Corps de l’article

Introduction

Les 10 à 20 dernières années ont vu une hausse des taux de participation des personnes âgées de 50 ans et plus dans pratiquement l’ensemble des pays économiquement développés. Vu l’impact négatif appréhendé du vieillissement démographique sur les systèmes de pension et l’économie en général, des actions sont prises afin de soutenir cette tendance, voire l’accentuer (OCDE, 2016 ; Zaidi et collab. 2013). Il y a cependant des freins évidents à une hausse ininterrompue des taux de participation à des âges de plus en plus avancés. La retraite demeure une institution ancrée dans les sociétés occidentales et d’aucuns estiment y avoir droit. La réticence des employeurs à garder ou embaucher des travailleurs plus âgés a également été documentée (Karpinska, 2012 ; Oude-Mulders, 2016). Enfin, le risque d’être contraint à un arrêt de travail dû à la santé croit de façon importante avec l’âge (Ilmarinen, 2001 ; OCDE, 2010).

Plusieurs études ont tenté de déterminer si ce sont davantage les incitatifs financiers ou bien la mauvaise santé qui induit une propension plus grande à prendre sa retraite chez les individus en fin de carrière. Si la mauvaise santé joue un plus grand rôle, les actions prises par les gouvernements pour réduire les incitatifs financiers à prendre sa retraite vont avoir peu d’effet. Dans la littérature scientifique, les résultats varient quant à la magnitude de l’effet de la santé, allant d’important (Bound, 1991 ; Dwyer et Mitchell, 1999 ; Quinn, 1977) à négligeable (Bound et collab. 1999 ; Erdogan-Ciftci et collab. 2008 ; Hagan et collab. 2009).

Au niveau agrégé, d’autres articles ont tenté de déterminer si le fait que la santé se détériore avec l’âge induit une importante pression à la baisse sur les taux de participation chez les personnes âgées. Ceux-ci s’accordent à dire que le fait que la santé se détériore avec l’âge ne devrait pas constituer un sérieux obstacle face à une augmentation de la participation au marché du travail à des âges plus avancés (Boissonneault et de Beer, 2017 ; Milligan et Wise 2015 ; Rehkopf et collab. 2017).

Le choix de la mesure de santé dans les études revues plus haut a été longuement débattu. La plupart des études ayant abordé la question utilisent une ou plusieurs mesures de santé autoévaluée. Afin d’obtenir de telles mesures, on demande par exemple au répondant d’évaluer sa santé sur une échelle allant d’un à cinq, ou d’évaluer sa capacité à accomplir des tâches de la vie quotidienne. Plusieurs recherches ont discuté les problèmes inhérents à ces mesures (Bound et collab. 2007 ; Disney et collab. 2006 ; Lindeboom and Kerkhofs, 2009). Un premier problème est que de telles mesures sont potentiellement corrélées avec des variables non observables qui affectent également la décision de prendre sa retraite. Par exemple, il est probable qu’une personne qui évalue sa santé de façon plus pessimiste soit également plus encline à accorder plus d’importance aux loisirs plutôt qu’au travail. Dans un ordre d’idées semblable, l’hypothèse justificative (justification hypothesis ; Chirikos & Nestel, 1984) réfère au processus psychologique ayant cours lorsqu’une personne ne travaillant pas se fait demander d’évaluer sa santé. Si une personne perçoit qu’il est attendu d’elle qu’elle travaille, elle peut être plus encline à faire une évaluation plus négative de sa santé afin de justifier son inactivité. Un deuxième problème vient du fait que chaque personne fait appel à ses propres valeurs et expériences afin d’évaluer sa propre santé. Or, ces éléments diffèrent de personne en personne. Ainsi, une santé évaluée comme étant « bonne » n’aura pas nécessairement la même valeur véritable chez deux personnes avec un statut économique différent, par exemple (Kakwani et collab. 1997 ; Kerkhofs et Lindboom, 1995 ; Kreider, 1999).

La source de ces problèmes réside dans le fait que l’on fait appel au jugement du répondant lors de la collecte de données. Différents moyens ont été employés afin d’y remédier. Un premier consiste à apporter des ajustements au modèle statistique utilisé, lequel recatégorise les individus selon une échelle plus objective (Bound et collab. 1999 ; Disney et collab. 2006). Une autre solution consiste à utiliser une mesure de santé ne faisant pas appel au jugement de la personne. Certaines études ont utilisé dans ce sens la mortalité subséquente (Anderson and Burkhauser, 1985 ; Kalwij et collab. 2013 ; Parsons, 1982). Cependant, il a été démontré que cette mesure est peu corrélée avec la capacité réelle de travailler (Bound, 1991). De plus, cette information n’est habituellement disponible que plusieurs années après la retraite d’une personne. Enfin, d’autres ont utilisé la force de poigne comme mesure de santé objective (Kalwij et Vermeulen, 2008, Borsch-Supan, 2011). Kalwij et Vermeulen (2008), en particulier, soulignent « la nécessité d’incorporer des mesures objectives de santé lors de l’analyse de la relation entre l’état de santé et la participation au marché du travail ».

