Corps de l’article

La première citation prophétique de l’Évangile selon Matthieu (1,23) est certainement la plus commentée du Nouveau Testament. Plusieurs exégètes s’intéressent à la question de la virginité de la mère de l’Emmanuel (Brown 1972, Schaberg 1987, Lüdemann 1998, Miller 2003, Crossand 2003, Reilly, 2005, Vermes 2007, Sousa 2008, Räisänen 2008, Lincoln 2013, Rico 2013, Rhodea 2013) ou à la façon de comprendre l’accomplissement en Matthieu du texte d’Isaïe (Miller 1999, Kirk 2008, Hamilton 2008, Mayordomo-Marín 2011, Cuvillier 2012, Crowe 2013). Dans ces analyses, le contexte des rencontres entre Achaz et Isaïe est parfois brièvement évoqué, mais les liens intertextuels entre les contextes historiques et littéraires plus larges des livres d’Isaïe et de l’Évangile selon Matthieu[1] ne sont pas développés.

Dans cet article, je propose donc de comparer Is 6–12 et Mt 1–2 en les présentant comme des récits subversifs (counter narrative) du pouvoir impérial[2]. En s’intéressant à la situation politique plus large de ces deux références, de nouvelles possibilités de sens apparaissent. La mise en relation de ces textes permet de dégager une façon prophétique de comprendre le lien entre le Dieu de la Bible et les puissances impériales. L’intérêt pour cette thématique se développe grâce aux études postcoloniales qui analysent la littérature produite par des peuples ayant subi le colonialisme ou l’impérialisme et plus largement pour étudier des situations où un groupe social est dominé par un autre. Éric Bellavance (2011) donne un bon exemple d’analyse postcolonial d’un texte biblique (Deutéro-Isaïe) en tenant compte du contexte de production marqué par la domination d’une puissance étrangère. Les théories postcoloniales traversent désormais les champs de la théologie en proposant notamment un travail critique des structures de pouvoir et de leurs systèmes idéologiques dominants. Récemment aux États-Unis, une approche similaire nommée « Empire studies » explore les relations entre les textes du Nouveau Testament à l’Empire romain à partir d’un travail historique (Carter 2013). Influencée par ces deux approches connexes, ma perspective cherche à souligner les relations impériales et coloniales en jeu dans les textes bibliques avec les conséquences herméneutiques, théologiques et éthiques qui en découlent.

Les textes d’Isaïe et de l’Évangile selon Matthieu traitent de situations analogues à celles qui sont vécues par les premiers lecteurs de cet évangile. Ceux-ci vivent sous la domination impériale romaine. La relecture des promesses d’Isaïe leur a permis de mettre en perspective les injustices qu’ils subissent et le questionnement théologique qu’ils portent après la destruction de Jérusalem en 70. Tout comme l’enfant annoncé par Isaïe, en Matthieu, l’Emmanuel est montré dès sa naissance comme un signe de résistance au pouvoir impérial. Citer Isaïe dans ce contexte est une façon d’ouvrir un espace de critique aux valeurs impériales.

1. Le contexte d’Isaïe 6-12

Pour mieux comprendre l’effet de la citation d’Is 7,14 en Mt 2,23, je propose de regarder la trame narrative des chapitres 6 à 12 du livre d’Isaïe[3]. Un regard sur l’ensemble du livret de l’Emmanuel permettra de mieux comprendre Is 7,14, réputé pour être difficile à interpréter. Trois perspectives complémentaires au sujet du rapport entre Dieu et le pouvoir impérial se retrouvent en Is 6-12[4]. Une première posture se voit dans l’opposition à l’agression de la coalition menée par les royaumes de Syrie et d’Israël (Is 7,1-9.16 ; 8,1-4). Dans une attitude contrastante, Dieu utilise la puissance impériale d’Assyrie pour punir le péché de son peuple (6,8-12 ; 7,17-25 ; 8,5-15 ; 9,7-10,4). Enfin, bien que la domination impériale accomplisse les visées de Dieu, elle sera elle aussi jugée par Dieu qui détruira Assour (10,5-33) et sauvera son peuple (6,13 ; 8,23-9,6 ; 11,1-12,6). Il y a une tension entre ces perspectives qui s’entrecroisent et coexistent en Is 6-12, mais ultimement, Dieu sauve son peuple et s’oppose à la domination d’une nation étrangère sur son peuple.

1.1 L’opposition à l’agression venant de la Syrie et d’Israël

Le chapitre 7 fait référence à la crise syro-éphraïmite. Juda est sous la pression d’une coalition menée par le roi Rezin de Syrie et le roi Pekah d’Israël. Tous deux menacent de prendre Jérusalem et de renverser Achaz (Is 7,6). Achaz et son peuple tremblent comme des arbres dans le vent devant ce danger (Is 7,2). Mais YHWH, par son prophète Isaïe, assure Achaz que l’impérialisme syro-éphraïmite ne parviendra pas à ses fins : « Cela ne tiendra pas » (7,7). Même si le Seigneur s’oppose à la coalition, il y a là un avertissement adressé à Achaz : « Si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas » (7,9). La pression des autres nations teste la confiance du roi en son Dieu.

