, tant dans la fraternité de rencontres passagères, que par une communauté nouvelle de compagnons, appelés et envoyés, parfois accueillis, parfois rejetés (Lc 10,1-12), rassemblés en un dernier repas autour du pain et du vin (Mt 26,26-29 ; Mc 14,22-25 ; Lc 22,14-20).

Par la souffrance qui peut se faire jour dans la violence ou l’effort, pèlerin et réfugié témoignent d’un Dieu qui souffre aussi, jusqu’à une mort sur la croix, en un échec. Ils disent une mise à nu, un dépouillement en chemin qui puisse aller jusqu’au dépouillement de la vie même, une mise à mort. Traversé par la souffrance indicible, Dieu la transcende cependant en résurrection. Par leur résilience, par leur désir indomptable de vie, réfugié et pèlerin pointent en direction d’un Dieu vivant qui est fidèle et ne se décourage pas, même de l’être humain.

L’expérience du réfugié et du pèlerin se situe ainsi en consonance de celle de Jésus-Christ, lui-même homme de mouvement et habité de Dieu. En Jésus-Christ, Dieu se révèle en marche, pèlerin et réfugié. Une telle mise en lumière ne peut que questionner notre image de Dieu.

3. Regards croisés, regards féconds

Le regard croisé sur l’expérience humaine et spirituelle du réfugié et du pèlerin invite finalement à considérer en quoi ils interpellent l’expérience chrétienne aujourd’hui. Nous irons même plus loin en nous demandant ce que le pèlerin peut apprendre du réfugié, et le réfugié du pèlerin. Notre propos se déploiera en trois temps, sous l’égide de la fluidité, de l’hospitalité et de la radicalité.

3.1 Fluidité

Les figures du pèlerin et du migrant ont été utilisées par divers auteurs pour réfléchir sur la fluidité identitaire contemporaine, signe et fruit du mouvement. Ce faisant, ils ont mis en lumière certaines situations-limites qui cisèlent ces figures en développant des harmoniques nouvelles autour de l’engagement dans la durée, du rapport à la frontière et de l’orientation fondamentale. Elles rendent compte à la fois de l’actualité de ces figures et contribuent à les approfondir.

Le philosophe et sociologue anglo-polonais Zygmunt Bauman, dans le cadre de sa réflexion sur l’identité postmoderne, a mis en exergue l’éclatement de l’identité moderne — que représente le pèlerin — en quatre figures postmodernes elles aussi marquées par le mouvement : le flâneur, le touriste, le vagabond et le joueur (Bauman 2011). L’identité moderne est perçue sous la figure du pèlerinage, non seulement dans son acception concrète de dislocation, mais aussi dans sa forme protestante de nécessaire pèlerinage intérieur dans le désert du coeur du monde. Une telle démarche pèlerine s’inscrit dans la durée. A contrario, Bauman considère que les figures identitaires postmodernes font état de la difficulté d’engagement qui traverse notre époque. Les quatre figures postmodernes sont certes en mouvement, mais elles demeurent centrées sur elles-mêmes et à distance, alors qu’elles parcourent le monde dans un présent continuel[27]. L’analyse par Bauman de la fluidité identitaire postmoderne dans sa dimension de non-engagement souligne ainsi le risque qu’encourt le pèlerin contemporain d’isoler son expérience pèlerine en la laissant simplement s’écouler dans le flot des événements. La fluidité du mouvement ne doit pas devenir prétexte au désengagement du monde, comme nous l’a rappelé la figure du réfugié par son identité radicalement modifiée.

L’accent mis sur le mouvement dans une perspective identitaire chez Bauman joue aussi dans l’analyse de Cavanaugh (2008). Ce dernier identifie deux figures emblématiques de la globalisation de l’époque contemporaine, à savoir le migrant et le touriste, qu’il contraste par la suite avec la figure traditionnelle du pèlerin. Le mouvement du migrant et du touriste a explosé dans les dernières décennies en corrélation avec la globalisation. Cela dit, leur expérience n’est pas identique, entre autres dans le rapport à la régulation des frontières — facilement traversées par le touriste alors que le migrant est limité par elles (Cavanaugh 2008, 343-345). En contrastant l’expérience du touriste avec celle du pèlerin, Cavanaugh met en lumière l’orientation de leur mouvement ; alors que le touriste recherche un certain exotisme à la périphérie, par-delà les frontières, le pèlerin se dirige vers le centre de son monde, dans l’optique d’une transformation de soi au contact de la source de celui-ci, Dieu (Cavanaugh 2008, 350).

L’utilisation de figures cinétiques par Bauman et Cavanaugh confirme l’intérêt d’une considération du mouvement pour saisir la posture contemporaine. Le pèlerin et le réfugié expriment cette fluidité du mouvement au coeur de l’expérience contemporaine par le fait d’être en chemin. Le mouvement est pour eux très concret, en tant qu’effet de la globalisation, mais il symbolise aussi le mouvement des idées à l’époque contemporaine, qui accompagne celui des personnes. Ce mouvement global qui entraîne une relecture de l’héritage pèlerin invite l’Église, selon Cavanaugh, à épouser une posture humble, ouverte, solidaire du migrant et communiant à Dieu dans l’accueil de la différence (Cavanaugh 2008, 351-352). La fluidité postmoderne est alors accueillie comme force de régénération plutôt que comme éclatement débilitant.