La force de poigne fait partie d’un groupe de mesures désignées en tant que mesures objectives de santé physique. Parmi celles-ci, on compte la vitesse de marche, la force d’expulsion d’air et différents tests d’équilibre et de vitalité des membres inférieurs. Ces mesures ont de nombreux avantages par rapport aux mesures subjectives de santé ou à la mortalité subséquente dans l’étude du lien entre la participation au marché du travail et la santé. Il s’agit de mesures récoltées lors de tests standardisés et qui, du même coup, ne font pas appel au jugement des répondants. Elles sont peu sujettes à être corrélées à d’autres variables prédisant la retraite ou à un processus de justification et elles sont facilement comparables entre individus. De plus, elles entretiennent un lien plus étroit avec la capacité de travailler que la mortalité subséquente (Boissonneault et de Beer, 2017). Cependant, l’utilisation de mesures objectives de santé physique aux fins d’étude du lien entre la participation à la population au marché du travail et la santé reste limitée aux deux articles mentionnés ci-dessus.

Les mesures subjectives de santé sont récoltées depuis plus longtemps et dans un nombre plus grand de contextes, ce qui peut expliquer leur plus grande utilisation par rapport aux mesures objectives. Pourtant, les données sur la mesure objective de santé physique sont de plus en plus disponibles. Au moment d’écrire ces lignes, elles sont recueillies par plus de dix enquêtes longitudinales sur le vieillissement, représentatives des populations de plus de 30 pays. Des collectes ont eu lieu à près de 30 points dans le temps depuis 2004. Certaines enquêtes recueillent des données sur jusqu’à cinq mesures différentes. De nouvelles enquêtes vont bientôt s’ajouter à cette liste[1].

Dans cet article, nous proposons d’illustrer le lien entre mesures objectives de santé physique et participation au marché du travail aux âges avancés. Le défi consiste à donner un aperçu global tout en restant informatif. Pour ce faire, nous avons choisi une approche descriptive par l’entremise d’outils visuels, soit les cartes thermiques. Celles-ci permettent également d’incorporer l’âge dans l’étude du phénomène sans perdre le lecteur dans une multitude d’informations. Nous construisons ainsi sur la riche tradition d’outils visuels en démographie, le diagramme de Lexis et la pyramide des âges étant deux exemples parmi les plus évidents. Pour des fins pratiques, tel qu’expliqué en détail plus loin, nous limitons notre analyse à 3 mesures objectives de santé physique et une mesure de santé mentale qui ont été récoltées dans 3 enquêtes ayant produit des données représentatives de 8 pays (reclassés en 4 groupes) à deux points dans le temps.

Dans la section suivante, nous présentons nos sources de données puis nous discutons le contexte général entourant le travail aux âges avancés dans les pays étudiés. La section subséquente discute l’utilisation des cartes thermiques en démographie et précise les choix méthodologiques ayant trait à leur utilisation dans le présent article. Nous présentons enfin les résultats puis concluons en les discutant et en abordant les limites rencontrées.

DONNÉES

Les enquêtes

Le point de départ des données utilisées dans le présent article est la Health and Retirement Study (HRS) (Health and Retirement Study, 2016)[2]. Cette enquête a lieu tous les deux ans depuis 1992 et est représentative de la population américaine âgée de 50 ans et plus. La HRS tire son originalité du fait qu’elle suit les mêmes répondants jusqu’à leur mort et collecte une grande quantité d’information sur leur santé, leur travail et leur retraite. En 2004, la HRS entreprend de récolter des données sur la vitesse de marche, la force de poigne et le test d’expulsion d’air dans le cadre d’un projet pilote ; des données sur les mêmes tests, en plus de données sur différents tests d’équilibre, sont récoltées auprès d’un sous-échantillon représentatif à chaque vague subséquente.

Plusieurs études calquées sur la HRS ont vu le jour dans différents pays depuis le début des années 2000 (HRS, 2016). Dans le présent article, nous nous limitons à l’utilisation des données des deux enquêtes qui ont cours depuis plus longtemps. La English Longitudinal Study of Ageing (ELSA) a démarré en 2002 en Angleterre et récolte des données sur les mesures objectives de santé physique aux quatre ans depuis 2004 (Marmot et collab. 2016)[3]. En plus des mêmes tests que ceux énumérés ci-haut concernant HRS, ELSA produit des données sur le test de la chaise. La troisième source de données utilisée pour la présente recherche est le Survey on Health, Ageing and Retirement (SHARE) (Börsch-Supan, 2016a ; Börsch-Supan, 2016b)[4]. Cette enquête a eu lieu en 2004-2005 et en 2006-2007, puis aux deux ans depuis 2009. Onze pays européens ont participé à la première vague ; dix autres se sont ajoutés plus tard à différents moments. SHARE produit également des données sur la vitesse de marche, la force de poigne et le test d’expulsion d’air, mais pas sur les tests d’équilibre ; en revanche, elle produit des données sur le test de la chaise. Ces données ont été récoltées de façon sporadique depuis le début de l’enquête ; seules des données pour la force de poigne sont disponibles à chaque vague.

