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Bleu (Krzysztof Kieślowski, 1993) débute par un accident de voiture et se poursuit par le réveil de sa seule survivante. À la suite de la perte tragique de son mari, Patrice, et de sa fille, Anna, dans cet accident, Julie doit faire face à un deuil immense. Elle vit ainsi une rupture brutale avec les liens qui lui permettaient de donner un sens à sa vie : ceux qui définissent son identité de mère et d’épouse. En colère devant cette perte inassimilable, elle brise la vitre de l’hôpital qui reflète son image. Julie, comme pourrait le suggérer Freud (1914, p. 13-22), met en acte ce qu’elle ne peut se remémorer : l’éclatement identitaire qu’a provoqué sa perte. En résulte une image de soi brisée et irréconciliable. La sirène d’alarme de l’hôpital retentit. Son alerte évoque l’état de crise identitaire dans lequel est plongée Julie. L’héroïne réagit à cette crise en se dirigeant vers un cabinet vitré où se trouve une armoire à médicaments. Elle y saisit une fiole dont elle s’applique à avaler entièrement le contenu. Mais quelque chose bloquera la progression du flux toxique dans le corps de l’héroïne. Les médicaments, recrachés, réapparaîtront au creux de ses mains.

Par cet échec, Julie prendra une voie différente de l’héroïne d’un autre film kieślowskien : Sans fin (1985). Ces deux films peuvent être lus ensemble comme un exemple de dénouements alternatifs au sein de l’oeuvre du réalisateur (Žižek 2013, p. 126). Dans Sans fin, Urszula, suite à la mort de son mari, se suicidera par intoxication. Dans sa maison familiale désertée, où toutes les fenêtres ont été scellées, elle périra, asphyxiée par le gaz de son four dans lequel elle s’est plongé la tête. Julie, pour sa part, agira à travers la vitre d’un cabinet où une infirmière pourra l’apercevoir. La prothèse orthopédique qui soutient sa tête donnera l’impression de bloquer l’ingestion du flot toxique de médicaments. L’infirmière, dont l’observation silencieuse de la scène peut rappeler celle du « témoin » (Vaillancourt 2014, p. 17) qui traverse les différents épisodes du Décalogue (Kieślowski, 1989-1990), fera en sorte, comme celui-ci, que le personnage principal se trouve devant un choix.

Ce choix, pour Julie, semblera relever davantage de l’acceptation d’un destin : « Je suis pas capable », avoue-t-elle. Cette acceptation d’un destin qui la définit se rapproche de celle qui guide l’héroïne de La double vie de Véronique (Kieślowski, 1991) dans ses choix. Véronique, française, partage les traits, la fragilité du coeur et le dévouement au chant de Weronika, Polonaise décédée tragiquement d’une crise cardiaque lors d’une performance musicale. À la suite de cette mort, celle-ci décidera, liée à son homologue par un pressentiment inquiétant, de quitter la carrière de chanteuse, affirmant éloquemment : « Je le dois. » Véronique et Julie se définissent donc toutes deux par des actes qui, étrangement, semblent leur être, en quelque sorte, imposés par les nécessités de leur existence ou, plus radicalement, de leur survivance. Une force, que nous ne pouvons nommer, empêchera les deux femmes de suivre le destin mortifère de leur prédécesseure. Bleu, à travers l’évocation de la vitre, d’une prothèse orthopédique et d’un témoin, situe Julie dans une réalité existentielle qui permettra d’infléchir le destin d’Urszula/Julie. Ce « monde » existentiel, différent de celui d’Urszula, accueille, reconnaît et contient le désespoir de Julie. Cette variation imaginative sur le réel permet à la fiction de révéler ce dernier comme possible et non comme réalité effective (Žižek 2013, p. 20-21). Elle permet de donner une seconde chance à des personnages kieślowskiens précédemment voués à l’échec et, conséquemment, de les transformer. Kieślowski semble, par les « doubles vies » que traversent ses personnages, évoquer la possibilité d’une métamorphose identitaire pour celui qui se positionne différemment au sein de son existence. Dans les oeuvres mentionnées, ce repositionnement est évoqué par une « renaissance » française qui s’oppose à la « première vie » polonaise. Cette métamorphose ne permettra pas aux pertes de disparaître (la mort des proches, la fragilité du coeur) mais plutôt d’apparaître en transformant les personnages dans la reconnaissance de cette perte.

Julie, résolue à vivre, s’excuse auprès de l’infirmière : « J’ai cassé la vitre. Pardon. » La femme soignante lui pardonne et promet : « On en mettra une autre. » Cette promesse intervient dans la scène même où Julie apparaît déjà derrière une vitre intacte qui semble ouvrir son personnage sur autrui. Le remplacement de la vitre évoque la promesse d’un rétablissement pour Julie, d’un soi qui peut amorcer un processus de guérison. Cette guérison est possible grâce aux soins d’autrui qui peut, en la voyant à travers la vitre, l’apercevoir. C’est ainsi que la transparence de la vitre permet à une force obscure d’y pénétrer et d’avorter le geste mortifère de Julie. Cette force est un « autre » qui sera, ensuite, incarné par l’infirmière.

