Corps de l’article

Comment avoir une meilleure compréhension des parcours des touristes au cœur d’une métropole ? Telle est la question de recherche appréhendée dans cet article. Dans le contexte à la fois d’un recreational turn (Stock, 2007), c’est-à-dire d’une importance considérable de la sphère recréative pour les villes, mais aussi de mouvements dénonçant un « trop de touristes », comprendre les pratiques des touristes et leurs manières d’habiter ces espaces urbains devient un enjeu crucial. Un intérêt pour les pratiques des touristes dans les villes s’est progressivement développé, avec les travaux sur les « repeaters » (Freytag, 2008), les visites guidées (Cunin et Rinaudo, 2008 ; Wynn, 2011), les « backpackers » (Simon, 2013), du point de vue de la sémiotique (Metro-Rolland, 2016), de l’expérience (Selby, 2004 ; Dormaels, 2011) ou de la performance (Chapuis, 2017). Plus spécifiquement pour ce qui est du parcours, il faut constater un développement récent des recherches sur le suivi des touristes par GPS (Shoval et Issacson, 2007 ; McKercher et Lau, 2008 ; Lee et Joh, 2010 ; Dejbakhsh et al., 2011 ; Pettersson et Zillinger, 2011 ; McKercher et al., 2012 ; Bauder et al., 2014). Ces travaux retracent précisément le parcours des individus au sein d’une agglomération. Cela ne constitue cependant qu’une première étape à la réflexion : il convient ensuite de s’interroger sur le pourquoi et sur le comment de ces cheminements. C’est le défi de connaissance abordé ici, à partir du cas des touristes à Los Angeles.

Le problème est donc moins de savoir où vont ou ce que font les touristes dans une métropole que de comprendre les logiques intervenant dans leurs « manières de faire » (Certeau, 1990 ; Foucault, 2001), dans les tactiques qu’ils mettent en œuvre pour cheminer à travers la métropole. Cet article défend l’hypothèse que les parcours des touristes au sein d’une métropole ne s’expliquent pas uniquement par les goûts et les motivations de ces derniers, mais également, et peut être avant tout, par les compétences dont ils disposent pour mettre en œuvre, pour mettre en pratique, ces choix. Car si l’enjeu du cheminement est largement atténué pour un individu lorsqu’il habite un lieu du quotidien (dans la mesure où la manière de le gérer est inscrite dans le cadre de pratiques routinières, donc largement intériorisée), cela n’est pas le cas pour l’individu en situation touristique : la métropole qu’il visite constitue un espace du hors-quotidien, c’est-à-dire qu’il ne connaît pas ou peu, qui ne lui est pas familier, où il n’a pas d’habitudes et qu’il investit pour une courte durée. Or, la pratique touristique des villes repose essentiellement sur la modalité de recréation qu’est la découverte (Éq. MIT, 2002). La question du cheminement est donc au cœur de cette manière d’habiter les métropoles – plus encore d’ailleurs que pour le résident qui ne parcourt finalement pas, ou rarement, la métropole.

L’existence, dans de très nombreuses villes, d’un service de bus touristiques est de ce point de vue un indicateur du caractère problématique que peut représenter le cheminement, dans la mesure où ces bus constituent une véritable technologie spatiale destinée à y apporter une solution[1]. Le fait que ce système soit particulièrement développé à Los Angeles atteste de la difficulté que peut représenter l’épreuve du parcours au sein de cette métropole. Le choix de cette agglomération comme étude de cas se justifie à la fois par son étalement considérable, la prégnance de la métrique automobile et sa non-structuration autour d’une ville-centre, trois caractéristiques qui la font correspondre à une configuration spatiale peu ordinaire (Ghorra-Gobin, 1997). Contrairement à une situation métropolitaine classique où la dimension touristique se concentre sur le centre-ville (Knafou, 2007) et où le Central Tourist District – l’ensemble des lieux marqués par la présence significative des touristes – est accessible à pied (Duhamel et Knafou, 2007), nous observons, à Los Angeles, une dispersion importante des principaux lieux touristiques (Fainstein et Gladstone, 2001) : la métrique pédestre n’est pas pertinente pour parcourir l’espace touristique. Au regard de ces différentes particularités – l’expression « Métapole touristique » (Lucas, 2011) est une proposition pour prendre acte de cet écart au modèle et qualifier Los Angeles en tant que lieu touristique –, nous pouvons avancer l’idée que la difficulté de cette épreuve du cheminement pour les touristes est accrue, qu’il s’agit d’un problème qui prend une envergure bien plus importante que lorsqu’ils visitent une métropole touristique classique.

