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Chez René Char, la question de l’action poétique s’inscrit dans une cartographie dont on peut aisément énumérer quelques paramètres fondamentaux : le post-surréalisme, la Seconde Guerre mondiale, la lecture de Heidegger, la reterritorialisation de l’écriture dans le Vaucluse, le fragment, etc. J’ai essayé, dans mes livres sur Char, et notamment dans celui intitulé L’Engagement extatique, de saisir son extrême singularité au sein de ce lieu commun qu’est l’acte poétique, et donc, pour reprendre la formule du fragment 10 de Feuillets d’Hypnos, d’améliorer ce lieu commun.

Par la référence sadienne, et malgré l’étroitesse de cette référence, il s’agit aujourd’hui encore de dépasser les réflexes de simplification que nous impose l’énorme poids de la détermination historique, avec cet autre risque, celui d’ajouter un lieu commun aux lieux communs, tant Sade peut être à son tour un poncif.

Toute l’oeuvre de Char est traversée par Sade, y compris donc Fureur et mystère, depuis le voeu inscrit à la toute première page de « déborder l’économie de la création[1] » jusqu’au quasi dernier poème, « À une ferveur belliqueuse », où le monde, défini comme « pot d’os », n’apparaît plus que comme « un voeu de cruauté » (p. 217), en passant par la figure de « l’homme violet » – allégorie sadienne – qui apparaît dans l’autoportrait du poème « Suzerain » (p. 193).

Or, cette référence sadienne, qui est donc en effet un lieu commun propre à tout le XXe siècle, change de statut, mieux encore s’inverse en pure exception par la place qu’elle occupe, en s’insérant dans un manuel de Résistance, Feuillets d’Hypnos, et s’avère profondément problématique, apte alors, peut-être à éclairer du dedans – ou à obscurcir (ce qui est à peu près la même chose) – la question qui nous est posée, celle de l’acte poétique.

Il s’agit très précisément du fragment 210 :

Ton audace, une verrue. Ton action, une image spécieuse, par faveur coloriée.

(J’ai toujours présent en mémoire le propos niais de ce charbonnier de Saumanes qui affirmait que la Révolution française avait purgé la contrée d’un seigneur parfaitement criminel : un certain Sade. Un de ses exploits avait consisté à égorger les trois filles de son fermier. La culotte du Marquis était tendue avant que la première beauté n’eût expiré…

L’idiot n’en put démordre, l’avarice montagnarde ne voulant évidemment rien céder.)

Tout pose en effet problème dans ce fragment, et d’abord donc son existence même, à savoir le seul fait d’inscrire le nom de Sade pendant cette période 1940-1945 où ce nom est devenu imprononçable, où il a brusquement cessé d’être prononcé, où il est exclu notamment de ce qu’on a appelé la poésie de la Résistance, et où il ne résonne que dans des oeuvres en marge de la violence proprement historique de la guerre, comme par exemple dans L’Expérience intérieure (1943) de Bataille ou les Prolégomènes à un troisième manifeste du surréalisme ou non qu’André Breton publie en 1942.

Avec René Char, Sade n’est ni sous le coup d’un motus collectif, ni porté par le flux de considérations inactuelles. Ce nom – celui de Sade – au contraire s’actualise et se contextualise scandaleusement par sa seule présence dans ce « carnet » (p. 85), tout entier déterminé par la confrontation au nazisme, par « la vue du sang supplicié », par la Terreur, dans un type d’engagement défini comme « la résistance d’un humanisme conscient de ses devoirs » (p. 85). Actualisation et contextualisation d’un nom que l’actualité et le contexte devraient exclure, et où l’obscène de « la culotte tendue du marquis » dissone comme une provocation. Nom présent en outre dans un recueil dédié à Albert Camus qui, un peu plus tard, dans L’Homme révolté (1951), stigmatisera « les louanges inconsidérées de [ses] contemporains » à l’égard de Sade, louanges qu’il définit avec condescendance comme relevant de « l’ingénuité[2] ».

