Corps de l’article

Introduction

Le marché concret[1] bouscule nos cadres ordinaires d’analyse. Sur le plan temporel, il dit tout à la fois la longue durée (c’est une des pratiques commerciales les plus anciennes dans l’histoire), le temps court (la journée ou les quelques heures dédiées à la vente), et l’instantanéité (le bref moment de la transaction). Sur le plan spatial, les places marchandes ou les foirails furent, dans l’histoire, l’un des seuls lieux de rencontre entre gens des villes et gens des champs. Aujourd’hui encore, lorsque les producteurs sont présents, le marché donne à voir les multiples inscriptions matérielles d’une économie agricole locale. D’un point de vue économique, il souligne combien le geste anodin d’un échange monétaire constitue parfois l’aboutissement d’un système de production complexe et joue un rôle essentiel dans la constitution du revenu de l’agriculteur et la pérennisation de son exploitation. Enfin, d’un point de vue culturel, il instaure un événement qui se réitère chaque semaine, et établit un des rares lieux dans notre société où se croisent des gens de conditions et d’horizons différents.

La place marchande est donc un terrain de premier choix pour le sociologue ou l’anthropologue qui souhaite explorer une microsociété humaine. Une foule de détails aptes à rendre compte de la vie locale se donnent à voir. Les informations affluent. La disposition physique du marché, son installation, son ambiance, la répartition des vendeurs et des marchandises, la gamme des biens proposés, les objets concourant à l’animation, etc., tout cela renseigne sur la morphologie du marché. Les comportements des participants, les multiples discussions entre les uns et les autres, les nombreux savoirs, croyances et valeurs véhiculées ainsi que les activités annexes à l’acte de vente (jeux, animations) sont autant d’occasions de tisser des liens sociaux, fussent-ils éphémères. La dimension commerciale est bien entendu prépondérante et se déploie dans tous ses registres : les pratiques économiques, les techniques transactionnelles, les outils de communication. Enfin, la politique, au sens originel de polis (vie de la cité), y a toute sa place. Les marchés rythment la temporalité des villes et des communes. Les dispositifs pour en promouvoir la réussite ne manquent pas : dépliants, rubriques dans les sites Internet ou les bulletins d’information locale.

Cependant, la littérature anthropologique et sociologique française a minimisé la pluridimensionnalité de l’étude des foires et marchés au profit d’un débat toujours renouvelé entre l’économique et le non économique. Ainsi, nous discuterons les analyses qui privilégient, depuis les années 1960, la viabilité économique, la patrimonialisation et la fonction utilitaire des places marchandes.

Notre choix d’enquête s’est porté sur un petit marché concret d’agriculture biologique de la région des Combrailles, au nord-ouest du département français du Puy-de-Dôme, dans le Massif central, une région agricole bocagère spécialisée depuis les années 1970 dans l’élevage des charolaises, vaches à la robe blanche destinées à la production de viande. La création du marché en 2011 est l’oeuvre d’une association regroupant des producteurs et des consommateurs de produits biologiques. C’est autour du fonctionnement de ce collectif que nous avons concentré nos observations et analyses. Nous avons constitué un carnet de terrain, notant ce que nous entendions et observions à partir d’une présence régulière de l’un d’entre nous durant une année, et avons réalisé des entretiens plus approfondis auprès d’une organisatrice et de quatre agriculteurs.

Dans le cadre de cet article, nous nous sommes limités à l’analyse des données concernant les producteurs et les membres-consommateurs de l’association[2]. En effet, les premiers résultats ont mis en relief la richesse des échanges entre ces deux groupes. Ceux-ci ne se limitaient pas à la manifestation d’un bien-être ensemble, même si la convivialité était décrite comme essentielle au bon fonctionnement du marché. D’autres considérations entraient en ligne de compte, donnant à voir et à entendre des comportements et des discours se rapportant à l’activité agricole du territoire dans lequel le marché est inséré. Nous nous proposons d’analyser ce cheminement. Nous rappelons en préalable les catégories univoques qui président à l’analyse des places marchandes dans la littérature française en sciences sociales. Le choix des textes francophones auxquels nous nous référons obéit à un objectif d’analyse déployé dans une perspective diachronique : le rôle des foires et marchés dans l’analyse de l’évolution de l’agriculture française des cinq dernières décennies. C’est ensuite à partir d’un travail de terrain que nous questionnons les dynamiques du collectif en agriculture biologique. Celles-ci relèvent, d’une part, d’une interaction entre les dimensions fonctionnelles et réflexives du lien social à l’oeuvre sur ce marché concret et, d’autre part, de l’implication des membres de l’association dans un débat renouvelé sur le devenir de l’agriculture au sein d’un territoire rural.