À ce titre, nous pouvons formuler l’hypothèse que les touristes souhaitent découvrir une métropole en effectuant le moins de déplacements inutiles, en évitant de passer plusieurs fois par un même lieu par exemple, et qu’ils mettent en place une certaine logique d’optimisation de leurs déplacements. Cela nous conduit à préciser notre question de recherche : dans quelle mesure une logique d’optimisation spatiale est-elle présente au sein des pratiques des touristes à Los Angeles ? D’une certaine façon, notre objectif est d’interroger l’importance d’une forme de rationalité au sein des pratiques, si nous retrouvons dans les pratiques des touristes des stratégies d’optimisation (c’est-à-dire rendre efficaces) des déplacements telles que recommandées dans les guides touristiques, et voir dans quelle mesure une telle logique est présente dans les arbitrages qu’ils effectuent pour « faire avec » l’espace.

Pour apporter des éléments de réponse à ces interrogations, nous procéderons en trois temps. Le premier servira à esquisser rapidement le cadre théorique dans lequel s’insère notre réflexion, afin d’en dégager les éléments principaux. Nous examinerons ensuite ce que les guides touristiques (les livres) – qu’il faut considérer comme de véritables prescripteurs de pratiques – proposent pour résoudre ce problème qu’est le cheminement, et ce, dans le but d’envisager le point de vue des outils dont disposent les touristes pour élaborer leurs parcours. Nous pourrons ensuite mesurer l’écart qu’il peut y avoir entre les recommandations des guides et les manières effectives des touristes de cheminer à Los Angeles. Le troisième et principal volet de cette analyse servira à comprendre les logiques intervenant dans l’élaboration et la réalisation des cheminements par les touristes, notamment en reconstituant l’itinéraire du séjour de certains d’entre eux à Los Angeles.

Cadres théorique et méthodologique

Au cœur de la démarche visant à appréhender les métropoles en tant qu’espaces habités, c’est-à-dire à comprendre les différentes manières des individus de « faire avec » l’espace (Stock, 2012), il est essentiel de prendre au sérieux le cheminement de ces derniers – Jean-François Augoyard (1979) a été l’un des premiers à étudier les « pas des individus ». Récemment envisagée à partir de la notion de « traverse » (Bernier, 2014 ; Gay, 2014), la question du cheminement (que nous utiliserons ici comme synonyme de parcours) correspondra dans ce texte à la nécessité, de plus en plus cruciale dans les sociétés urbaines et mobiles, pour les individus de « composer et assurer un itinéraire » (Lussault, 2013 : 46). Ce n’est donc pas simplement le fait d’aller d’un lieu à un autre, de poser des points sur une carte, mais, plus fondamentalement, la mise en relation d’un ensemble de lieux par les individus qui est au cœur de cette pratique. Il s’agit là d’un véritable enjeu : le cheminement constitue ce que nous proposons de nommer une épreuve spatiale.

Notre argumentation s’appuie sur l’idée de Michel Lussault (2013 : 44) que les individus possèdent les « compétences spatiales élémentaires » 1) de maîtrise de métriques, 2) de placement et d’arrangement, 3) de gestion des échelles, 4) de découpage et de délimitation 5) de franchissement et 6) de cheminement. Nous pouvons pourtant discuter de la justesse de considérer ces compétences comme élémentaires : chaque individu n’est pas nécessairement capable, au même niveau, de mener à bien les épreuves auxquelles ces compétences se réfèrent. De même, nous pouvons avancer l’idée que d’autres types de compétences peuvent intervenir dans leurs manières d’habiter un lieu. Il ne faut ainsi sans doute pas considérer que tous les individus ont a priori le même niveau de compétences, mais au contraire saisir les différences dans leurs manières de faire. Aussi, plutôt que d’envisager ces compétences comme allant de soi, l’enjeu est précisément de comprendre « ce dont les gens sont capables » (Boltanski, 1990), dans leurs pratiques spatiales. L’objectif de ce renversement est d’insister sur le fait qu’il n’est pas évident pour un individu de « faire avec » l’espace. La perspective défendue ici consiste à renverser l’approche en nous intéressant aux problèmes – nommés épreuves spatiales – qui nécessitent la mobilisation de compétences. Plus précisément, notre proposition théorique est de considérer tout lieu comme un agencement d’épreuves spatiales auxquelles chaque individu est en permanence confronté. Plusieurs principales épreuves spatiales peuvent être identifiées : placement, limite, distance et cheminement. Ces épreuves spatiales sont d’ampleur variable (notamment en fonction de la taille du lieu envisagé, l’hypothèse étant que plus ce dernier est grand, plus les épreuves sont complexes) et étroitement dépendantes les unes des autres dans la pratique : si notre raisonnement se focalisera ici sur la question du cheminement, nous verrons comment les questions d’emplacement (par rapport au choix de l’hôtel) et de maîtrise des métriques notamment y sont étroitement liées.