Ce n’est pas seulement par sa présence que le nom de Sade est problématique, c’est la forme même de sa présence : cette longue parenthèse étrangement détachée par un alinéa de ce à quoi elle est censée être subordonnée, cette parataxe où l’anecdote sadienne se juxtapose sans lien apparent à une formule négative d’autodépréciation : « Ton audace, une verrue… » Anecdote, elle, positive mais dont la logique de compensation demeure énigmatique, et, semble-t-il, promise à soi seul (fragment 161). Parenthèse qu’on ne peut justifier par une simple et occasionnelle association d’idées, car elle n’évoque pas une brusque réminiscence surgie dans l’instant, mais au contraire une forme de mémoire au long cours, une sorte de mémorial ancien, un souvenir inaltérable, et toujours disponible, un Mémento porteur de savoir et de vérité, une sorte d’amulette, un fétiche : « J’ai toujours présent en mémoire… »

Enfin, le souvenir protecteur et compensateur opère en première personne et dans une proposition verbale par opposition à l’énoncé qu’il commente et qui est, lui, à la deuxième personne et pris dans une phrase nominale : premier glissement formel dont cette parenthèse va être le théâtre.

Le deuxième glissement c’est l’opération par laquelle la dépréciation, l’agressivité, le jugement négatif du premier énoncé change d’objet : ils ne visent plus le locuteur comme précédemment mais un tiers, quelqu’un d’autre, un anonyme à qui sont associées la niaiserie, l’idiotie, l’avarice, et qui est défini par un simple nom de métier, « charbonnier », qui le relie à une matière vile, « amorphe » pour reprendre un qualificatif utilisé ailleurs par Char[3]. Ce tiers, ce « charbonnier » est également associé à un nom de lieu, « Saumanes », étrangement affublé d’un « s » final, lieu sadien par excellence dont le château fut l’un des modèles du château de Silling des 120 journées de Sodome, où Char a vécu dans les années 1930 et qui apparaît dans le titre du carnet qu’il a tenu alors, « Saumane sous le marquis », brouillon de nombreux poèmes des Poèmes militants (1932) et d’Abondance viendra (1933)[4].

Il y a un troisième glissement, tout aussi important, qui se fait jour dans l’événement historique auquel l’actualisation de Sade est associée : la Révolution française. C’est elle « la Révolution française » qui « a purgé la contrée » de ce « seigneur parfaitement criminel ». Ce glissement-là a un effet de parallélisme avec le temps historique que vit Hypnos – la Résistance –, d’autant plus que la Résistance n’a cessé et ne cesse d’associer la séquence historique qui est la sienne avec celle de la Révolution comme cela apparaît par exemple chez Aragon dans cette Diane française avec laquelle Char, à peine la paix revenue, polémiquera[5].

À ces trois glissements, s’ajoute une indétermination majeure : qui parle dans cette parenthèse ? Qui raconte ou témoigne, et au nom de quoi ?

La première phrase – « la Révolution française avait purgé la contrée d’un seigneur parfaitement criminel : un certain Sade » – rapportée au style indirect est une affirmation attribuée au « charbonnier de Saumanes » où s’exprime la doxa révolutionnaire ou résistantialiste, la doxa politique, que trahissent le stéréotype « un seigneur parfaitement criminel » et l’ignorance par cette formule vague : « [U] n certain Sade. » La seconde phrase est plus ambiguë : « Un de ses exploits avait consisté à égorger les trois filles de son fermier. » Plus ambiguë car, si c’est à l’évidence le charbonnier calomniateur qui parle, précisant son accusation, il est curieux que ce niais, cet idiot, soit assez subtil pour utiliser une antiphrase ironique : « Un de ses exploits. » Mais la dernière phrase du récit est, elle, réellement problématique : « La culotte du Marquis était tendue avant que la première beauté n’eût expiré… » L’inscription de ce que Maurice Blanchot a appelé « l’inconvenance majeure », à savoir l’érection du Marquis, soulignée dans son obscénité plus qu’elle n’est camouflée par la métonymie de la culotte, ne peut être mise au compte du « charbonnier de Saumanes » : d’ailleurs l’usage de l’antonomase du Marquis, avec une majuscule, contraste suffisamment avec le « un certain Sade » pour nous faire entendre le changement de locuteur. Celui qui parle désormais est à l’évidence dans une empathie sadienne à l’égard de Sade, et les points de suspension qui suspendent le dénouement de l’anecdote ouvrent davantage à l’imagination d’un romanesque sadien (« la première beauté ») qu’à une éventuelle condamnation du seigneur prédateur.

