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La seconde moitié du dix-septième siècle voit se développer une « mode vigoureuse[1] » du testament didactique, moral, spirituel et politique, dont le plus célèbre est assurément le Testament politique (1688) de Richelieu, fruit d’un travail éditorial complexe. Cette tradition littéraire parallèle à celle des testaments facétieux, ironiques, satiriques ou polémiques – parmi lesquels celui de François Villon est le plus illustre, mais pas le plus ancien – naît à la fin du Moyen Âge avec quelques testaments allégoriques sérieux[2]. D’abord publié chez Antoine Vitré en 1648 et imprimé à plus d’une vingtaine d’occasions avant la fin du siècle[3] après avoir connu un succès immédiat, le Testament ou Conseils d’un bon père à ses enfants[4] de Philippe Fortin de La Hoguette a contribué de façon indéniable à donner son élan à cette vogue. Publié à la veille de la Fronde, le Testament de La Hoguette a « prépar[é] les esprits à accepter “la prise du pouvoir par Louis XIV” en 1661[5] » et l’absolutisme en gestation depuis la régence de Richelieu, puisque l’oeuvre, adressée à l’ensemble de la jeunesse du royaume, encourage l’adhésion aux moeurs communes et aux dogmes, le respect scrupuleux de la mode et une absence de véritable remise en question philosophique susceptible de secouer le conformisme qu’il valorise[6]. Le Testament est divisé en trois parties – comme le suggère le titre complet, soit « les devoirs de l’homme envers Dieu, envers soy-mesme, & envers autruy, qui sont trois choses si relatives au devoir du sujet envers le Prince, qu’il est absolument impossible qu’on puisse estre bon aux offices respectifs de la vie civile, qu’on en soit pareillement un bon sujet » (T, 1).

Selon Pierre et Marie-Hélène Servet, ces textes, parmi lesquels celui de La Hoguette occupe l’un des premiers rangs, « prenant au figuré la pratique des legs, se présentent comme une série de réflexions et de conseils moraux ou politiques […] n’ont en définitive de testamentaire que leur titre[7] ». C’est également l’avis de Gabriel Peignot[8], bibliographe du dix-neuvième siècle ayant fait paraître un Choix de Testamens, anciens et modernes, remarquables par leur importance, leur singularité ou leur bizarrerie, qui pour cette même raison les exclut de son recueil, quoiqu’il en fournisse une longue bibliographie[9]. Contrairement à leurs cousins satiriques, humoristiques et polémiques, ces textes seraient en effet trop éloignés du modèle traditionnel et notarial du testament, de ses formules employées avec une régularité désarmante de la fin du Moyen Âge jusqu’à la fin de l’Ancien Régime :

Le testament est […] une forme, aux composants aussi stables que repérables […]. Un cadre initial précise le nom, la date, la qualité du testateur. Le préambule qui suit développe des considérations sur la brièveté de la vie et la nécessité de tester […]. Puis, c’est la prière d’invocation comportant signe de croix, recommandation de l’âme à Dieu, au xviie siècle appel aux mérites de Jésus-Christ, demande de pardon et d’accès au Paradis pour l’âme pécheresse, appel aux saints intercesseurs. Viennent ensuite les clauses funéraires qui règlent le déroulement des obsèques et de la sépulture, et les demandes de messes. Enfin ce sont les dons, legs pies faits aux pauvres ou à l’Église, et legs civils faits à des particuliers ou à la famille. L’ensemble se conclut par des formules de validation juridique[10].

Or il nous apparaît problématique d’écarter si rapidement la dimension testamentaire d’oeuvres intitulées « Testaments » par leur auteur, même si elles ne respectent pas scrupuleusement ces quelques étapes qui correspondent à l’acte notarié. Nous souhaitons ainsi faire le pari que ces textes peuvent être éclairés avec profit par la notion de testament, mais qu’ils puisent à des fins différentes dans ce qui définit cet acte : un retour sur la notion même du testament s’impose pour voir comment témoigner et léguer peuvent irriguer l’ensemble des oeuvres testamentaires en prenant pour exemple emblématique le Testament de La Hoguette, et non seulement son versant satirique.

Il existe une tradition satirique préexistante à l’oeuvre de François Villon, à laquelle ce dernier a donné une impulsion décisive et qui a été instrumentalisée au fil des siècles afin d’en accentuer la dimension polémique, de telle sorte que sous l’Ancien Régime ont abondé les testaments destinés à discréditer figures et opinions politiques, par exemple lors des guerres de religion, de la Fronde, et de la Révolution française. Ainsi, en mimant la forme de l’acte notarié, on a pu souligner la nature viciée et corrompue de Mazarin[11]. Faute d’être authentiques – ils n’ont pas été écrits par le testateur lui-même –, ces textes respectent scrupuleusement la forme de l’acte notarié, ce que rendait nécessaire un souci d’efficacité, et surtout parce que la nature transgressive de cette tradition satirique et polémique est dans son principe opposée à l’aspect solennel qui accompagne dans la réalité la rédaction d’un testament. La tradition spirituelle, morale et philosophique de l’écriture testamentaire a coexisté avec la tradition satirique, même si la première a été éclipsée par l’intérêt des chercheurs envers l’oeuvre de François Villon, sans lui être coextensive.

