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1. Introduction

Les ressources en eau sont constamment affectées par un ensemble d’activités humaines : agriculture, industries, etc. De façon générale, la pollution des eaux de surface peut être divisée en deux classes : pollution ponctuelle et pollution diffuse. La pollution ponctuelle est un rejet direct de polluants dans les cours d’eau. Ces rejets sont habituellement de type industriel ou domestique. Ils sont facilement repérables, quantifiables et leurs impacts peuvent être rapidement évalués et contrôlés. Les sources de pollution ponctuelle peuvent être éliminées soit en arrêtant l’apport de polluants ou soit en traitant les eaux polluées avant leur déversement dans les cours d’eau.

Les polluants diffus proviennent principalement de sources municipales ou liées à l’agriculture, mais couvrent une grande variété d’activités. Ces polluants sont transportés par l’écoulement des eaux et se retrouvent dans les rivières, les cours d’eau et les lacs. Les sources de pollution diffuse sont beaucoup plus difficiles à détecter à cause de leur répartition sur l’ensemble du territoire et de leur manifestation de façon intermittente. En effet, lors d’événements pluvieux, il se produit une augmentation des polluants dans les cours d’eau. De par l’écoulement de l’eau sur le territoire pollué, les sols, les composés chimiques adsorbés et les substances dissoutes sont alors apportés vers les cours d’eau. L’évaluation des sources de pollution diffuse est d’autant plus complexe qu’il y a des transformations physiques, chimiques et biologiques des polluants tout au long de leur migration. Les sources de pollution diffuse prises individuellement ont souvent peu d’impacts sur l’environnement. Il s’agit plutôt de l’effet cumulatif amont aval de tous ces polluants qui crée de sérieux problèmes du point de vue environnemental. À ce jour, les activités agricoles sont considérées comme étant responsables en majeure partie de la génération des charges polluantes diffuses (ONGLEY, 1996).

À l’heure actuelle, l’un des défis majeurs des pays émergents comme ceux d’Asie du Sud-Est est d’adopter des politiques pouvant permettre de mieux prendre en charge l’impact des développements économique et démographique sur le milieu naturel, en général, et sur les ressources en eau, en particulier. C’est ainsi que certains pays de cette région, comme le Vietnam, ont mis en place des politiques devant permettre d’améliorer la gestion des ressources en eau. En effet, dans le cas du Vietnam, depuis l’adoption de la politique de réforme économique en 1986 et particulièrement depuis la levée de l’embargo des États-Unis en 1994, des progrès considérables ont été réalisés avec une croissance économique moyenne de 7,2 % par année de 2001 à 2010, selon les données du Bureau de Statistique Vietnamien (BUREAU DE LA STATISTIQUE DU VIETNAM, 2010). Cependant, l’augmentation rapide de la population, l’urbanisation, l’industrialisation, l’intensification de l’agriculture et le transport maritime ont occasionné une dégradation importante de la qualité de l’eau. Pour améliorer la gestion de l’eau, le gouvernement du Vietnam a adopté depuis 1999 plusieurs réformes politiques. En effet, la « loi sur les ressources hydriques » a été adoptée et est entrée en vigueur en janvier 1999. En 2002, suite à la création du ministère des Ressources naturelles et de l’Environnement, celui-ci s’est vu confier la gestion des ressources en eau. En 2005, le gouvernement vietnamien stipulait que l’environnement de la rivière Cau, qui fait partie du bassin versant du fleuve Hong (le plus grand fleuve au nord du Vietnam), avait été pollué de façon importante et qu’il était urgent qu’un programme global de protection de l’environnement y soit implanté (MONRE, 2005). Un des objectifs de ce programme est d’implanter un outil de gestion intégrée par bassin versant de la rivière Cau. C’est en appui à ce programme que le projet Gestion intégrée du bassin de la rivière Cau au Vietnam a été initié en 2007. Ce projet traite de différents aspects de la gestion intégrée par bassin versant : hydrologie, érosion des sols et transports de sédiments, qualité de l’eau, etc.

La présente étude s’inscrit dans le cadre de ce projet global. Ainsi, on dénote deux objectifs spécifiques pour ce travail. Le premier consiste à développer une méthode de calage appropriée des modèles PO et Qual-GIBSI, permettant de tenir compte des caractéristiques de chacune des trois zones spécifiques (zones forestière, agricole et urbaine) de la région d’étude. Cette méthode de calage est appelée « calage régionalisé ». À notre connaissance, les études réalisées jusque-là au Vietnam ou en Asie du Sud-Est adoptent un calage global, qui consiste à ajuster tous les paramètres des différents modèles de façon simultanée sans tenir compte des caractéristiques physiques des différentes zones d’étude (LE, 2005; TRAN et al., 2007; HOANG et al., 2007; REUNGSANG, 2007; MOHAMED, 2008; MASREVANIAH, 2010; TEARTISUP et KERDSUEB, 2011; ZHANG et al., 2013). Pour faire le calage régionalisé, on subdivise d’abord la région d’étude en trois zones géographiques (forestière en amont, agricole au centre et urbaine en aval) et on effectue le calage des modèles pour chaque zone, d’amont en aval. Pour faciliter le calage régionalisé, un calage global des paramètres a d’abord été effectué sur toute la région d’étude. Ensuite, les paramètres obtenus lors de ce calage global sont utilisés comme paramètres initiaux pour le calage régionalisé. Enfin, le calage est effectué successivement pour les zones forestière, agricole et urbaine. Cette méthode de calage a été appliquée par AUDET (2013), mais uniquement pour le modèle Qual-GIBSI.

Le second objectif spécifique est d’évaluer l’influence de différentes sources de pollution sur la qualité de l’eau. Pour ce faire, une approche par scénarios est adoptée. Il s’agit d’élaborer des scénarios d’usage pour chaque type de pollution (rejets diffus d’origine agricole, rejets d’origine domestique en zones urbaine et rurale, rejets ponctuels des industries). Ainsi, à l’aide du scénario de référence (scénario de l’état actuel), nous comparons l’impact de la pollution diffuse sur la qualité de l’eau du bassin versant de la rivière Cau.

2. Revue de littérature

L’étude de l’impact de la pollution diffuse a commencé, en Amérique du Nord, vers les années 1970 avec le programme d’identification et de contrôle des sources de pollution ponctuelle et diffuse du bassin versant des Grands Lacs du Canada et des États-Unis (ONGLEY, 1996). En 1972, les deux gouvernements du Canada et des États-Unis ont établi le Pollution from Land Use Activities Reference Group (PLUARG, 1979) pour étudier les sources de pollution du bassin versant des Grands Lacs. Cette étude a entraîné une amélioration considérable de la compréhension scientifique des impacts de l’utilisation du sol sur la qualité de l’eau.