Pourtant, ce locuteur demeure encore mystérieux et profondément ambigu, car la conclusion de la controverse entre Char et le charbonnier, elle, est encore d’une autre tonalité. Plutôt que de prolonger le climat de complicité amusée avec le Marquis, le locuteur dément l’anecdote, la dénonce comme fausse, et en certifie le caractère malveillant : « L’idiot n’en put démordre, l’avarice montagnarde ne voulant évidemment rien céder. » Ce n’est plus apparemment la Révolution française qui est évoquée mais « l’avarice montagnarde », à moins que par un jeu de mots, « l’avarice montagnarde » ne désigne aussi cette frange, appelée la Montagne, la plus obtuse, la plus dogmatique et la plus raide de la Révolution française, car l’altitude de Saumane rend difficile de comprendre autrement cette épithète de « montagnarde ». Quoi qu’il en soit, le démenti est radical. Le double discours, celui de l’accusation faite contre Sade comme celui de la connivence amusée autour de la « culotte tendue », s’efface au profit d’un innocentement factuel sans réplique même si, il est vrai, l’innocence du Marquis n’est pas explicitement affirmée. Le lecteur la déduit du discrédit auquel le charbonnier est associé.

Il nous faut donc maintenant interpréter le fragment dans sa totalité après avoir exposé les problèmes élémentaires qu’il pose au lecteur.

Ce qui fait lien entre la formule initiale et la parenthèse de l’anecdote sadienne, c’est évidemment, on l’a dit, le lien historique entre la Révolution française et la Résistance dont Sade est l’identique exclu : objet d’une identique exclusion, d’une même incompréhension et d’une même niaiserie. La Résistance comme la Révolution ont également purgé leur domaine de ce « seigneur parfaitement criminel ». Le fragment 210 de Feuillets d’Hypnos répare ces deux exclusions, en intégrant le nom de Sade dans l’espace du combat d’Hypnos et en contredisant la doxa montagnarde et révolutionnaire. Cette réintégration de Sade dans les deux espaces n’a rien d’anodin et peut résonner comme une provocation dans cette période où l’on combat le Mal et où il y a peut-être mieux à faire que sauver la mémoire d’un aristocrate libertin et dont toute l’oeuvre est précisément l’apologie du mal.

Mais il y a autre chose. Cette réhabilitation, on le voit bien, n’a rien d’une petite provocation où ne s’entendrait qu’une sorte de méchant pied de nez d’un ancien surréaliste. René Char n’a pas ces préoccupations, et la complexité même du propos, la fragmentation paratactique, le jeu des énallages, c’est-à-dire la multiplication des identités d’énonciation, le flottement généralisé du sens, tout cela suppose une implication essentielle de Char dans ce double procès, celui fait à lui-même (« Ton audace, une verrue… ») et celui fait à Sade, implication dont il n’est pas facile de comprendre la cohérence.