Choix des mesures de santé

Nous limitons nos analyses à trois mesures objectives de santé physique : la force de poigne, le test d’expulsion d’air et le test de la chaise. Nous éliminons ainsi le test de vitesse de marche, car les données de ce test sont récoltées seulement auprès des personnes âgées de 70 ans et plus, ainsi que les tests d’équilibre, puisqu’il s’agit dans la plupart des cas d’une mesure binaire (la personne a réussi le test ou pas) et nous privilégions celles se mesurant sur une échelle continue. Nous ajoutons à nos analyses une mesure de santé mentale. Celle-ci est obtenue à partir de l’échelle de santé mentale Eurod laquelle se mesure à partir de 11 questions sur l’expérience de la vie quotidienne. Bien que l’aspect objectif de cette mesure puisse être débattu, nous tenions à présenter des résultats concernant au moins un aspect non physique de la santé pour fins de comparaison.

Chaque mesure utilisée dans le présent article est décrite en détail en annexe. Il est cependant important de préciser que beaucoup de recherches ont été effectuées sur la validité de ces mesures. La force de poigne donne une mesure de la vitalité musculaire du haut du corps, alors que le test de la chaise donne une mesure de la vitalité musculaire du bas du corps. Le test d’expulsion d’air est particulièrement utile pour détecter les problèmes respiratoires tels que l’asthme ou l’emphysème. L’échelle Eurod a été testée cliniquement comme indicateur de dépression. Chacune de ces mesures est corrélée avec d’autres aspects de la santé, dont la mortalité subséquente et la santé autoévaluée (Albert et collab. 1995 ; Bohannon, 2008 ; Cooper, 2010 ; Jones et collab. 2000 ; Prince et collab. 1999).

Figure 1

Moments de collecte de données concernant trois mesures objectives de santé physique parmi ELSA, HRS et SHARE

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Choix des moments

La Figure 1 indique, pour chacune des trois enquêtes, le moment où chacune des trois mesures objectives de santé physique a été récoltée. Nous avons choisi de présenter les résultats à deux moments dans le temps. La combinaison nous étant apparue optimale est indiquée par des boites. Nous présentons des résultats pour la force de poigne produits par les trois enquêtes, pour le test d’expulsion d’air par ELSA et HRS seulement, puis pour le test de la chaise par ELSA et SHARE seulement. De plus, les résultats pour l’échelle Eurod proviennent de SHARE seulement, car les échelles de santé mentale utilisées par ELSA et HRS diffèrent légèrement. Nous présentons des résultats produits par ELSA en 2004-2005 et 2012-2013 ; par HRS en 2006-2007 et 2012-2013 ; puis par SHARE en 2006-2007 et 2013. Dans le reste de l’article, nous traitons les périodes 2004-2007 et 2012-2013 comme étant distinctes.

Choix des pays

Nous utilisons l’ensemble des données mises à disposition par HRS et ELSA, lesquelles sont représentatives des États-Unis et de l’Angleterre respectivement. SHARE met à disposition des données représentatives de 21 pays. Nous avons choisi de présenter des résultats pour deux groupes de trois pays choisis parmi ceux ayant participé à SHARE à chaque vague. Ces deux groupes ont été formés sur la base de l’indice de vieillissement actif (IVA) mis sur pied par la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies (UNECE, 2017)[5]. Cet indice est calculé sur la base de la performance de chaque pays en termes de différentes dimensions dénotant un vieillissement actif, parmi lesquelles la participation au marché du travail et la santé des ainés ont un poids prépondérant. Nous avons regroupé les trois pays ayant l’indice le plus élevé, soit la Suède, le Danemark et les Pays-Bas ; ce groupe sera désigné dans le reste de cet article en tant que pays européens avec IVA élevé. Le deuxième groupe se compose des pays avec IVA plus bas que sont la Belgique, l’Italie et l’Espagne et sera désigné en tant que pays européens avec IVA modéré. L’analyse de ces deux groupes est censée rendre compte de la diversité du lien entre santé et travail dans les différents pays d’Europe.

CONTEXTE

Les actions prises par les gouvernements afin d’augmenter les taux de participation au marché du travail des personnes vieillissantes sont le plus souvent motivées par le fort vieillissement démographique que les pays d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie sont en train de connaitre (Lutz et collab. 2008). Une plus grande participation des travailleurs âgés est censée aider à soulager les systèmes de pensions et aider l’économie en général (OCDE, 2016). De plus, la participation au marché du travail aux âges avancés est de plus en plus vue comme un outil de promotion du vieillissement actif (Zaidi et collab. 2013). Nous présentons dans cette section les tendances quant à la participation au marché du travail dans les pays étudiés. Nous décrivons également certains changements législatifs ayant pu affecter la participation au marché du travail aux âges avancés ou qui ont pu affecter le lien entre le travail et la santé chez les personnes vieillissantes. Étant donné que nous n’avons aucune information propre à l’Angleterre, nous présentons des informations pour l’ensemble du Royaume-Uni.