À deux reprises, le Seigneur annonce la défaite et la destruction de la Syrie et d’Israël en rapport à un enfant. « Avant même que l’enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, elle sera abandonnée, la terre dont tu crains les deux rois » (7,16). Par le contexte, il est logique de déduire que l’enfant de cette citation est l’Emmanuel et les deux rois sont ceux d’Israël et de Syrie. Le chapitre 8 poursuit dans cette optique avec la naissance d’un autre enfant Maher-shalal-hash-baz dont le texte précise la signification « prompt-butin-proche-pillage ». Ce nom évoque la destruction de la Syrie et d’Israël dont les richesses seront pillées par le roi d’Assyrie (8,4). Il y a une contestation claire de la coalition syro-ephraïmite qui illustre bien le fait que le Seigneur s’oppose aux forces militaires étrangères voulant envahir son peuple.

1.2 Dieu se sert de l’Empire assyrien

Dès la vision décrivant l’appel d’Isaïe au chapitre 6, le Seigneur annonce l’arrivée d’une destruction. Isaïe sera appelé à livrer ce message au peuple : « Écoutez bien, mais sans comprendre, regardez bien, mais sans reconnaître » (6,9). Robert Hurley plaide pour une compréhension ironique de ces paroles : « Si le prophète s’était exprimé de façon plus directe, il aurait peut-être dit que ce peuple était dur d’oreille, dur de coeur, et qu’il ne pouvait agir plus abominablement que si Dieu lui-même l’avait ordonné » (Hurley 2001, 38-39). Ainsi, le Seigneur demande au prophète d’engourdir le coeur de ce peuple (6,10) jusqu’à ce que la terre soit « dévastée et désolée » (6,11). Ce récit présente donc le Seigneur comme l’origine de cette destruction : « Le Seigneur enverra des gens au loin et il y aura beaucoup de terre abandonnée à l’intérieur du pays. Et s’il y subsiste encore un dixième, à son tour il sera livré au feu, comme le chêne et le térébinthe abattus, dont il ne reste que la souche — la souche est une semence sainte » (6,12-13).

Un petit reste, un dixième (6,11), survivra à cette destruction du pays. Cet élément revient plus loin (7,3) dans le nom d’un des enfants d’Isaïe qui l’accompagne dans sa première rencontre avec Achaz : « Shéar-Yashouv » (un reste reviendra). Ce nom fait référence à la destruction (seul un reste subsiste) en même temps que la promesse de la survie (ce reste reviendra).

La péricope suivant le signe de l’Emmanuel (7,16-25) est marquée par la destruction du pays. Deux petites insertions (7,17.20) indiquent que c’est « le roi d’Assyrie » qui est le rasoir avec lequel le Seigneur rasera le pays. Les commentateurs s’entendent pour dire que la rédaction d’Is 6-12 est très complexe. Il peut s’agir d’un ajout tardif, mais la forme actuelle du texte oriente les lecteurs pour qu’ils comprennent que cette destruction est l’oeuvre du Seigneur à travers les troupes assyriennes.

En Is 8,5-8, les forces assyriennes sont représentées comme un fleuve aux eaux puissantes qui envahira Juda et remplira le pays. La cause de la colère de Dieu est précisée. C’est parce que le peuple s’est « réjoui au sujet de Recîn et du fils de Remalyahou » (8,6). Or, Dieu s’oppose à cette coalition. Il est important de noter que cette section évoquant la destruction de Juda par l’Assyrie se termine par l’évocation de l’Emmanuel (8,8). L’explication du sens de ce nom en 8,10 « Dieu est avec nous » termine un passage (8,9-10) qui concerne les peuples et les régions lointaines de la terre qui seront également écrasés.

La destruction d’Israël par l’Assyrie est décrite en 9,7-20. Encore une fois, c’est le Seigneur qui a dressé cette puissance militaire contre son peuple. Leur faute : « ils n’ont pas cherché le Seigneur » (9,12). « Par l’excès de la colère du Seigneur, le tout-puissant, le pays est ébranlé et le peuple devient la proie du feu » (9,18).

Le début du chapitre 10 ajoute un élément socio-économique aux raisons du châtiment : « ils écartent du tribunal les petites gens, privent de leur droit les pauvres de mon peuple, font des veuves leur proie et dépouillent les orphelins » (10,2). Les injustices socio-économiques sont montrées comme un outrage au Seigneur, qui doit être corrigé.