Ce dénouement réparateur contraste avec celui de films antérieurs du réalisateur, où la rupture identitaire des personnages n’est pas alliée à une promesse de réparation. Outre le suicide de Sans fin, nous pouvons penser, par exemple, à L’amateur (1979). Dans le film, Irka, exaspérée par l’obsession de son mari, Filip, pour sa caméra, brise un miroir qui se trouve dans leur foyer. Cet éclatement du miroir, qui ne peut plus « refléter » l’épouse du foyer, fait écho à la brisure, par Julie, de la vitre de l’hôpital où elle ne peut plus être, elle-même, l’épouse de Patrice et la mère d’Anna. Dans L’amateur, cette première brisure sera suivie par l’éclatement d’une tasse par Filip. Irka quittera ensuite le foyer familial avec l’enfant du couple. Cette double brisure exprime comment la rupture identitaire d’Irka ne pourra trouver le soin qui permettrait une « réparation » du foyer familial. La perturbation de la « paix » et du « calme » (traduction libre) que désiraient, initialement, les deux membres du couple est exprimée par la brisure des objets de la maison que sont le miroir et la tasse. Si le miroir brisé évoque la rupture identitaire de l’épouse esseulée, l’éclatement de la tasse, qui permet de contenir les breuvages réconfortants centraux à l’oeuvre kieślowskienne, semble annoncer la fin du calme que procure l’unité familiale. Le film se termine par la destruction rageuse de la pellicule filmique, qui a amené sa perdition, par Filip. L’identité de Filip ne semble être réhabilitable qu’à travers un retournement de la caméra sur sa propre histoire, qu’il commencera à narrer.

Dans le cas de Julie, l’éclatement de la vitre annonce également la rupture identitaire qu’a provoquée la désintégration de l’unité familiale. Bleu et L’amateur peuvent, donc, être lus ensemble comme un nouvel exemple de dénouements alternatifs. La « mise en oeuvre » artistique de l’identité sera, pour Julie comme pour Filip, centrale. Par ailleurs, alors que le futur de Filip, seul devant sa caméra, nous paraît plutôt pessimiste et figé, l’intervention de l’autre, dans un processus créatif de métamorphose identitaire sera, pour Julie, porteuse d’espoir et d’avenir.

Chez Kieślowski, la brisure des liens familiaux amène, donc, une perturbation du calme si désiré par les protagonistes de ses films. L’une de ses oeuvres ne se nomme-t-elle pas précisément Le calme (1980) ? Dans le film, le projet d’un foyer familial paisible qu’a Antek, qui vient de terminer une peine de prison, se trouve entravé par son entraînement involontaire dans un conflit qui oppose son patron, corrompu, au syndicat, en grève, des employés de son lieu de travail. Julie, comme Antek, trouvera le calme de son projet familial troublé. Cependant, cette paix n’est pas bouleversée par sa relation conflictuelle avec les institutions politiques, comme dans L’amateur, où le protagoniste est contraint de filmer des dignitaires, ou dans Le calme, où le héros est pris dans un conflit entre ouvriers et patronat. Nous avons, ici, affaire à un événement contingent qui trouble la paix de l’héroïne en prenant la forme, non plus purement extériorisable mais intimement existentielle, d’un trauma. Ainsi, alors que Julie se repose dans l’institution hospitalière qui, physiquement, la soigne et l’apaise, le souvenir traumatique de l’unité familiale brisée l’alerte, psychiquement, et fait obstacle à son sentiment de paix.

Pour Kieślowski (2006, p. 206), les sentiments représentaient, ainsi, tout ce qui existe et qui importe. Dans Bleu, l’évocation poétique du vécu émotionnel de Julie permet de révéler comment ce vécu exprime, sur le plan fondamental, une altération du sentiment de sa continuité identitaire. Alors qu’elle semble assoupie sur la terrasse de l’hôpital, l’héroïne se réveillera brusquement au moment où un morceau musical résonne soudainement et qu’elle se trouve baignée d’une lumière bleue. Julie entend quelqu’un, ensuite, lui dire : « Bonjour. » La scène, coupée, se trouve plongée dans un trou noir au moment même où l’extrait musical démarre à nouveau. Puis la scène réapparaît là où s’est opérée la fissure. Le psychanalyste Slavoj Žižek (2013, p. 127) affirmera qu’à ce moment, Julie est parvenue à « refouler l’intrusion du passé musical » qui représente Patrice. Par le langage cinématographique, le récit identitaire de Julie, au sens ricoeurien d’une identité narrative qui la pose comme personnage (Ricoeur 1990, p. 34), subit une rupture qui est signifiée par la « crypte » dans laquelle nous plongeons, pour reprendre la définition du trauma d’Abraham et Torok (1978, p. 297), et qui en brise la continuité.