Il est nécessaire, cependant, pour montrer comment cette tradition morale, politique et spirituelle partage un héritage commun avec la tradition satirique tout en s’en distinguant fondamentalement par ses visées, d’entreprendre notre enquête par des considérations sur le testament, plus précisément, sur le mot lui-même, tel qu’on l’a réfléchi au dix-septième siècle : « Tesmoignage qu’on laisse par escrit de sa derniere volonté », selon la définition du Dictionnaire de l’Académie française de 1694, « acte solemnel & authentique, par lequel un homme témoigne la volonté qu’il aura en mourant pour la disposition de son bien & de sa sepulture » selon le Dictionnaire de Furetière (1690). Au coeur du testament, se trouve donc d’abord et avant tout un témoignage, fait par le testateur, véritable testis (témoin)[12], aspect plus fondamental que les étapes habituelles du testament notarié. Par vocation, le testament offre à son auteur un moyen de témoigner, et c’est en premier lieu cette caractéristique, alliée à la forme testamentaire qui ne s’est jamais définitivement figée[13], qui a permis l’introduction de la littérature dans cet acte spirituel et juridique. En effet, avant de n’être qu’un acte juridique privé dédié à la gestion du patrimoine, le testament a été le lieu d’un « témoignage personnel et chaleureux[14] », un « moyen d’expression de l’individu, le témoin de sa prise de conscience[15] », lui accordant entre autres une dimension biographique qui nous est désormais étrangère[16].

L’écriture littéraire du testament, comme le roman ou les Mémoires, n’a pas une forme fixe, un art poétique venant en définir les règles, en rendre aisément reconnaissable l’appartenance de tel ou tel texte, au risque de voir se constituer des exclusions problématiques. Il est ainsi plus profitable de chercher à en dégager l’esprit, d’en discerner les tensions plutôt que d’établir un genre ou interpréter une essence. Ainsi, nous proposons dans un premier temps d’étudier le testament dans le contexte de la littérature de témoignage, celle du témoignage de soi-même, ce qui le rapproche de la figure du témoin ; puis, dans un deuxième temps, d’étudier le testament en tant que témoignage de l’esprit, dans un sens plus abstrait que certains testaments authentiques ont investi sous l’Ancien Régime. Cela nous permettra de voir en quoi le Testament de La Hoguette fait la synthèse de cet héritage testamentaire, et de saisir comment, en s’appuyant sur la posture du testateur, notre auteur a fait en sorte que la forme de l’oeuvre a pu devenir l’incarnation de son témoignage, le legs à part entière.

Le témoignage de soi comme problème, le testament comme solution partielle

Aborder le testament en suivant la perspective étymologique du témoignage nous oblige à traiter d’abord de cette notion dans sa dimension juridique et problématique – un témoignage est toujours partiel, comme s’il n’était pas suffisant en lui-même pour établir sa vérité – pour ensuite présenter un contexte, un paysage testimonial dans lequel nous souhaitons envisager cette forme d’écriture. Cela nous permettra de dégager la spécificité du testament, son intérêt et la raison pour laquelle on a pu s’en saisir pour faire davantage qu’organiser sa succession. De fait, la position d’autorité qu’il offre au testateur le situe d’emblée dans la vérité, puisque sa parole est prononcée devant Dieu, et au seuil de la mort.

Dans un article intitulé « Le témoignage, du judiciaire au littéraire[17] », Pierre de Gaulmyn se livre à une réflexion théorique qui met en lumière la dimension intrinsèquement juridique de tout témoignage :

C’est l’appareil du tribunal qui m’a intéressé dans l’application à la littérature de la notion de témoignage. L’écrivain témoin met en scène, soit avec évidence, soit implicitement, une salle d’audience. Il y a une cause qui le dépasse, un enjeu qui concerne le corps social. Il y a un tribunal qui juge selon des critères de bien et de mal. Il y a un public, qu’il a fallu faire venir, qu’il faut retenir. Il lui arrive aussi de jouer le rôle de l’accusateur ou du défenseur (ou même de l’avocat revêtu de rhétorique qui le seconde). Mais s’il veut être, avant tout, témoin, il devra s’exposer isolé à la barre, faire converger sur lui les regards et les désirs de juger, et se montrer au croisement de son intimité et de l’événement[18].

