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Cet ouvrage collectif propose un retour sur les transformations de l’administration publique au Québec et en France, au cours des 50 dernières années. Recueillant les actes d’un colloque sur le cinquantenaire des relations entre le Québec et l’École nationale d’administration (ENA), l’ouvrage présente un survol des influences et transformations significatives de l’action publique dans les secteurs de l’éducation, la santé, la décentralisation territoriale et l’économie. Il inclut aussi, en introduction et conclusion, deux chapitres intégrateurs qui permettent de contextualiser l’analyse et offrir des réflexions provenant, entre autres, du « regard croisé » des « Grands Témoins », praticiens experts français et québécois, ayant participé au colloque.

L’introduction permet de se situer sur les plans historique et conceptuel. La présentation des diverses influences ayant orienté, historiquement, le développement politique et administratif du Québec et provenant notamment de la Grande-Bretagne, des États-Unis et de la France, est particulièrement intéressante et contribue positivement à la compréhension de l’évolution des relations entre le Québec et la France. Conceptuellement, la notion de « globalisation » est proposée en toile de fond des analyses thématiques conformant l’ouvrage. La définition adoptée met l’accent sur les différents « visages » (économique, politique, civique, entre autres) de la globalisation, sa tendance à la normalisation ainsi que le rôle médiateur de l’État dans l’adaptation des normes à la réalité et aux besoins du contexte national (p.9-14).

Sur le plan thématique, les chapitres offrent tour à tour une présentation détaillée des principales dimensions de changement et de continuité, ainsi que des facteurs d’influence, dans les secteurs étudiés. Alors que les deux premiers secteurs analysés – l’éducation et la santé – abordent davantage les transformations vécues au Québec, les deux chapitres suivants s’inscrivent plus directement dans une dimension comparative. En ce sens, la conclusion de l’ouvrage, présentant les principaux apports des praticiens experts français et québécois au cours du colloque, contribue à renforcer la dimension comparative et enrichit l’information présentée dans les chapitres thématiques.

Dans le secteur de l’éducation, Nancy Brassard présente les principales réformes vécues au Québec, l’influence des courants de pensée français et américains sur la définition des contenus du programme scolaire et finalement la définition d’un modèle pédagogique québécois. Elle rappelle aussi l’importance des accords de collaboration entre le Québec et la France. Dans le secteur de la santé et des services sociaux, Louis Demers et Bruno-Pier Provençal illustrent l’utilité du concept de « dépendance envers un sentier », qui souligne l’influence des décisions passées et des structures en place, afin d’expliquer les résultats observés des réformes mises en oeuvre dans le secteur sociosanitaire au Québec. Pour sa part, Paul-André Comeau approfondit la présentation des principales réformes en France et identifie des « situations et constats » (p. 129) similaires entre la France et le Québec, tout en notant que les deux systèmes présentent leurs propres particularités qui les distinguent dans les réponses données par chacune des administrations publiques.

Dans le chapitre portant sur la décentralisation, Serge Belley et Alexandre Morin identifient des facteurs conjoncturels ayant influencé simultanément les réformes en France et au Québec. Ces facteurs touchent la prise de conscience des acteurs locaux quant aux limites à leur capacité d’action, l’accroissement au niveau international de la compétitivité entre les villes et régions, et l’effet du contexte financier restrictif. Finalement, Stéphane Paquin et Jean-Patrick Brady présentent une analyse comparative nuancée des changements sur les plans économique et social en France, au Canada et au Québec, à partir d’une variété d’indicateurs.

En somme, l’ouvrage offre un tour d’horizon pertinent des transformations ayant marqué la construction des administrations publiques au Québec et en France dans les secteurs sélectionnés, ainsi que de l’évolution des relations entre le Québec et la France. Il contribue aussi à l’accumulation d’information empirique, actuelle et historique, ainsi qu’à la synthèse de connaissances sur le sujet. Finalement, la lecture de l’ouvrage est agrémentée par l’invitation à consulter en ligne l’ensemble des présentations et discussions du colloque, ainsi que par l’ajout d’une bibliographie indicative.

L’ouvrage invite aussi à réfléchir à la question des transformations de la gestion publique, sous l’angle de ses principaux paradigmes, en particulier l’administration publique traditionnelle, la nouvelle gestion publique et la nouvelle gouvernance publique. Le chapitre 2, portant sur le système sociosanitaire, aborde notamment la question de l’influence des idées associées à la nouvelle gestion publique sur les réformes récentes. Qu’en est-il dans les autres secteurs ? Comment ces influences se comparent-elles dans les secteurs analysés entre le Québec et la France ? Bien que le traitement de ces questions aille au-delà de l’objectif visé par l’ouvrage, les évolutions relatées et les débats soulevés dans les différents chapitres suggèrent implicitement certains éléments de réponse et incitent à continuer à s’intéresser aux apprentissages qu’offrent les observations issues de ces deux contextes politico-administratifs.