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1. De l’intégration scolaire à l’éducation inclusive : introduction et problématique

Depuis les années 1970 et dans plusieurs pays occidentaux, le mouvement d’intégration scolaire favorise la scolarisation des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers en milieu régulier, l’intégration optimale étant en classe ordinaire à l’école de quartier (Garner, 2009). Puis les deux dernières décennies ont vu l’éducation inclusive prendre son essor. Prenant plus ou moins d’ampleur d’un système éducatif à l’autre, ce mouvement veut accroitre la participation et réduire l’exclusion de tous les élèves de la vie scolaire et communautaire de l’école (Booth, 1996). Ces mouvements constituent tous deux une réponse à la séparation de certains élèves du système ordinaire et ils sont soutenus par des arguments relevant du droit de chaque enfant à fréquenter un établissement scolaire régulier et des apports d’un modèle intégratif ou inclusif pour offrir à tous une éducation de qualité (Bonvin, Ramel, Curchod-Ruedi, Albanese et Doudin, 2013 ; Lindsay, 2007). Ils ne doivent toutefois pas être confondus (Thomazet, 2008). Le premier met l’accent sur l’intégration d’élèves ayant des besoins particuliers au système scolaire existant, alors que le second exige de repenser et de réorganiser l’éducation pour répondre aux besoins de tous les élèves sans nécessaire appartenance à une catégorie diagnostique (Thomas, 1997). Ces modifications structurelles devraient reposer sur un changement de paradigme (Ainscow, 2003 ; Ebersold, 2009) à partir duquel s’opérerait, aux différents niveaux des systèmes scolaires, le passage de l’intégration scolaire à l’éducation inclusive nécessaire au projet d’éducation pour tous.

Dans les faits, ce passage s’observe peu. Plusieurs pays conservent des politiques d’intégration catégorisant les élèves selon la nature de leurs difficultés, tandis qu’ailleurs des politiques présumées inclusives perpétuent l’exclusion de certains élèves. Nombre de facteurs influencent l’adoption d’une approche inclusive au niveau de l’école et de la classe : les ressources disponibles et leur organisation pour appuyer élèves et enseignants, le leadership de la direction d’école, la culture scolaire et l’ouverture au changement ainsi que les présupposés et représentations des acteurs scolaires quant à la considération de la différence à l’école (Carrington et Robinson, 2006 ; Rousseau, Point, Desmarais et Vienneau, 2017). Parmi ceux-ci, l’adoption de valeurs et attitudes soutenant l’éducation inclusive par les enseignants serait une condition essentielle au développement de l’inclusion (AuCoin, Goguen et Vienneau, 2011). Il importe donc de reconnaître d’emblée la multiplicité des facteurs en jeu dans le développement d’écoles inclusives tout comme la variété des groupes d’influence (personnels scolaires, professionnels, parents, décideurs...). Dans le présent texte, le regard des auteurs se portera spécifiquement sur les enseignants dont le rôle est central dans la création d’un système éducatif plus inclusif. Ils seraient les principaux médiateurs des politiques éducatives inclusives et des théories qui les fondent (Clough, 1999) ; ils les mettraient en pratique en fonction de la compréhension qu’ils en ont et du sens qu’ils leur donnent (Bourke, Kearney et Bevan-Brown, 2004).

Ces constats pressent les chercheurs à étudier le sens que les enseignants et futurs enseignants donnent à l’intégration scolaire, à l’éducation inclusive et aux objets qui y sont associés (besoins éducatifs particuliers, handicap, diversité...). C’est autour de cette question du sens que les auteurs ont réalisé simultanément et indépendamment quatre études doctorales auprès d’enseignants évoluant dans différents contextes (Suisse romande, Québec et Nouvelle-Zélande) et s’inscrivant à différentes étapes de leur parcours : formation initiale, insertion professionnelle et inscription dans une communauté éducative restreinte ou élargie. Dans le contexte où le passage de l’intégration scolaire à l’éducation inclusive peine à se concrétiser dans de nombreux pays, une seconde analyse des résultats de ces études sous la forme d’une métasynthèse constitue une avenue privilégiée pour explorer certains des facteurs liés aux difficultés rencontrées dans ce changement de paradigme. Ainsi, la métasynthèse apporte une compréhension plus large du passage de l’intégration à l’éducation inclusive. Dans le cadre de cet article, les balises théoriques ayant permis d’avoir un cadre d’analyse commun pour la métasynthèse sont d’abord présentées, suivies des précisions concernant la démarche méthodologique de métasynthèse. Les résultats de la première étape de la métasynthèse permettent ensuite aux auteurs de déterminer ce qui appartient à l’intégration scolaire ou à l’éducation inclusive dans chacune de leurs études. Les constats issus de la deuxième étape de la métasynthèse visant un croisement des regards sur les études sont ensuite énoncés. Ces constats conduisent à la discussion dans laquelle sont identifiés des pistes de recherche et des leviers pour la formation initiale et l’accompagnement des milieux scolaires vers l’actualisation de véritables communautés éducatives inclusives.