Dans cet ordre d’idées, le témoignage est « par nature, fragile, et d’emploi dangereux[19] », car le témoin se trouve nécessairement en position de déséquilibre : il doit être impliqué dans ce dont il traite, sinon il n’y a aucun intérêt à écouter son témoignage, mais pas trop, car sa position risque alors d’être biaisée. Puisque le témoignage repose sur un témoin, il est toujours partiel : le témoin et son témoignage ne sont qu’une étape dans la recherche de la vérité que le procès sous-entendu prend pour objet ; il s’agit toujours d’un témoignage de soi[20], où le témoin est mis à l’épreuve. Parce que le témoignage est intrinsèquement lié au témoin, il est par nature suspect. La crédibilité qui permet d’attester son contenu lui fait défaut : il faudrait d’autres témoins. D’où le principe du droit romain cité dans l’article : « Testis unus, testis nullus[21] », c’est-à-dire qu’un témoin ne compte pas s’il est seul, car rien ne valide sa déposition. En dernière analyse, le problème est celui du fardeau de la preuve, ce qui cautionne le témoignage, lui donne son autorité.

Ces considérations s’appliquent spontanément à la littérature testimoniale de l’Ancien Régime, puisque « porter témoignage hors du cadre judiciaire ne pouvait avoir […] l’évidence que ce geste a acquise aujourd’hui[22] ». Les exemples abondent pour la période qui nous intéresse : Pierre de Gaulmyn mentionne celui des Confessions de Rousseau[23], où le tribunal est explicitement convoqué au début du premier livre : « Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra ; je viendrai ce livre à la main me présenter devant le souverain juge[24] », mais on peut penser aussi à Rousseau juge de Jean-Jacques, où la dimension judiciaire est convoquée dès le titre. Avant même cette démarche autobiographique, les Mémoires ont eux aussi fortement investi cette dimension judiciaire, comme les travaux fondateurs de Marc Fumaroli l’ont démontré, soulignant à quel point ils se rapprochent des mémoires en tant que « dossier préparé devant le tribunal de la postérité[25] » pour réparer l’injustice, faire triompher la vérité des grandes actions d’une vie. De même, pour donner un autre exemple, Simon Icard et Pascale Thouvenin ont récemment mis en valeur la dimension juridique des Mémoires des soeurs de l’abbaye de Port-Royal que la dimension spirituelle ou augustinienne tend à nous faire oublier[26]. Quelques siècles plus tôt, dans les débuts de la naissante République des Lettres, François Pétrarque fait son propre procès, dans un dialogue entrepris avec saint Augustin devant nul autre que la Vérité, « illa de singulis in silentio iudicante[27] », celle qui juge en silence, ce procès où François cherche à élucider ses conflits intérieurs, à en livrer un témoignage véridique sans se tromper lui-même ou son interlocuteur. Cependant, si Pétrarque prend à témoin la Vérité à plusieurs occasions – « Hec michi, coram qua loquimur, testis est[28] » –, elle n’en reste pas moins silencieuse. Son témoignage demeure problématique, comme celui des mémorialistes trop engagés dans leur récit, et comme celui de Rousseau, qui pour témoigner de son moi exige de toujours s’en rapprocher, suivant le mot de Perse, « intus et in cute[29] », sans jamais en venir à bout. Le témoignage, par définition, n’atteint jamais complètement son but[30].

Dans ce contexte testimonial problématique, le testament offre à sa manière une solution partielle car il possède une dimension juridique en ce qu’il vise à mettre de l’ordre – dans ses affaires, ses biens, sa vie – et une dimension spirituelle plus évidente que celle des exemples précédemment évoqués : on témoigne devant Dieu pour le salut de son âme. Il est alors inutile de mentir parce qu’on ne dupe pas Dieu – on ne croit d’ailleurs plus, sous l’Ancien Régime, qu’une belle mort sauve une mauvaise vie, même si l’on apprécie son exemplarité[31]. Le testateur médite sur sa vie, la cause pour laquelle il veut témoigner et dans laquelle il s’est investi, mais il n’a en principe plus rien à gagner dans le monde sublunaire[32]. Le testament est une solution partielle parce qu’il faut se garder d’avoir la naïveté de penser que tous les testateurs se plient honnêtement à l’exercice. Ce n’est pas sans raison que le père Garasse a trouvé un matériau fécond dans les testaments pour dénoncer le libertinage, l’athéisme et l’impiété[33].

L’heure de la mort permet de prendre la mesure de soi-même au moment où l’on s’apprête à quitter le monde et ses luttes, ses déséquilibres :

Depuis le xiie siècle […] [où le testament a été réintroduit par l’Église dans l’occident médiéval,] la solitude de l’homme devant la mort est l’espace où celui-ci prend conscience de son individualité, et les clauses pieuses du testament sont les moyens de sauver cette individualité de la destruction temporelle et de l’étendre au-delà[34].