Au Vietnam et dans les pays limitrophes, peu d’études de modélisation de la qualité de l’eau par bassin versant ont été réalisées en matière d’impact des types de pollution. En Chine, quelques études sur la modélisation de la qualité de l’eau ont été réalisées sur les bassins versants de la rivière Hanshui (WANG et al., 2011) et de la rivière Huai (ZHANG et al., 2013). WANG et al. (2011) utilisent le modèle MIKE-11 (TEARTISUP et KERDSUEB, 2011) pour modéliser la qualité de l’eau à partir des sources de pollution ponctuelle. ZHANG et al. (2013) utilisent le modèle SWAT pour modéliser la qualité de l’eau en utilisant à la fois les sources de pollution ponctuelle et diffuse. De plus, des études sur la pollution diffuse ont été réalisées. En effet, une étude a été réalisée sur le bassin versant de la rivière Yongding, dans la province de Hobei au nord de la Chine (XIAOWEN, 2010). Comme pour le bassin versant de la rivière Cau, l’agriculture est une activité importante sur ce bassin versant. Les sources et la charge des contaminants provenant de la pollution diffuse ont été modélisées en utilisant les connaissances disponibles (l’utilisation du sol, la topographie, la population, les pratiques de fertilisation et le cheptel). Cette étude montre que la pollution diffuse est d’origines agricole et domestique rurale et qu’elle varie en fonction du climat. JIAKE et al. (2011) ont réalisé une étude de l’impact de la pollution diffuse sur la qualité de l’eau sur le bassin versant de la rivière Wiehe, qui est situé au centre-ouest de la Chine. Les résultats de cette étude montrent que la pollution diffuse occupe une grande proportion de la pollution de l’eau de la rivière et que le volume de ruissellement affecte directement la charge de pollution diffuse. YANG et al. (2012) ont effectué une étude dans la municipalité de Tianjin, sur une partie du bassin versant de la rivière Hai, au nord de la Chine. La densité de population de cette région est faible, soit d’environ 320 personnes∙km-2. De plus, dans les zones rurales, il n’y a pas de système de drainage. Les résultats de cette étude montrent que l’élevage de bétail est la source de pollution diffuse la plus importante. Quant à celle d’origine domestique en zone rurale, elle ne représente qu’une partie très faible de la pollution diffuse.

En Indonésie, la qualité de l’eau de la rivière Brantas a été modélisée par MASREVANIAH (2010). Cette étude considère les sources de pollution ponctuelle d’origine industrielle ainsi que les sources de pollution diffuse d’origines agricole et domestique. Les outils utilisés pour modéliser la qualité de l’eau de la rivière Brantas sont les modèles AVSWAT et Qual2K (MASREVANIAH, 2010). En Malaisie, le modèle Qual2E a été utilisé pour simuler la qualité de l’eau à l’échelle du bassin versant (MOHAMED, 2008). Ces simulations ont été réalisées sur les bassins versants de la rivière Selangor et sur celui de la rivière Sg Tebrau avec des données observées abondantes. En Thaïlande, REUNGSANG (2007) a simulé l’hydrologie et les nitrates de la rivière Chi. Il a utilisé le modèle SWAT (NEITSCH et al., 2011) dans un contexte de données observées abondantes. La méthode de calage utilisée est celle du calage global. TEARTISUP et KERDSUEB (2011) ont utilisé le modèle MIKE-11 pour évaluer la qualité de l’eau du canal U-Tapao. De plus, quelques études ont été réalisées pour analyser l’impact de la pollution diffuse sur la qualité de l’eau. En effet, une étude a été réalisée par EISAKHANI et al. (2009), considérant trois classes d’occupation du sol dans cette région : les classes forestière, agricole et urbaine. Les sources de pollution considérées dans cette étude sont les sources ponctuelle et diffuse provenant de l’agriculture. Les principaux types de culture sur le bassin versant de la montagne de Cameron, étudié par EISAKHANI et al. (2009), sont les légumes et le thé. La méthode pour évaluer les sources de pollution diffuse développée par EISAKHANI et al. (2009) consiste en l’utilisation du volume de ruissellement et de la concentration moyenne d’azote et de phosphore dans l’eau de ruissellement des différents types d’occupation du sol. Les nutriments considérés sont les masses totales d’azote et de phosphore. Il ressort de cette étude que la pollution diffuse d’origine agricole constitue une partie importante de la pollution dans la région de la montagne Cameron (la région d’étude). Une autre étude a été réalisée au lac de Timah Tasoh, en Malaisie (KAMARUDZAMAN et al., 2011). Les sources de pollution ponctuelle sont d’origines domestique et industrielle. Les sources de pollution diffuse proviennent essentiellement de l’agriculture. Cette étude a été réalisée pour identifier les régions à risque, c’est-à-dire celles où l’on enregistre une plus grande augmentation de la pollution. Cependant, KAMARUDZAMAN et al. (2011) ne font pas de modélisation de la qualité de l’eau ni l’évaluation de l’impact des sources de pollution sur la qualité de l’eau, mais se contentent seulement de mesurer la qualité de l’eau (campagnes de mesures) et d’identifier les sources de pollution du bassin versant.

Aux Philippines, un modèle d’estimation des charges a été développé par AMAYA et al. (2012) pour estimer la pollution des sources ponctuelles et diffuses sur le bassin versant de la rivière Binan. Les types de pollution considérés sont la pollution diffuse liée à l’utilisation du sol et la pollution ponctuelle d’origine domestique, des fermes d’élevage et d’origine industrielle. Les auteurs ont pu quantifier les sources de pollution du bassin versant et ont évalué l’impact de la construction d’une station d’épuration sur la qualité de l’eau.

En Thaïlande, la quantification des sources de rejet a été réalisée sur le bassin versant de la rivière Thachin par une méthode d’analyse de flux des matières (SCHAFFNER et al., 2009). On retrouve sur le bassin versant de la rivière Thachin des activités domestiques et industrielles, de l’aquaculture, de l’élevage (source ponctuelle) ainsi que de la culture du riz, du maïs, des légumes et des fruits (sources diffuses). Des scénarios de gestion des sources de pollution ont été réalisés dans le cadre de cette étude pour estimer l’efficacité des différentes solutions de réduction de la charge polluante. Les résultats de cette étude montrent que l’aquaculture (source de pollution ponctuelle) et la culture du riz (source de pollution diffuse) sont les sources de pollution les plus importantes sur ce bassin versant.