2. Contexte théorique

2.1 Trois marqueurs d’un changement paradigmatique

Au regard d’une littérature abondante distinguant les mouvements intégratif et inclusif, il est possible d’appréhender le changement paradigmatique pour que s’effectue le passage de l’intégration scolaire à l’éducation inclusive sous trois angles : l’abandon d’une conception biomédicale au profit d’une approche biopsychosociale, le passage d’une perspective individuelle à une perspective communautaire et l’engagement des communautés éducatives dans un processus réflexif et transformationnel.

L’abandon d’une conception biomédicale porteuse d’une vision déficitaire de l’élève en difficulté est fondamental pour plusieurs auteurs (Carrington, 1999; Lavoie, Thomazet, Feuilladieu, Pelgrims et Ebersold, 2013; Slee, 2001). Ceux-ci proposent plutôt un modèle socio-environnemental selon lequel les difficultés scolaires résultent de facteurs environnementaux, incluant des facteurs scolaires. D’autres suggèrent de convoquer aussi les facteurs individuels dans une approche biopsychosociale, car c’est dans l’interaction individu-environnement qu’émergent les difficultés (Cooper et Jacobs, 2011; Organisation mondiale de la santé, 2007). Dans les deux cas, la prise en compte des facteurs scolaires implique que l’école s’adapte pour répondre à la diversité des élèves, sans condition d’appartenance à une catégorie diagnostique. L’aide n’est plus apportée dans une logique de normalisation de l’élève différent, mais pour favoriser la réussite de tous les élèves, quelles que soient leurs spécificités. Cette perspective nouvelle doit toutefois trouver écho dans les écoles. Divers auteurs dont Ainscow (2005) en Angleterre, Dupriez et Cornet (2006) en Belgique, Strogilos et Tragoulia (2013) en Grèce ou Lavoie et Thomazet (2013) au Québec et en France ont démontré que le terrain reste largement imprégné d’une vision biomédicale quant à l’accueil d’élèves présentant des besoins éducatifs particuliers. D’autres études menées auprès d’enseignants canadiens et rapportées par Jordan et Stanovich (2003) montrent que les croyances d’une majorité d’enseignants sur la nature des difficultés des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers relèvent d’une vision médicale, en entier ou en partie. Ces études, aux devis de recherches combinant le plus souvent entretiens qualitatifs et échelles quantitatives, montrent que ces croyances sont associées à un faible engagement auprès de ces élèves de la part des enseignants.

Le changement de paradigme évoqué implique également de délaisser une perspective individuelle soutenant en première instance une intervention spécialisée ciblée auprès d’un élève pour adopter une perspective communautaire où des approches pédagogiques à visée universelle telle la différenciation pédagogique (Tomlinson, Brighton, Hertberg, Callahan, Moon, Brimijoin, Conover et Reynolds, 2003) sont implantées pour répondre aux besoins de tous. Il peut aussi s’agir d’instaurer des pratiques pédagogiques issues de l’enseignement spécialisé, mais dans un paradigme inclusif et collaboratif. Les pratiques visant à aider certains peuvent alors bénéficier à tous (Rouse et Florian, 1996). Ainsi, la responsabilité de la réussite appartient aux enseignants des classes ordinaires puis est partagée avec les membres de la communauté éducative (Winter et O’Raw, 2010) : élèves, familles, personnels scolaires, spécialistes... Le soutien offert aux enseignants par cette communauté est capital, en particulier lorsqu’on considère le défi de répondre aux besoins d’élèves en grande difficulté.

Enfin, ce changement de paradigme doit s’accompagner d’un processus réflexif et transformationnel (Forlin, 2010). Les attitudes en général positives des enseignants face aux principes de justice sociale sur lesquels s’appuie l’éducation inclusive rapportées par plusieurs auteurs (Avramidis et Norwich, 2002 ; Subban et Sharma, 2005) laissent croire à un ralliement au projet d’école pour tous. Or, ces mêmes auteurs identifient des réserves importantes quant à la prise en charge d’élèves en difficulté en classe ordinaire : les enseignants disent manquer de préparation, d’expérience et de soutien pour répondre aux besoins plus sévères de certains élèves. Malgré des attitudes positives quant aux principes de l’éducation inclusive, l’adhésion des enseignants et leur engagement dans un processus de transformation pour développer l’école inclusive ne sont que partiels. Les avancées théoriques, la formation et les politiques scolaires ne sont donc pas parvenues à ce jour à infléchir le paradigme de l’intégration scolaire, porteur d’une approche biomédicale et individuelle, pour que s’opère un réel changement.

2.2 Cadres conceptuels convoqués

Plusieurs études ont démontré l’importance d’examiner le sens que donnent les enseignants à leur expérience, car ces constructions influencent le développement d’une vision et de pratiques inclusives. Par exemple, elles interviennent dans l’instauration d’une culture inclusive (Carrington et Elkins, 2002) et sont liées à l’efficacité des pratiques effectives d’enseignement en classe pour répondre aux profils hétérogènes des élèves (Stanovich et Jordan, 1998). Les pratiques effectives des enseignants, c’est-à-dire les pratiques qui s’observent dans leurs actions en tant qu’interventions pédagogiques (Legendre, 2005), sont influencées par leurs perceptions, conceptions, présupposés ou représentations, selon les concepts invoqués par les différents auteurs. Une telle disparité dans ces concepts (Jordan et Stanovich, 2003) génère une confusion amplifiée par leur usage différencié selon que les écrits sont en français ou en anglais.