Nous trouvons donc, ici, une « vérité existentielle », grâce aux possibilités artistiques du cinéma, au sujet du trauma qui révèle une articulation de ce trauma avec un vécu de rupture identitaire. Le nouveau « récit » dans lequel Julie, survivante, tente de se reposer est dérangé par l’intrusion d’un passé qui prend la forme d’une irruption musicale et visuelle au coeur de son histoire. Lorsque le récit est plongé dans le noir et que l’intrusion musicale se manifeste, nous constatons que le trauma fait « fondre » (aphanisis) (Žižek 2013, p. 127), momentanément, l’identité de Julie. Le « récit » cinématographique de la vie de Julie que nous présente Kieślowski est, ainsi, ponctué de trous noirs qui dissimulent des vérités familiales fondamentales et, pourtant, inavouables. En résulte un récit de soi irréconciliable. La Symphonie de réunification de l’Europe, inachevée, de Patrice, entendue au creux de cette rupture, suggère justement la tâche de réunification[1] identitaire qui attend Julie. Par ailleurs, la couleur bleue qui « envahit » certaines scènes du récit de Julie évoque une fusion traumatique de l’identité de Julie avec le souvenir d’Anna, auquel cette couleur est liée à travers la « chambre bleue » de la petite, et qui amène également une dissolution de son identité. Le trauma retire à Julie « ses couleurs » afin de l’assimiler à une seule teinte : le bleu.

Nous voyons également comment la rupture identitaire qu’amène le trauma affecte le Spie (« je dors » en polonais), si central à l’oeuvre kieślowskienne. Julie, comme Filip dans L’amateur, qui, depuis l’orphelinat, se réveille la nuit pour manger, est dérangée dans son sommeil. Ainsi, son assoupissement, sur la terrasse de l’hôpital, sera troublé. Elle sera également réveillée, dans son appartement, au milieu de la nuit. C’est toujours une irruption sonore qui trouble son repos : le fragment musical, le couinement des souris dans son placard, les coups et cris d’un homme qui se fait « passer à tabac ». Le son, par sa voie médiate, amène sa mémoire à Julie malgré elle. Et lui empêche de trouver calme et paix.

Afin de s’apaiser, Julie tentera de s’éloigner de ce qui est le plus fortement lié aux éléments traumatiques de son passé. Tout ce qui pourrait évoquer Patrice ou Anna sera mis à l’écart. La rupture identitaire de Julie, à défaut d’être reconnue, sera mise en acte. La maison familiale sera vidée et mise en vente, les domestiques remerciés, Olivier, ami de son mari et amant temporaire de « remplacement », abandonné. Son nom de jeune fille, qu’elle reprend, révèle la régression identitaire qu’elle entreprend et qui vise, radicalement, l’effacement de soi. « Personne ne doit savoir », avertit Julie, lorsqu’elle prend la décision de se départir de son lègue en conservant seulement « son propre compte ». En tentant de contrer l’anéantissement identitaire qu’elle vit lorsqu’une intrusion traumatique la fait « fondre », elle décidera de se fondre elle-même en faisant disparaître les traces de son identité. C’est ainsi qu’elle dit à Olivier, après avoir passé la nuit avec lui : « C’est très bien ce que vous avez fait pour moi. Mais vous savez, je suis une femme comme une autre. Je transpire, je tousse, j’ai des caries. Je ne vais pas vous manquer. Vous vous en êtes sûrement déjà rendu compte. N’oubliez pas de claquer la porte en sortant. »

Cet extrait exprime comment Julie met en acte, avec Olivier, la rupture identitaire et le sentiment d’abandon dont elle a été victime. L’écran de télévision, qui, selon Emma Wilson (2000, p. 41), reflète le monde intérieur psychique, identitaire et mnésique des protagonistes, nous révèle, malgré l’« interférence » que crée le trauma, comment Julie perçoit sa liaison à autrui. Le médium télévisuel nous présentera, immédiatement après l’accident, un parachutiste en plein vol. Julie, à ce moment, se trouve en chute libre. Elle se croit, ainsi, « libre » de toute attache aux autres. Lorsqu’elle visite sa mère, l’écran présentera un vieil homme qui fait du saut à l’élastique. Julie apprendra, maintenant, à accepter d’être retenue par un lien vital. La dépendance cruciale à ce lien, à tout âge de la vie (que le vieillard permet d’exprimer), fait paraître, à Julie, tout « saut » dans le vide comme un acte de foi terrifiant. Elle dira ainsi à sa mère : « Maintenant, j’ai compris. Je ne ferai plus qu’une chose : rien. Je ne veux plus de possessions, plus de souvenirs, d’amis, d’amour ou d’attaches. Tout ça, ce sont des pièges. »