Les taux de participation aux âges compris entre 55 et 64 ans sont déjà depuis plusieurs années en hausse dans la plupart des pays de l’OCDE. Tel qu’indiqué dans la Figure 2, chaque pays à l’étude a connu une telle hausse entre 2004 et 2014, bien que le niveau de celle-ci varie. Les hausses sont plus élevées dans les pays (ou groupes de pays) avec un niveau de participation initial plus bas. Plus précisément, parmi les pays avec IVA modéré, la hausse a été de 13,9 %, alors qu’elle a été de 7 % parmi les pays avec IVA élevé (hausse fortement influencée par la hausse de 12,2 % aux Pays-Bas). La hausse a été modérée en Angleterre (5,6 %) et faible aux États-Unis (0,8 %).

Figure 2

Proportions de personnes âgées de 55 à 64 ans participant au marché de l’emploi

Source : OCDE, 2017

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Les études s’étant intéressées aux raisons de cette récente hausse ont identifié comme principaux facteurs la plus grande participation des femmes au marché du travail et l’arrivée de cohortes de plus en plus scolarisées à l’âge de 55-64 ans. (Coile, 2015 ; Schirle, 2008). D’autres facteurs tels que la moins bonne préparation financière des individus, la meilleure santé des personnes vieillissantes et la moins grande disponibilité d’alternatives ouvrant le droit à une pension anticipée ont pu jouer un rôle également (Carrière et collab. 2015 ; Coile, 2015).

Les changements législatifs apportés par les gouvernements de différents pays devraient continuer à encourager les personnes vieillissantes vers une plus grande participation au marché du travail. Parmi les pays qui nous intéressent, l’âge officiel de la retraite a récemment été reporté à 65 ans pour les femmes en Belgique et en Italie, alors qu’il se situait plus bas auparavant. Aux États-Unis et au Danemark, un report graduel de l’âge de la retraite au-delà de 65 ans a été entamé à partir de 2004 et 2005, respectivement. Des changements dans les conditions d’accès ou dans la générosité des programmes de retraite anticipée ou partielle ont eu lieu au Danemark, en Belgique, aux Pays-Bas et en Italie (OCDE, 2005 ; OCDE, 2011 ; OCDE, 2016).

Figure 3

Proportion de personnes âgées de 50 à 65 ans recevant une indemnité pour cause d’invalidité

Source : Börsch-Supan, 2011

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Malgré l’augmentation des taux de participation, plusieurs personnes continuent de prendre leur retraite avant l’âge officiel. Les personnes plus âgées sont souvent en moins bonne santé et, par le fait même, plus à risque d’être contraintes à cesser leur activité économique pour cause d’invalidité. La Figure 3 montre la proportion de personnes âgées de 50 à 65 recevant une pension d’invalidité selon des données de 2004[6]. Les proportions sont plus de deux fois plus élevées dans les pays d’Europe avec IVA élevé que dans les pays d’Europe avec IVA modéré ou qu’aux États-Unis. La proportion en Angleterre se situe entre les deux groupes. Il a été suggéré que les causes de cette variation sont probablement dues aux conditions spécifiques d’admission aux différents programmes dans chaque pays (Borsch-Supan, 2011). Des actions ont été prises pendant la période à l’étude aux Pays-Bas, au Danemark, en Espagne et en Angleterre afin de resserrer les critères d’admission aux différents programmes ou d’en réduire la générosité (OCDE, 2010).

MÉTHODES

Dans les analyses qui suivent, la variable dépendante est la proportion de personnes participant au marché du travail à un point dans le temps. Chaque enquête considérée ici pose une question semblable aux répondants concernant leur activité économique au moment de l’enquête. Les répondants sont habituellement classés en 5 ou 6 catégories : en emploi (employé ou à son compte), au chômage, invalide, retraité, homme ou femme au foyer, et autre. Nous considérons toute personne se disant en emploi ou au chômage comme participant au marché du travail et lui assignons la valeur « 1 ». Toute personne ne faisant partie d’aucune de ces deux catégories est considérée comme ne participant pas au marché du travail et se voit assigner la valeur « 0 ».

Des analyses sont produites pour chaque mesure de santé prise de façon séparée. Chacune des trois mesures objectives de santé physique est sur une échelle continue. Les valeurs pour la force de poigne et la force d’expulsion d’air sont distribuées normalement ; nous avons cependant dû transformer les valeurs du test de la chaise en logarithmes pour obtenir une distribution normale. La santé mentale est mesurée sur une échelle ordinale avec des valeurs allant de 0 à 11 et la distribution est fortement regroupée près des valeurs basses. Nous avons pris soin de redistribuer ces valeurs de sorte que les fréquences pour chaque catégorie approchent une distribution normale. Étant donné que la distribution des valeurs pour les différents tests varie selon le sexe et le pays, nous avons reconverti ces valeurs selon l’écart-type auquel elles appartiennent à l’intérieur de chaque sexe et pays. Dans les cartes thermiques présentées ci-dessous, nous considérons 10 catégories basées sur ces écarts-types.