Dans cet article, les auteurs ont choisi de traiter de la question du sens donné par les enseignants en formation ou en exercice à l’intégration scolaire et à l’éducation inclusive. Ce sens s’ancre dans les réalités qu’ils rencontrent dans leur pratique, mais aussi dans des représentations (Pickering, 2000). Définies comme un ensemble organisé d’opinions, d’attitudes, de croyances et d’informations se référant à un objet ou une situation (Abric, 2003b, p. 188), les représentations constituent des repères permettant d’observer le passage de l’intégration scolaire à l’éducation inclusive. Ainsi, le sens attribué à l’intégration scolaire et à l’éducation inclusive se manifeste dans cet ensemble organisé de composantes de représentations identifiables dans les propos des enseignants.

2.3 Question et objectif de recherche

La question soulevée dans cette métasynthèse est la suivante : quelles sont les représentations récurrentes chez les enseignants autour de l’intégration scolaire et de l’éducation inclusive dans différentes étapes du développement professionnel et dans différents contextes? De cette question découle l’objectif suivant : identifier les facteurs pouvant faire évoluer les représentations des enseignants pour qu’ils puissent orienter leurs pratiques vers une éducation inclusive.

3. Méthodologie : démarche de métasynthèse

Les auteurs ont procédé à une mise en commun de leurs principaux résultats en menant une métasynthèse. Il s’agit de faire la synthèse des résultats de plusieurs recherches pour en permettre une nouvelle interprétation (Beaucher et Jutras, 2007; Finfgeld, 2003). Ils ont donc approfondi, par une analyse croisée de leurs études empiriques, la compréhension d’un phénomène complexe (Bondas et Hall, 2007). Lors de discussions initiales entre les auteurs, des balises théoriques communes ont d’abord été établies pour poser le cadre d’analyse à partir duquel distinguer les paradigmes de l’intégration scolaire et de l’éducation inclusive (conception biomédicale ou approche biopsychosociale; perspective individuelle ou communautaire; processus réflexif et transformationnel). Puis chaque auteur a procédé à une seconde analyse de ses résultats en identifiant d’abord les éléments de représentations pertinents au passage de l’intégration scolaire à l’éducation inclusive tirés de son étude pour ensuite les situer dans l’un ou l’autre paradigme avec comme points de repère les trois marqueurs décrits à la section 2.2 du présent texte. Cette analyse a ensuite été soumise par chaque auteur aux trois autres auteurs-chercheurs lors d’une réunion pour la consolider et arriver à un accord sur les éléments de représentations identifiés et sur leur analyse au regard du cadre théorique convoqué. Dans ce processus de recherche, la diversité des contextes et des étapes du parcours des enseignants s’est révélée un atout pour dégager des constats et porter une réflexion à saveur internationale.

4. Résultats : représentations des enseignants en quatre temps et dans différents contextes

4.1 Quand la formation initiale renforce les représentations préexistantes des futurs enseignants

La première étude (Ramel, 2015), menée dans une institution de formation de Suisse romande, s’est arrêtée à la formation initiale. Deux populations ont été étudiées pour mettre en évidence la manière dont intervient leur pensée représentative dans leurs prises de position envers l’intégration scolaire d’élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. Cette étude s’attachait également à identifier leurs représentations préexistantes à leur formation et le rôle de cette dernière dans l’évolution de ces représentations. Un questionnaire a été rempli en début, au milieu ou en fin de formation par des étudiants se destinant à l’enseignement primaire (n = 261) ou secondaire (n = 212). Des analyses à l’aide de régressions linéaires ont été conduites, soit dans des modèles hiérarchiques, soit dans des modèles de médiation ou de modération (Baron et Kenny, 1986; Hayes, 2013).

Les résultats montrent d’abord que l’objectivation chez les futurs enseignants ayant participé à l’étude reste essentialiste et biomédicale, en se focalisant sur les prototypes de handicap les plus médiatisés. En effet, alors que les étudiants n’ont pour la plupart pas ou peu rencontré ce type de situations en tant qu’élèves et durant leurs stages, ils s’attendent avant tout à rencontrer dans leur future pratique des élèves sourds, ayant une déficience intellectuelle, un handicap moteur ou aveugles. Seule la catégorie des élèves ayant une dyslexie ou une dysorthographie est mentionnée dans une moindre mesure. Ce constat rejoint celui de Harma, Gombert, Roussey et Arciszewski (2011) ou Stockdale (1995) : la représentation du handicap et des besoins éducatifs particuliers se réduit aux prototypes les plus identifiables. Le point focal est donc la déficience ou le handicap diagnostiqué, inscrivant ainsi la représentation dominante dans une perspective nettement biomédicale. Le plus surprenant est que la formation, loin de moduler ou changer cette représentation, ne fait que la maintenir, voire la renforcer; les étudiants se destinant à l’enseignement primaire sont plus nombreux en fin de formation qu’au début à s’attendre à rencontrer des élèves sourds, aveugles ou ayant une déficience intellectuelle.