Parce que le testament inclut une confession, la reconnaissance des torts, et qu’il est un moyen pour mettre de l’ordre dans ses propres affaires, il incite à la méditation sur sa propre vie[35]. En ce sens, le testament devient une biographie, comme le met bien en valeur Philippe Ariès[36], car il exprime « la conscience de soi, la responsabilité de sa destinée, le droit et le devoir de disposer de soi, de son âme, de son corps, de ses biens, l’importance donnée aux volontés dernières[37] ». Les legs eux-mêmes, les formulations et les réflexions qui les accompagnent révèlent le testateur : ils en dressent le portrait. Dans une de ses lettres, Pline le Jeune s’oppose à l’idée que le testament soit le miroir des moeurs et de la personnalité d’un être, soulignant ainsi à quel point cette idée était un lieu commun, même dans l’Antiquité[38]. Montaigne la reprend en affirmant qu’un testament qui poursuit des querelles mondaines est le signe de la mauvaise nature du testateur, concluant qu’en ce qui le concerne : « Je me garderay, si je puis, que ma mort ne die chose, que ma vie n’ayt premierement dit[39]. » Enfin Gabriel Peignot, dans son Choix de Testamens, inclut celui de Pétrarque, non parce qu’il s’agit d’un testament exceptionnel, mais parce que ses legs montrent la douceur de son tempérament. Il laisse en effet deux cents florins à Boccace, pour qu’il puisse « [s’]acheter une robe d’hiver, convenable à ses études et à ses veilles[40] ». Le testament devient littéralement le miroir de la vie du testateur lorsque ce dernier décide d’en livrer le récit, possibilité dont Michel de l’Hospital s’est saisi, narrant sa vie sur plusieurs pages avant d’en venir aux legs[41], ce qui a encouragé Gabriel Peignot, dans son Choix de testamens, à couper cette partie sous prétexte, comble de l’ironie, qu’elle « n’offre rien de testamentaire[42] ».

La solennité de l’enjeu – témoigner de soi, devant Dieu, à la veille de sa mort ou en préparation à celle-ci – a encouragé certains testateurs à porter une attention particulière à la langue de manière à rendre hommage à ce moment, « le dernier de tous, celui qui par conséquent exige le plus de soin et d’attention[43] » : ce sont les « beaux testaments » de Pierre Chaunu (comme celui de Loys de Herberay seigneur des Essarts[44], dont on ne peut qu’admirer les périodes amples et majestueuses), qui oscillent entre un style vif et élevé, reflet de l’autorité et du pouvoir qu’a alors le testateur[45], et un style humble et naïf, puisqu’il s’agit de parler devant Dieu[46]. Regard rétrospectif sur la vie, mais afin de la conclure, le testament est un témoignage de soi, libéré de la dimension agonistique du procès, mais conservant son poids argumentatif et juridique[47]. Donner un témoignage personnel dans son testament, y inclure une réflexion ou un récit sur sa vie, c’est en donner un récit réconcilié au plus près de la vérité, au contraire des Mémoires (où il s’agit toujours, ou au moins en partie, de faire sentir les injustices), et des interrogations sans conclusion définitive de Pétrarque, Montaigne et Rousseau.

Le testament comme témoignage de l’esprit

Nous avons jusqu’ici envisagé le témoignage du testament en ce qu’il renvoie au témoin qu’est le testateur, à ce qui dépend de lui : faire le point sur sa vie, solennellement, dans le contexte de ses dernières volontés. C’était le point de départ que nous ont offert les dictionnaires cités en introduction. Il nous reste désormais à voir comment la notion de témoignage jette la lumière sur certaines pratiques spirituelles et intellectuelles du legs, l’héritage transmis par le testament. C’est ce qui va nous permettre de décloisonner l’écriture testamentaire, tant par la prise en compte de testaments authentiques que d’oeuvres que l’on devra désormais qualifier de testamentaires.

Antoine Furetière nous offre une deuxième manière déjà ancienne au dix-septième siècle pour aborder la dimension testimoniale du testament, qui lie le témoignage au legs, ou plutôt à sa production. Il nous dit en effet que « [c]e mot [testament] vient du Latin testamentum, que les Jurisconsultes Latins disent venir de testatio mentis », c’est-à-dire témoignage ou déposition de l’esprit, du coeur ou de la conscience. Cette définition remonte au moins jusqu’à Justinien qui la fait sienne dans ses Institutes : « Testamentum ex eo appellatur, quod testatio mentis est[48]. » Si l’on savait depuis les travaux de Lorenzo Valla que cette étymologie était fausse[49], elle a cependant eu une grande influence sur la conception du testament, puisqu’elle nous mène précisément à une oeuvre comme celle de La Hoguette. Il nous semble en effet que cette définition du testament informe le dernier sens qu’en donne Furetière dans sa notice : « testament, se dit aussi de quelque parole & instructions qu’un pere donne à ses enfants en mourant, & des choses qu’il leur recommende. Le Testament du bon pere à ses enfants du Sr. Fortin de la Hoguette. » Ces « instructions » qu’un père lègue sont précisément son témoignage de l’esprit, la testatio mentis qui a influencé le testament depuis le sixième siècle de Justinien et qui a eu force de loi dans la France médiévale tant dans le droit écrit du Sud que le droit coutumier du Nord[50]. Une réflexion peut se constituer en un bien à transmettre tout aussi valable qu’une somme d’argent, un meuble, une propriété. Cela confère au testament une dimension intellectuelle et plus abstraite, qui s’ajoute à ses sens juridique – transmettre des biens, ses dettes, prévoir sa sépulture – et spirituel – l’exercice de préparation à la mort, le dialogue avec Dieu.