Au Vietnam, la qualité de l’eau des rivières Cau, Nhue-Day et Dong Nai, entre autres, a été modélisée en utilisant les modèles MIKE-11, SWAT et Qual2E (LE, 2005; HOANG et al. 2007; LE et al. 2007; AUDET, 2013). Ces études ont été réalisées dans un contexte de rareté de données. Ainsi, quelques études sur les sources de pollution diffuse provenant du cheptel ont été réalisées au Vietnam. Notamment, la quantité d’azote et de phosphore provenant des déchets d’animaux, tels que les porcins (VU et al., 2010, 2012), et la perte de l’azote au cours du stockage et du compostage du fumier dans les conditions des fermes vietnamiennes (TRAN et al., 2010) ont été étudiées. Le modèle MIKE-11 (TRAN et al., 2007; LE et al., 2007; HOANG et al., 2007) a été utilisé pour simuler la qualité de l’eau en ne tenant compte que des sources de pollution ponctuelle dans un contexte de rareté des données observées. Dans ces études, seulement quelques données de qualité de l’eau sont utilisées pour caler le modèle. Les résultats obtenus pour l’erreur relative variaient entre 80 et 85 % pour les variables de qualité de l’eau considérées, soit l’oxygène dissous et la demande biochimique à cinq jours (DBO5). Le modèle SWAT a été appliqué à un sous-bassin versant de la rivière Cau, soit le bassin versant de la rivière Cong (LE, 2005). La seule source de pollution alors considérée est la pollution diffuse d’origine agricole. Les variables de qualité considérées sont l’azote ammoniacal et les nitrates. Étant donné que les données observées étaient rares, le calage global n’a été réalisé qu’avec quelques données de qualité de l’eau récoltées en 2003. La qualité des simulations a été évaluée en utilisant la racine de l’erreur quadratique moyenne (NRMSE pour normal root mean square error). Les résultats de NRMSE obtenus sont de 0,68 pour la concentration de sédiments et 0,89 pour la concentration de nitrates. En 2013, Audet a utilisé le modèle Qual-GIBSI pour modéliser la qualité de l’eau de la rivière Cau dans un contexte de rareté des données observées (AUDET, 2013). Dans cette étude, il n’y avait aucune information sur les rejets et la modélisation a été faite seulement pour quelques jours de l’année. Audet a fait une analyse de sensibilité des paramètres et a ensuite réalisé un calage régionalisé en insistant sur les paramètres les plus sensibles. L’évaluation de la qualité des simulations est réalisée en utilisant des fonctions « objectif » qui permettent de quantifier l’écart relatif (%) entre les valeurs simulées et observées. Aussi, quelques études sur la pollution diffuse ont été réalisées au Vietnam. LE (2005) considère uniquement les sources de pollution diffuse pour modéliser la qualité de l’eau dans le bassin versant de la rivière Cong. En effet, les variables considérées sont les sédiments, l’azote organique et les nitrates. Les résultats de cette étude montrent que la production agricole est une source de pollution significative. NGUYEN et NGUYEN (2009) ont appliqué le modèle SWAT pour modéliser la qualité de l’eau du bassin versant de la rivière La Nga. Les variables considérées sont les nitrates et le phosphore dissous. Selon les auteurs, la fiabilité de cette étude est faible en raison du manque de données sur les sources de pollution ponctuelle et de données d’entrée au modèle. Cette étude montre que la concentration en nutriments dans l’eau de la rivière est directement liée à l’intensité des précipitations.

On note tout de même certaines limites pour les études réalisées au Vietnam et dans les pays limitrophes. Ces limites portent sur les sources de pollution considérées, sur les variables de la qualité de l’eau et sur l’absence de calage des modèles dans un contexte de rareté des données. En effet, aucune des études ci-dessus n’intègre en même temps toutes les sources de pollution des cours d’eau (rejets diffus d’origine agricole, rejets d’origine domestique en zones urbaine et rurale, rejets ponctuels des industries). Les limites observées dans les études précédentes sont principalement liées à l’estimation de la charge de pollution diffuse ou à la simulation de la qualité de l’eau en considérant seulement soit les sources de pollutions diffuse ou ponctuelle. C’est pourquoi, à partir de ces études, on ne peut pas vraiment évaluer l’impact des différentes sources de pollution sur la qualité de l’eau en rivière. La présente étude propose donc d’évaluer l’impact des différentes sources de pollution sur la qualité de l’eau du bassin versant de la rivière Cau au Vietnam.

3. Matériel et méthodes

3.1 Matériel : outil utilisé (GIBSI)

Le logiciel GIBSI est l’outil utilisé dans le cadre de cette étude (VILLENEUVE et al., 1998). Les modèles PO (modèle de transport des polluants) et Qual-GIBSI (modèle de qualité de l’eau) sont les modèles de simulation de GIBSI qui sont considérés dans ce travail. Ces deux modèles sont décrits en détail dans NGUYEN et al. (2017), tandis que GIBSI est décrit dans VILLENEUVE et al. (1998).

3.2 Méthodes

3.2.1 Cas d’application

La région d’étude est le bassin versant de la rivière Cau au Vietnam. La description de cette région d’étude et les stations de mesures considérées, entre autres, sont présentées dans NGUYEN et al. (2017).

3.2.2 Sources de pollution

Comme plusieurs autres bassins versants du Vietnam, le bassin versant de la rivière Cau fait face à de nombreuses utilisations abusives de l’eau par les populations, les activités agricoles et l’industrie. Ces activités humaines dans le bassin versant ont causé de sérieux problèmes de pollution, qui entraînent une dégradation de la qualité de l’eau de la rivière. À ce sujet, d’après le ministère de l’Environnement du Vietnam, les sources de pollution principales ont été répertoriées dans le bassin versant (MONRE, 2006) et sont catégorisées selon quatre types : les rejets industriels, les rejets des villages artisanaux, les rejets d’origine domestique et les rejets d’origine agricole. En effet, pour les rejets industriels, il faut noter que la plupart des mines et usines n’ont pas de système de traitement des eaux usées et se contentent de rejeter ces eaux usées directement dans le réseau hydrographique. Les rejets des plus de 200 villages artisanaux du bassin versant, qui s’activent à la production de papier, à la distillation d’alcool, au placage de métaux et à la production de poterie, sont rejetés dans l’environnement sans être traités. Les eaux usées d’origine domestique ne sont pas traitées et elles sont directement rejetées dans l’environnement. Les rejets d’origine agricole comme les déchets des animaux ainsi que les surplus de pesticides et d’engrais chimiques entraînent la contamination en nutriments (azote et phosphore) des eaux de surface.