Les résultats font également apparaitre la faiblesse du dispositif de formation tel que perçu par les futurs enseignants, comme l’ont montré d’autres chercheurs (Agbenyega, 2011; Bergeron et St-Vincent, 2011; Donnelly et Watkins, 2011; Forlin et Chambers, 2011). Même s’ils ont conservé ou renforcé des attitudes favorables à l’intégration, ils quittent pour la plupart leur formation avec une appréhension renforcée à l’égard de certains handicaps ou de besoins éducatifs particuliers qu’ils s’attendent à rencontrer dans leur pratique. La fonction d’orientation des représentations contredit ainsi les intentions de la formation puisqu’au final les situations les plus abordées dans les cours (autisme, déficience intellectuelle, cécité ou surdité) sont également celles qui inquiètent le plus les futurs enseignants. Ces résultats rejoignent le constat fait par Jodelet (2003) qui relève que la crainte envers les personnes ayant une maladie mentale augmente en même temps que l’information à leur propos s’améliore. Forlin (2001) mentionne par ailleurs qu’un niveau élevé de sympathie envers les personnes dites handicapées ne veut pas pour autant dire une absence de crainte à leur égard. Au contraire, les étudiants auraient peur d’être inadéquats et se sentiraient vulnérables avec cette population dans la perspective de devoir répondre à ses besoins particuliers en classe ordinaire.

4.2 Quand les contextes d’insertion professionnelle renforcent ou font évoluer les représentations des jeunes enseignants

La deuxième étude (Noël, 2014), aussi menée en Suisse romande, rend compte de la manière dont de jeunes enseignants du primaire transitant de la formation initiale à la première année de pratique professionnelle donnent du sens à leur travail en classe ordinaire avec un élève présentant des besoins éducatifs particuliers intégré. Une étude qualitative au moyen d’entretiens compréhensifs (Kaufmann, 2007) en trois temps (début, milieu et fin de la première année d’enseignement) a été réalisée auprès de 15 enseignants débutants. Les données ont été analysées qualitativement à partir du modèle itératif proposé par Miles et Huberman (2003).

L’analyse des résultats montre la prédominance d’une vision individuelle et biomédicale à propos des difficultés des élèves pour la majorité des jeunes enseignants. Elle montre aussi la stabilité de ces représentations entre les trois temps de mesure, ces enseignants trouvant la plupart du temps confirmation de leur manière de penser dès l’insertion professionnelle. Comme le montrent Lawson, Norwich et Nash (2013) ou Pearson (2009), le jeune enseignant tend à ajuster sa vision de la prise en charge des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers et de la gestion de la diversité à la manière de considérer et de gérer propre à l’établissement ou aux personnes avec qui il travaille. Peu importe ce qui est accompli à l’université, les pratiques et attitudes que les futurs enseignants apprennent habituellement à adopter sont celles qui dominent dans les écoles (McIntyre, 2009). De plus, force est de constater le crédit donné par les enseignants débutants aux enseignants spécialisés. Or, comme le rappellent Cochran-Smith et Dudley-Marling (2012) et LePage, Nielsen et Fearn (2008), ces derniers restent tributaires de l’approche biomédicale centrée sur l’enfant développée en pédagogie spécialisée. Parmi les participants se trouve cependant Samantha, porteuse dès la fin de la formation initiale d’une vision orientée sur les facteurs environnementaux et la pédagogie inclusive. Selon Samantha, les diagnostics ne doivent pas être pris à la lettre ni considérés comme la clé de tout; chaque élève ayant ses spécificités, la classe est à envisager dans sa globalité et la différenciation s’inscrit dans une optique prenant en compte les différences au départ. Samantha et l’enseignante spécialisée partagent cette vision et conçoivent ensemble une organisation du travail axée sur la gestion inclusive de la diversité.

Alors que la stabilité des représentations chez la plupart des participants a été soulignée, quelques jeunes enseignantes ont montré des signes d’évolution dans leurs représentations des besoins éducatifs particuliers et de leur prise en charge en classe ordinaire : Carole, Tatiana et Lorie cheminent vers une vision plus individuelle et biomédicale qu’au début de l’année scolaire tandis que Line et Louise progressent vers une vision environnementale. Ces changements s’expliquent ainsi. Carole et Tatiana travaillent dans le même établissement scolaire marqué par une vision individuelle et biomédicale. De son côté, Lorie se sent rapidement démunie face aux difficultés d’un élève qu’elle doit gérer seule : elle peine à réaliser sa vision environnementale de la prise en charge de l’élève sans le soutien d’un enseignant spécialisé ou de collègues et se retranche dans une vision individuelle et biomédicale, invoquant le besoin de séparer du reste de la classe cet élève posant problème. Quant à Line et Louise, elles ont des contextes propices à la collaboration, voyant progressivement comment elles peuvent développer une pédagogie considérant l’ensemble des différences des élèves en partenariat avec les spécialistes. Elles trouvent une communauté éducative leur permettant de travailler dans le sens de l’éducation inclusive. Au vu de ces résultats, la stabilité ou l’évolution des représentations des jeunes enseignants vers un paradigme ou l’autre est fortement tributaire des représentations et pratiques en vigueur dans le terrain d’exercice.