À nouveau, il est possible de vérifier ces intuitions par des testaments authentiques qui se sont saisis de cette forme abstraite, philosophique et intériorisée du legs. Le testament devient tout autant un exercice spirituel qu’une oeuvre d’édification. Ainsi, Philippe Mélanchton, le célèbre humaniste luthérien, ne livre aucune indication sur ses biens matériels et sa sépulture, mais plutôt une réflexion sur la fonction du testament, soit transmettre ses principes ou opinions religieuses à ses enfants et amis :

Apparet, initio praecipue condita esse testamenta, propter hanc causam, ut patres relinquerent liberis certum testimonium suae de religione, quam volebant gravi auctoritate quasi obsignatam propagari ad posteros.

Item, ut liberos ipsos ad eamdem sententiam obligarent, sicut exempla ostendunt in testamento Jacob et Davidis.

Et quia testamenta continebant explicatas, certas, immutabilesque sententias de doctrina caelesti, rerum magnitudo auxit testamentorum auctoritatem.

Quare et ego meorum liberorum et quorumdam amicorum admonendorum causa, volui initio in testamento, et meam confessionem recitare, et liberis meis praecipere pro officio patris, ut in eadem sententia constanter maneant[51].

Mélanchton livre son « testimonium […] de religione » dans son testament afin que par l’autorité qui lui revient dans cet acte, il puisse non seulement transmettre sa pensée clairement et sans ambiguïté, mais aussi dans l’espoir de régler les conflits religieux de son temps. Son témoignage revêt une dimension publique dans la mesure où il est susceptible de mettre fin aux discordes (« discordias[52] ») : « Ergo hanc lucem, quamdiu possumus, conservamus[53]. » Le testament devient une lumière, un phare qui prévient la dérive et les naufrages et grâce auquel les descendants pourront se repérer. Les pratiques variées du testament en Occident, depuis le douzième siècle, d’abord religieuses, puis laïques (la dimension concrètement juridique de l’acte) ont ainsi rendu possible cette pratique philosophique et autobiographique. Elle est particulièrement importante au seizième siècle et courue par un public avide de vies et de réflexions d’hommes exemplaires, comme le souligne Giuliano Ferretti[54].

L’érudit Pierre Pithou livre lui aussi une testatio mentis dans son testament – l’expression est citée littéralement –, mais dans une forme différente de celle de Mélanchton. Il ne s’agit plus pour lui de s’adresser directement à ses enfants – même s’il souhaite les édifier, leur consacrer cet exemple de vertu dans la période troublée des guerres de religion –, mais de faire, dans une suite d’articles, le portrait de sa personnalité et des principes moraux, politiques et religieux qui l’ont guidé :

i. Moribus valde corruptis ac pravis, saeculo infelicissino, quantum in me fuit, fidem servavi.

ii. Amicos ex animo amavi et colui. Inimicos benefactis vincere aut contemnere, quam ulcisci, malui. […]

iv. Vitia sic odi in meis, ut virtutes in externis vel hostibus reveratus sim.

xii. Privatus ultro publico studui : ei nihil praetuli, atque in commune consulere potius tutiusque semper existimavi. […]

xxiv. De patrimonio ac bonis meis, quantulacumque post mortem meam erunt, legibus potius quam mihi judicum permisi, permittoque. […]

xxvi. Si hoc apud posteros testatio mentis meae quam ab illis sic candide accipi velim, ut simpliciter et ingenue ex animi mei sententia a me prolata est[55].

Remarquons qu’il prend spécifiquement la peine, au vingt-quatrième article de son testament, de régler sa succession matérielle en s’en désintéressant. Si s’en remettre aux lois est signe de sagesse en matière successorale, l’exemple prouve que le testament, à l’esprit des hommes de lettres et des érudits de l’Ancien Régime, exprimait bien plus que ces soucis matériels[56]. Inversement, parce qu’ils ne sont pas authentiques et sincères, faute d’avoir été écrits par ceux auxquels ils sont attribués, les testaments satiriques de l’Ancien Régime restent au plus près du modèle notarial et de la succession des objets légués, ce qui empêche la définition d’un genre testamentaire à proprement parler, les textes étant trop variés, tant par leur ton que par leurs caractéristiques formelles. S’il est commode de parler d’un genre testamentaire, il faut donc entendre l’expression dans un sens large et non restrictif, au même titre que le genre du roman.