La proportion des personnes économiquement actives varie considérablement à l’intérieur des pays étudiés. Cette variation s’explique par différents calendriers des risques de retraite. Considérant cela, il nous est apparu important d’incorporer l’âge comme troisième variable dans nos analyses. Nous considérons 9 groupes d’âge allant de 52 à 70 ans et s’étalant par sauts de deux ans. La limite inférieure est imposée par les données (il s’agit de la limite inférieure pour les participants d’ELSA) alors que la limite supérieure est arbitraire, considérant que peu de gens sont actifs au delà de cet âge. Nous présentons en annexe le détail des manipulations de chaque variable.

Tel qu’indiqué en introduction, nous visons à faire une description du lien entre santé et retraite en utilisant des outils visuels. Considérant que nous voulons décrire la variation dans une variable binaire (activité économique) par rapport à la variation dans deux variables continues (l’âge et la santé), nous considérons les cartes thermiques (heat maps en anglais) comme toute indiquées. Il s’agit d’un outil qui a été développé il y a plusieurs décennies au sein de disciplines non démographiques. Une carte thermique est un plan cartésien sur lequel est représenté un phénomène prenant place dans un espace (souvent géographique, mais pas nécessairement) défini par deux variables à la fois. La variation selon une troisième dimension, dépendante des deux premières, est donnée par un jeu de couleurs ou tons. Des isolignes — des lignes courbes montrant l’emplacement dans le plan d’une valeur donnée de la variable dépendante — peuvent être utilisées pour faciliter la lecture. En démographie, les cartes thermiques ont été utilisées depuis les années 1980 pour notamment représenter la variation des niveaux de mortalité ou de fécondité selon l’âge et le temps de façon simultanée. Étant donné l’évidente parenté avec le diagramme du même nom, cette technique a été baptisée surface de Lexis (Lexis surface) (Arthur et Vaupel, 1984). Le nom et la technique y étant associée ont été régulièrement repris depuis (Riffe et collab. 2017 ; Schöley et Willekens, 2017 ; Vaupel et collab. 1987).

Dans les visualisations qui suivent, nous plaçons la santé sur l’axe des x. Les graduations représentent une variation d’un écart-type. De cette façon, la visualisation transmet également l’information concernant la proportion de personnes concernées par les différentes valeurs de santé. L’âge est placé en y conformément à la convention concernant le diagramme de Lexis. La variable z est la proportion de personnes étant actives. Nous avons 90 combinaisons entre chaque niveau de santé et chaque groupe d’âge, auxquelles correspond une proportion de personnes actives. La variation dans les tons de bleu permet de voir comment la participation varie selon l’âge et la santé de façon simultanée, où un ton plus foncé représente un taux d’activité plus élevé et un ton plus pâle, un taux plus bas. Nous avons placé des isolignes afin d’aider à la lecture des graphiques, lesquelles indiquent pour quelles combinaisons d’âge et de santé la participation atteint les valeurs 0,80, 0,60, 0,40 et 0,20. Les détails concernant la spécification des axes et le calcul des isolignes sont présentés en annexe.

RÉSULTATS

Les Figures 4 à 7 montrent la variation de la proportion de personnes actives selon l’âge et la santé de façon simultanée au cours de la période 2004-2007, alors que les Figures 8 à 11 font de même pour la période 2012-2013. Nous avons regroupé les graphiques par mesure de santé. Nous commençons par montrer les résultats pour les quatre pays (ou groupes de pays) concernant la force de poigne. Ensuite, nous présentons dans l’ordre les résultats pour le test d’expulsion d’air, pour l’échelle de santé mentale et, enfin, pour le test de la chaise.

Figure 4

Proportion de personnes actives selon l’âge et la santé telle que mesurée par la force de poigne, 2004-2007

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Figure 5

Proportion de personnes actives selon l’âge et la santé telle que mesurée par la force d’expulsion d’air, 2004-2007

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Figure 6

Proportion de personnes actives selon l’âge et la santé telle que mesurée par la santé mentale, 2004-2007

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Les valeurs représentées par les graphiques sont plus facilement appréhendées si l’on tient compte de l’âge et de la santé de façon simultanée. Pour ce faire, nous portons attention aux isolignes. Dans chaque carte thermique, la ligne verte montre les combinaisons d’âge et de santé pour lesquelles la participation atteint 80 %. Les isolignes bleue, orange et noire montrent les combinaisons d’âge et de santé pour lesquelles la participation atteint 60 %, 40 % et 20 %, respectivement. En utilisant l’exemple des États-Unis à la Figure 4, nous voyons que la participation atteint 80 % chez les personnes âgées de 52 ans avec des valeurs de santé proches de la médiane, ainsi que chez les personnes âgées de 58 ans avec une santé supérieure à 2 écarts types au-dessus de la médiane. De plus, la participation atteint 40 % chez les personnes âgées de 52 ans avec des valeurs de santé en dessous de 2 écarts types inférieurs à la médiane. Le même taux de participation est atteint par les personnes de 60 ans ayant les mêmes valeurs de santé, ainsi que par les personnes de 64 ans avec des valeurs de santé près ou au-dessus de la médiane.