4.3 Quand une communauté éducative interroge et transforme ses représentations

La troisième étude (Bergeron, 2014), conduite au Québec, s’appuie sur un devis de recherche-action-formation. Pendant plus d’un an et demi, un directeur d’école, cinq enseignants et un orthopédagogue (enseignant spécialiste) ont collaboré à développer des pratiques inclusives pour répondre aux besoins d’élèves présentant des difficultés d’apprentissage et de comportement intégrés en classe ordinaire. L’objectif était d’examiner le processus de cette équipe pour comprendre comment peuvent se développer des pratiques inclusives et comment le chercheur-formateur les accompagnant peut en favoriser l’émergence. Des entretiens individuels ont permis de recueillir leurs représentations initiales, matériau de base soutenant la coconstruction de sens à travers des cycles d’analyse, de planification, d’expérimentation et de réflexion critique. Puis, huit rencontres collectives à propos des élèves, de leurs difficultés scolaires ou de leurs apprentissages ont été tenues et soumises à une analyse qualitative/interprétative inductive pour repérer les représentations s’exprimant dans l’action et l’interaction, en plus de générer un processus de théorisation (Luckerhoff et Guillemette, 2012) sur l’ensemble des données.

L’analyse des entretiens individuels révèle que la plupart des enseignants présentent au départ des représentations plutôt négatives envers la présence des élèves ayant des besoins particuliers dans leur classe et doutent que cela apporte des bienfaits. Ils reconnaissent toutefois leur responsabilité d’adapter leur enseignement, mais ne se sentent pas outillés pour le faire. Leurs propos laissent entrevoir une vision dichotomique des élèves : les bons et les moins bons. On retrace également une intention de normalisation; l’intégration est vue comme une façon de rendre pareils ces élèves considérés différents.

Lors des premières rencontres collectives, plusieurs enseignants éprouvent des difficultés à identifier et comprendre les besoins de leurs élèves. Ils perçoivent plus souvent des problèmes (incapacité à effectuer une tâche, comportement perturbateur...) et leurs propos inscrits dans une vision biomédicale révèlent des représentations assez négatives et rigides des habiletés de leurs élèves. Les enseignants élargissent de façon graduelle leur champ d’interprétation quant au potentiel des élèves à mesure qu’ils s’interrogent sur d’autres aspects de la pratique et les besoins des élèves. Ils prennent graduellement conscience que certains choix pédagogiques peuvent contribuer aux difficultés de comportement et d’apprentissage. Les données mettent en évidence que les pratiques valorisées et reconnues efficaces par l’équipe entrent en dissonance avec certaines pratiques qui pourtant rendent les élèves actifs dans leurs apprentissages. Ces remises en question prenant en compte les facteurs scolaires ont joué un rôle de catalyseur dans leur processus de changement.

L’étude montre l’importance d’aider les acteurs à prendre conscience de leurs représentations et à entrevoir comment elles facilitent ou font obstacle à l’émergence de pratiques inclusives. Différents outils conceptuels et théoriques ont été exploités pour favoriser une prise de conscience des forces et limites des répertoires de pratiques et pour réfléchir aux représentations et principes guidant l’action. Les connaissances issues de la recherche sont ainsi utilisées pour confronter les points de vue et aider les participants à entrevoir d’autres réponses. Même si au départ les enseignants doutent des bienfaits et de la pertinence de certaines pratiques inclusives, la mise à l’essai des pratiques ayant des retombées positives sur l’engagement et l’intérêt des élèves les amène à restructurer leurs représentations initiales et renforce leurs progrès. La dimension collaborative du projet joue un rôle important aux dires des participants. Les confrontations interindividuelles s’opèrent, entrainant les acteurs à coordonner leurs efforts pour développer de nouvelles façons de soutenir l’apprentissage de tous. Les données révèlent qu’ils construisent petit à petit de nouvelles règles de collaboration en clarifiant leurs besoins et leurs rôles dans l’éducation inclusive, ce processus de coconstruction produisant une redéfinition de l’identité collective, comme l’indique Wittorski (2008).

4.4 Quand les représentations oscillent entre intégration et inclusion dans un système se revendiquant de l’éducation inclusive

La quatrième étude (Fortier, 2015) a été conduite en Nouvelle-Zélande où l’on vise explicitement la création d’un système éducatif inclusif depuis deux décennies (Ministry of Education, 1996). Elle avait pour objectif de dresser un portrait du sens donné à l’inclusion par les enseignants à travers leurs représentations. Trois écoles secondaires ont été le site d’études de cas (Stake, 2000) impliquant au total 22 enseignants (par école : n = 8, n = 10, n = 4). Des entretiens semi-structurés composés de questions ouvertes non-suggestives ont été conduits. Ils portaient sur la manière dont ces enseignants définissaient l’inclusion, ainsi que sur leur expérience d’enseignement en contexte dit inclusif. L’analyse qualitative des données a été réalisée selon une procédure de thématisation (Paillé et Muchielli, 2003).