Il s’agit donc d’inverser la charge de la preuve : dans quelle mesure les individus sont-ils compétents ? Le véritable défi est de comprendre comment les individus répondent à ces épreuves spatiales, comment ils « font avec ». Si la « capacité à agir » des individus est une thématique présente sous différents registres dans des ouvrages classiques des sciences sociales, à l’exception de quelques apports majeurs (Joseph, 1996 ; Lussault, 2013) la notion de compétences n’a néanmoins pas été un concept central en géographie. La notion même de capacité n’a pas vraiment été au cœur des recherches. Inversement, de nombreux travaux en géographie (Park et al., 1998 ; Albrecht et al., 2003) ont porté sur le concept de disability : ces recherches examinent les conséquences spatiales des handicaps, se focalisant seulement sur les personnes ayant des incapacités physiques. Aussi, nous proposons de considérer le terme de « capacités » (abilities) pour décrire ce qu’un individu est physiquement capable de faire. La compétence est une seconde étape en ce qui concerne le fait d’être capable d’agir. Nous proposons de définir une compétence comme la « maîtrise de technique », pour reprendre l’expression avancée en philosophie logique par Ludwig Wittgenstein (1984). Cela a ainsi l’avantage de s’appliquer à l’ensemble des outils et des équipements nécessaires à la réalisation d’une pratique, le corps en étant le premier et l’ultime figure si l’on reprend les réflexions d’Erving Goffmann (1971) et de Marcel Mauss (1973) sur les « techniques du corps ». Il est ainsi possible de distinguer des « techniques rhétoriques » (competences) et des « techniques du corps » (skills). Les dernières insistent sur la dimension corporelle des pratiques : la maîtrise du corps dans et pour l’action.

Pour analyser les manières dont les individus « font avec » ces épreuves spatiales et les compétences qu’ils mobilisent ou non, notre argumentation s’appuiera sur les 60 entretiens que nous avons réalisés avec des touristes au cours de six terrains à Los Angeles (Lucas, 2014). Ils ont été effectués pour la plupart dans le hall d’un hôtel milieu de gamme, le Motel 6 situé sur l’avenue Whitley (une petite voie perpendiculaire au Walk of Fame), mais aussi dans l’espace public (afin de ne pas opérer de sélection a priori et d’avoir le moins de biais possible en matière de profil sociologique des touristes), et tout particulièrement sur la passerelle du boulevard Hollywood (dans la mesure où il s’agit d’un incontournable touristique) ; quelques entretiens ont par ailleurs été effectués à Chicago et en Suisse. Notre approche étant qualitative, l’exigence d’envisager une large diversité de profils sociologiques et de manières de faire a été centrale, de façon à atteindre un certain « niveau de saturation ». Enregistrés, pour nous permettre de relancer la conversation et de retrouver le discours complet et les propos exacts, ces entretiens se sont appuyés sur un guide permettant de retracer le séjour et les lieux pratiqués, de comprendre les motivations et surtout les manières de « faire avec » l’espace. Au-delà des questions, ce guide s’appuyait sur des relances basées sur des couples d’oppositions – [facile/difficile] [ont pu/pas pu faire] – qui permettent de saisir les compétences des individus. Notre objectif était d’apprécier le discours des individus quant à leurs pratiques, de suivre leur raisonnement, de les amener dans un véritable régime de justification (Boltanski et Thévenot, 1991) de leurs actions, notamment par rapport à leurs parcours au sein de la métropole. Une analyse de contenu nous a permis de dégager les traces témoignant de la maîtrise ou non de techniques dans leurs rapports à l’espace : c’est entre autres à partir d’une prise en compte du vocabulaire (par exemple l’emploi d’expressions comme « je n’ai pas pu », « je ne savais pas ») que nous pouvons saisir la maîtrise des techniques. Nous avons ainsi reconstitué puis cartographié une trentaine de parcours (Lucas, 2014). Les exemples rapportés ici doivent donc être considérés en quelque sorte comme des idéaux-types : les cas envisagés sont parmi les plus exemplaires de l’ensemble des entretiens réalisés et permettent de relever les arbitrages présidant à la mise en place et à la réalisation des parcours par les touristes à Los Angeles. Le fait de nous concentrer sur quelques exemples permet précisément de « déconstruire » le discours des individus et de relever cette tension entre ce que les touristes ont voulu faire et ce qu’ils ont finalement été capables de faire. Pour cela, analysons dans un premier temps les recommandations que les guides touristiques donnent aux touristes pour répondre à cette épreuve spatiale qu’est le parcours.