En ce qui concerne particulièrement les rejets diffus agricoles, ils sont identifiables à plusieurs niveaux. En effet, les activités principales de la production agricole dans le bassin versant de la rivière Cau sont l’élevage d’animaux (bovin, porcin et volaille) et les productions végétales (riz, maïs, thé, oranges, pommes de terre, etc.). Les rejets des animaux sont de plus en plus importants. En 2008, la quantité de fumier produit par les animaux au Vietnam était de plus de 80 millions de tonnes, et celle du lisier était de plusieurs dizaines de milliards de mètres cubes (DAO, 2009). Un aperçu de ces quantités de déchets d’animaux d'élevage est indiqué au tableau 1.

Tableau 1

Quantité de déchets d’animaux produits au Vietnam (DAO, 2009).

Amount of animal waste produced in Vietnam (DAO, 2009).

Quantité de déchets d’animaux produits au Vietnam (DAO, 2009).

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Les plantes cultivées majoritairement dans le bassin versant de la rivière Cau sont le riz et le maïs. Le tableau 2 décrit quelques plantes ainsi que leur demande en azote et en phosphore.

Tableau 2

Demande en azote et en phosphore des plantes cultivées au Vietnam (VAAS, 2007a, 2007b).

Nitrogen and phosphorus demand from crops grown in Vietnam (VAAS, 2007a, 2007b).

Demande en azote et en phosphore des plantes cultivées au Vietnam (VAAS, 2007a, 2007b).

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3.2.3 Modélisation de la pollution diffuse avec PO

Le modèle PO permet de modéliser les cycles de l’azote et du phosphore. Le transport dépend des masses de sédiments provenant de l’érosion hydrique des sols et des volumes d’eau en mouvement à la surface et dans les couches de sol des diverses occupations agricoles. Les formes d’azote et de phosphore sortant de chaque unité hydrologique relativement homogène (UHRH) pour chaque jour de simulation sont respectivement l’azote minéral (sous forme d’azote-nitrates), l’azote organique, le phosphore minéral labile et le phosphore organique.

3.2.3.1 Cycle de l’azote

PO se base sur différentes équations pour décrire les processus de transport de l’azote et les transformations entre les différentes composantes. Il fournit les quantités d’azote exportées à la rivière par les UHRH, ce qui comprend les charges exportées par les sédiments, par le ruissellement et par le débit de base (souterrain). Les équations présentées dans NGUYEN et al. (2017) décrivent les phénomènes physiques relatifs à chaque UHRH.

3.2.3.2 Cycle du phosphore

Le phosphore organique est divisé en deux catégories dans le modèle PO : le phosphore organique des résidus de culture et le phosphore organique actif de l’humus. Les équations du modèle sont présentées en détail dans NGUYEN et al. (2017).

3.2.4 Modélisation de la qualité de l’eau avec Qual-GIBSI

Quatre types de processus sont simulés par le modèle Qual-GIBSI. Ces processus sont regroupés selon quatre modules : a) transport-dispersion-dilution des concentrations; b) simulation des processus chimiques et biologiques locaux; c) température et d) érosion et transport des sédiments. Les différentes variables simulées sur chaque tronçon du réseau hydrographique sont les suivantes : oxygène dissous (OD), demande biochimique en oxygène à cinq jours (DBO5), algues (chlorophylle a), coliformes fécaux, phosphore organique (Porg), phosphore dissous (Pdiss), azote organique (Norg), azote ammoniacal (N-NH4), nitrites (N-NO2) et nitrates (N-NO3).

3.2.5 Calage

Dans le travail présenté ici, les modèles PO et Qual-GIBSI sont calés en même temps, sur la base d’observations de la qualité de l’eau en rivière. Pour obtenir de meilleurs résultats de simulation dans un contexte de rareté des données observées, nous avons proposé une nouvelle technique de calage que nous appelons « calage régionalisé ». Pour ce faire, nous effectuons, dans un premier temps, un calage global des modèles dans tout le bassin versant. Les paramètres obtenus lors de ce calage global sont utilisés comme paramètres initiaux du calage régionalisé. Dans un deuxième temps, nous subdivisons la région d’étude en trois zones que sont la zone forestière, la zone agricole et la zone urbaine. Enfin, on effectue le calage du modèle pour chaque zone, d’amont en aval, considérant successivement les zones forestière, agricole et urbaine. Ceci signifie que chaque zone se verra attribuer un jeu de paramètres différent. Le calage des modèles PO et Qual-GIBSI a été effectué pour les années 2008 et 2009. Les données utilisées pour le calage sont les mesures de la qualité de l’eau qui ont été réalisées sur la rivière Cau au cours de ces années par l'Institute of Environmental Technology du Vietnam (IET, 2009). Trois campagnes de mesures ont été réalisées, en septembre 2008, en janvier 2009 et en avril 2009. Chaque campagne a été réalisée pendant quatre jours, avec trois prélèvements par jour (08:00, 12:00 et 16:00), en six stations de collecte, localisées dans NGUYEN et al. (2017), dont trois stations se situent sur la rivière Cau (Thac Rieng, Thac Buoi et Gia Bay) et trois stations se situent sur les affluents de la rivière Cau.

Les paramètres de calage de Qual-GIBSI sont sélectionnés à partir d’une analyse de sensibilité (AUDET, 2013). Ceci nous permet de considérer en priorité, lors du calage, les paramètres les plus influents pour chaque variable. Les valeurs initiales de ces paramètres sont données aux tableaux 3 et 4 pour les modèles PO et Qual-GIBSI, respectivement.

Tableau 3

Paramètres de calage du modèle PO.

Calibration parameters for the PO model.

Paramètres de calage du modèle PO.

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Tableau 4

Paramètres de calage de Qual-GIBSI (BROWN et BARNWELL, 1987).

Calibration parameters for the Qual-GIBSI model (BROWN and BARNWELL, 1987).

Paramètres de calage de Qual-GIBSI (BROWN et BARNWELL, 1987).

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La validation des modèles PO et Qual-GIBSI n’a pas été réalisée en raison de la faible quantité de données observées.

3.2.6 Critère d’évaluation

Pour évaluer la performance des simulations de qualité de l’eau, la racine carrée de l’erreur quadratique moyenne (NRMSE pour normal root mean square error) est utilisée dans plusieurs études (LE, 2005; TAFTEH et al., 2013). Dans cette étude, on utilise la NRMSE comme indicateur d’évaluation de la performance des simulations :

Si est une valeur simulée, Oi est une valeur observée, Ō est une valeur observée moyenne et n est le nombre de données observées.