Les résultats indiquent d’abord que plusieurs composantes des représentations des enseignants rencontrés évoluent vers l’inclusion. Chacun décrit l’inclusion en référant tout à la fois à des pratiques, valeurs et principes de justice sociale, dépassant ainsi une conception partielle de l’éducation inclusive l’associant à la seule présence en classe ordinaire d’élèves à besoins éducatifs particuliers (Sapon-Shevin, 2007). Les pratiques pédagogiques à visée universelle rapportées par l’ensemble des enseignants reflètent une prise de responsabilité des élèves qui leur sont confiés. Ils évoquent des valeurs inclusives et des principes de justice sociale qui devraient fonder la culture de leur école; les suivants ont été rapportés par au moins la moitié des enseignants : participation, réussite et progrès de tous les élèves, reconnaissance et valorisation de la diversité, acceptation de tous, équité, sensibilité culturelle et importance que chacun soit entendu. Ces résultats mettent en exergue le rôle de ces valeurs et principes dans la création de communautés inclusives, comme le mentionnent Booth et Ainscow (2011); c’est à travers leur partage que seraient négociées les représentations influençant la mise en oeuvre de l’inclusion.

L’analyse des données révèle néanmoins le maintien d’une vision biomédicale et individuelle. Malgré que les enseignants se voient mandataires de pratiques dites universelles, ils affirment unanimement leur crainte à prendre la responsabilité de certaines catégories d’élèves ayant des besoins sévères d’apprentissage ou de comportement. Plus ces besoins sont considérés graves et de nature à nuire au climat scolaire, plus les enseignants exigent l’appui d’aides-enseignants ou de spécialistes, voire un placement en milieu spécialisé plus adapté selon eux à l’élève; sans ces conditions, la mise en oeuvre de l’éducation inclusive serait impossible. Ces réticences face à certains profils d’élèves présentes chez tous les participants ne sont pas nouvelles; elles étaient rapportées dans les années 1980, une décennie avant l’amorce du virage inclusif en Nouvelle-Zélande (Mitchell et Mitchell, 1987).

Toutefois, ces réserves cohabitent dorénavant avec une volonté chez tous les participants de mettre en oeuvre des pratiques, valeurs et principes inclusifs. De surcroit, environ le tiers des participants a formulé une évaluation négative à propos de collègues dont ils doutent de la compétence à adopter des pratiques inclusives, car ils résisteraient au changement et entretiendraient une vision déficitaire des élèves, comme l’a aussi montré Prochnow (2006). Ces résultats révèlent qu’un changement paradigmatique est en cours. Cette transformation n’est pas étrangère aux initiatives ayant successivement vu le jour depuis 20 ans, incluant la refonte du curriculum et la création d’un rôle d’enseignant-ressource accompagnant les enseignants à répondre à la diversité des élèves selon une approche inclusive.

4.5 Deux constats déterminants

Les quatre études illustrent toutes l’ancrage total ou partiel des représentations des enseignants dans le paradigme de l’intégration scolaire. Bien qu’ayant porté sur différentes étapes du développement professionnel des enseignants dans différents contextes, chacune montre à sa manière la persistance d’un plus ou moins grand nombre d’éléments associés à une vision biomédicale et individuelle chez la majorité des futurs enseignants ou enseignants. Non seulement ces représentations relevant de l’intégration sont-elles renforcées au cours de la formation initiale (Ramel, 2015), mais elles le sont au sein des institutions d’appartenance des enseignants en exercice (Noël, 2014), à quelques exceptions près. Rappelons ici qu’une jeune enseignante de l’étude de Noël (2014) sort de formation avec une vision considérant les facteurs environnementaux et la maintient durant sa première année d’enseignement, conduisant à interroger l’origine de ses représentations inclusives et les raisons de leur maintien dans le temps.

Les trois études portant sur les représentations des enseignants en exercice démontrent qu’une évolution est possible, posant ici la question des facteurs contribuant à faire évoluer les représentations vers le paradigme inclusif. Noël (2014) montre que les représentations des jeunes enseignants peuvent évoluer dans un sens ou dans l’autre, les établissements scolaires influençant ce changement. Bergeron (2014) illustre l’importance d’un accompagnement soutenu dans la réflexion sur les représentations en vue de l’adoption de pratiques inclusives chez une équipe d’enseignants. Enfin, Fortier (2015) suggère que des modifications à l’échelle des systèmes et des politiques sont susceptibles d’influencer, à long terme, le passage au paradigme inclusif.

5. Discussion des résultats dans une perspective de métasynthèse

À la lumière de ces constats, l’étude du sens et de l’évolution possible des représentations chez les enseignants est prometteuse pour affiner notre compréhension du passage de l’intégration scolaire à l’éducation inclusive. Ceci est d’autant plus essentiel que les pratiques effectives s’ancrent dans ces représentations. La discussion qui suit met en relation les résultats présentés avec deux propositions : recourir à plus large échelle à la théorie des représentations sociales pour mieux comprendre l’ancrage du sens donné par les enseignants à l’éducation inclusive, ceci afin de repenser les contenus et modalités de leur formation.