Les prescriptions de parcours des guides : une optimisation explicite

C’est donc la manière dont les touristes assemblent différents lieux au sein de l’aire urbaine qui constitue le défi de connaissance abordé. Une première étape dans la réflexion implique de savoir comment les touristes mettent en place leurs parcours. L’extrait suivant permet justement de décrire la façon de procéder de certains touristes pour développer un itinéraire à travers Los Angeles :

On a d’abord cherché chacun de notre côté, puis on a acheté des guides pour voir la sélection de ce qu’il faut absolument faire. Ce matin on s’est penché sur les guides et on a décidé par rapport à ce qui nous intéresse. On s’inspire des guides et ensuite on fait notre choix par rapport à nos envies. Ensuite on peut faire des variations de parcours, mais c’est important d’avoir une ligne directrice. On s’est intéressé aux zones qu’on avait envie de visiter et on a positionné ça sur un plan. On définit les endroits plus ou moins localisés. C’est une optique d’optimisation du transport. On reste trois jours sur place, donc si on veut voir des choses on est obligé de s’intéresser à ce qu’on doit faire. On ne peut pas arriver dans une ville comme Los Angeles en se disant qu’on va flâner. (Marc et Amélie, Suisses, 33 et 25 ans)

Le caractère atypique de la configuration spatiale de cette métropole, tel qu’il peut être envisagé par les individus, apparaît explicitement dans cet extrait (« on ne peut pas arriver dans une ville comme Los Angeles en se disant qu’on va flâner ») : l’étape de préparation et de planification des déplacements et du cheminement au sein de l’agglomération semble être, au moins pour une partie des touristes, un impératif, une nécessité (la place à l’improvisation, à la déambulation, étant elle inversement restreinte). Cette configuration spatiale a une autre conséquence directe, avancée de façon tout aussi explicite dans le discours tenu par ces touristes : « l’optimisation du transport ». Il s’agit donc bien d’une logique qui intervient dans les manières d’habiter d’un certain nombre de touristes, ces derniers utilisant les guides pour mettre en place cette stratégie. Ce passage confirme aussi le rôle important, de prescripteur (« ce qu’il faut absolument faire »), que peuvent tenir les guides touristiques dans la préparation de leurs parcours, pour un certain nombre de touristes. Cependant, nous constatons que les individus en font un usage critique : il ne s’agit pas de suivre strictement les recommandations du guide mais de s’en inspirer pour établir le parcours le plus adapté aux pratiques souhaitées. Analysons les prescriptions des guides en matière de parcours.

La fonction première des guides est d’indiquer les lieux d’une métropole qu’il convient de voir, établissant de fait une mise en normes des pratiques à l’échelle mondiale. Ils établissent un régime discursif sur l’espace qui engendre, participe et/ou accentue la valorisation de certains lieux et inversement la dépréciation d’autres en instaurant une véritable hiérarchie (touristique) des lieux d’une métropole. Les guides vont encore plus loin dans leurs recommandations en proposant des itinéraires : ils ne conseillent donc pas seulement les lieux à voir, comme autant de localisations indépendantes les unes des autres, mais en suggèrent aussi une certaine articulation. Ainsi, le caractère prescriptif des guides ne se limite pas seulement aux lieux d’une métropole qu’il convient de voir, mais renvoie également à l’ordre dans lequel il faut le faire – certains guides, comme le Frommer’s (2009), vont même jusqu’à indiquer les axes de circulation qu’il faut prendre et les restaurants où il faut s’arrêter. Ils apportent donc aux touristes une réponse possible face à cette épreuve du cheminement. La version papier du Rough Guide Los Angeles (2005 : 5) conseille par exemple de façon explicite différents parcours au sein de l’agglomération, selon la durée du séjour. L’illustration 1 montre le parcours recommandé pour deux jours, durée de séjour la plus fréquente pour les touristes à Los Angeles.

Fig. 1

Illustration 1 : Parcours du Rough Guide pour séjour de deux jours

Illustration 1 : Parcours du Rough Guide pour séjour de deux jours

1er jour (41 kilomètres) : Walt Disney Concert Hall, Griffith Park, Hollywood, Sunset Strip, Melrose Avenue, Rodeo Drive. 2e jour (21 kilomètres) : Getty Center, Santa Monica, Venice Boardwalk.

Source : L’auteur

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Quels éléments devons-nous retenir de ces recommandations ? Tout d’abord, cela apporte une indication quant à la concentration des principaux lieux touristiques dans le « Westside » : ce n’est donc qu’une partie relativement limitée, mais très étendue dans l’absolue (s’étendant sur une trentaine de kilomètres, de Downtown jusqu’à Santa Monica) de l’aire urbaine qui est ainsi principalement désignée par les guides. Ensuite, cette esquisse nous permet d’illustrer dans quelle mesure l’espace touristique de cette métropole fonctionne selon une logique réticulaire (Lucas, 2011)[2], c’est-à-dire autour de différents lieux dispersés au sein de l’agglomération. L’importance de la dimension scalaire dans la co-détermination de cette épreuve du cheminement est évidente : à l’échelle de l’agglomération, les différentes étapes des parcours proposés nécessitent l’utilisation de moyens de transports ; la marche n’est pertinente que localement, pour investir et visiter les différents lieux mis en avant. Ainsi, les cheminements proposés sont relativement longs : on peut estimer (minimalement) le nombre de kilomètres parcourus à 62 pour dix lieux différents. Les parcours proposés ici par les guides, aux tracés linéaires et progressifs, sont tronqués, incomplets, du fait de l’absence d’un élément important : le lieu d’hébergement. Pour autant, et de façon centrale pour la question qui nous préoccupe, nous constatons précisément combien les itinéraires suggérés sont organisés en fonction de la proximité topographique des lieux visités, s’inscrivant dans une logique de limitation des distances parcourues compte tenu de la taille de l’agglomération et de la dispersion des lieux. Les prescriptions des guides s’inscrivent donc explicitement dans une stratégie d’optimisation spatiale du parcours au sein de l’agglomération. À partir de cet étalon, il nous est maintenant possible d’envisager les parcours réalisés effectivement par les touristes à Los Angeles, en envisageant leurs logiques et leurs pratiques.