La NRMSE peut varier de 0 à l’infini. La valeur 0 indique que les résultats simulés reproduisent parfaitement les données observées. La valeur 1 signifie que l’erreur moyenne est égale à la moyenne des valeurs observées. Dans le cas où la NRMSE dépasse 1, cela signifie que la moyenne des valeurs observées est meilleure comme prédicteur des valeurs observées que les résultats de simulation.

3.2.7 Élaboration de scénarios

Dans cette section, les différents scénarios considérés sont présentés. Ces scénarios sont créés dans le but d’évaluer l’impact des différentes sources de pollution sur la qualité de l’eau en rivière. Ainsi, une comparaison entre ces scénarios et un état de référence (qui correspond à l’état actuel) sera effectuée. Les scénarios et les sources de pollution utilisées pour chacun sont présentés au tableau 5.

Tableau 5

Scénarios correspondant aux sources de pollution.

Scenarios for pollution sources.

Scénarios correspondant aux sources de pollution.

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Ces scénarios sont décrits ci-dessous.

  • Scénario de référence ou scénario de l’état actuel (S1). Ce scénario de l’état actuel du bassin versant prend en compte toutes les sources de pollution ponctuelle et diffuse.

  • Scénario de rejet diffus (S2). Ce scénario correspond au scénario de référence auquel on a enlevé toutes les sources de pollution ponctuelle.

  • Scénario de rejets ponctuel et diffus agricole (S3). Ce scénario correspond au scénario de référence auquel on a enlevé la pollution provenant des populations en milieu rural et permet d’évaluer l’impact de la pollution domestique rurale.

  • Scénario comportant une augmentation de 50 % des rejets diffus d’origine animale (S4). Le scénario S4 simule une augmentation de 50 % des sources de pollution diffuse provenant de l’élevage de bétail et permet d’estimer l’influence de la croissance de la production animale sur la qualité de l’eau.

  • Scénario tenant compte de la demande de l’azote des plantes (S5). Ce scénario considère la demande en azote des plantes pour le calcul de la quantité à épandre. En réalité, les pratiques agricoles font que l’on utilise généralement une quantité d’azote largement supérieure à la demande normale des plantes. Selon le scénario S5, on applique seulement les fertilisants organiques nécessaires pour satisfaire la demande en azote et, s’il y a lieu, on entrepose le surplus. De plus, les sources de pollution appliquées dans ce scénario sont les sources de pollution ponctuelles et les eaux usées des habitants en zone rurale. Ce scénario nous permet d’évaluer l’impact de l’utilisation de l’azote des engrais dans le bassin versant.

  • Scénario tenant compte de la demande en phosphore des plantes (S6). Ce scénario considère la demande en phosphore des plantes pour le calcul de la quantité à épandre. Selon le scénario S6, on applique seulement les fertilisants organiques nécessaires pour satisfaire la demande en phosphore et, s’il y a lieu, on entrepose le surplus. De plus, les sources de pollution utilisées dans ce scénario sont les sources de pollution ponctuelles et les eaux usées des habitants en zone rurale. Ce scénario nous permet d’évaluer l’impact de l’utilisation des engrais en phosphore dans le bassin versant. Les gestionnaires locaux et gouvernementaux devraient utiliser ce résultat pour améliorer l’efficacité de l’utilisation du phosphore des engrais dans la région.

Pour comparer les résultats des scénarios, on utilise les masses de polluants à l’exutoire du bassin versant telles que simulées par GIBSI. Les polluants provenant de la pollution diffuse qui sont simulés par le modèle PO sont l’azote organique (Norg), les nitrates (NO3), le phosphore organique (Porg) et le phosphore dissous (Pdiss). La masse de polluants à la sortie de l’exutoire du bassin versant est calculée par l’équation :

M est la masse mensuelle de polluant à l’exutoire du bassin versant par hectare (kg∙ha-1∙mois-1), qi est le débit de l’eau à l’exutoire du bassin versant au jour i (m3∙j-1), ci est la concentration de polluant à l’exutoire du bassin versant au jour i (kg∙m-3), S est la superficie de la région d’étude (ha) et n est le nombre de jours du mois considéré.

La pollution diffuse du bassin versant de la rivière Cau provient principalement des rejets d’eaux usées domestiques en zone rurale et des rejets agricoles. La masse d’eaux usées domestiques rejetées en zone rurale est constante dans une année, mais la masse de polluants d’origine agricole varie à l’intérieur d’un cycle de culture annuel. Donc, afin d’évaluer l’impact des différentes sources de pollution sur la qualité de l’eau, il faut construire des scénarios pour une année complète. Rappelons que les modèles de GIBSI ont déjà été calés pour deux années, soit 2008 et 2009, pour les variables de qualité de l’eau que sont l’azote et le phosphore. Deux des trois campagnes de collecte de données de calage se sont déroulées en 2009. L’année 2009 a donc été sélectionnée pour l’application des scénarios afin d’évaluer l’influence de la pollution diffuse, étant donné qu’elle présentait plus de données observées disponibles.

Dans cette étude, on compare les masses de polluants à l’exutoire du bassin versant associées à chacun des scénarios. Les différences entre les scénarios sont plus visibles lorsque l’on considère les masses mensuelles plutôt que les masses quotidiennes. De plus, la masse mensuelle nous permet de voir l’impact saisonnier des sources de pollution sur la qualité de l’eau. La masse annuelle permet quant à elle de faire ressortir l’impact des sources de pollution pour un cycle de culture annuel. Les masses mensuelle et annuelle de polluants ont donc été sélectionnées pour comparer les scénarios dans la présente étude.

4. Résultats et discussion

4.1 Résultats du calage

Les valeurs obtenues après calage global des paramètres des modèles PO et Qual-GIBSI sont données respectivement aux tableaux 3 et 4. Nous présentons dans ce qui suit les résultats de simulation de quelques variables de qualité de l’eau aux stations Thac Rieng, Thac Buoi et Gia Bay. Des résultats plus détaillés de toutes les autres variables sont présentés dans NGUYEN et al. (2017). La performance de ces résultats a été évaluée en utilisant l’indicateur NRMSE pour chaque variable de qualité de l’eau.

4.1.1 Demande biochimique en oxygène à cinq jours

Pour la DBO5, les courbes des concentrations simulées et observées des stations Thac Rieng, Thac Buoi et Gia Bay des années 2008 et 2009 sont présentées à la figure 1.

Figure 1

Variations de la demande biochimique en oxygène à cinq jours (DBO5) après calage régionalisé. Stations : a) amont, Thac Rieng, b) médiane, Thac Buoi, c) aval, Gia Bay.

Variations of biochemical oxygen demand at 5 days (BOD5) after regionalized calibration. Stations: a) upstream, Thac Rieng, b) middle, Thac Buoi, c) downstream, Gia Bay.