Figure 7

Proportion de personnes actives selon l’âge et la santé telle que mesurée par le test de la chaise, 2004-2007

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Les Figures 4 à 11 ont chacune une interprétation similaire. Nous limitons donc nos commentaires aux principales régularités ou différences.

En général, la forme du lien entre la participation, l’âge et la santé reste à peu près la même, quel que soit le pays (ou groupe de pays), la mesure de la santé ou le point dans le temps. Dans chaque cas, les isolignes suivent un trajet plus vertical sur le côté gauche des graphiques — dans la partie représentant une moins bonne santé — et plus horizontal au milieu et à droite du graphique — dans les parties représentant une meilleure santé. Cette régularité est identifiable par la forme en « forme: 2035324n.jpg » des isolignes. Cette forme laisse supposer que les améliorations en termes de santé induisent d’importants gains de participation parmi la population avec des valeurs de santé basses, et des gains modérés parmi la population avec des valeurs de santé moyennes ou élevées.

Figure 8

Proportion de personnes actives selon l’âge et la santé telle que mesurée par la force de poigne, 2012-2013

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Figure 9

Proportion de personnes actives selon l’âge et la santé telle que mesurée par la force d’expulsion d’air, 2012-2013

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Figure 10

Proportion de personnes actives selon l’âge et la santé telle que mesurée par la santé mentale, 2012-2013

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Nous notons peu de variations selon la mesure de santé considérée, si ce n’est le test de la chaise qui semble moins bien prédire la participation au marché du travail dans les pays d’Europe continentale (tel qu’indiqué par les isolignes plus planes). Peu de variation entre pays et entre les deux périodes semble présente : dans les sous-sections suivantes, nous apportons des modifications aux visualisations afin de mieux vérifier cette affirmation.

Figure 11

Proportion de personnes actives selon l’âge et la santé telle que mesurée par le test de la chaise, 2012-2013

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Différences entre pays

Les Figures 12 à 14 permettent d’étudier les différences entre pays quant à la variation de la participation selon l’âge et la santé. Le jeu de tons représente la variation entre chaque pays et un pays de référence. Nous avons choisi le groupe de pays Europe-IVA élevé comme référence étant donné qu’il s’agit du groupe de pays avec la plus forte participation des personnes vieillissantes. Pour faciliter la lecture, nous avons réduit la représentation de la variation dans les proportions à quatre catégories. Le ton le plus foncé indique que, pour une combinaison d’âge et de santé donnée, la proportion de personnes participant au marché du travail est inférieure de 0,20 point ou plus par rapport à celle du groupe Europe-IVA élevé. Le ton le plus pâle indique une participation supérieure dans le pays en question par rapport au groupe Europe-IVA élevé. Par exemple, la Figure 12 montre que la majorité des personnes âgées de 52 à 62 ans aux États-Unis ont un taux de participation compris entre 0,1 et 0,2 point plus bas que celui du groupe Europe-IVA élevé. Notons que même si les valeurs peuvent, en théorie, varier entre -1 et 1, la plupart se situent entre -0,1 et 0,3.

Encore une fois, nous nous concentrons sur les principales régularités. Dans la plupart des cas, les tons plus sombres forment des parallélogrammes qui s’étendent de la gauche vers la droite, plutôt que du haut vers le bas. En d’autres termes, un changement d’une unité le long de l’axe de l’âge est plus susceptible d’entraîner une variation dans les différences de participation qu’un changement d’une unité selon l’axe de la santé. Cela souligne l’effet prédominant de l’âge par rapport à celui de la santé face à la variation de la participation entre pays. Ainsi, les différences de participation entre pays sont davantage attribuables à l’âge (ou à des facteurs corrélés à l’âge) qu’à la santé.

Différences dans le temps

Les Figures 15 à 18 illustrent la variation dans le temps pour la participation au marché du travail selon l’âge et la santé. Le jeu de tons représente la variation entre les périodes 2004-2007 et 2012-2013 à l’intérieur de chaque pays (ou groupe de pays). À l’instar de la série de cartes précédente, nous avons réduit la représentation de la variation dans les proportions à quatre catégories et utilisons une légende plutôt que des isolignes. Le ton le plus foncé indique que, pour une combinaison d’âge et de santé donnée dans le pays en question, la proportion de personnes participant au marché du travail est supérieure en 2012-2013 de 0,20 point ou plus qu’en 2004-2007. Le ton le plus pâle indique une participation inférieure lors de la période 2012-2013 par rapport à 2004-2007. Si nous reprenons l’exemple des États-Unis à la Figure 15, nous constatons que la participation est plus élevée en 2012-2013 qu’en 2004-2007 pour les personnes de moins de 60 ans ou de 64 ou plus et correspondant à des valeurs de santé plus basses, ainsi que pour les personnes âgées de 56 à 64 ans auxquelles correspondent des valeurs de santé proches de la médiane et pour les personnes âgées de 64 ans auxquelles correspondent des valeurs de santé supérieures à la médiane. Encore une fois, les valeurs peuvent en théorie varier entre -1 et 1, mais se situent pour la plupart entre -0,1 et 0,3.