Les parcours effectifs des touristes : un révélateur des compétences

Qu’en est-il des parcours effectivement réalisés par les touristes ? Nos objectifs ici sont d’envisager la manière dont les touristes investissent cette métapole dans son ensemble et d’apporter des éléments de compréhension et d’explication quant à leurs façons d’articuler, de mettre en relation, les différents lieux qu’ils visitent. Il ne s’agit évidemment pas d’apporter un quelconque jugement de valeur sur les individus, mais d’obtenir de meilleures descriptions de leurs pratiques et ainsi faire une meilleure analyse de ce qui intervient dans leurs manières de faire, par rapport aux différentes possibilités existantes, mais aussi par rapport à leurs propres attentes, aux pratiques envisagées, prévues, souhaitées, et saisir le décalage, le cas échéant, avec les parcours effectivement réalisés. Plus spécifiquement, nous aborderons la réflexion du cheminement au prisme de cette logique d’optimisation spatiale, pour savoir dans quelle mesure elle intervient dans les manières de parcourir Los Angeles. Nous procéderons pour cela en deux étapes, en présentant dans un premier temps des exemples de parcours « restreints », puis dans un second temps des cas de parcours « développés », et en exposant progressivement l’idée que l’expérience (de pratique de lieux) des individus intervient de façon cruciale pour expliquer cette différence de manière de « faire avec » de l’espace.

Des parcours restreints et contraints

La logique d’optimisation spatiale est ainsi au cœur de la manière d’habiter touristiquement Los Angeles pour Jérôme et sa femme (Suisses, la trentaine), qui ont peu l’habitude de voyager (donc une expérience relativement faible en termes de pratique de lieux) et qui ont loué une voiture pour effectuer, selon un schéma commun à la plupart des touristes européens, un « grand tour » de la Californie dont Los Angeles est le point de départ et/ou d’arrivée :

On a fait la liste de ce que l’on voulait voir. C’était Universal Studio qui était dans le nord, le Hollywood Boulevard qui était au nord. Et on voulait aussi écouter un concert classique dans l’amphithéâtre de Hollywood Bowl, qui était aussi tout au nord. Donc comme tout était centré là on a pris un hôtel là-haut […] Pour le concert, c’était un peu un hasard. Quand on regarde les cartes on voit ce gros amphithéâtre. Et je ne sais plus comment j’avais vu qu’il y avait l’ouverture de la saison le premier soir qu’on était là : ils faisaient un gros concert avec la neuvième symphonie de Beethoven en entier avec un chœur. Et puis, quand on devait être à Santa Monica, il y avait un autre concert, qui nous intéressait plus, une musique plus sympa, Tchaïkovski, des Russes… on aurait préféré ce concert, mais vu qu’on était à Santa Monica qui était à l’opposé de la ville, on s’est dit autant y aller quand on est à vingt minutes à pied que quand on est à une heure en voiture […] Et pour le retour, soit on revenait au même endroit, mais comme on a fait tout l’été sans faire de plage, on s’est dit que c’était sympa de finir par quelque chose de plus calme, qu’on puisse se reposer un peu et rester à la plage dans la journée. (Jérôme, Suisse, 30 ans)