Julie affirme donc sa volonté d’éviter tout ce qui l’attache aux autres alors même qu’elle vient, paradoxalement, de rétablir un lien avec sa figure première d’attachement. En rétablissant ce lien, elle accepte, comme le vieil homme, de faire le saut qui la place dans un état de dépendance vitale par rapport à ce lien. Grâce à cette reprise du lien qui la relie à sa mère, Julie pourra se remémorer le fait que les attaches qui nous lient aux autres ne sont pas seulement des pièges qui nous condamnent à l’« esclavage des sentiments et de la mémoire » sur lequel porte Bleu (Kieślowski 2006, p. 252). Les attaches empêchent, également, la chute mortelle de celui qui doit, à un moment ou un autre, faire le saut afin de survivre. C’est ainsi que sa mère prévient Julie, en substance, qu’elle ne « peut pas se priver de tout ». Elle lui demandera si elle a, « au moins », de l’argent. Oui, Julie a ce qu’il faut afin de combler ses besoins premiers : se nourrir et se loger. Mais l’héroïne demandera davantage. Elle désire se remémorer. Avait-elle peur des souris lorsqu’elle était petite ? Sa mère, amnésique, qui peine à la reconnaître, répond : « C’est Julie qui avait peur. » Cette réponse a le pouvoir d’évoquer l’amnésie de Julie relativement à l’enfant qu’elle était et qui a, toujours, peur des souris. Les deux figures redeviendront une : « Maman, j’ai peur. » C’est la réunification de l’histoire de Julie qui lui permet, ici, de comprendre l’origine de sa peur. Cette reconnaissance la transforme en la révélant à elle-même comme étant traversée par cette même peur qui prend origine dans son enfance.

La persistance de la mémoire de Julie se manifeste également par la présence soutenue, à travers les modifications du récit, d’objets qui lui rappellent un passé qu’elle tente, justement, d’enrayer. En effet, alors que Julie a demandé à son domestique de vider la « chambre bleue » d’Anna, elle y trouve, suspendu au plafond, un magnifique lustre de pierres bleues scintillantes. Ce lustre agit comme une manifestation du lien qui persiste entre Julie et la mémoire de sa fille perdue. Sa vue est, à la fois, magnifique et douloureuse. Julie semblera vouloir détruire ce « témoin » du passé en arrachant violemment l’un des pendentifs du lustre. Mais l’objet, quoique ébranlé, reste là.

Les pierres bleues que Julie a arrachées seront trouvées, plus tard, au creux de sa main, intactes. Cette image permet d’évoquer comment l’héroïne, qui opère, dans cette scène, le démantèlement de ses biens, conserve, dissimulé en elle, un « morceau de mémoire ». Un phénomène similaire s’appliquera à la symphonie inachevée de Patrice. Alors qu’elle va chercher la pièce, Julie se remémore douloureusement, à travers le regard de la copiste, la beauté du choeur qui amorçait l’oeuvre musicale. Ce choeur évoque les liens familiaux qui unissent Julie à Patrice et à Anna. Malheureusement, comme elle le dira, plus tard, à Olivier, ce choeur ne peut plus jamais être « pareil ». La pièce, jugée caduque, est jetée dans un camion à ordures qui passait par là. Nous entendons la musique de la symphonie ralentir, puis s’arrêter au moment où les dents du broyeur déchiquettent la partition. Malgré cette destruction des notes, laissées par Patrice afin de terminer la pièce, seront conservées par Julie.

La jeune femme tentera de jouer ces notes au piano. Cet exercice semble ardu, chacune des notes se détachant lentement et douloureusement. Elles apparaissent isolées les unes des autres comme si elles ne faisaient plus partie d’un tout. Chaque élément rappelle un « morceau de mémoire » traumatique avec lequel Julie se fond sans pouvoir l’intégrer dans une unité de sens. La pièce est inénarrable, comme le mentionne Paul Ricoeur (1990, p. 370) à propos d’un récit de soi bloqué par la souffrance. Chez Julie, c’est la valeur traumatique de ces « éléments » de sa mémoire qui rend son récit incompréhensible. Devant son incapacité à interpréter son histoire bouleversée, Julie laisse violemment s’abattre le couvercle du piano sur sa base dans un bruit dissonant. Ce son discordant rappellera le cillement douloureux qui avait, plus tôt, accompagné la contemplation, par Julie, du lustre de pierres bleues.