Figure 12

Différence en ce qui a trait à la participation au marché du travail selon l’âge et la santé telle que mesurée par la force de poigne, entre pays (ou groupes de pays) (référence : Europe-IVA élevé)

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Figure 13

Différence en ce qui a trait à la participation au marché du travail selon l’âge et la santé telle que mesurée par la santé mentale, 2012-2013 (IVA élevé soustraits à IVA modéré)

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Figure 14

Différence en ce qui a trait à la participation au marché du travail selon l’âge et la santé telle que mesurée par la force de poigne, 2012-2013 (IVA élevé soustraits à IVA modéré)

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Figure 15

Différence en ce qui a trait à la participation au marché du travail selon l’âge et la santé telle que mesurée par la force de poigne, entre les périodes 2004-2007 et 2012-2013

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Nous remarquons d’emblée la tendance vers une plus grande différence concernant les valeurs de santé se situant aux extrémités de la distribution (plus de deux écarts-types de part et d’autre de la médiane). Cependant, il faut interpréter avec soin ces différences, car les proportions correspondant à ces valeurs de santé sont plus sujettes à des fluctuations aléatoires étant donné le plus petit nombre d’observations sur lesquelles elles reposent. Nous notons tout de même des augmentations d’activité plus fortes concernant les personnes en moins bonne santé en Angleterre et dans les pays d’Europe avec IVA élevé et concernant les personnes en meilleure santé dans les pays d’Europe avec IVA modéré. Aux États-Unis, les personnes ayant fait les frais de plus fortes augmentations d’activité sont celles en moins bonne santé et plus jeunes, ainsi que celles en meilleure santé et plus âgées.

Figure 16

Différence en ce qui a trait à la participation au marché du travail selon l’âge et la santé telle que mesurée par la force d’expulsion d’air, entre les périodes 2004-2007 et 2012-2013

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Figure 17

Différence en ce qui a trait à la participation au marché du travail selon l’âge et la santé telle que mesurée par la santé mentale, entre les périodes 2004-2007 et 2012-2013

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Figure 18

Différence en ce qui a trait à la participation au marché du travail selon l’âge et la santé telle que mesurée par le test de la chaise, entre les périodes 2004-2007 et 2012-2013

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DISCUSSION

Les taux de participation au marché du travail ont connu une augmentation dans pratiquement tous les pays économiquement développés dans les deux dernières décennies (OCDE, 2017). Étant donné le vieillissement démographique de plus en plus rapide que vont connaitre les populations de ces pays, des actions sont prises afin de stimuler une participation encore plus élevée (OCDE, 2011 ; OCDE, 2016). Cependant, des questions ont été soulevées face à la capacité des personnes vieillissantes de demeurer toujours plus longtemps économiquement actives étant donné la détérioration de la santé avec l’âge. Dans ce contexte, le présent article s’est donné pour objectifs de documenter la disponibilité des données sur les mesures objectives de santé physique récoltées dans le cadre de la HRS et de deux de ses études soeurs (ELSA et SHARE) et de montrer le lien que ces mesures entretiennent avec la participation au marché du travail des personnes vieillissantes dans différents pays et à différents moment. Cet exercice s’est avéré avant tout descriptif, faisant appel à des outils visuels, soit les cartes thermiques (heat maps).

À partir de ces cartes, nous avons identifié certaines régularités. Tout d’abord, la proportion de personnes participant au marché du travail varie fortement selon la santé chez les personnes auxquelles correspondent des valeurs de santé plus faibles (inférieures à 1 écart-type en dessous de la médiane), alors qu’elle varie davantage selon l’âge chez les personnes auxquelles correspondent des valeurs de santé plus élevées (comme le montre la forme en «  » des isolignes dans les Figures 4 à 9). La façon dont l’activité varie selon la santé est semblable dans chaque région, à chaque moment et selon chaque mesure de santé (si ce n’est que les résultats du test de la chaise dans les pays d’Europe continentale qui prédisent moins bien la variation en termes de participation au marché du travail). Cette observation peut être mise en lien avec la littérature ayant étudié l’impact de la santé sur la décision de prendre sa retraite au niveau individuel. Au sein de cette littérature, l’importance de l’effet de la santé — face à d’autres facteurs tels que les incitatifs économiques — varie considérablement, allant de presque nul à prépondérant (French et Jones, 2017 ; Van Rijn et collab. 2014). Ces études ont eu lieu dans différents endroits et à différents moments, et ont utilisé différentes mesures de santé. Cependant, à la lumière de ce que l’on a observé ici, il semble plus probable que ce soit davantage l’approche méthodologique qui provoque une variation dans les résultats ; par exemple, elle peut être due aux différents modèles de régression utilisés ou aux différentes variables contrôle.