Le marché concret : de l’économique, du culturel, du circuit court ?

Dans un ouvrage publié en 1982, Bronislaw Malinowski et José de la Fuente montrent tout l’intérêt scientifique d’une recherche de terrain, effectuée durant l’année 1941, consacrée au marché paysan d’Oaxaca (Mexique) pour analyser les changements sociologiques, économiques et agronomiques de la société rurale du pays. Pour ces deux auteurs, la place marchande peut aussi s’avérer un excellent observatoire de la traduction des résistances et des acceptions du processus de « modernisation » en cours ou à venir dans l’agriculture.

C’est à cette tâche que s’est attelé un numéro de la revue Études rurales consacré à l’étude des places marchandes, numéro regroupant ethnologues, sociologues, historiens, géographes et économistes. Intitulé « Foires et marchés ruraux en France » et coordonné par Isac Chiva (1980a), cet ouvrage analyse le tournant majeur des regards portés sur ces formes de commercialisation à la fin des années 1970. À sa lecture, nous constatons un déplacement des thématiques et une analogie structurelle entre la perte de l’influence de l’agriculture dans la société française, liée à la fin de la société paysanne, et l’émergence de nouvelles formes d’échanges marchands impliquant davantage les populations des villes. Deux chapitres sont significatifs d’une évolution qui montre un système de transactions organisé autour de l’agriculteur (Wackermann 1980) se transformant peu à peu, durant les années 1970, en un système organisé par et autour de « l’acheteur » avec l’émergence de nouvelles formes de commercialisation (Azémar et de La Pradelle 1980).

Ce changement de paradigme recoupe les césures habituellement rencontrées dans la littérature entre l’agriculture « traditionnelle » ou paysanne, d’une part, et l’agriculture « moderne » ou industrialisée, d’autre part, davantage insérée dans l’économie capitaliste. La viabilité économique des foires et marchés ruraux, historiquement intrinsèquement liés à la petite paysannerie, est questionnée au regard du développement des marchés abstraits (Wackermann 1980). Mais Wackermann reconnaît « la nécessité du maintien des marchés physiques » sous une forme modernisée (ibid. : 19). Le mot « physique » revêt ici une importance majeure : autre qualificatif du marché concret, il signale la forte dimension relationnelle et la convivialité qui lui est attachée, lesquelles sont à la base de la pérennisation des marchés, écrit-il à la fin de son article.

L’approche plus culturelle adoptée dans les travaux de Michèle de La Pradelle (1996) inaugure une nouvelle période dans l’analyse des marchés concrets. Son parti pris est de ne pas se satisfaire d’un travail descriptif de l’économie du marché et de privilégier une analyse en termes d’identité culturelle, de sociabilité. Si le marché a désormais un rapport distancié avec la réalité du monde agricole local, alors sa vérité est toute entière dans les liens concrets, les échanges d’idées, les circulations de personnes et les émotions, le tissage social et culturel qui se produit entre vendeurs et clients. Cette recherche qui s’appuie sur un matériau ethnographique de grande qualité fait date, et des travaux récents se réclament de cet héritage (Bétry 2003 ; Sélic 2006).