5.1 Partir des représentations sociales comme repères pour la formation initiale et l’accompagnement des communautés éducatives en route vers l’inclusion

Au regard des résultats obtenus, les auteurs appuient l’importance de s’engager dans l’étude des représentations sociales des enseignants tout au long de leur parcours professionnel. En accord avec Jodelet (2011), ils proposent de mobiliser davantage la théorie des représentations sociales dont les développements dans le champ de l’éducation peuvent être utiles pour guider le projet d’une transformation des représentations. Or, très peu d’études sur ce thème ont à ce jour mobilisé explicitement cet outil théorique. Pourtant, les concepts d’intégration, d’inclusion et autres notions connexes répondent aux caractéristiques des objets générant des représentations. Le sens attribué à ces concepts est partagé dans l’interaction et la communication entre enseignants membres d’un même groupe social (Deschamps et Clémence, 2000); c’est sous le poids des circonstances et des rapports sociaux que les enseignants sont amenés à prendre position et à construire un code commun pour obtenir la reconnaissance et l’adhésion de chacun (Moscovici, 1976). Ces concepts peuvent également générer des représentations sociales, car ils impliquent des enjeux qui en font une question socialement vive (Legardez et Simonneaux, 2011).

Selon Doise (2002), les représentations sociales s’imbriquent les unes dans les autres du fait de leur présence simultanée dans les interactions entre individus et groupes. Il semble donc nécessaire d’examiner différents objets de représentations sociales. Le choix de ces objets devrait permettre d’étudier spécifiquement le passage de l’intégration scolaire à l’éducation inclusive. Il est alors possible de s’inspirer d’Abric (2003a) qui propose d’interroger les représentations sociales que les sujets ont de leur groupe d’appartenance, du problème auquel ce groupe est confronté et des objectifs et des transformations proposés. Par exemple, il pourrait s’agir des représentations sociales qu’ont les enseignants de leur rôle, des difficultés inhérentes à l’enseignement auprès d’une population d’élèves diversifiée (par opposition à des élèves appartenant à une catégorie diagnostique) et des changements de pratiques attendus.

De plus, le croisement des différentes approches théoriques et méthodologiques autour des représentations sociales constitue un socle riche (description des approches par de Rosa, 2013). L’approche structurale, surtout quantitative et s’intéressant à l’organisation des représentations sociales, peut contribuer à identifier les éléments centraux et apparemment immuables des représentations des enseignants dans l’optique d’élaborer des dispositifs de formation permettant de les remettre en cause. L’approche narrative et qualitative peut quant à elle contribuer à décrire la nature des éléments constituant une représentation à travers l’étude des discours et des pratiques tenant compte des particularités de chaque contexte pour alimenter le dialogue au sein des communautés éducatives. Enfin, l’approche des principes organisateurs a le potentiel d’éclairer l’ancrage des représentations sociales chez les enseignants dans un paradigme intégratif ou inclusif, ouvrant la porte à une analyse par les enseignants et futurs enseignants de leurs prises de position.

5.2 Repenser la formation

Certains auteurs suggèrent de repenser la formation des enseignants pour mieux répondre à la diversité des élèves (Bergeron et St-Vincent, 2011; Forlin, 2010; O’Neill, Bourke et Kearney, 2009). La pérennité d’éléments associés à l’intégration scolaire identifiée dans cette métasynthèse vient appuyer cette démarche et propose de travailler à partir des représentations identifiées chez les enseignants et futurs enseignants. Dans une visée inclusive, il s’agira de les inviter à envisager le rôle de leurs représentations dans la prise en compte des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers et plus largement de la diversité des élèves ainsi que dans leur cheminement vers l’adoption d’une vision biopsychosociale, collective et évolutive. Un tel continuum de formation doit permettre à l’enseignant, à toutes les étapes de son cheminement, de connaitre ses représentations et d’expérimenter des pratiques dans une approche favorisant la réflexion quant aux défis de la mise en oeuvre de l’éducation inclusive selon les spécificités de chacun des contextes.

La formation initiale constitue un levier important pour préparer les enseignants à accueillir tous les élèves. Elle est souvent perçue comme le meilleur moment pour amener les futurs enseignants à modifier le cas échéant leurs attitudes envers des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers et leurs perceptions sur l’éducation inclusive (Chong, Forlin et Au, 2007 ; Lambe et Bones, 2007). La détermination des contenus de formation à privilégier dans une perspective inclusive soulève cependant des questions, ces contenus pouvant orienter les représentations des futurs enseignants comme l’a montré Ramel (2015). Rouse (2010) fait état de deux approches. La première offre des contenus explicites sur les types de besoins potentiellement rencontrés en milieu scolaire et sur les interventions spécialisées qui y sont associées, se rapportant alors à une vision biomédicale partant des pathologies des élèves. La seconde s’éloigne de l’idée de catégories de difficultés ou de handicaps, misant plutôt sur l’appropriation de pratiques inclusives pour éliminer les obstacles à l’apprentissage et à la participation de tous les élèves dans une perspective biopsychosociale et communautaire. Mettre en place la seconde approche implique de réviser les contenus, mais aussi les modalités de formation. Une étude de Moran (2007) a d’ailleurs mis en doute la capacité des programmes de formation initiale à préparer les enseignants pour l’inclusion, soutenant que ceux-ci ont besoin d’être guidés et supportés dans la mise à l’essai de pratiques inclusives.