Fig. 2

Illustration 2 : Itinéraire de Jérôme

Illustration 2 : Itinéraire de Jérôme
Source : L’auteur

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Nous pouvons constater qu’il s’agit d’une pratique très restreinte de Los Angeles, qui se partage en deux pôles distincts : une journée, au début du séjour, centrée sur Hollywood et une autre, à la fin du séjour, à Santa Monica et Venice Beach. Il ressort explicitement que leur séjour est organisé de façon à effectuer le moins de déplacements possibles, quitte à se priver du concert auquel ils accordaient leur préférence. Il est évident ici que ces touristes ne peuvent pas réaliser pleinement leurs pratiques touristiques à cause de la difficulté à gérer cette configuration spatiale. Cette manière de « faire avec » l’espace et, d’une certaine façon, de ne « pas parcourir » Los Angeles, résulte en effet de leur difficulté à gérer la taille de l’agglomération, la configuration de l’espace touristique (des lieux relativement dispersés au sein de l’aire urbaine), ainsi que les métriques. S’ils ont une voiture, ils ne maîtrisent pas pleinement ce moyen de transport à Los Angeles (« ouais, c’était assez stressant ») et l’utilisent le moins possible. Le choix concernant l’emplacement (leur hôtel) intervient dans leurs pratiques de façon à limiter au maximum les déplacements et à garantir une proximité. Cela dénote une appréhension certaine par rapport à cet espace urbain, à le découvrir, à le parcourir, appréhension qui est partagée par un certain nombre de touristes, même si le parcours est généralement plus développé. C’est le cas par exemple de Sujin (Sud-Coréenne, étudiante, 21 ans) : la première journée de son séjour est consacrée à Universal studio. La deuxième, elle va en bus à Santa Monica, marche le long de la plage jusqu’à Venice Beach avant de rentrer à son auberge en bus. Elle passe la matinée de la troisième journée à Beverly Hills (où elle s’est rendue aussi en bus) et marche sur la partie centrale du Walk of Fame. Le quatrième jour, Sujin prend un van touristique pour aller voir le Hollywood Sign le matin et passe à nouveau son après-midi sur le Walk of Fame.

Fig. 3

Illustration 3 : Itinéraire de Sujin

Illustration 3 : Itinéraire de Sujin
Source : L’auteur

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Une grande partie de la visite de quatre jours de Sujin à Los Angeles s’effectue ainsi dans un périmètre restreint, à proximité de son auberge de jeunesse, à Hollywood. Nous constatons que celle-ci, pour qui c’est la première véritable expérience touristique, visite à Los Angeles un nombre de lieux différents assez faible par rapport à la durée de son séjour, avec, là encore, une logique d’optimisation spatiale qui tient une place importante dans sa pratique. Cela est en lien avec la difficulté d’utiliser les transports en commun : ainsi, elle va à Universal Studio, pourtant situé à une station de métro de son hôtel, par la navette d’une agence de voyage coréenne et revient en taxi ; elle utilise également un taxi pour aller à l’aéroport. Cela démontre aussi comment certains touristes compensent leur relative inexpérience par la mobilisation de leur capital économique. L’extrait suivant permet de saisir la difficulté qu’il y a pour elle de parcourir Los Angeles :

No, it’s not easy! Before I take a bus, I searched a lot on the Internet, I saw all the maps and rides. I wanted to visit the Getty Center but it was too far to get there from my hostel. I just used public transportation so it was hard to get there, I couldn’t go. I didn’t want to go far from my hostel, because I’m travelling by myself so the priority is on my safety and I stay around here. (Sujin, Sud-Coréenne, 21 ans)

Nous remarquons, comme c’était le cas avec le touriste précédent, que Sujin ne peut pas habiter touristiquement cet espace urbain de la façon dont elle le souhaiterait pleinement : elle n’a pas pu aller au Getty Center. Il ne s’agit donc pas d’une question de choix, d’aléas ou de goûts, mais bien de sa compétence à gérer les métriques. En effet, ce n’est pas le système de transport en commun qui rend impossible cette pratique – ce musée étant accessible en bus – ni, plus généralement, le fait de parcourir en tant que touriste Los Angeles. Le témoignage suivant, d’un couple qui a lui une expérience forte en termes de pratique de lieux, permet en effet d’avoir un point de vue radicalement différent sur la difficulté de cheminer à Los Angeles en transport en commun :

Oui, c’est très simple. On peut tout faire avec les moyens de transport locaux sans problèmes. C’est une contrainte en moins : on ne voudrait surtout pas avoir de voiture. Avec un simple plan, on se déplace facilement. C’est bien desservi, on attend cinq minutes maximum. C’est propre, il y en a beaucoup, il y a l’air conditionné et c’est bon marché. (Pierre et Fabienne, Belges, la cinquantaine)

Nous percevons très bien, à travers ces deux extraits concernant une même métrique, à quel point les pratiques des individus et leurs manières de « faire avec » l’espace relèvent pleinement de leur capacité à maîtriser certaines techniques, ici en rapport avec les transports. L’hypothèse sous-jacente esquissée est que cette capacité est liée à l’expérience des individus en termes de pratique de lieux. Il ressort des entretiens avec Sujin et Jérôme qu’ils ont, chacun pour une raison différente, peu l’habitude de voyager, contrairement à Pierre et Fabienne, qui ont antérieurement beaucoup voyagé. Analysons maintenant les stratégies de parcours de touristes qui ont une grande expérience de pratique de lieux.