1.3 Destruction de l’Empire et sauvegarde du peuple

En 8,21-22, le pays est « accablé et affamé » dans une époque marquée par la détresse, les ténèbres et l’angoisse. Le verset 23 opère un retournement complet : l’obscurité est remplacée par la lumière, l’angoisse par la joie et l’allégresse. La cause de ce changement : « un enfant nous est né » (9,5). Les noms de « Merveilleux-Conseiller-Dieu-Fort » sont attribués à celui-ci puisqu’il occupera le trône de David pour établir le droit et la justice dans la souveraineté et la paix sans fin (9,5-6).

L’Assyrie, après avoir joué le rôle du « gourdin de la colère » du Seigneur (10,5), est jugée et détruite par lui. Le roi d’Assyrie se vante de ses propres exploits sans voir qu’il n’est que l’instrument du Seigneur « comme si la scie se grandit aux dépens de celui qui la met en mouvement » (10,15). Is 10,24-34 évoque la façon dont le Seigneur a frappé l’Égypte lors de l’Exode pour indiquer que sa colère se tournera vers la ruine de l’Assyrie.

Au terme du parcours, dans un passage qui souligne la force de Dieu, le reste d’Israël (10,20-23) reviendra vers le Seigneur et celui-ci restaurera son peuple. Du côté de Juda, de l’arbre qui a été abattu par le Seigneur, sortira un rameau (11,1-5). L’esprit du Seigneur repose sur lui : « Il jugera les faibles avec justice, il se prononcera dans l’équité envers les pauvres du pays » (11,4). De façon poétique, Isaïe évoque ce temps de paix comme un loup qui habite avec l’agneau puisque « le pays sera rempli de la connaissance du Seigneur » (11,9). Alors, Israël devient un étendard pour les nations, il n’y aura plus de discorde entre Ephraïm et Juda, ce qui avait causé le conflit. Le livre de l’Emmanuel se termine alors par le chapitre 12, un psaume d’Action de grâce.

Alors que le Seigneur s’est opposé à une coalition aux visées impériales, qu’il a utilisé et détruit l’Empire assyrien, un verset laisse pourtant entendre qu’Israël et Juda formeront une coalition pour piller les peuples voisins : « Ils fonderont sur le dos des Philistins à l’Occident, ensemble ils pilleront ceux de l’Orient : sur Édom et Moab ils étendront la main et les fils d’Ammon seront leurs sujets » (11,14). Cette volonté de former un empire pour faire subir aux autres ce que l’on a subi n’est pas surprenante. Souvent, les mouvements anticoloniaux reproduisent les valeurs de l’empire par mimétisme. Bellavance (2011) a d’ailleurs démontré ceci dans la rhétorique du Deutéro-Isaïe. Bien que la majorité du texte d’Is 6-12 condamne les empires étrangers, le verset 11,4 indique le désir de reproduire la violence impériale subie.

1.4 L’Emmanuel, un signe de jugement et d’espoir

Ce survol des chapitres 6 à 12 permet de mieux comprendre le signe de l’Emmanuel. En 7,10-25, Isaïe offre la possibilité à Achaz de demander un signe, ce que le roi refuse. Le prophète réprimande le roi (7,13) en indiquant que les motifs pieux de son refus fatiguent Dieu. Malgré le refus d’Achaz, le Seigneur lui donne un signe : « Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel » (7,14). Les exégètes ne s’entendent pas sur l’identité de la mère et de l’enfant[5]. L’interprétation de ce signe est donc polysémique. Certains exégètes y voient un jugement contre l’idolâtrie de Juda[6]. Achaz perdra le pouvoir s’il persiste à solliciter l’assistance de l’Assyrie. À l’inverse, d’autres exégètes voient l’Emmanuel comme présage d’un futur positif[7]. Par exemple, si Achaz est le père de cet enfant, il représente le futur de la dynastie davidique (Irvine 1990, 169). Il est aussi possible qu’il s’agisse d’un double signe qui porte à la fois un espoir de libération et une menace de jugement. Wildberger (1991, 312-313), Watts (2004, 93-99) et Dennert (2007, 98) suggèrent de tenir cette position en gardant la tension entre les deux possibilités pourtant opposées. Le signe de l’Emmanuel est un blanc textuel que les lecteurs et les exégètes tentent de combler (Alkier 2005). Les interprétations exégétiques montrent bien que l’Emmanuel fonctionne en même temps comme un signe de jugement et un signe d’espoir. Dans le cadre de cet article, je vais donc garder les deux possibilités[8].

En somme, la citation d’Is 7,14 en Mt 2,23 permet d’évoquer un contexte dans lequel 1) Dieu se dresse contre le pouvoir impérial, 2) le pouvoir impérial devient un outil divin pour punir son peuple, 3) Dieu juge et détruit le pouvoir impérial pour sauver son peuple. Des schémas similaires autour du rapport entre Dieu et les dominations étrangères se retrouvent dans d’autres textes vétérotestamentaires concernant l’Égypte[9], Babylone[10], les Séleucides[11] et Rome[12]. Isaïe 6-12 n’est donc pas un cas de figure particulier, mais l’application d’une interprétation courante dans cette littérature. Il s’agit d’une rhétorique habile qui permet à Israël de comprendre ses défaites de façon théologique.

