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Après ses quinze premières années de publication, la revue Diversité urbaine amorce une phase de transition pendant laquelle elle publiera un numéro par année. Afin de souligner les réalisations de cette période, nous rassemblons dans ce numéro huit articles, publiés depuis 2000, qui représentent la diversité des thèmes, des approches et des disciplines académiques abordés. Ces articles traitent des questions reliées à l’intégration sociale des immigrants, au vivre ensemble ainsi qu’à diverses dimensions culturelles comme la langue, la religion et les arts.

La première partie du numéro concerne l’intégration sociale des immigrants et débute avec un article du démographe Victor Piché (2004) qui porte sur une dimension de l’intégration des immigrants encore peu étudiée soit, la réceptivité de la société-hôte. Cet article, selon nous, demeure aussi pertinent que lors de sa première publication, puisque les recherches axées sur l’« intégration » restent généralement centrées sur les attitudes et les comportements des immigrants et tiennent moins souvent compte des perceptions et comportements des membres de la société d’accueil, sauf quelques exceptions (par exemple : Bilodeau et Turgeon 2014; Girard 2008; Steinbach 2010; Steinbach et Grenier 2013).

L’article de Carolle Simard et Michel Pagé (2009), respectivement politicologue et psychologue, porte sur la participation civique et politique des nouveaux citoyens canadiens nés en Haïti, au Liban et au Pérou. Leur étude révèle un fort niveau de participation et un niveau de confiance élevé à l’égard des politiciens et des institutions démocratiques, bien plus élevé que chez les autres Canadiens. La question de la participation civique et politique des nouveaux Canadiens demeure toujours pertinente et mériterait d’être approfondie par d’autres recherches.

L’article de Deirdre Meintel et Claude Gélinas, tous deux anthropologues, aborde le thème de la religion, qui est souvent appréhendée comme une cause de conflit social et un danger pour le vivre ensemble. Selon les auteurs, la religion représente un point d’ancrage pour les nouveaux arrivants dans la société réceptrice : les groupes religieux fournissent de l’entraide et des services qui ne sont pas en concurrence avec ceux de l’État, mais plutôt complémentaires.

La deuxième partie de ce numéro inclut deux articles traitant de problématiques du vivre ensemble au quotidien au-delà de la phase d’établissement des nouveaux arrivants, soit la cohabitation interethnique et le racisme.

D’une part, les urbanistes Annick Germain, Xavier Leloup et Martha Radice (2014) présentent une étude sur quatre quartiers de classe moyenne à Montréal, où les propos spontanés des habitants témoignent d’une acceptation positive de la diversité, teintée parfois d’un certain inconfort. L’importance de cette étude est notamment de s’être intéressée à la classe moyenne, peu étudiée par les chercheurs qui s’attardent plutôt aux extrémités de la hiérarchie sociale.

D’autre part, les regrettés sociologues français Véronique De Rudder et François Vourc’h (2008) proposent une synthèse de quinze ans de recherche qui détaillent les façons dont le racisme systémique est largement nié ou ignoré. Les auteurs montrent qu’un cumul de discriminations vécues dans plusieurs domaines (éducation, logement, formation, etc.) affecte les immigrants et leurs descendants en matière d’emploi, de salaire, etc. Bien que cette étude concerne la France, elle est d’une pertinence indiscutable pour le Québec où le gouvernement, les entreprises et les syndicats, peinent à reconnaître le racisme systémique et à le combattre, comme en témoignent les travaux de certains membres du CEETUM (Potvin et Pilote 2016; Renaud et al. 2004).

Enfin, la troisième partie de ce numéro présente trois articles qui abordent les dimensions culturelles de la diversité, dont les langues, la transmission religieuse et la création artistique.

L’article de Rodrigue Landry, Real Allard et Kenneth Deveau (2008), spécialistes des questions sociolinguistiques au Canada, présente un modèle macroscopique qui montre comment le développement psycholangagier des membres du groupe minoritaire peut être à la fois le produit d’un déterminisme social et le fruit d’une autodétermination de l’individu et du groupe. Les auteurs présentent le concept d’autonomie culturelle qui permet de faire une synthèse des divers facteurs reliés à la revitalisation d’une communauté ethnolinguistique minoritaire. Bien que l’article prenne les communautés minoritaires francophones au Canada comme exemple, ce modèle pourrait aussi s’appliquer à d’autres groupes linguistiques, particulièrement dans le contexte actuel où la revitalisation des langues en danger de disparition devient une question cruciale.

L’article de la sociologue française Sévérine Mathieu (2010) traite de la transmission du judaïsme en France, où la majorité des juifs des cohortes plus jeunes sont en union mixte. L’auteure constate que la judéité repose davantage sur l’auto-affirmation que sur la reconnaissance de la filiation par la mère, les deux parents s’affairant à transmettre une identité juive séculière et culturelle plutôt que religieuse. Ainsi, la mixité ne semble pas être un gage d’assimilation, mais plutôt comme le véhicule d’une mutation identitaire.

Finalement, l’article de Marie-Nathalie Le Blanc, Alexandrine Boudreault-Fournier et Gabriella Djerrahian (2007) porte sur la culture hip-hop. Les auteures montrent que le hip-hop montréalais représente un espace multiculturel, multilingue et multiethnique où les jeunes artistes de diverses origines, marginalisés dans la culture dominante, cherchent à laisser leur marque dans la sphère publique. Plutôt qu’un véhicule de contestation, le hip-hop devient un « alter-espace » et une stratégie collective d’inclusion et d’intégration à la société majoritaire.

Au nom de l’équipe de rédaction, je vous souhaite une bonne lecture. Nous vous encourageons à rester avec nous et à continuer à proposer vos manuscrits pendant cette nouvelle phase de la vie de notre revue.

Deirdre Meintel
Directrice
Diversité urbaine