Le trauma qui entoure sa perte amène, chez Julie, un état d’aveuglement. Kieślowski l’évoque à quelques reprises. Tout d’abord, lorsqu’elle se réveille à l’hôpital, Olivier apparaît, flou, devant elle. Ce protagoniste ne sera véritablement reconnu qu’à la fin du film, lorsque Julie l’appelle pour la deuxième fois en lui demandant, à nouveau, s’il l’aime. À un autre moment du film, Julie est assise sur un banc de parc et le soleil l’éblouit ; une vieille dame, qui se trouve devant elle, peine à jeter une bouteille de verre dans un bac à récupération. En fond sonore, la pièce de Patrice joue lentement. Cette scène évoque l’incapacité qu’a Julie de se percevoir en tant qu’héritière d’un lègue dont elle doit faire le « tri ». La bouteille qui reste coincée suggère qu’un choix n’a pas été fait par l’héroïne qui ne peut, pour l’instant, voir clair. Nous le comprendrons plus tard lorsque la pièce apparaît à la télévision. Une note y est inscrite qui porte la mention : « trop d’éléments ». La réalité de Julie est brouillée par des éléments de mémoire traumatiques trop nombreux et inassimilables. C’est aussi ce que suggère le téléviseur qui, lorsqu’elle est à l’hôpital, interrompt la diffusion de la cérémonie funéraire par ce qui semble être un problème d’interférence. Le trauma est brouillard entre Julie et autrui. Il ne lui permet pas de voir l’autre et, conséquemment, de se reconnaître elle-même. Ricoeur n’aimait-il pas à répéter que le plus court chemin de soi à soi passe par autrui ? En effet, afin de connaître l’identité de Julie, nous devrions savoir, par exemple : décidera-t-elle ou non de devenir l’auteure de la symphonie ? A-t-elle besoin de pleurer la mort de sa fille et de son mari ? De courir ? Veut-elle ou ne veut-elle pas de l’amour d’Olivier ? Désire-t-elle réécrire la pièce avec lui ?

La non-reconnaissance de l’autre amènera, pour Julie, une assimilation à cet autre. La jeune femme dévorera désespérément la sucette bleue de sa fille en semblant vouloir soit la détruire, soit l’intégrer en elle définitivement[2], niant, dans les deux cas, qu’un autre a existé. Le feu crépitant devant elle avale les quelques objets qui étaient demeurés dans son sac, dont son carnet d’adresses, grâce auquel elle a pu appeler Olivier. Ce dernier n’a maintenant, comme elle, plus d’identité. Cette scène peut évoquer la valeur du feu pour F. W. J. Schelling (1809, p. 152). Pour le philosophe, le feu peut indiquer la présence d’une « ardeur (Glut) sauvage, dévorante, douloureuse ». Un tel « feu dévorant » brise le rapport d’équilibre crucial entre la périphérie et le centre du soi. De ce déséquilibre résulte le mal ou sa contre-image, la maladie. Il indique également une discordance entre le feu et l’eau qui, habituellement, se rejoignent au sein de la « chaleur vitale, organique, bienfaisante ». Pour Schelling, cette désarticulation amène une « vie fausse » ou « encore que propre, une vie de mensonge, fruit de l’inquiétude et de la perversion ». De cette vie fausse résulte un anéantissement de soi.

Julie vit bien dans une sorte de « fausseté » lorsqu’elle accueille Olivier dans sa demeure. Le feu « dévorant » a fait place à l’eau qui dissout l’identité des deux êtres. Olivier annonce ainsi, éloquemment, qu’il s’est « cassé la figure » en allant rejoindre Julie. Cela nous permet de comprendre qu’il n’est plus, aux yeux de l’héroïne, lui-même. La jeune femme lui demandera d’enlever ses vêtements, amenant le corps de l’homme à être, à son tour, départi de son identité. Olivier, trempé par la pluie abondante, disparaît, comme Julie le fera, plus tard, sous l’eau. Le partage du matelas conjugal avec la veuve suggère que derrière l’image brouillée d’Olivier se cache l’illusion mensongère d’un retour du mari perdu. Le feu a fait place à l’eau, ici, en gardant les deux éléments disjoints : aucune chaleur bienfaisante n’émane de cette scène glaciale où deux corps nus acceptent, pourtant, de s’étreindre.

La première solution que Julie trouve afin de se défendre contre la présence d’une famille de souris qui prend place dans son appartement est d’emprunter le chat du voisin afin qu’il élimine les bêtes. L’image primitive de la maternité, dans le « placard » psychique de l’héroïne, la réveille, couinant, la nuit. À cette représentation, déshumanisée, qu’amène le trauma répond l’attaque d’un animal, chat non castré qui n’aime pas Julie. Mais les souris ne seront, justement, pas éliminées. Victimes de l’assaut mortel du chat, elles amènent l’héroïne à se rappeler, d’autant plus, ceux qui ont péri dans l’accident.