La formule initiale, « Ton audace, une verrue. Ton action, une image spécieuse, par faveur coloriée », peut être lue comme autodépréciation tant René Char utilise souvent ce procédé d’auto-interpellation à la deuxième personne, mais il ne peut pas être lu seulement comme un regard sur soi. L’anecdote sadienne nous amène par contagion à y voir le regard, le jugement, l’appréciation des autres. Les critiques faites à Char seraient alors du même genre que celles du charbonnier à l’égard de Sade, et ce Montagnard serait alors du même genre que les « politiques », les idéologues, les dogmatiques de la Résistance. L’échec à convaincre le « charbonnier de Saumanes » reflèterait l’impossibilité de réfuter les accusations présentes dans le premier énoncé. Les deux accusés – Char et Sade – sont renvoyés à une même impossibilité, celle de s’authentifier, d’authentifier l’audace et l’action. Pour Char de les délivrer de leur ambiguïté essentielle qui les ramène à la verrue, métaphore peut-être rimbaldienne empruntée à la « Lettre du voyant » du 15 mai 1871[6] ou à son équivalent, l’« image spécieuse, par faveur coloriée », peut-être autre allusion rimbaldienne, les illuminations, coloured plates / assiettes coloriées, et pour Sade de les délivrer de leur nature criminelle, fantasmatique, et aristocratique, féodale. Dans les deux cas, la disculpation aboutit au même échec, il n’y a rien à répondre à l’image de la verrue, à celle de l’image spécieuse ou à celle du crime.

Que dit cette impossibilité de se disculper ? Et de quel ordre est-elle ? Où se situe la difficulté ? On peut faire l’hypothèse qu’elle tient peut-être d’abord à René Char lui-même, hypothèse que soutiennent bien entendu les décalages dans l’énonciation elle-même qui font symptômes.

Ainsi pour Sade. Tout en niant la réalité factuelle du crime – Sade n’a jamais tué les trois filles d’un de ses fermiers, et sur ce point Char a raison – le locuteur, en rapportant l’accusation, n’a pu s’empêcher néanmoins d’y adhérer, d’inscrire ou d’insinuer, par le détail empathique de la culotte tendue du Marquis, ce qui peut passer pour un point de vérité dans le prétendu crime. La rectification finale a été précédée par une forme de connivence avec l’accusation. Comment après cela être convaincant ? Comment, après avoir joué avec ce qu’on a appelé « l’inconvenance majeure », convaincre le sujet politique par excellence (le charbonnier[7]) de l’innocence sadienne ? Il en est pour Char comme pour Sade. Char ne reprend-il pas à son compte la stigmatisation par le discours endoxal de la Résistance d’un Hypnos poète ? N’intériorise-t-il pas le reproche que lui adresse le sujet politique ? Ne l’endosse-t-il pas en se l’adressant à lui-même ?

Il nous faut donc encore avancer et démêler ce jeu entre vérité et mensonge, ce jeu entre la vérité de la culotte tendue du Marquis et le mensonge des trois crimes, de l’assassinat des trois filles de son fermier.

Si la parole de Char s’insère dans le discours calomniateur du charbonnier et semble le relayer, se confondre avec lui, elle ne dit pas la même chose, elle dit même le contraire. Elle nous conduit en fait à cette vérité que le désir sadien n’a pas besoin de crime pour s’afficher et pour être, pour se réaliser en tant que désir, et donc que l’érection sadienne se passe de l’acte criminel : « La culotte du Marquis était tendue avant que la première beauté n’eût expiré… » Alors que la parole du charbonnier énonce un fait accompli (« Un de ses exploits avait consisté à […] »), celle du locuteur d’une part se cantonne strictement à ce qui précède l’acte incriminé (les meurtres), c’est-à-dire donc au seul moment du désir (« avant que […] »), et par le plus-que-parfait du subjonctif (« n’eût expiré ») renvoie l’acte criminel à un temps improbable, un irréel, et que suspendent en outre les points de suspension dans un éternel inaccompli, dans un lointain qui s’efface : acte incertain, seulement supposé, pour en rester à sa seule imagination dont témoigne la culotte tendue, seule réalité qu’en effet le locuteur recueille et porte comme point de vérité. On ne fera pas de sort au ne explétif « n’eût expiré », sinon peut-être pour y retrouver ce que Lacan définit comme une discordance, comme acte discordantiel où le locuteur rejette comme imaginaire ce qu’il avance, où quelque chose est bien nié au sein de l’affirmation, rejeté dans un non-lieu, et qui sonne alors comme un « non-lieu » au sens juridique.

Cette dissociation entre l’espace du désir et celui du crime, entre énonciation et énoncé, cette scission même dans l’énonciation dont on a vu les marques rhétoriques avec l’énallage, cette division subjective qui travaille tout le fragment 210, tout cela « l’avarice montagnarde » – entendons la logique univoque du sujet strictement politique – ne peut pas l’entendre.