Variations de la demande biochimique en oxygène à cinq jours (DBO5) après calage régionalisé. Stations : a) amont, Thac Rieng, b) médiane, Thac Buoi, c) aval, Gia Bay.

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La demande biochimique en oxygène (DBO) représente la quantité d’oxygène utilisée par les bactéries pour oxyder totalement les matières biochimiques oxydables présentes dans l’eau. On remarque que la DBO5 moyenne à l’aval de la région d’étude est la plus élevée, en raison de la concentration des sources de pollution ponctuelle. Rappelons qu’à la station Thac Rieng, on mesure la qualité de l’eau en zone forestière, qui est affectée par les rejets domestiques de la ville de Bac Kan, et qu’à la station Thac Buoi, on mesure la qualité de l’eau en zone rurale. C’est pour cette raison que la DBO5 à la station Thac Buoi est plus faible qu’à la station Thac Rieng. D’ailleurs, la DBO5 à la station Thac Buoi est la plus faible de la région d’étude. Les paramètres qui contrôlent la concentration de la DBO5 sont le coefficient de désoxygénation (K1) et le taux de décroissance de la DBO par déposition (K3). L’impact de la variation de K1 sur la concentration de la DBO5 est faible, c’est pour cela qu’on applique une même valeur de K1 pour les trois zones de la région d’étude. Comme dans le cas de l’oxygène dissous, K3 doit être plus faible en zone forestière et plus élevé en zone urbaine. On remarque que la DBO5 est élevée durant la saison sèche et qu’elle est faible durant la saison des pluies, en raison de la dilution par l’eau de pluie. La figure 1 montre une surestimation de la concentration de la BDO5 aux stations Thac Rieng et Gia Bay lors des journées de mesures en janvier 2009. La DBO5 aux stations Thac Rieng et Gia Bay est influencée par la pollution ponctuelle des villes de Bac Kan et de Thai Nguyen ainsi que par les usines industrielles autour des villes de Bac Kan et de Thai Nguyen. Rappelons qu’on fait l’hypothèse dans ce travail que la pollution ponctuelle est constante toute l’année. Mais, au moment de la mesure des variables de qualité de l’eau, en janvier 2009 (congé de fin d’année traditionnelle vietnamienne), les activités industrielles sont en nette diminution. C’est pour cela que la pollution mesurée dans la rivière est plus faible que la pollution simulée.

On obtient des valeurs de NRMSE de 0,31 pour la station Thac Rieng, de 0,69 pour la station Thac Buoi et de 0,68 pour la station Gia Bay. Les valeurs de NRMSE sont inférieures à 1 et, par conséquent, la simulation est acceptable. De plus, la valeur moyenne de NRMSE des trois stations considérées lors du calage régionalisé est améliorée de 16,2 % par rapport au calage global (Tableau 6).

Tableau 6

Valeurs de NRMSE (normal root mean square error) après le calage régionalisé.

Normal root mean square error (NRMSE) values after regional calibration.

Valeurs de NRMSE (normal root mean square error) après le calage régionalisé.

a Demande biochimique en oxygène à cinq jours

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Selon le critère vietnamien pour les sources d’eau potable, la DBO5 ne doit pas être supérieure à 4 mg∙L-1. Or, durant la période d’octobre à mars, la DBO5 de la station Gia Bay est supérieure à 4 mg∙L-1 et le critère pour les sources d’eau potable n’est donc pas satisfait. La fréquence de dépassement du critère de DBO5 par rapport au critère vietnamien est de 2,1 % pour la station Thac Rieng, de 0 % pour la station Thac Buoi et de 48,4 % pour la station Gia Bay.

4.1.2 Phosphore dissous

Comme on peut le voir à la figure 2, il y a des mesures seulement en période sèche pour le phosphore dissous et donc les résultats de calage sont valides uniquement pour cette période. Les résultats de la simulation nous montrent que la concentration en phosphore dissous est faible durant la saison sèche et élevée durant la saison des pluies. Durant la saison des pluies, le phosphore dissous d’origine diffuse est transporté à la rivière par le ruissellement en même temps que les sédiments. Rappelons aussi que, selon les règles de fertilisation, on applique en même temps les engrais organiques et minéraux. De plus, la proportion de phosphore minéral des sources de pollution est souvent plus grande que celle du phosphore organique. C’est pourquoi en saison des pluies, la concentration de phosphore dissous est plus élevée que celle en saison sèche. Les variations de la concentration de phosphore dissous durant la saison des pluies montrent l’influence de la pollution diffuse liée aux événements pluvieux.

Figure 2

Variations du phosphore dissous (Pdiss) après calage régionalisé. Stations : a) amont, Thac Rieng, b) médiane, Thac Buoi, c) aval, Gia Bay.

Variations of dissolved phosphorous (Pdiss) after regionalized calibration. Stations: a) upstream, Thac Rieng, b) middle, Thac Buoi, c) downstream, Gia Bay.

Variations du phosphore dissous (Pdiss) après calage régionalisé. Stations : a) amont, Thac Rieng, b) médiane, Thac Buoi, c) aval, Gia Bay.

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En considérant l’année entière, la concentration en phosphore dissous est plus faible à la station Thac Rieng et plus élevée à la station Gia Bay. Ceci s’explique par le fait qu’à la station Thac Rieng, il n’y a que quelques sources de pollution ponctuelle alors qu’à la station Gia Bay, la qualité de l’eau est influencée par plusieurs sources de pollution ponctuelle ainsi que par la pollution diffuse.

La simulation a été réalisée en utilisant les règles de fertilisation du gouvernement, mais, en réalité, on ne connaît pas exactement la masse des engrais réellement utilisée par les agriculteurs. De plus, la carte d’occupation du sol qui a été utilisée date de 2007; elle entraine peut-être des erreurs de simulation des nutriments. Ceci pourrait expliquer, en partie, la différence entre les valeurs simulées et les valeurs observées.

Par rapport à la simulation avec les paramètres du calage global, celle du phosphore dissous avec les paramètres du calage régionalisé est améliorée (voir section 4.1.3). La valeur moyenne de NRMSE des trois stations considérées, avec la simulation en calage régionalisé, diminue de 19,4 % par rapport au calage global. Les valeurs obtenues de NRMSE sont de 0,9 pour la station Thac Rieng, de 0,95 pour la station Thac Buoi et de 0,92 pour la station Gia Bay. Elles sont inférieures à 1, donc la simulation est jugée représentative des valeurs observées.