Des parcours amples et flexibles

Les touristes à Los Angeles qui utilisent les transports en commun sont toutefois minoritaires : une très grande majorité choisit en effet de louer une voiture. C’est par exemple le cas de Valentine et Ludovic, pour qui la minimisation des déplacements est une préoccupation beaucoup moins importante, tout du moins n’est pas un impératif lorsqu’ils organisent leurs déplacements pour une visite de deux jours à Los Angeles :

On a vu le Walk of Fame dimanche soir à notre arrivée. Hier on a fait le Warner Bros Studio ; on voulait faire Universal, mais c’est hors de prix ! […] Ensuite on a mangé à Pinks Hot Dog, puis on a visité un musée d’art, le LACMA [Los Angeles County Museum of Art] pour l’expo de Tim Burton. Je l’ai découvert par hasard, dans une brochure dans l’avion. À la fin, on voulait aller à Santa Monica, mais on était fatigué, alors on a bifurqué directement sur Venice Beach. On a pris l’apéro et regardé le coucher de soleil là-bas. Aujourd’hui, on va aller au Walt Disney Concert Hall et au Getty Center. Il paraît que c’est à voir, ils ont acquis des tableaux de Van Gogh. (Valentine et Ludovic, Français, 25 ans)

L’extrait précédent nous permet de saisir le contraste important dans la façon d’appréhender l’épreuve spatiale du parcours par rapport aux premiers exemples rapportés : le nombre de lieux pratiqués et mis en relation est sensiblement plus élevé. Cela est tout d’abord permis par un niveau de connaissances sur Los Angeles relativement important : ils sont bien renseignés sur ce qu’il y a à voir et à faire, même concernant les expositions temporaires.

Fig. 4

Illustration 4 : Itinéraire de Valentine et Ludovic

Illustration 4 : Itinéraire de Valentine et Ludovic
Source : L’auteur

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Leur expérience relativement forte concernant la pratique des lieux leur permet d’utiliser de façon pleinement efficiente ces connaissances, de les mettre en pratique sans difficulté, cette expérience étant d’autant renforcée par leur connaissance du contexte culturel et du mode de vie américains, puisqu’ils résidaient auparavant en Caroline du Nord (« ça fait un an que nous sommes ici donc on s’est habitué »). Cela leur permet de profiter au maximum des ressources de Los Angeles, donc leur pratique est intensive. Les déplacements ne sont pas un problème et ils peuvent se permettre de faire un détour pour déjeuner dans un fast food mentionné dans les guides (confirmant à nouveau comment ces outils peuvent informer les pratiques des individus). De façon plus générale et importante, nous constatons que ces touristes disposent d’une aisance certaine dans leur manière d’habiter Los Angeles et font preuve d’une capacité d’adaptation par rapport à ce qu’ils avaient prévu, d’une flexibilité dans leur parcours.

Il en est de même de Michel (Suisse, la quarantaine) qui voyage avec sa femme et ses deux filles, pour qui la logique d’optimisation spatiale est encore moins présente durant son séjour de deux jours à Los Angeles : le premier jour, depuis leur hôtel situé à l’aéroport, ils vont à la Getty Villa (un autre musée), qui est la priorité de leur visite à Los Angeles. Ensuite, ils se rendent sur le Walk of Fame via Sunset avant de passer par Downtown pour rentrer à leur hôtel. Le deuxième jour, ils commencent la journée en passant par le Walt Disney Concert Hall (Downtown) pour aller à l’observatoire de Griffith Park, où ils s’arrêtent près de deux heures. Ils passent ensuite par Rodeo Drive, puis l’UCLA (University of California, Los Angeles), sans s’arrêter, avant de terminer la journée à Venice Beach, sans visiter le quartier mais en profitant de la plage. Nous remarquons que le parcours de Michel n’est économe ni en kilomètres parcourus ni en temps passé dans la voiture :

— On a quand même fait 150 kilomètres en deux jours dans cette ville. Si tu ramènes ça à l’échelle des déplacements que l’on a ici (en Suisse), c’est presque comme changer de pays. Et là tu le fais à l’intérieur de la ville !

— Parce que si l’on retrace mentalement votre parcours, vous faites une fois la traversée de la ville dans un sens, et une autre fois dans l’autre !

— Alors, je dirai que le parcours s’est fait… la logique de parcours se fait en fonction de la journée si l’on veut. On n’a pas eu de raisonnement a priori sur les deux jours. On n’a pas fait un plan sur les deux jours dès le départ. On a dit : premièrement, on veut voir le Getty. Ensuite, depuis Getty, qu’est-ce qu’on peut faire ? Et le soir, on se demande ce qu’on fait le lendemain.

— Donc il n’y avait pas une volonté d’économiser les déplacements ?

— Non, non. Non, parce qu’on n’avait pas encore expérimenté ces distances. C’est à la fin du premier jour que je me suis vraiment rendu compte. Je n’arrivais pas à m’imaginer qu’on pouvait effectivement rouler pendant une heure sur Sunset Boulevard… J’ai été surpris par la distance.