Nous avons vu que le niveau d’activité est plus sensible à la variation de la santé lorsque son niveau se trouve en dessous de la médiane. Les articles ayant modélisé l’impact de la santé sur la décision de prendre sa retraite au niveau individuel soutiennent souvent que cet impact est important (French et Jones, 2017 ; Van Rijn et collab. 2014). D’autres articles ayant étudié l’impact du point de vue de l’ensemble de la population (Boissonneault et de Beer, 2017 ; Milligan et Wise, 2015 ; Rehkopf et collab. 2017) soutiennent cependant que l’impact est petit. Les visualisations présentées ici permettent peut-être de réconcilier ces deux points de vue. Comme nous l’avons vu, il existe une variation assez forte de l’activité selon la santé, celle-ci passant du simple au double entre le niveau de santé le plus bas et les niveaux se trouvant au-dessus de la médiane. Toutefois, même parmi les personnes avec la santé la plus détériorée, toutes ne sont pas inactives. D’autre part, la population touchée par d’aussi bas niveaux de participation est très petite : cela concerne surtout les personnes avec une santé au-delà d’un écart-type en dessous de la médiane, voire au-delà de 2 écarts-types. Ces personnes, par définition, sont relativement peu nombreuses dans la population. Ainsi, une différence significative au niveau individuel n’entraine pas nécessairement de graves conséquences pour les niveaux de participation au marché du travail à l’échelle de la population.

Nous avons également présenté des visualisations comparant entre eux les différents pays (ou groupes de pays) à l’étude. Celles-ci ont mis en lumière les différences d’activité selon l’âge, mais n’ont pas soulevé de différences importantes selon la santé. Cette observation fait écho à celles faites à quelques reprises depuis la fin des années 1990 : la variation entre pays quant à l’âge moyen à la retraite est davantage attribuable aux différences dans les facteurs institutionnels (par exemple, l’âge auquel les prestations sont disponibles et leur générosité) que dans les autres facteurs influençant la retraite, tels que les différences en termes de santé entre les populations de ces différents pays (Blöndal et Scarpetta, 1999 ; Wise, 2012).

Enfin, nous avons présenté des cartes thermiques comparant chaque pays (ou groupes de pays) à deux points dans le temps (2004-2007 vs 2012-2013). En Angleterre et dans les pays d’Europe avec IVA élevé, les plus grandes améliorations en termes d’activité des personnes vieillissantes ont été réalisées par les personnes en moins bonne santé. Nous avons vu dans la section présentant le contexte qu’il s’agit de pays où des actions ont été entreprises afin de réduire l’accès ou l’attrait des programmes de prestations pour cause d’invalidité (OCDE, 2010). Ainsi, notre observation pourrait traduire ces changements. Une question importante est alors de savoir si ces changements sont dus au fait que des personnes se voient refuser l’accès à un programme de rente d’invalidité alors qu’elles sont méritantes, ou si l’accès au travail est effectivement meilleur chez les personnes avec incapacités grâce à des programmes d’intégration ou à des horaires plus flexibles, par exemple.

En contrepartie, dans les pays d’Europe avec IVA modéré, les plus fortes augmentations de l’activité économique ont été réalisées par les personnes en meilleure santé. Nous avons vu que ces pays ont connu une forte augmentation de la participation au marché du travail de leurs populations vieillissantes durant la période à l’étude. Par rapport aux pays européens avec IVA élevé, ces pays se caractérisent par une moins bonne intégration au marché du travail des personnes désavantagées du point de vue de leur santé (OCDE, 2010 ; OCDE, 2016). Une question intéressante est de savoir si, dans ces pays, l’incapacité à augmenter l’activité économique des personnes en moins bonne santé est attribuable à des barrières en route vers le marché du travail, ce qui ferait en sorte que seules les personnes en meilleure santé répondent aux changements dans les incitatifs économiques apportés par les gouvernements des pays concernés. Si cette situation s’avère, on pourrait assister à une augmentation des inégalités face à la retraite entre individus en bonne et moins bonne santé.

Nous concluons avec quelques commentaires sur la méthode utilisée dans le présent article. La technique utilisée ne permet pas d’établir de lien causal, ce qui réduit la substance que l’on peut tirer des analyses. De plus, nous n’avons pas étudié la façon dont la santé peut varier dans le temps et l’espace, ce qui peut également influencer la façon dont les taux de participation au marché du travail évoluent. Cependant, nous considérons que la technique a permis de faire une bonne description du lien entre la santé et l’activité économique. De plus, la méthode est souple et permet d’apporter des modifications qui permettent de répondre à différentes questions, par exemple sur les disparités entre pays et dans le temps. La HRS et ses études soeurs déjà en cours continuent de récolter des données sur la santé et le travail des ainés ; de plus, de nouvelles études calquées sur la HRS ont récemment vu le jour dans de nouveaux pays ou vont bientôt débuter. Ainsi, la méthode présentée ici pourra être mise à profit afin de comparer la situation du travail et de la santé des ainés dans un nombre grandissant d’endroits, à davantage de moments dans le temps et selon plus de mesures de santé. Cet exercice pourra contribuer à mieux comprendre le lien entre travail et santé dans le contexte des mutations importantes qui sont en cours autour du travail aux âges avancés.