3.2 Hospitalité

Dans une page lumineuse, le théologien péruvien Gustavo Gutierrez écrit de manière contre-intuitive que la Parole de Dieu « nous lit[28] ». Elle peut être une épée tranchante qui coupe court à l’hypocrisie. Dans le rapport à autrui, une claire distinction entre le pèlerin et le réfugié est l’accueil que le pèlerin reçoit. Il est accueilli généreusement comme une soeur ou un frère. Mais ce n’est pas l’expérience que fait tout étranger, surtout celui qui est dans le besoin, même si, étymologiquement, le pèlerin est aussi fondamentalement l’étranger (Maraval 2004, 19). La parabole du Bon Samaritain, dans l’évangile de Luc (Lc 10, 25-37), met à nu l’hypocrisie d’un accueil de l’autre qui se bute à des barrières religieuses ou ethniques, ouvrant à une définition du prochain qui englobe tout être humain dans le besoin. Poursuivant la tradition vétérotestamentaire d’une option préférentielle de Dieu pour les pauvres, la scène du jugement dernier dans l’évangile de Matthieu (Mt 25, 31-46) pointe vers une identification de Dieu avec l’étranger, l’assoiffé, l’affamé, le malade, le prisonnier. L’impératif religieux de l’accueil de l’étranger est entendu dans le cas de l’accueil du pèlerin, mais pas toujours dans le cas du réfugié. Une invitation se fait peut-être entendre ici ; l’accueil fraternel que l’étranger-pèlerin reçoit ne constituerait-il pas l’horizon espéré de l’étranger-réfugié ?

Dans une réflexion théologique, déjà citée, sur l’altérité et l’hospitalité, Éla développe le concept d’un « Dieu métis » (Éla 2008, 6), un Dieu qui se range du côté de l’étranger, mais pour qui l’expérience de l’altérité n’est pas extérieure et est même constitutive, puisque « Dieu se révèle, à travers le visage de l’étranger » (Éla 2008, 7). Trois voies d’entrée permettent d’aborder la réalité métisse de l’expérience chrétienne : la Trinité, l’affirmation de soi par l’acceptation de la différence et de l’altérité, puis la réalité christologique de la sortie de Dieu en Jésus-Christ (Éla 2008, 7-8). L’accueil de l’altérité s’inscrit donc au coeur de la réalité humaine pour le chrétien. Cet accueil est appelé à être incarné, puisque « [l]’Étranger est l’icône de l’Envoyé du Père » (Éla 2008, 8). Une conversion du regard d’autrui posé sur le réfugié s’impose à la lumière de Dieu et s’accompagne d’un impératif moral de résistance face à l’exclusion de l’étranger.

3.3 Radicalité

Nous avons souligné précédemment comment le périple était pour le réfugié un choix de vie ou de mort qui engageait toute son existence et la marquait d’une empreinte indélébile. Le pèlerin, pour sa part, a le loisir de faire parenthèse de son périple s’il le désire. En ce sens, le réfugié a quelque chose à apporter au pèlerin : la radicalité de son expérience de mouvement et la connaissance que celle-ci n’est pas qu’une parenthèse, mais s’inscrit au fondement même de l’expérience humaine et de l’expérience de Dieu, faisant éclater l’illusion possible d’une expérience pèlerine seulement transitoire. Le réfugié se sait transformé radicalement par son expérience de mouvement, alors que la transformation est un défi, voire une question, pour le pèlerin.

La radicalité d’un engagement enjoint à prendre des risques, à ne pas craindre de laisser des lieux familiers. À l’encontre du mandement moderne pour l’autonomie de la volonté et le contrôle[29], le réfugié fait l’expérience — bien qu’il tente d’y échapper — de la non-possession de sa vie, comme le soulignait Laferrière, cité plus tôt. Cette non-possession se vit par le départ précipité, le bagage léger, la vulnérabilité face à l’accueil, l’attente sans échéancier. Le dépouillement volontaire et temporaire du pèlerin, de même que son ouverture à la transcendance — qui peut mener à une certaine dépossession de soi — se trouvent interpellés dans leur authenticité par la radicalité de l’expérience du réfugié.

Pour conclure

Ouvrant une brèche dans la réflexion émergente de la théologie de la migration, le regard croisé du réfugié et du pèlerin nous convie à envisager une expérience itinérante de Dieu en postmodernité. Face aux mutations profondes que vivent les formes ecclésiales en Occident — on peut penser dans le cas du Québec à l’effritement dans le dernier demi-siècle des structures catholiques en santé, en éducation, en pastorale — certains prophétisent une mort de Dieu et du fait religieux. S’il est vrai que des formes plus installées et visibles du christianisme sont mises à mal, l’expérience de Dieu au coeur du mouvement révèle une résilience qui met au défi celle de la stabilité, mais peut passer inaperçue. Les mutations profondes peuvent déstabiliser, mais pour épouser notre époque et son mouvement, elles seraient peut-être à embrasser, sans que l’identité chrétienne y soit perdue, se ressourçant à l’expérience contemporaine du migrant et du pèlerin.

Du fait du mouvement et de reconfigurations, l’Église est interpelée à tendre l’oreille aux parcours nouveaux, collectifs ou individuels, à accueillir ces récits concrets d’itinérance en Dieu pour y déceler le souffle de l’Esprit. Le pape François modèle cette attention aux expériences diverses de chercheurs de Dieu qui recèlent de parcours sinueux s’éloignant d’une normativité espérée et fuyante. Une telle écoute appelle ensuite un discernement de l’expérience. Il y a là une invitation à accueillir l’expérience de chacun et à y relire une expérience itinérante de Dieu — par-delà la stabilité des institutions, du nombre ou des certitudes. Ce faisant, l’Église épousera davantage son propre désir d’être pèlerine, d’être en marche au coeur du monde, en espérance d’entrevoir le visage de Dieu. Une telle Église en marche sera pèlerine et soeur du réfugié.