2. Matthieu 1-2 et son rapport à l’Empire

Avant d’aller à la citation d’Isaïe en Matthieu, je propose de regarder les chapitres 1-2 en relevant quelques aspects politiques pour mieux comprendre le lien entre cet écrit et l’Empire romain qui domine la région.

2.1 Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham

Les deux premiers chapitres de l’Évangile selon Matthieu révèlent une attention particulière au rapport entre l’origine du Christ et la sphère politique. En effet, dès le premier verset, le personnage principal de cet oeuvre est désigné comme « Ἰησοῦ Χριστοῦ υἱοῦ Δαυὶδ υἱοῦ Ἀβραάμ » (Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham). Le nom de Jésus évoque l’histoire de Josué qui est entré à la tête du peuple en terre promise. Comme le nom Isaïe (Yesha’ yahû), le nom Jésus est construit sur l’idée que Dieu sauve. Sa signification sera explicitée par le narrateur en 1,21 pour indiquer que Jésus réalisera ce salut. Le mot Χριστός est utilisé par la Septante pour traduire le mot hébreu חישמ (messie). Il signifie littéralement celui qui a reçu l’onction. Les textes de la Bible hébraïque qualifient aussi différents personnages par cette expression bien que l’onction d’huile est le principal rite du sacre du roi[13]. Elle symbolise l’investiture du roi et fait de lui le représentant du Seigneur à la tête de son peuple.

Au temps de la domination romaine en Palestine, la formule « fils de David » porte l’espoir du retour d’un messie pouvant libérer Israël de cette puissance étrangère. Les Psaumes de Salomon, écrits au ier siècle av. J.-C., sont un exemple de cette espérance :

« Regarde, Seigneur, et suscite-leur leur roi, fils de David, au moment que tu sais, ô Dieu, pour qu’il règne sur Israël ton serviteur ! Et ceins-le de force pour qu’il brise les princes injustes, qu’il purifie Jérusalem des nations qui la foulent et la ruinent ! »

Ps. Sal. 17, 21-22, trad. Prigent (1987, 987)

Parler d’un fils de David au ier siècle porte une connotation politique et même militaire. Évoquer David, c’est rappeler une figure guerrière et royale ainsi que la monarchie préexilique tout en espérant sa restauration.

De même, l’expression « fils d’Abraham » pouvait aussi porter une connotation subversive à cette époque. Évoquer Abraham, le père de la nation, pouvait être une façon de résister à l’assimilation à la culture impériale. Abraham n’est pas l’ancêtre des Romains, mais des Juifs. Mt 1,1 inscrit Jésus comme « fils d’Abraham » et non comme citoyen romain.

2.2 Une généalogie politique

La généalogie linéaire (Johnson 1969 ; Wilson 1977) place Jésus comme le descendant de David, d’Achaz et des autres rois de Juda (1,2-17). Or, cette généalogie accentue à la fois l’origine royale de l’enfant ainsi que la faute de David en soulignant que « David engendra Salomon par la femme d’Urie » (1,6). De même, la généalogie signale l’importance de l’exil à Babylone (1,11-12) puisque cet exil est une des charnières de la structure de cette généalogie selon le 1,17. Plus qu’une liste de noms, cette généalogie propose une interprétation de l’histoire d’Israël qui commence avec Abraham et passe par les rois de Juda comme David dont les fautes ont mené à l’Exil. C’est une interprétation similaire à celle du livre d’Isaïe qui rend Achaz responsable des malheurs venant de l’Assyrie. Achaz fait partie de la section de la généalogie qui mène à l’Exil. Est-ce que Jésus, descendant de David et d’Achaz, sera comme ses prédécesseurs ?

2.3 Les noms de l’enfant et leurs significations

La signification de noms d’enfants est un des éléments importants d’Is 6-12. Dans le premier récit de l’évangile (1,18-25), deux noms sont attribués à l’enfant qui vient de naître. Ces noms sont emblématiques du schéma théologique de l’Évangileselon Matthieu. Ils permettent de mieux comprendre l’identité et la mission du personnage principal telles qu’elles seront déployées dans la suite de l’évangile.