Une forme de retour à des préoccupations plus agroéconomistes se fait jour depuis la seconde moitié des années 2000. Elle est portée par une littérature consacrée aux circuits courts. Yuna Chiffoleau (2012) rappelle la diversité de ces modes de commercialisation. Elle recense une quinzaine de pratiques de circuits et de ventes directes menées à l’échelle individuelle ou collective qui empruntent, soit à des structurations éprouvées par le passé, soit à l’utilisation des technologies de communication récentes (Chiffoleau 2008). Dans son propos, le marché concret relève d’un type traditionnel « inscrit dans l’histoire de l’agriculture et des régions » (Chiffoleau 2012 : 88). L’auteure démontre l’intérêt des circuits courts à travers la notion de réseaux qui, écrit-elle, « fondent les marchés comme vecteurs d’intégration » (ibid. : 90). Celle-ci englobe à la fois des consommateurs – qui trouvent dans ces modes d’échanges directs des solutions à leurs préoccupations en matière de santé, d’information sur l’origine des produits, de valorisation d’un patrimoine agricole et culinaire local –, et des producteurs – qui, répondant à cette demande, améliorent la plus-value réalisée sur leurs produits et renforcent le potentiel agronomique de leurs exploitations. De plus, d’autres intervenants sociaux (associations, collectivités territoriales, institutions de développement) peuvent participer à des projets de mise en oeuvre de ces filières en circuits courts. Les réseaux ainsi établis « motivent un grand nombre de projets, marchands ou de développement, au Nord comme au Sud » (Chiffoleau 2012 : 91).

La succession des approches privilégiant les dimensions économiques, culturelles ou socio-commerciales traduit les changements de paradigme de la prise en charge de la question agricole dans la société française depuis les années 1960. L’importance démographique des agriculteurs jusque dans les années 1970 donnait aux marchés concrets valeur de vitrine d’une économie et d’une sociabilité locales. L’intérêt croissant, durant les années 1980, des populations urbaines pour l’authenticité et le terroir, conjugué à la mode du « patrimonial », a participé au déplacement d’une minimisation du rôle agro-économique des marchés vers une vision plus culturelle et sociale. Enfin, dans la foulée des crises sanitaires et environnementales frappant certaines filières agricoles durant les années 1990, les pratiques de commercialisation et de production à proximité, qui se sont développées à partir des années 2000, sont perçues comme sécurisantes par les consommateurs.

Les limites des analyses présentées ci-dessus tiennent au fait qu’elles hiérarchisent les comportements individuels et collectifs en accordant le primat, soit aux grandes évolutions de la vie matérielle, soit aux spécificités identitaires locales. Dès lors, l’économique laisse une place, par négation, à tout ce qui est « non économique », c’est-à-dire à « quelque chose d’autre, d’inconnu, et que l’on pense occupé par un vague “social” » (Maho 1980 : 65). À l’inverse, l’accent mis sur les dimensions culturelles ou socialisées tend à faire du « petit marché » un simple avatar ou un lieu d’expression d’une recherche d’autonomie par rapport au « grand marché » ; avatar lorsque l’« on s’imagine que l’économique est la vérité de toute situation d’échange » (De La Pradelle 1996 : 10) ; recherche d’autonomie lorsque l’on tente de s’affranchir des effets de domination inhérents à l’avancée du capitalisme dans les campagnes en promouvant la valorisation d’une économie locale censée résoudre à elle seule tous les maux d’une agriculture en crise.

À la dichotomie différentielle susceptible d’être induite par les travaux auxquels nous avons fait référence, nous préférons une approche par la question du lien social, et ce, pour deux raisons. L’une, concrète, tient au constat tiré de nos recherches empiriques. Les observations comme les entretiens mettent en évidence les plus-values apportées par les relations entre les individus participant au marché. Nous montrerons comment ces dernières s’articulent à des manières de penser l’agriculture locale, mais touchent également à des considérations éthiques plus globales. L’autre, plus théorique, tient au fait qu’au-delà des accentuations thématiques et des partis-pris, la littérature en sciences sociales que nous avons consultée est traversée, à des degrés divers, par la question du lien social. Mais celui-ci n’est pas reconnu à sa juste valeur, que ce soit pour dire sa prépondérance dans la reconnaissance de la persistance historique des marchés concrets ou pour en faire le principe explicatif de dynamiques culturelles ou relationnelles innovantes en milieu rural, comme s’il allait de soi.