Fig. 5

Illustration 5 : Itinéraire de Michel et sa famille

Illustration 5 : Itinéraire de Michel et sa famille
Source : L’auteur

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Ainsi, contrairement aux propositions des guides touristiques et alors qu’ils visitent la plupart des lieux conseillés par ces derniers, ces touristes n’ont pas « découpé » la ville en zones dans une optique d’optimisation des déplacements (par exemple un jour sur la partie littorale, l’autre sur Hollywood, Beverly Hills, l’Observatoire et Downtown), mais effectuent deux fois une « boucle » identique, dans un sens différent. Leur choix concernant l’épreuve du placement (pour l’hôtel), près de l’aéroport, accentue évidemment l’ampleur de leur parcours. Si un long trajet en voiture n’est pas forcément une expérience agréable pour ces touristes, cela ne les empêche pas malgré tout de mener à bien leurs pratiques, de faire ce qu’ils ont prévu, eux aussi disposant d’une capacité d’adaptation importante pour réaliser leur parcours : plutôt que d’être contraints à aller à la plage par mauvais temps le premier jour alors qu’ils sont pourtant à proximité, ils décident d’y retourner le jour suivant pour profiter du soleil, au prix de nombreux kilomètres supplémentaires. Il ressort donc que, sans jamais être totalement absente, la question de l’optimisation spatiale est beaucoup moins importante pour ces touristes et ne représente pas une contrainte. Il n’y a eu aucune stratégie de leur part concernant cette épreuve spatiale du parcours, notamment en raison de leur haut niveau de maîtrise de l’usage de la dimension spatiale et de leurs compétences à gérer les différentes épreuves spatiales inhérentes à Los Angeles.

Conclusion

Notre entreprise consistait ici à révéler, à partir de leurs cheminements à Los Angeles, les « compétences cachées » des touristes (Ceriani et al., 2004). Les exemples choisis permettent de constater combien les parcours des touristes et leurs manières de « faire avec » l’espace sont sensiblement différents. Dans un premier temps, nous pouvons apprécier ce constat en effectuant une mise en perspective avec l’itinéraire proposé par les guides. De façon attendue, les touristes pratiquent les mêmes lieux que ceux identifiés dans les guides : cela tend à renforcer l’idée que ces derniers informent les pratiques des individus. Ainsi, l’espace des pratiques touristiques correspond essentiellement au « Westside ». Le petit nombre de lieux pratiqués – que ce soit dans l’absolu ou proportionnellement par rapport au nombre de jours passés à Los Angeles – est un autre constat que l’on peut retirer de l’exposé de ces différentes situations : alors que les guides proposent de pratiquer une dizaine de lieux pour une visite de deux jours, le nombre de lieux pratiqués par les touristes est pour la plupart nettement moins important. Ce n’est pas « la découverte de Los Angeles », mais seulement « l’expérience de quelques lieux » qui semble être au cœur des pratiques des touristes (Lucas, 2018b) : des investigations ultérieures pourraient permettre de savoir si c’est un trait spécifique à cette métapole ou une démarche qui s’applique à l’ensemble des métropoles.

Au-delà d’une stricte lecture « quantitative », l’un des principaux arguments soutenus est que l’ampleur du parcours révèle une aisance à habiter l’agglomération de la part des individus. La réflexion a ainsi dégagé que certains touristes ne pouvaient pas réaliser certaines pratiques, leurs manières d’habiter témoignant d’un degré de contrainte important, avec des parcours restreints, alors que d’autres étaient capables de réaliser les pratiques qu’ils voulaient, et effectuaient un parcours ample, flexible, avec peu de contraintes. Cela se retrouve dans la place qu’occupe la logique d’optimisation spatiale au sein des pratiques : recommandée explicitement par les guides, celle-ci intervient très faiblement dans les manières d’articuler les différents lieux de l’espace touristique pour les touristes possédant les compétences nécessaires, alors qu’elle est beaucoup plus importante, si ce n’est nécessaire, pour ceux qui ne maîtrisent pas les techniques et ont plus de difficulté à habiter Los Angeles.

D’une façon plus large, nous avons pu dégager qu’il ne va pas de soi d’habiter « touristiquement » cette métapole : cela ne signifie pas qu’un individu n’est pas capable d’habiter (touristiquement, ou non) un lieu, mais plutôt qu’il n’y a rien d’évident et que les contraintes peuvent être relativement importantes. Les individus n’habitent pas un lieu de la même manière, non seulement parce qu’ils ont des goûts ou des moyens financiers différents, mais aussi parce qu’ils n’ont pas les mêmes compétences pour en gérer les épreuves spatiales. L’élément avancé consiste à dire que les manières d’habiter des individus renvoient à leur maîtrise de techniques, notamment dans leurs arbitrages concernant les épreuves du placement (où ils choisissent de se loger durant leur séjour) et de la gestion des métriques, dont nous avons bien vu comment elles s’intégraient de façon étroite à l’épreuve du parcours.