Le premier nom est divulgué dès le premier verset, mais il n’est expliqué qu’au verset 21 par l’Ange du Seigneur à Joseph (et aux lecteurs) : « τέξεται δὲ υἱόν, καὶ καλέσεις τὸ ὄνομα αὐτοῦ Ἰησοῦν· αὐτὸς γὰρ σώσει τὸν λαὸν αὐτοῦ ἀπὸ τῶν ἁμαρτιῶν αὐτῶν. » (Elle enfantera un fils et tu l’appelleras par le nom de Jésus, car il sauvera son peuple de leurs fautes). Cet extrait n’est pas facile à interpréter. Qui est son peuple (λαὸν) ? Quelles sont ses fautes (ἁμαρτιῶν) ? Comment Jésus le sauvera-t-il (σώσει) ? Davies et Allison (2004, 210) font une lecture ecclésiale de ce mot en anticipant l’ouverture aux nations (Mt 28). Par ailleurs, puisque le sens habituel de cette expression a une connotation ethnique et géographique, et que Mt 1,2-17 traite de l’histoire d’Israël, il est plus naturel de comprendre que ce peuple réfère à Israël (Miler 1999, 28 ; Luz 2004, 95). Le mot ἁμαρτιῶν peut signifier plusieurs types de fautes ou de péchés. Puisque le réflexe du lecteur pour λαὸν est de se rappeler d’Israël tel que présenté par la généalogie, ἁμαρτιῶν peut aussi être compris comme pointant vers les péchés et les fautes associées aux ancêtres de Jésus. La liste de rois de la généalogie rappelle la lutte de ceux-ci contre les dominations impériales qui ont été interprétées théologiquement comme la présentation d’Is 6-12 l’a montré. Il est également possible de voir la suite du récit de Mt comme l’illustration du péché. En effet, le récit de Mt 2 décrit une résistance politique et religieuse grâce à la présence de Dieu en Jésus. Contrairement aux mages qui viennent rendre hommage à l’enfant, le roi Hérode, représentant du pouvoir impérial, cherche à le faire tuer. La violence d’Hérode peut être vue comme un exemple des structures d’oppression du péché dont il est question en Mt 1,21.

Le deuxième nom de l’enfant se trouve dans une interprétation de la naissance de Jésus comme « accomplissement » (πληρόω) d’Is 7,14 et, plus largement, du livret de l’Emmanuel.

Τοῦτο δὲ ὅλον γέγονεν ἵνα πληρωθῇ τὸ ῥηθὲν ὑπὸ κυρίου διὰ τοῦ προφήτου λέγοντος, Ἰδοὺ ἡ παρθένος ἐν γαστρὶ ἕξει καὶ τέξεται υἱόν, καὶ καλέσουσιν τὸ ὄνομα αὐτοῦ Ἐμμανουήλ, ὅ ἐστιν μεθερμηνευόμενον Μεθʼ ἡμῶν ὁ θεός.

Tout ceci est arrivé afin que ce qui a été dit par le Seigneur fût accompli par le prophète disant : « Voici, la jeune femme/vierge sera enceinte et enfantera un fils et ils l’appelleront Emmanuel, ce qui est traduit : avec nous, Dieu »

1,22-23

Cette citation d’accomplissement (Miler 1999) fait partie du récit de l’annonce à Joseph (1,18-25). Elle est énoncée immédiatement après le songe par lequel un ange du Seigneur prescrit à Joseph de prendre chez lui Marie son épouse, car ce qui est en elle vient d’un souffle/esprit saint. La citation en Mt 1,23 focalise l’attention sur l’attente d’une délivrance royale accordée à Juda et préparée par la généalogie.

Puisque le nom attribué à l’enfant provient d’une parole prophétique qui s’accomplit, il peut être vu comme une interprétation théologique révélant l’identité profonde de ce Jésus : la présence de Dieu parmi nous. Par ailleurs, deux éléments de cette phrase pointent vers le monde en dehors du texte. Contrairement au texte d’Isaïe, le pluriel est employé pour désigner ceux qui appellent (καλέσουσιν) l’enfant Emmanuel. Qui sont-ils ? Il n’y a pourtant aucun personnage en Mt qui désigne ainsi Jésus. Il faut sortir du monde du texte pour trouver ceux qui l’appellent de cette façon (Miler 1999, 31). Il s’agit de la communauté des premiers lecteurs de Mt qui ont compris qui était Jésus par ce nom tiré d’Isaïe. Le deuxième élément qui pointe au monde en dehors du récit est ἡμῶν, le « nous » du Dieu-avec-nous. Ce ἡμῶν est un dispositif textuel qui permet aux lecteurs de se sentir impliqués dans l’histoire racontée, en particulier les lecteurs d’origine dont il sera question plus loin.