Le rituel de nage que Julie pratique, dans une piscine déserte, la nuit, lui permettra d’atténuer la pression qu’exerce sur elle le passé traumatique. L’eau aura donc, aussi, dans Bleu, une valeur bienfaitrice. Michel Estève (1994, p. 127) suggère : « Pour Julie, la piscine est un lieu de récupération où elle puise la force de résister à la double tension intérieure et extérieure qui l’assaille (ce que souligne le silence qui suit le bruit des plongeons) ». Comme le souligne Žižek (2013, p. 141-142), Julie tente d’abord de suivre la règle fondamentale de la relaxation lorsqu’elle s’applique à oublier ses tourments intimes en se concentrant sur l’extérieur afin de faire le vide. Cela explique son déménagement dans une ville « extérieure » au lieu de vie qui lui rappelle l’accident. Malheureusement, cet extérieur fait encore écho à son traumatisme intime (ibid., p. 142). Ainsi, non seulement le lustre de pierres bleues et les notes de Patrice persistent, dans son appartement parisien, à lui rappeler son passé mais les étrangers qui croiseront son chemin y feront, parfois involontairement, allusion. De plus, ceux qui la cherchent parviendront à la trouver.

L’eau permet donc à Julie, momentanément, d’établir une distance salvatrice entre elle et son passé traumatique. Elle lui permet, symboliquement, de s’en protéger. Un écran d’eau se place entre elle et le monde terrestre. L’élément aquatique contribuera au rétablissement de ce calme si cher à Kieślowski. Un moment de paix qui lui permet de se ressourcer et, éventuellement, de se représenter sa perte. Elle nagera furieusement afin, semble-t-il, d’établir cette distance, puis, plus paisiblement, elle semblera rencontrer son passé, autrement, immergée dans ce désert aquatique. Elle s’abandonne, enfin, flotte en position foetale, telle une enfant au coeur d’un giron, pour reprendre une expression de Gaston Bachelard (1957, p. 26). Elle y trouve une demeure primitive, un lieu de sécurité où il est possible d’habiter, paisiblement. L’eau, ici, semble rendre possible la dimension d’horizontalité propre à la pensée de Bernd Jager (1971) qui, offerte par la mère au début de la vie, permet de soutenir l’enfant et de l’ouvrir au monde. Julie est, ici, soutenue par l’eau qui lui permet de s’ouvrir progressivement à la création du souvenir des êtres perdus.

La piscine permet donc d’évoquer un retour symbolique à l’enfance où Julie revient à ce que Bachelard (1960, p. 133) nomme les images d’archétype, à un état d’antécédence de l’être d’enfance, une enfance essentielle, une enfance d’avant l’enfance, tranquille, avant les événements contingents qui auraient pu la troubler. Quoi de mieux pour retrouver cet état archétypal que l’immersion de soi dans l’eau ? Bachelard (ibid., p. 117) confirme : « l’Enfance est une Eau humaine, une eau qui sort de l’ombre ». L’être que Julie tente de rejoindre est donc l’être fluide, calme, qui coule à côté des événements, sous les événements contingents, comme une eau souterraine dans laquelle elle se ressource, se revivifie, reprend des forces. Elle s’y trouve protégée, sous la terre, dans la nuit, afin de retrouver la source de cette enfance qui subsiste en elle. Pour ce faire, elle descend loin, jusqu’au fond d’un puits. Bachelard (ibid., p.120) le confirme : « l’enfance est le puits de l’être ». C’est ainsi que la descente de Julie dans l’eau est une descente vers les profondeurs d’une enfance qui se cache derrière le plus lointain des souvenirs.

À travers ce rituel immersif, elle se reconstruit, pour reprendre une expression de Marc Richir (1995, p. 6), un « corps ». Le corps auquel fait référence le philosophe n’est pas d’une opacité totale, seulement marqué par des infirmités, ou, au contraire, d’une transparence absolue qui se mêle parfaitement à ce qu’elle rencontre. Le corps possède plutôt une « épaisseur » qui est apparente dans notre expérience courante sous la forme d’un « vivre incarné » (ibid., p. 7). Cela signifie que le corps inclut « quelque chose qui excède le corps, qui tend à s’en échapper, et par rapport à quoi le corps paraîtra toujours plus ou moins limité, d’une manière ou d’une autre » (ibid., italiques dans le texte). Ainsi, pour Richir, c’est depuis notre vie et notre être incarnés en corps que les questions métaphysiques peuvent acquérir un sens concret et légitime. Pour Julie, c’est à partir de la récupération d’un tel corps, à la fois charnel et fluide, qu’elle pourra parvenir à se représenter sa perte et, comme nous le voyons, à pleurer.

Ce corps est né du sentiment de calme que l’eau a permis de restaurer. L’élément lui permet de se sentir protégée par les flots tout en lui offrant un espace pour imaginer. Christian Thiboutot[3] mentionne que, dans Bleu, en dehors de l’oubli de soi et de la mort qui caractérisent la vie quotidienne de Julie, la mort devra être approchée, confrontée et dépassée par la traversée d’une zone de marge. La piscine symbolise, ainsi, une étape transitoire où l’héroïne « entre dans la mort et en ressort ». Cette traversée amène l’héroïne à être sujette à une véritable métamorphose identitaire. Comme la chenille qui, avant de devenir papillon, disparaît dans le liquide d’un cocon, Julie se laisse, graduellement, transformer dans cet espace d’eau où elle baigne dans une histoire qui prend graduellement forme. En sécurité, elle trouve le calme qui lui permettra de transformer, un à un, les éléments de sa mémoire traumatique. C’est ainsi qu’à un moment du film, elle disparaîtra complètement sous l’eau immobile puis rejaillira, étouffante de cette longue immersion et à jamais changée par un récit de soi métamorphosé.