Contre les impératifs de simplification, Char veut affirmer pleinement la complexité de la position du poète en période de guerre, en temps d’extrême détresse où l’action poétique ne cesse de subir le discrédit : « une verrue », « une image spécieuse, par faveur coloriée »… Quelle est la fonction de Sade alors ? On voit que la provocation sexuelle, même si le nom de Sade l’impose peut-être comme telle, est loin d’être la seule question et le seul enjeu. Si Sade a une fonction allégorique, la sexualité présente dans l’épisode raconté n’est sans doute qu’une médiation – une médiation forte – en vue d’une question plus pressante aux yeux d’Hypnos et qui est celle de l’écriture.

Seule l’écriture justifie Sade nous dit René Char, seule l’écriture permet tout à la fois de dire le désir le plus extrême, le plus fantasque, et cela en toute innocence, puisque dans le même temps ce désir se soustrait au crime, et au jugement. Tel est le rôle de « la culotte du Marquis », emblème d’une écriture qui surmonte tous les discrédits, toutes les dépréciations, parce qu’elle reste éternellement tendue avant que n’eût expiré qui que ce soit… C’est alors qu’on peut relier le fragment 210 au fragment 174 et à cette autre parenthèse dérangeante en ces temps où règne l’idéologie du Bien, de « cette ignominie dirigée qui s’intitule bien » : « (le mal, non dépravé, inspiré, fantasque est utile) ».

Sade vient alors jouer ce rôle qu’on pourrait dire un peu trivialement « d’antidépresseur » et qui est l’écriture : maintenir, envers et contre tout, l’expérience sadienne face à l’avarice montagnarde – l’avarice politique – est sans aucun doute un Mémorial, un acte de mémoire précieusement et pieusement conservé par la Mémoire charienne (« J’ai toujours présent en mémoire ») comme un antidote parfait contre les assauts du doute, de l’angoisse, de l’échec, Sade sorte de contrepoison auquel on revient sans cesse.

Le drame de Audace et Action, c’est que ce sont des mots, des mots qui aspirent à se délivrer de ce que Char appelle « la stratosphère du Verbe », et qui, à peine prononcés, sont déjà corrompus, parasités par d’autres mots, impuissants à rester eux-mêmes, impuissants à s’authentifier donc.

La stratégie de Char à l’égard de cette fatalité est surprenante, mais bien dans la logique d’Hypnos. Loin de réfuter cette contradiction, Char, au contraire, l’assume, la prend sur lui, en devient même le porte-parole mélancolique et déçu. C’est, dira-t-on, la phase hypnotique. Celle des premières phrases du fragment. Et puis, Hypnos devient feu. C’est la seconde phase, celle de la parataxe, de la parenthèse, de la dissociation. Pas question de synthèse dialectique mais d’une opération de Mémoire qui nous déplace dans le temps, dans l’espace, et dans l’interrogation. Telle est la méthode d’Hypnos : la parenthèse n’est pas un métadiscours, elle est rupture dans le discours, désobéissant à la hiérarchie logique de la syntaxe subordonnante, et se dévoile comme en quête d’une forme de langage qui aurait échappé à la fatalité de son impuissance.

Le petit récit sadien, dans l’entremêlement des voix qui le ressuscite, dans la rupture indissociable qu’il opère par le vrai et le faux, par le réel et l’imaginaire, par le politique et l’érotique, et au travers de cette seule rupture, sans se constituer en réponse à la négativité initiale du fragment, sans résoudre dialectiquement la contradiction inhérente aux mots, aux concepts (audace et action), a le mérite d’offrir un modèle de discours provisoirement sans clôture, qui aurait levé tous les pièges de la fausse conscience ou de la mauvaise conscience. Un modèle de discours qui cesse de légiférer, qui déconstruit le sujet législateur. Il n’est pas insignifiant que cette issue en forme de parenthèse soit portée par le nom de Sade.