Tandis qu’au début de cet article il semblait difficile d’inclure dans un quelconque genre du testament des textes qui n’imitent pas la forme testamentaire la plus régulière, c’est-à-dire la forme notariée, la conception du testament comme testatio mentis crée un renversement : il semble que tout témoignage sur soi, a fortiori ceux laissés à la descendance et à la postérité, est désormais embrassé par l’écriture testamentaire. L’appartenance générique qui semblait exclusive au respect des formes notariales éclate pour inclure des textes que l’on rattache à d’autres genres. Celui des Mémoires, en premier lieu, dans la mesure où il s’agit d’un « exercice, comme une pratique de soi […] [où la] rédaction […] sert moins à embellir un passé qu’à agir sur un présent et transformer un avenir[57] », comme l’écrit Frédéric Briot. Ils sont écrits, comme le testament, dans une visée performative. C’est en ce sens que les Mémoires sont testamentaires : non pas au regard de l’injustice à corriger, mais parce que la somme de l’expérience personnelle qu’ils contiennent édifie, donne également un flambeau à la postérité et la descendance. Le récit de l’existence est un legs, c’est-à-dire le modèle auquel devront se conformer les destinataires de l’oeuvre. Pensons aux Mémoires d’Agrippa d’Aubigné, éloquemment intitulés Sa Vie à ses enfants :

Mes Enfans, […] voicy le discours de ma vie, en la privauté parternelle, qui ne m’a point contrainct de cacher ce qui en l’Histoire Universelle eust esté de mauvais goust. Donc ne pouvant rougir envers vous ny de ma gloire, ni de mes fautes, je vous conte l’un et l’autre comme si je vous entretenois encores sur mes genoux. Je desire que mes heureuses et honorables actions vous donnent sans envie l’emulation pourveu que vous vous attachiés plus expres à mes fautes, que je vous descouvre toutes nues, comme le point qui vous porte le plus de butin[58].

Ou encore au Discours du Comte de Bussy-Rabutin à ses enfans, sur le bon usage des adversitez & les divers événements de sa vie, dans lequel il s’intègre à une filiation d’hommes illustres injustement déchus de toutes les époques pour en tirer des leçons de piété :

Quand je fais reflection mes Enfans aux traverses de ma vie, que je considere les marques d’honneur, les grands titres, et les grands établissements refusés a ma naissance, a mes longs services, et a mes grands emplois, je rends graces a Dieu d’avoir emploié la mauvaise fortune pour m’attirer à Luy prevoyant que je me serois perdu dans la bonne. Je ne veux pas dire par la que tous les gens heureux soient reprouvés, il ny a jamais eu une bonne fortune si longue, et si brillante que celle du Roy, cependant il ny a jamais eu une plus solide vertu que la sienne. Je connois encor des gens a la Cour qui vivent dans les prosperités comme des anges, mais j’en connois fort peu, et ma fragilité me fait croire que je n’aurois pas eté du petit nombre.

Outre le profit que je pretends tirer de mes disgraces mes Enfans, je veux aussy vous en faire profiter en vous faisant comprendre le peu d’etat que lon doit faire des belles apparences de la fortune, et de la fortune memes, non seulement par ma propre experience, mais encor par celle d’une partie des gens de qualité malheureux des siecles passés jusqu’à moy[59].

L’éditeur du discours, Daniel-Henri Vincent, le qualifie avec justesse de « testament moral[60] ». Méditation sur sa vie qu’il transmet pour édifier, témoignage de sa « fragilité » et exemple de vertu et de rectitude dans les malheurs, le Discours a tout de la testatio mentis. Ainsi, livrer un témoignage philosophique, religieux, moral et politique est également l’un des fondements du testament, un acte qui permet d’offrir un point de repère, une lumière au-dessus de la mêlée pour se prononcer sur un conflit sans l’envenimer.

La synthèse hoguettienne

À la lumière de ce qui précède, le Testament de La Hoguette peut être considéré comme la synthèse, la rencontre du testament en tant que témoignage de soi et de la testatio mentis. La portée de l’oeuvre est définie par cet esprit testamentaire et cette conception philosophique du legs comme témoignage de l’esprit :

Mais d’autant qu’en l’aage de soixante & dix ans que je cours presentement, toutes les heures, tous les jours & toutes les années me sont climateriques, je me suis proposé au defaut de ma presence, si elle vous manque, de vous laisser quelques preceptes pour la conduite de vostre vie, en forme de testament, afin que vous les receviez avec plus de respect, & que ce vous soit après nostre separation, un modelle vivant sur lequel mon dessein estoit de vous façonner. Je me remets aux loix du païs (que nous ne pouvons violer sans presumer d’estre plus sages qu’elles) à faire entre vous le partage de mes autres biens. Ceux-cy que je voudrois bien leguer plus utilement que je ne m’en suis servy, je vous les laisse tous à un chacun de vous ; possedez-les mieux que moi, mes enfans, j’en ay eu la theorie sans en faire l’application. Je les ay possedez comme un avare son tresor, sans les employer à mon usage, parce que mes defauts ont prevenu ma connoissance, & que je me suis veu sous la tyrannie de mes vices, par la force de la coustume, avant que d’avoir pû descouvrir leur laideur.