Selon le critère vietnamien pour les sources d’eau potable (QCVN 08 : 2008/BTNMT - A1), la concentration en phosphore dissous doit être inférieure à 0,1 mg∙L-1. Sur la base des résultats de simulation, on constate que, pendant la saison des pluies, la qualité de l’eau en rivière ne satisfait pas ce critère. La fréquence de dépassement de la concentration en phosphore dissous par rapport au critère vietnamien est de 100 % pour les trois stations considérées.

4.1.3 Résultats détaillés pour les indicateurs de performance

Les valeurs de l’indicateur de performance NRMSE pour les variables de qualité de l’eau pour les stations de Thac Rieng, Thac Buoi et Gia Bay sont présentées au tableau 6.

Le tableau 7 montre le pourcentage d’amélioration des résultats obtenus en utilisant l’approche du calage régionalisé par rapport à celle du calage global dont les résultats détaillés sont présentés dans NGUYEN et al. (2017).

Tableau 7

Pourcentage d’amélioration des résultats du calage régionalisé par rapport au calage global.

Percentage improvement of the regionalized calibration results compared to the global calibration results.

Pourcentage d’amélioration des résultats du calage régionalisé par rapport au calage global.

a Normal root mean square error

b Demande biochimique en oxygène à cinq jours

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En comparant les valeurs de NRMSE pour les calages global et régionalisé, on constate que le calage régionalisé reproduit mieux l’état réel de qualité de l’eau de la région d’étude, car la valeur de l’indicateur NRMSE pour le calage régionalisé est toujours inférieure à celle obtenue lors du calage global.

4.2 Évaluation de l’impact de la pollution diffuse sur la qualité de l’eau

Pour avoir une idée générale de l’impact des deux types de pollution (ponctuelle et diffuse) sur la qualité de l’eau ainsi que de leurs proportions respectives, les scénarios S2 et S1 sont comparés. Les résultats obtenus sont donnés à la figure 3.

Figure 3

Comparaison des contaminants des scénarios S1 et S2 à l’exutoire de la région d’étude.

Comparison of contaminants in scenarios S1 and S2 at the outlet of the study area.

Comparaison des contaminants des scénarios S1 et S2 à l’exutoire de la région d’étude.

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Les résultats des deux scénarios S1 et S2 à la figure 3 montrent globalement un faible impact des sources de pollution ponctuelle sur la qualité de l’eau à l’exutoire du bassin versant étant donné que le scénario S2 ne contient que les sources diffuses et que les masses des différents contaminants pour ces deux scénarios sont presque égales. En effet, sur une échelle annuelle, les sources ponctuelles ne représentent qu’environ 2 % pour l’azote organique, 4 % pour les nitrates, 13 % pour le phosphore organique et 3 % pour le phosphore dissous à l’exutoire du bassin versant.

Durant la saison des pluies, l’impact de la pollution diffuse sur la qualité de l’eau est plus grand que celui de la pollution ponctuelle pour les quatre variables considérées. Durant la saison sèche, l’impact de la pollution diffuse sur la qualité de l’eau est plus grand que celui de la pollution ponctuelle uniquement pour les nitrates tandis que l’impact de la pollution ponctuelle est plus grand que celui de la pollution diffuse pour l’azote organique, le phosphore organique et le phosphore dissous.

L’influence de la pollution diffuse d’origine domestique en zones rurales est évaluée en comparant les résultats obtenus pour le scénario S1 (scénario incluant tous les rejets) avec ceux du scénario S3 (sans pollution des populations en milieu rural). Les résultats obtenus sont donnés à la figure 4. Rappelons que la région d’étude est la partie en amont du bassin versant de la rivière Cau, qui comprend principalement des milieux forestiers et des milieux agricoles. La densité de la population en zones rurales est très faible (environ 233 personnes∙km-2). La densité la plus faible est de 56 personnes∙km-2 à la commune de Bach Thong, province de Bac Kan. Il faut préciser que la zone rurale représente 76 % de la superficie de la région d’étude.

Figure 4

Comparaison des contaminants des scénarios S1 et S3 à l’exutoire de la région d’étude.

Comparison of contaminants in scenarios S1 and S3 at the outlet of the study area.

Comparaison des contaminants des scénarios S1 et S3 à l’exutoire de la région d’étude.

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En comparant les résultats du scénario de référence (S1) et ceux du scénario de rejets ponctuel et diffus agricole (S3), on constate que l’impact de la pollution diffuse des eaux usées domestiques dans les zones rurales sur la qualité de l’eau de la région d’étude est très faible pour tous les contaminants considérés à la figure 4. En effet, en considérant l’année entière, on voit que la masse de polluants diffus provenant des eaux usées domestiques dans les zones rurales ne représente qu’environ 0,1 % pour l’azote organique, 0,5 % pour les nitrates, 0,2 % pour le phosphore organique et 0,1 % du phosphore dissous à l’exutoire du bassin versant.

Une comparaison peut également se faire entre les scénarios S2 et S3 étant donné que les sources de pollution diffuse que nous considérons dans cette étude sont les diffus agricoles et les diffus domestiques en zones rurales. Ainsi, on peut conclure que l’impact de la pollution diffuse des eaux usées domestiques dans les zones rurales est presque négligeable par rapport à la pollution diffuse d’origine agricole sur la qualité de l’eau de la rivière, à l’exutoire de la région d’étude.

Les résultats de la comparaison du scénario de référence avec le scénario S4 (scénario de référence où l’on ajoute 50 % de plus de pollution diffuse provenant du cheptel) sont présentés à la figure 5.

Figure 5

Comparaison des contaminants des scénarios S1 et S4 à l’exutoire de la région d’étude.

Comparison of contaminants in scenarios S1 and S4 at the outlet of the study area.

Comparaison des contaminants des scénarios S1 et S4 à l’exutoire de la région d’étude.

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En comparant les résultats du scénario S4 et ceux du scénario de référence S1, on trouve que l’impact de la croissance 50 % de la production animale sur la qualité de l’eau en rivière est faible. Les résultats de la comparaison nous montrent que la masse des polluants à l’exutoire du bassin versant varie très peu pour les quatre variables considérées.

Le scénario S5 est le scénario pour lequel on prend en compte la demande en azote des plantes. En comparant le scénario S5 avec le scénario de référence S1, on peut estimer l’impact de l’utilisation des fertilisants en azote (Figure 6).

Figure 6

Comparaison des contaminants des scénarios S1 et S5 à l’exutoire de la région d’étude.

Comparison of contaminants in scenarios S1 and S5 at the outlet of the study area.

Comparaison des contaminants des scénarios S1 et S5 à l’exutoire de la région d’étude.