La mission du Christ se clarifie grâce aux deux noms. Il est appelé à sauver son peuple de ses péchés (1,21) et à être la présence de Dieu (1,23). Traditionnellement, les commentateurs ont tendance à interpréter ces noms de façon religieuse, spirituelle ou morale sans tenir compte du contexte sociopolitique de Matthieu. Davies et Allison (2004, 210) sont un bon exemple de cette approche. Or, Carter (2009) démontre avec justesse que les deux noms attribués à l’enfant peuvent avoir un effet subversif dans le contexte de l’Empire romain. Selon cet auteur, dans la théologie impériale, c’est l’empereur qui représentait la présence agissante des dieux (Emmanuel), c’est aussi lui qui était considéré comme celui qui sauve (Jésus). Même si le texte de Mt ne l’explicite pas, les noms attribués à l’enfant portent une idéologie anti-impériale. Ce texte peut être jugé comme potentiellement subversif dans son contexte sociohistorique.

Il y a un lien entre Is 6-12 et Mt 1-2 qui proposent des noms d’enfants comme signes de l’action de Dieu en contexte de menaces impériales. Il y a un contraste évident entre la vulnérabilité d’un enfant et la violence de l’oppression impériale. En Isaïe, l’Emmanuel portait à la fois la promesse du salut devant l’agression militaire et la menace du jugement du Seigneur contre les pouvoirs impériaux et contre les personnes de son peuple qui ne placent pas leur confiance en lui. Habituellement, les commentaires de Mt soulignent le côté positif de la venue de l’Emmanuel en le reliant avec le dernier verset de l’évangile (28,20) où le ressuscité dit : « ἐγὼ μεθʼ ὑμῶν εἰμι πάσας τὰς ἡμέρας ἕως τῆς συντελείας τοῦ αἰῶνος » (je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps). Or, l’eschatologie développée à la fin de cet évangile présente plusieurs éléments de jugement. Les paraboles des chapitres 24 et 25 portent sur l’avènement du fils de l’homme qui, en 25,31-46, sépare les humains en deux groupes : ceux qui ont posé divers gestes charitables envers les plus petits reçoivent le royaume en partage et ceux qui ne l’ont pas fait s’en vont au châtiment éternel. Le rapport intertextuel développé dans cet article montre qu’en Mt comme en Is, l’Emmanuel apporte la promesse de salut et la menace du jugement. La parole du ressuscité en 28,20 porte dans son énonciation une évocation du jugement[14].

2.4 Révélation de l’opposition entre l’enfant et le représentant de l’Empire

Le deuxième chapitre de l’Évangile selon Matthieu présente un récit où l’enfant et sa famille seront pourchassés par le roi Hérode, représentant du pouvoir impérial romain. Celui-ci n’hésitera pas à tuer des enfants innocents de la région de Bethléem pour essayer de tuer le Christ. En plus de l’autorité politique, le roi Hérode représente aussi l’autorité religieuse puisque dans ce bassin culturel, un roi était considéré comme choisi par la divinité. Les prêtres et les scribes de Jérusalem sont d’ailleurs associés à Hérode en indiquant le lieu de naissance du messie en 2,4. La narration présente très négativement Hérode et le système d’oppression qu’il représente. Ce personnage use de violence contre les membres du peuple de Dieu les plus vulnérables dont il est pourtant responsable. Comment comprendre cette violence ? Par le jeu intertextuel qui relie Is 6-12 à Mt 1-2, il est possible de voir que le plan divin devant les forces impériales est similaire. Dieu s’oppose aux forces impériales, il préserve un petit reste et va juger cet empire. Mt 2 montre un fort contraste entre l’enfant qui vient de naître et Hérode. Tous deux sont qualifiés de rois (2,1.2). Or, le premier chapitre avait déjà présenté cet enfant comme Christ, fils de David, fils d’Abraham, celui qui va sauver son peuple et qui est Dieu-avec-nous. L’opposition entre Dieu et l’empire prend forme dans l’antithèse entre Jésus et Hérode. Comme en Isaïe, un petit reste est sauvé de la violence. Ce petit reste est représenté par Joseph, Marie et Jésus qui se retirent en Égypte pour éviter la violence meurtrière en Judée. Le retour en terre d’Israël (2,21) permettra à Jésus de s’établir à Nazareth dans la région de Galilée (2,23). Cette région est nommée en Is 8,23-9,1 comme le lieu du passage entre l’ombre et la lumière. Good (1990) démontre que le schéma hostilité/retrait/accomplissement prophétique revient à sept reprises en Mt (2,12-15 ; 2,22-23 ; 4,12-18 ; 12,15-21 ; 14,12-14 ; 15,21-28 ; 27,5-10). Selon cet auteur, Mt reprend ce thème du livre de l’Exode, de 1-2 Maccabées et de sources apocalyptiques comme le livre d’Hénoch. J’ajoute qu’il y a certainement une influence des livres prophétiques tels qu’Is 6-12 dans le schéma développé en Mt comme réponse à l’oppression étrangère.