T, 2-3

À soixante-dix ans, La Hoguette est un vieillard pour lequel le temps est « climatérique », c’est-à-dire critique : l’imminence de la mort est de plus en plus certaine. Comme pour Mélanchton et Pithou, il ne s’agit pas ici d’une fiction testamentaire, même si la testatio mentis va prendre, dans cette oeuvre de plusieurs centaines de pages, les dimensions d’un traité d’éducation. Le Testament, plus que le réceptacle de la déposition, en est l’incarnation : « un modelle vivant ». Les conseils qu’il contient sont les biens véritables, face à ces « autres biens » matériels auxquels, comme Pithou et comme Montaigne le pensent également[61], mieux vaut ne pas consacrer un temps précieux. Ce faisant, rejoignant le témoignage de soi, La Hoguette confesse par humilité ne pas avoir profité des conseils qu’il s’apprête à donner, et qu’il a dû acquérir par sa propre expérience. Il investit l’autorité que la position du testateur permet à chacun d’employer afin que ces conseils soient reçus avec « respect ».

On voit déjà comment la notion de testament, prise dans son sens de témoignage, éclaire celui de notre auteur. En tant que témoin, tel que le modèle de Pierre de Gaulmyn le propose, La Hoguette s’avance sans oripeaux à la barre, n’ayant rien de plus que l’expérience vécue qui fonde sa position, ainsi qu’il l’explique dans la lettre dédicatoire adressée à Monseigneur de Bellièvre[62] :

J’avois dressé en faveur de mes enfans quelques Conseils fideles que j’avois assez legerement donnez au public, sans qu’il y eust apparence que l’ouvrage d’une personne privée, retirée dans sa maison aux champs, sans livres, sans employ, & sans autre estude que celuy d’un long usage du monde, pûst avoir une meilleure fortune que celle d’un enfant exposé.

T, s.p.

Mais comme nous l’avons également constaté, son témoignage n’est pas agonistique. C’est un témoignage réconcilié qui cherche à encourager l’harmonie, tout comme celui de Mélanchton souhaitait mettre fin à la discorde. Devant un monde troublé où il n’est pas aisé de bien mener son existence[63], La Hoguette propose un chemin et une lumière pour guider ses lecteurs : « Considerez-moy donc meshuy comme un aveugle qui vous allume un flambeau, duquel il ne se peut esclairer, ou plustost comme une personne qui marche devant sa lumiere & qui tient son flambeau derriere luy, si flambeaux se peuvent appeler ces petits enseignements que je vous laisse » (T, 3). C’est ainsi que le testament s’offre comme l’art d’écrire ou la forme la plus apte à livrer un tel enseignement, une méthode pour bien mener son existence, car il concilie le monde – régler ses affaires avant de le quitter – et la spiritualité – agir en conformité avec la foi, dans la peinture d’une « autobiographie fragmentée[64] » racontée par les anecdotes, les aveux et les différentes confessions au fil des articles du Testament. Ainsi La Hoguette remercie-t-il Dieu de lui avoir permis de « subsister honnêtement » (T, 219) toute sa vie, confesse deux duels dans le chapitre où il cherche à les condamner (voir T, 236), raconte avec émotion la chance inhabituelle qu’il a eue de se charger de l’éducation de ses deux plus jeunes fils (T, 306-307), etc. Le testateur est, pour reprendre la formule de Jacqueline Cerquiglini-Toulet, « un sujet qui se rassemble dans l’acte même de léguer[65] ». Contrairement à Pline le Jeune, Fortin admet que son Testament dresse son portrait, puisque le moment auquel il se prépare (la mort) est la pièce maîtresse de la vie :

En effet, bien vivre n’est autre chose que bien mourir ; parce que chaque instant de la vie n’est qu’une fluxion de nostre aage vers la mort ; aussi n’y a-t-il rien qui fasse moins de mutation en l’homme que cette derniere heure, un chacun de nous suivant jusques en ce moment l’inclination naturelle du cours ordinaire de la vie. Ce qui a donné sujet au Legislateur d’appeler nostre Testament ou derniere volonté, le miroüer de nos moeurs.