Cette remontée vers la surface est cruciale. Les larmes de Julie, afin d’exister, doivent être vues. À force de retrait dans l’eau, l’héroïne pourrait, en effet, perdre définitivement toute identité et étouffer au sein de son « cocon ». La jeune femme meurt, symboliquement, au fond de l’eau en baignant dans la matière de son passé. Comme elle acceptera, dans Rouge (Kieślowski, 1994), d’être rescapée du ferry qui coule au fond des mers, avec les autres héros de la trilogie des Trois couleurs, elle devra consentir à être sauvée, dans Bleu, d’une mort symbolique. Le « cocon étouffant » qu’est la maison gazée de Sans fin voit ses fenêtres s’ouvrir. Car l’être humain, pour vivre, a besoin d’air.

La piscine, lieu public, permettra l’intervention de Lucille, sa voisine prostituée qui sort, comme elle, la nuit. Julie ne semble pas avoir été capable de se fondre dans la foule parisienne. La diversité des êtres qui peuplent la ville amènera une autre, marginale comme elle, à la trouver dans l’espace qu’elle occupe. Cette rencontre obligée avec autrui, au coeur de la mégapole, peut être contrastée avec le deuil des protagonistes du film Antichrist (Lars von Trier, 2009), qui, retirés en campagne à la suite de la mort de leur enfant, en viendront à se mutiler et à se confondre l’un avec l’autre. Le deuil parisien de Bleu et la métamorphose identitaire qui y est liée peuvent donc être vus comme un récit alternatif à la perte d’Antichrist, où le retrait de la vie sociale des endeuillés amène une fusion identitaire mortifère.

Lucille apparaît sur le bord de la piscine lorsque Julie en émerge. Elle demande à sa voisine : « Tu pleures ? » « C’est l’eau », répond l’héroïne. Le trou noir qui vient rompre le récit nous informe que Julie ment et cache quelque chose. Mais elle se confiera bientôt à Lucille. Elle obtient, comme plusieurs personnages kieślowskiens, une seconde chance qui lui permet de reprendre son récit, différemment. Elle « raconte la chute deux fois » comme le faisait son mari. Informée de la peur qu’a Julie de la portée de souris tuées dans son appartement, Lucille apaisera la jeune femme en offrant d’aller nettoyer son logement.

Pour la première fois depuis son deuil, Julie accepte de montrer sa vulnérabilité à l’autre et de lui demander de l’aide. L’héroïne accepte de croire en la parole de Lucille lorsque cette dernière lui promet son assistance à se débarrasser des souris mortes. C’est par une telle croyance en l’autre que, pour Ricoeur (1990, p. 34), tout processus de connaissance de soi débute. Son attestation du témoignage de Lucille est, ainsi, déterminée par une position de vulnérabilité, « une fragilité spécifique » (ibid.) que l’on peut assimiler à une sorte de confiance. Cette confiance envers Lucille permettra à Julie de reprendre contact avec les autres et avec son passé, la soulageant du fardeau d’une mémoire traumatique qui se métamorphosera dans la libération du souvenir.

Julie tremble et ferme les yeux, ébranlée, lorsque la piscine, véritablement rendue, ici, publique, est assaillie par un tourbillon d’enfants qui sautent dans l’eau. Cette irruption du monde enfantin rappelle l’image primitive de la naissance des souris en apparaissant, transformée, dans un monde humanisé par la mise en mots de sa peur par Julie. Même si difficile, cette représentation est rendue possible par l’intervention de Lucille qui « prend soin » de la peur de Julie en la reconnaissant et en la contenant. Les enfants arborent des flotteurs qui illuminent la piscine des autres couleurs de la trilogie kieślowskienne (blanc et rouge) en suggérant l’ouverture de la mémoire traumatique de Julie à l’altérité qui injecte des couleurs nouvelles à un récit, maintenant vivant. L’intervention de l’autre amène une lumière (l’étymologie de Lucille signifie d’ailleurs « lumière ») au récit de Julie qui permet à son personnage d’être sauvé en prenant un nouveau départ. Lucille, qui est le contraire de Julie[4], enlacera cette dernière comme une mère qui la soigne tout en l’ouvrant au monde et à l’altérité.