3. Le contexte de rédaction et de réception de Matthieu

3.1 Le lieu d’origine de Mt

En commençant par une généalogie réalisant une synthèse de l’histoire d’Israël et en citant à plusieurs reprises des textes vétérotestamentaires, les deux premiers chapitres de l’Évangile selon Matthieu révèlent le lien étroit entre cet écrit et la tradition juive. Traditionnellement, les exégètes ont donc commenté Mt par son lien avec Israël sans nécessairement s’attarder au contexte impérial romain. Pourtant, l’Évangile selon Matthieu est un texte produit sous la domination de cet Empire. La Palestine au ier siècle est marquée par un rapport conflictuel entre Judéens et l’Empire romain. Les Judéens se révoltent contre l’oppression étrangère dans une guerre gagnée par l’armée romaine qui détruira Jérusalem et son Temple en 70.

Dans ce contexte, la citation d’Isaïe évoque une situation de menace impériale et établit une analogie entre la situation des premiers auditeurs de l’Évangile selon Matthieu ainsi que les récits de Mt 1-2 et d’Is 6-12. Ils vivent sous l’occupation étrangère et portent l’espérance d’en être sauvé (1,21). Le débat sur le lieu d’écriture de l’Évangile selon Matthieu n’est pas réglé. Jérôme plaçait la composition de Mt en Palestine, aujourd’hui la plupart des experts optent pour Antioche en Syrie (Carter 2001, 27 ; Luz 2007, 92), mais il y a d’autres possibilités comme Césarée maritime (Viviano 2007, 23) ou Damas (Harrington 1991, 9). Toutes ces options ont une chose en commun, elles sont des villes sous domination romaine où vivent des Juifs, et en particulier, des Juifs adhérant à Jésus comme messie. De façon générale, selon Horsley (1997, 1) le christianisme était au départ un mouvement anti-impérial. Jésus a proposé un mouvement visant le renouveau d’Israël devant l’autorité romaine et l’aristocratie sacerdotale. Pour Carter (1999, 56), l’Évangile selon Matthieu doit être interprété comme une contestation de l’impérialisme romain, de sa théologie et de sa façon de gérer la société en présentant une forme de vision alternative. Par la recherche intertextuelle exposée dans cet article, il est possible d’affirmer que cette perspective de Mt se fonde dans des éléments qui étaient présents chez les prophètes bibliques comme Isaïe.

3.2 Donner sens à la domination impériale

En évoquant Isaïe 6-12, l’Évangile selon Matthieu a permis à ses lecteurs de développer une perspective spécifique sur sa relation à l’Empire. Ainsi, la domination romaine et la destruction de Jérusalem et de son Temple peuvent être interprétées comme une punition divine[15]. Mais, il y a un espoir pour le futur. Dieu va sauver son peuple du contrôle de l’Empire romain. Cette perspective s’oppose à la théologie de l’Empire qui, selon Carter (1999, 1-10), voulait établir que le pouvoir de Rome et des empereurs flaviens était mis en place par Jupiter et qu’ils accomplissaient la volonté des dieux. Deux signes soulignaient cette oppression : l’expression Judaea capta était inscrit sur la monnaie pour rappeler la victoire de Rome et ses dieux sur la Palestine ainsi que la taxe imposée aux Juifs pour financer le Temple de Jupiter à Rome après la destruction de celui de Jérusalem.

Après la dévastation de 70, la question de la présence de Dieu devait être particulièrement difficile. Is 6-12 permet une réflexion sur cet événement en offrant la perspective d’une situation de menace impériale pour en éclairer une autre. Ce lien intertextuel permet aux premiers auditeurs de Mt de développer l’espoir que, malgré les apparences, l’Empire n’est pas souverain et Dieu n’est pas vaincu ou impuissant.

Comme pour l’Emmanuel en Isaïe, l’enfant Jésus est présenté comme un signe relié à la domination impériale. Il évoque l’opposition aux empires étrangers, le jugement divin par la violence de l’armée étrangère ainsi que le salut d’un groupe de fidèles qui résisteront aux injustices impériales. Selon Carter (1999, 63), les Domitiens (au pouvoir lors de l’écriture de Mt) s’attribuaient les fonctions de deus praesens et de θεός επιφανής. Les noms attribués à l’enfant montrent que c’est par lui que la volonté de Dieu va s’accomplir et non par l’empereur. L’intertextualité entre Mt et Is permet alors un espace de résistance pour contrer la propagande impériale par une autre façon d’interpréter la domination romaine. D’ailleurs, évoquer un prophète biblique est toujours potentiellement subversif puisque ce corpus littéraire invite à la remise en question. Les prophètes comme Isaïe osent se tenir debout contre les autorités politiques en rappelant la perspective divine et le sort des plus faibles. Rappeler Isaïe qui remettait en question la coalition Syrie-Israël, l’Empire assyrien et même les décisions du roi Achaz permet de remettre en question l’idéologie impériale romaine.