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Rappelons que les engrais qui ne sont pas encore absorbés par les plantes sont transportés à la rivière par ruissellement. Pour le scénario S5, on applique uniquement une partie des fertilisants organiques disponibles pour satisfaire la demande en azote des plantes. Par conséquent, les masses de nitrates et de phosphore dissous diminuent du fait de la réduction des fertilisants organiques épandus et de l’absence d’ajout d’engrais commercial. Ainsi, plus l’écart entre les résultats du scénario de référence et ceux du scénario S5 est élevé, plus la règle de fertilisation qui consiste à appliquer uniquement une partie des fertilisants organiques disponibles pour satisfaire la demande en azote des plantes est efficace.

En appliquant la demande en azote des plantes, on peut voir une diminution des polluants en rivière, particulièrement les nitrates. En considérant l’année entière, les masses de polluants à l’exutoire du bassin versant diminuent de 18 % pour l’azote organique, 90 % pour les nitrates, 15 % pour le phosphore organique et 33 % pour le phosphore dissous. Ces résultats montrent que la quantité de fumier utilisée selon la règle de fertilisation actuelle dépasse les besoins en azote des plantes. Pour améliorer la qualité de l’eau en rivière en gardant le rendement des plantes, les gestionnaires devraient recalculer la quantité d’engrais à utiliser selon les règles de fertilisation des plantes.

Le scénario 6 est le scénario dans lequel on prend en compte la demande en phosphore des plantes. En comparant le scénario S6 avec le scénario de référence S1, on peut estimer l’efficacité de l’utilisation de fertilisants en phosphore (Figure 7).

Figure 7

Comparaison des contaminants des scénarios S1 et S6 à l’exutoire de la région d’étude.

Comparison of contaminants in scenarios S1 and S6 at the outlet of the study area.

Comparaison des contaminants des scénarios S1 et S6 à l’exutoire de la région d’étude.

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Rappelons que plus l’écart entre les résultats du scénario de référence S1 et ceux du scénario S6 est élevé, plus la règle de fertilisation appliquée est efficace.

La figure 7 montre une forte diminution de polluants en rivière. La quantité de polluants à l’exutoire du bassin versant diminue respectivement de 16,5 % pour l’azote organique, 85 % pour les nitrates, 14 % pour le phosphore organique et 31 % pour le phosphore dissous. Comme dans le cas du scénario S5, ces résultats montrent que la quantité de fumier utilisée selon la règle de fertilisation actuelle dépasse les besoins en phosphore des plantes. Pour améliorer la qualité de l’eau en rivière en gardant le rendement des plantes, les gestionnaires devraient recalculer la quantité d’engrais à utiliser selon les règles de fertilisation des plantes.

En appliquant le scénario S6, on remarque que l’eau de la rivière est plus polluée par la pollution diffuse que dans le cas du scénario S5. Autrement dit, pour satisfaire à la fois la demande en azote et en phosphore, les gestionnaires auraient avantage à appliquer la masse d’engrais organique pour satisfaire la demande en phosphore des plantes ou pour satisfaire la demande en azote des plantes et combler le déficit du phosphore par des engrais minéraux.

5. Conclusion

Ce travail consistait à modéliser la qualité de l’eau et à évaluer l’impact de la pollution diffuse sur la qualité de l’eau du bassin versant de la rivière Cau du Vietnam. Les sources de pollution ponctuelle considérées sont les rejets municipaux, les rejets industriels et ceux provenant de l’exploitation minière. Les sources de pollution diffuse prises en compte dans cette étude sont les rejets provenant de l’élevage, de l’utilisation de fertilisants pour l’agriculture et des eaux usées domestiques en milieu rural. Les rejets domestiques en milieu rural ont été intégrés au modèle en tant que source de pollution diffuse, car il n’existe pas de système de drainage à large échelle pour collecter ce type de rejets dans ces milieux.

Pour le calage des modèles PO et Qual-GIBSI, une méthode de calage régionalisé permettant de tenir compte des différentes caractéristiques des zones de la région étudiée a été utilisée. Cette méthode a permis d’améliorer la qualité des simulations comparativement à celles basées sur les paramètres du calage global. Les résultats de simulation montrent que les variables de la qualité de l’eau, telles que l’oxygène dissous, la demande biochimique en oxygène à cinq jours, la chlorophylle a, les coliformes, l’azote organique, l’azote ammoniacal, les nitrates, le phosphore organique et le phosphore dissous, sont généralement bien simulées malgré le manque de données qui caractérise la région d’étude. Ainsi, selon l’indicateur de performance utilisé (NRMSE), on peut considérer que les résultats de simulation du modèle sont très acceptables.

L’étude de l’influence sur la qualité de l’eau des différentes sources de pollution, soit la pollution diffuse et la pollution ponctuelle, a été analysée en utilisant une approche par scénarios et en comparant les résultats obtenus par la simulation de chacun des scénarios considérés avec ceux obtenus pour le scénario de référence. Il a été démontré que la pollution d’origine diffuse a un impact plus important que les sources ponctuelles sur la qualité de l’eau en rivière du bassin versant de la rivière Cau. En effet, en 2009, les sources de pollution diffuses contribuaient à 98 % de la masse d’azote organique, 96 % de la masse de nitrates, 77 % de la masse de phosphore organique et 97 % de la masse de phosphore dissous à l’exutoire. Les rejets diffus provenant des eaux usées domestiques en milieu rural n’ont pas beaucoup d’impact sur la qualité de l’eau en rivière du fait de la faible densité de la population dans cette zone. De plus, l’étude a révélé une surutilisation de fertilisants dans la région d’étude. La quantité d’engrais commerciaux utilisée pour l’agriculture y est beaucoup plus élevée que les besoins des plantes cultivées. Si l’on applique une quantité d’engrais qui correspond à la demande en azote des plantes, on remarque une diminution de 18 % de la quantité d’azote organique, de 90 % de la quantité de nitrates, de 15 % de la quantité de phosphore organique et de 33 % de la quantité de phosphore dissous à l’exutoire du bassin versant. Si la demande en phosphore des plantes est prise en compte, on observe des résultats similaires avec une baisse de 17 % de la quantité d’azote organique, de 85 % de la quantité de nitrates, de 14 % de la quantité de phosphore organique et de 31 % de la quantité de phosphore dissous à l’exutoire. L’influence d’une augmentation de 50 % de la pollution d’origine diffuse d’origine animale a également été évaluée. Les résultats de la simulation de ce scénario ont montré que la masse de polluants à l’exutoire du bassin versant varie très peu pour les quatre variables considérées. Ce qui signifie que l’on peut augmenter la taille du cheptel sans qu’il n’y ait d’impact significatif sur la qualité actuelle de l’eau en rivière.