L’ouverture à sa voisine amène Julie dans un nouveau jeu de relations qui la sort littéralement de son univers clos. Bientôt, Lucille l’entraîne à l’assister à son tour. La création d’un lien n’est pas sans attente de réciprocité. Julie est appelée au milieu de la nuit afin de secourir Lucille : « S’il te plaît, dit-elle, je t’ai jamais rien demandé. » Julie finit par céder et se rend à son secours. C’est en établissant cette mutualité, cette confiance réciproque, que les deux protagonistes partageront un moment de désillusion qui contribuera à enrichir leur identité. Julie et Lucille se reflèteront et se complèteront l’une l’autre. Alors que Lucille appelle Julie afin qu’elle l’assiste dans la nécessité de mettre une ombre sur sa lumière en installant l’interdit oedipien, Julie, pour sa part, acceptera la lumière de Lucille sur les zones d’ombres de sa compréhension en lui permettant de révéler des aspects d’elle-même qui étaient dissimulés. Lucille, prostituée sans gêne, a vu son père entrer au strip club où elle travaille et ne parvint pas à le faire évincer. Julie, pour sa part, voit Lucille ramener à la vie un aspect d’elle-même qui était bloqué par une « interférence » traumatique. Quand Julie lui demandera pourquoi elle fait ses activités érotiques, Lucille lui répondra : « Parce que j’aime ça. Je crois que tout le monde aime faire ça. » Elle invite ainsi Julie, qui prétend ne vouloir « rien » faire, à révéler l’être désirant, Éros, en elle. Par la découverte de cet Éros, Julie peut voir, sur l’écran de télévision que montre du doigt Lucille, son contraire : le refus de Julie de répondre aux questions de l’intervieweuse qui était venue la solliciter et l’absence de choix concernant l’achèvement de la symphonie. Elle découvrira que l’aveuglement dont elle était victime la maintenait dans un triangle amoureux dont elle n’avait pas connaissance : Patrice avait une maîtresse. Cette révélation mettra en lumière, simultanément, une deuxième dynamique amoureuse triangulaire qui la place entre Patrice et Olivier, qui propose de terminer la symphonie du défunt. La désillusion qu’a permis l’amitié entre Julie et Lucille rappelle que, pour Ricoeur (1990, p. 34), la croyance en l’autre amène à mettre en question certaines vérités se révélant illusoires. L’image de son mariage avec Patrice, ébranlée par le lien de confiance qu’elle a développé avec Lucille, poussera Julie à mettre en crise sa propre identité. C’est ainsi un double deuil que vit Julie : celui des êtres perdus et celui du deuil lui-même[5], en remettant en question l’image qu’elle entretenait de son mariage avec Patrice.

La confiance de Julie en Lucille, son attestation, amènera l’héroïne à instaurer une nouvelle confiance en elle-même, confirmant la pensée de Ricoeur (1990, p. 34, italiques dans le texte) : « l’attestation est fondamentalement attestation de soi ». L’attestation de soi de Julie l’amènera à réintégrer le récit de sa vie afin d’y faire de nouveaux gestes. Ricoeur (ibid.) affirme ainsi : « Cette confiance sera tour à tour confiance dans le pouvoir de dire, dans le pouvoir de faire, dans le pouvoir de se reconnaître personnage de récit. » Ainsi, Julie court à la rencontre d’Olivier, de Sandrine et de la trame temporelle de sa vie, semblant annoncer, comme aimerait le dire Lévinas, me voici ! (ibid.).

Julie rencontre Sandrine, la maîtresse de Patrice. Ayant appris qu’elle est enceinte de lui, elle offre la maison et le nom qu’elle partageait avec son défunt mari à l’enfant à naître. La famille perdue renaît donc, ailleurs. Cette renaissance symbolique libère Julie qui peut se tourner vers Olivier afin d’investir le présent. Sandrine lui dit : « Je le savais. Patrice me l’avait dit. Que vous étiez bonne. Bonne et généreuse. » Julie, afin de demeurer la même, a paradoxalement dû accepter sa perte et laisser cette dernière la transformer. Sa bonté et sa générosité prennent, ici, un sens nouveau.

C’est grâce à la rencontre avec autrui que Julie pourra véritablement transformer son identité, non pas en rompant totalement avec celle qu’elle était mais en se laissant métamorphoser par la reconnaissance de sa perte. La reprise de la pièce, avec l’aide d’Olivier, évoque l’acceptation de Julie d’un récit qui sera, à jamais, transformé. L’héroïne corrigera la version que propose Olivier : « Plus léger. » Elle ajoutera l’influence de la flûte du musicien errant qui jouait une variante de la mélodie de Patrice. Certains éléments du passé refont surface, dont le Memento de Patrice. Ces éléments de mémoire acquièrent une vie nouvelle au sein de la pièce corrigée. L’oeuvre métamorphosée est maintenant, comme le proposera Olivier, sienne. L’acceptation de l’amour de ce dernier amène une chaleur bienfaisante derrière la vitre, remplacée et embuée, où les amants s’étreignent. Cet amour permet enfin à Julie, qui pleure, de vivre sa perte.