L’intertextualité entre Mt 1-2 et Is 6-12 offre une perspective aux auditeurs d’origine de Mt sur leur situation de domination en soulignant l’espoir d’un jugement divin qui pourrait renverser le rapport de force. La suite de l’évangile peut alors être lue pour découvrir la façon par laquelle Jésus sauvera « son peuple de ses péchés » (Mt 1,21). Elle raconte que les paroles de libération au sujet du royaume des cieux ainsi que les gestes de guérison envers les exclus montrent une façon de vivre qui s’oppose aux valeurs impériales. Jésus n’est pas présenté comme un messie militaire comme David. Il n’est pas non plus comme Ahaz, un roi qui n’écoute pas Dieu. Au contraire, Jésus suivra la volonté de Dieu même si sa mission le mènera à être crucifié par les représentants du pouvoir impérial. Ultimement, l’Évangile opère un renversement complet. Celui qui a été exécuté par l’Empire est ressuscité par Dieu. Pour les chrétiens, c’est une nouvelle ère qui est inaugurée. En reprenant les termes d’Isaïe 9, ces temps nouveaux sont symboliquement marqués par la lumière, la joie, la paix, le droit et la justice qui s’opposent à la noirceur et la violence de la logique impériale.

4. Lire Matthieu et Isaïe au xxie siècle

Comme toute analogie, celle qui est offerte par le rapport intertextuel entre Mt 1,23 et Is 7,14 n’est pas parfaite. Par exemple, dans le récit d’Isaïe, Juda n’est pas encore soumis par un empire alors qu’il l’est en Matthieu. Malgré tout, ce rapport intertextuel est certainement un moyen efficace pour offrir des pistes de solutions aux auditeurs du ier siècle pris avec la question de la domination romaine. J’ai choisi de centrer mon analyse sur l’intertextualité générée par la citation d’Is en Mt. Une recherche similaire pourrait être poursuivie sur la portée politique des autres références de Mt 2. Michée 5,1 et 2 Samuel 5,2 (Mt 2,6) orientent vers la royauté choisie de David et la filiation divine du roi, Osée 11,1 (Mt 2,15) vers l’Égypte, terre étrangère qui devient terre d’accueil ou encore Jérémie 31,15 (Mt 2,18) vers le vide explicatif du mal subi. La citation d’Esaïe s’inscrit dans l’ensemble de ces renvois aux Écritures pouvant être interprétés comme critiques impériales. La visée théologique du récit de l’enfance chez Mt participe à la manifestation libératrice de la présence de Dieu parmi les hommes (et les nations) et à la violence que cette manifestation suscite (notamment du côté du pouvoir), on peut envisager des effets sur la communauté réceptrice, dont celui d’une remise en cause d’un système politique oppressif.

L’intertextualité telle que définie à l’origine par Kristeva (1978) inclut dans la discussion entre textes, le mode du lecteur. La lecture critique devient une praxis sociale qui s’engage de diverses façons, à la fois avec le monde du texte et avec le monde social de l’interprète. Ceci n’est habituellement que peu exploité dans les études bibliques. J’ose une courte réflexion en ce sens en espérant que les lecteurs et lectrices de cet article se sentiront interpellés à la poursuivre selon le milieu qui est le leur.

D’une certaine manière, les lecteurs de l’Évangile selon Matthieu du xxie siècle peuvent aussi profiter de la réflexion offerte par la relecture matthéene d’Isaïe. L’impérialisme d’aujourd’hui n’est pas le même que celui de l’antiquité. Pourtant, la volonté de contrôler certains groupes de personnes en leur enlevant leur autonomie politique ou en leur imposant une idéologie est encore bien présente. Les valeurs hégémoniques de domination et d’exploitation associées à l’impérialisme marquent trop souvent les rapports sociaux, politiques et économiques de notre monde. Un exemple concret d’une domination coloniale contemporaine au Canada a été exposé par la Commission « Vérité et réconciliation » portant sur le système de pensionnats autochtones de 1820 à 1996. Le rapport final de cette Commission (2015) affirme que ce système a perpétré un génocide culturel en se fondant sur le postulat que la civilisation européenne et la religion chrétienne étaient supérieures à la culture autochtone, perçue comme sauvage et brutale. Tout le système des pensionnats s’inscrivait dans une vaste entreprise de colonisation. Dans un monde qui préfère taire le sort des autochtones, la lecture de Matthieu et d’Isaïe peut permettre un espace à la critique des idéologies impériales et coloniales pour entreprendre un travail de mémoire et de réconciliation.

Comprendre comment l’Évangile selon Matthieu réinterprète Isaïe au ier siècle peut nous inspirer à faire un travail interprétatif similaire. Cette réflexion herméneutique pourrait remettre en question les métarécits impériaux modernes pour résister aux injustices de façon prophétique. Prendre contact avec l’héritage des prophètes peut permettre une meilleure compréhension de notre monde pour passer de la lecture à l’action.