Dans cette perspective, la formation à l’éducation inclusive a avantage à se rapprocher des contextes scolaires et des interactions qui influencent sa mise en oeuvre et à travers lesquels les représentations sont partagées. Puisque la pratique de stage est un premier pas vers la communauté éducative, elle semble un lieu privilégié pour interroger les représentations sociales. En outre, Ramel (2015) a montré dans son étude qu’une plus grande pratique de stage, si modeste soit-elle, a un effet important sur les prises de position des étudiants par l’augmentation de leur sentiment de compétence et la perception d’assurance qu’ils ont dans la perspective d’accueillir dans leur classe des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers.

Quant à la formation continue des enseignants, elle représente un soutien essentiel alors qu’on leur délègue un rôle de premier plan dans la réponse aux besoins d’élèves aux profils diversifiés. Les écoles inclusives misent d’ailleurs sur la formation continue (Rouse et Florian, 1996). À l’image de ce que propose Noël (2014), travailler sur les représentations dans le cadre des dispositifs d’introduction à la profession est un premier pas indispensable dans un domaine où le sens construit individuellement et collectivement possède encore un ancrage fort dans une vision individuelle et biomédicale des difficultés des élèves.

Il apparait aussi important d’interroger les modalités de formation continue, car toutes ne s’équivalent pas quant à leur impact sur les pratiques (Presseau, 2003) ou sur les résultats pour les élèves (Timperley, Wilson, Barrar et Fung, 2007). Selon Garcia Cedillo et Fletcher (2010), la formation continue soutenant l’éducation inclusive ne peut se limiter à dire et montrer quoi faire ou penser aux enseignants à partir des connaissances issues de la recherche lors de formations ponctuelles de type transmissif reposant sur une vision techniciste du rôle de l’enseignant (Haberman, 2004 ; Hensler et Dezutter, 2008). Les connaissances issues de la recherche demeurent essentielles pour soutenir la pratique, mais elles doivent être mises en relation avec les représentations et les pratiques habituelles des acteurs d’un milieu donné afin qu’elles puissent être intégrées à l’action professionnelle (Parr, Nuttall et Doecke, 2007 : cité par Deppeler, 2010).

Il apparait donc essentiel de réfléchir au rôle du formateur et de l’accompagnateur, qu’ils soient professeurs des universités, des hautes écoles pédagogiques ou encore praticiens d’expérience affiliés à ces mêmes établissements. À la suite d’Ainscow (2000), nous soutenons une présence et une participation accrues des formateurs dans les écoles pour accompagner le processus évolutif des représentations sociales et des pratiques des enseignants. Proposer une formation continue à l’image du dispositif mis en place par Bergeron (2014) offrant des opportunités de remise en question des représentations à travers le dialogue et l’interaction est cohérent avec une vision collective et évolutive considérant les facteurs scolaires. De même, encourager l’identification des représentations socialement construites par les membres des communautés éducatives, par exemple les valeurs et principes de justice sociale identifiés par Fortier (2015), est aussi en accord avec une telle vision, car c’est en communauté que se dessinent les cultures, politiques et pratiques inclusives d’une école (Booth et Ainscow, 2011).

6. Conclusion

Le processus de recherche de cette métasynthèse a permis aux auteurs de proposer un cadre d’analyse afin d’étudier le passage de l’intégration scolaire à l’éducation inclusive sous l’angle des représentations des enseignants à différents moments de leur parcours professionnel. Les résultats rendent compte de facteurs favorisant le maintien d’une perspective d’intégration scolaire ou influençant l’évolution des représentations des enseignants vers l’éducation inclusive. Ces facteurs relèvent des contenus et des modalités de formation, des occasions d’accompagnement dans ce processus de changement ainsi que du contexte d’exercice des enseignants, à savoir les représentations, façons de faire et politiques en place dans les écoles et les systèmes éducatifs.

À l’issue de cette étude, il est proposé de mobiliser la théorie des représentations sociales et ses différents courants théoriques et méthodologiques pour appréhender les représentations des enseignants en tant que cadres explicatifs et justificatifs de leurs pratiques, guidant ainsi le processus de formation et d’accompagnement. Entre autres, il s’avère prometteur d’étudier l’évolution des représentations sociales par des études longitudinales suivant le parcours de groupes d’enseignants successivement en formation, débutants et avec plus d’expérience. La recherche aurait aussi avantage à s’intéresser aux représentations sociales qu’entretiennent les formateurs eux-mêmes autour de l’éducation inclusive et des besoins éducatifs particuliers, ceci au regard de contenus et stratégies de formation susceptibles de soutenir les changements de pratiques pour la mise en oeuvre de l’éducation inclusive.