T, 370

Le témoignage de soi et le témoignage de l’esprit qui donnent au testament sa valeur d’exemplum, sa dimension édifiante, font en sorte que l’intérêt du Testament est universel :

Quoy que ce petit discours, mes enfans, ne semble vous regarder qu’en vostre particulier ; je confesse neantmoins que mon intention est de plus grande estenduë, & qu’estant obligé de considerer selon le conseil de l’Evangile, tous les hommes comme mes freres, & tous les jeunes gens comme mes enfans, mon affection suivant cette regle, me contraint & peut-estre aux despens de ma reputation, de laisser en commun à toute jeunesse, & au pillage du premier occupant, cet acquest que j’ay fait sans en avoir esté l’usufruitier. Je seray bien ayse que la meilleure portion en demeure aux miens : mais si quelque autre quel qu’il soit, s’en rend plus digne qu’eux, & qu’il en devienne plus sage, j’auray toûjours en quelque sorte satisfait mon intention. Je ne diminuë rien du vostre dans le dessein que j’ay d’associer tout le monde en cette heredité : je tasche au contraire d’estendre votre alliance avec tous les hommes, & de vous acquerir de nouveaux freres qui puissent contracter avec vous en la communauté de ce legat, une fraternité spirituelle qui soit plus estroite encore & plus asseurée, que si le sang & la chair l’avoient faite.

T, 4-5

Comme les mémorialistes de son siècle, La Hoguette prend la plume « aux despens de [sa] reputation », risquant de « se voir attribuer le nom infamant d’auteur[66] ». L’intérêt universel de son propos en vaut le risque, puisque le lien juridique né de son témoignage crée une « alliance » et fonde une « communauté ».

C’est en ce sens que La Hoguette fait une alliance, un contrat social, pour reprendre l’expression qui, dans la pensée politique du dix-septième siècle, a servi à s’opposer à la monarchie de droit divin[67]. Les termes dans lesquels Giuliano Ferretti[68] résume l’oeuvre suggèrent également cette idée du testament en tant que contrat social, nouvelle alliance, comme l’était, en un sens, le Nouveau Testament. Un témoignage pourrait difficilement avoir plus d’autorité. La Hoguette a cependant la sagesse de ne pas se faire d’illusion sur le succès de sa démarche : les conseils n’ont pas la dimension normative d’un ordre. Son Testament ne dresse pas moins le portrait d’une société idéale, ou plutôt de l’éducation qui y mène. En ce sens, le traité de l’immortalité de l’âme qu’il ajoute à la toute fin de son livre dans l’édition de 1656 (T, 372-375) devrait peut-être nous rappeler celui qui conclut également la République de Platon, le mythe d’Er, ou son pendant latin, le songe de Scipion qui termine la République de Cicéron. Cette dissertation conclusive, plus qu’un simple exposé de spiritualité certes attendu dans un testament, signale peut-être l’ambition qu’il faut accorder à l’oeuvre et que seule la posture testamentaire pouvait légitimer de la part d’un simple particulier, car le testateur s’avance à la barre, prenant Dieu à témoin, et livre sa déposition afin de laisser ses affaires et le monde dans l’harmonie, autant qu’il est possible.

*

À cause du privilège accordé au Testament de François Villon[69] de la part des chercheurs, la notion de testament ne semblait pas opérante dans l’histoire littéraire. Une conception trop réduite du testament avait même pour effet de faire en sorte que certains actes authentiques, comme celui de Michel de l’Hospital dicté sur son lit de mort[70], se voient refuser leur dimension testamentaire. C’est la faille que nous avons tenté de combler en réinvestissant la notion par la dimension testimoniale qui lui est intrinsèque, révélée par l’étymologie – réelle, celle du testis, ou fausse mais essentielle, celle de la testatio mentis héritée du droit romain. Cela nous a permis de constater que les fondements de l’écriture testamentaire pouvaient être investis à des fins biens différentes de celles de la tradition satirique et polémique, bien vivante sous l’Ancien Régime : il est également possible de témoigner, ordonner et léguer au nom de Mazarin pour le discréditer, que de livrer ses conseils à la postérité. L’écriture testamentaire se déploie dans des avenues variées, qui puisent dans l’acte authentique lui-même, mais sans nécessairement respecter pas à pas ses étapes canoniques. Ainsi, nous nous sommes gardé de dénaturer la notion (les dimensions juridiques et spirituelles sont restées au coeur de notre questionnement) en nous rapportant au discours sur le testament, rapidement esquissé à l’aide de Montaigne et le passage que nous avons cité de Pline le Jeune. Situé aux frontières du témoignage, le testament tel que nous l’avons envisagé offre un lieu d’équilibre entre le témoignage de soi-même (la dimension biographique) et la déposition de l’esprit (ce qui fait du legs un témoignage) entre la vie et la mort, la dimension privée (s’adresser à ses proches) et publique de l’existence (édifier, éduquer, jusqu’à léguer le modèle d’une société idéale, comme le Testament de Fortin de La Hoguette). D’où son succès dans la littérature : situé dans ce carrefour, le testateur peut rendre compte de toutes les dimensions de sa vie. Le testament offre ainsi paradoxalement la possibilité d’une plénitude, ce point central d’où l’on peut observer son existence sous le regard de Dieu et en tirer les conclusions qui méritent d’être léguées à la descendance ou à la postérité.