Les mercredis de Loubeyrat[3]

En ce mercredi d’avril 2015, à 16 h 30, s’ouvre le marché de Loubeyrat, commune située à 26 kilomètres au nord-ouest de Clermont-Ferrand, dans la région agricole des Combrailles. Ce jour-là, Julien, maraîcher, aligne ses cageots de légumes de saison – pommes de terre, mesclun, radis noirs, mâche, salade frisée, chou rave – sur des tables prêtées par la commune. Il branche à la hâte la balance électrique. Il faut aller vite, les premiers acheteurs font la queue. Son étal occupe la première largeur d’une disposition rectangulaire du marché. Sur la longueur adjacente se tient Rémi, producteur de fromages frais de brebis et de vache. Il est installé dans l’Allier, un département voisin. Marianne, éleveuse dans les Combrailles, se tient à ses côtés. Aujourd’hui, elle prend les commandes des cartons de 5 ou 10 kg de boeuf qu’elle livrera sur le marché dans trois semaines. Vient ensuite Odette, une bénévole, trésorière de l’association Marché bio de Loubeyrat. Elle écoule la production d’oeufs d’une éleveuse d’un département voisin, la Creuse, à l’est des Combrailles. À sa suite, Nicole, d’allure altière, propose les huiles de colza et de tournesol ainsi que la farine d’un céréalier local tout en distribuant tracts, prospectus et journaux locaux liés aux luttes politiques et aux préoccupations environnementales dans le milieu rural local et régional. Elle est à l’origine de la création du marché et est présidente de l’association. Bernard, mari d’Odette, clôt cette première longueur. Il se charge de la vente du vin Saint-Pourçain, issu du vignoble d’Appellation d’origine contrôlée (AOC) du même nom, situé dans le sud du département de l’Allier, au nord des Combrailles. Sur la seconde largeur se trouve Bernadette, bénévole également, qui distribue les fruits fournis par une plateforme régionale de distribution de produits biologiques. Elle note les commandes des clients d’une semaine sur l’autre. La dernière longueur de la disposition rectangulaire du marché est constituée de Philippe, producteur laitier et fromager. Son exploitation se situe à 40 km de Loubeyrat, dans le Massif du Sancy. Il propose une tomme et une fourme de sa fabrication. Certains clients lui achètent du lait frais. À ses côtés, Juliette, jeune éleveuse, inscrit les commandes pour ses colis de viande de veau de race aubrac, et vend au détail du porc élevé en plein air.

Tous les deuxièmes mercredis de chaque mois se tient le « marché festif ». À cette occasion, le nombre d’étals augmente sensiblement et tous les producteurs membres du collectif sont présents. Aux habitués s’adjoignent Pierre ou Chantal, viticulteurs, Florence, productrice de bière à Clermont-Ferrand, Baptiste avec ses pommes, Françoise avec ses sorbets et confitures, Yann le pisciculteur, Béatrice, éleveuse de volailles, Armelle et ses plantes médicinales, ou encore Virginie, productrice de safran. Une animation accompagne le temps du marché. Ainsi, nous avons pu assister à des concerts, des dédicaces d’ouvrage, une exposition de peinture, des bourses de vêtements ou d’objets, une pêche à la ligne mise en place par le pisciculteur. Ces moments sont organisés par les bénévoles. La bonne ambiance est tangible. Nicole circule d’un stand à l’autre, offre un verre de jus de fruit aux agriculteurs. Les producteurs font leurs courses aux étals voisins. Les discussions vont bon train entre eux et les clients. C’est l’occasion de faire connaître les produits, le métier. La fête continue après le marché. Une table est dressée où se retrouvent producteurs et bénévoles. Chacun apporte un met de sa fabrication. C’est parfois l’occasion de tester une innovation de l’un ou l’autre : une nouvelle variété de bière, un nouveau fromage. Ce repas est souvent cité par les agriculteurs comme un élément clé de ce marché, car il permet d’échanger des informations sur le métier et de se rencontrer entre producteurs de filières différentes.

Ce sont les marchés festifs qui boostent le marché parce qu’on a tous les producteurs qui viennent et qui proposent des dégustations, ça permet aux gens qui achètent de voir les producteurs, de mettre un visage sur les produits […] ; ça permet aux producteurs de manger ensemble et de discuter après le marché.

Julien, maraîcher

Les premières impressions ressenties en fréquentant ce marché et les informations obtenues par la suite confirment l’importance du lien fort entre les producteurs, entre les producteurs et les bénévoles, et entre certains consommateurs et l’ensemble du groupe. Ce lien direct est revendiqué par les producteurs comme une particularité de ce marché par rapport à d’autres formes de vente directe jugées plus anonymes.

Je trouve le marché beaucoup plus convivial qu’une Amap[4], ça n’a rien à voir. Au marché les gens prennent le temps de faire leurs courses et le temps de discuter. La livraison en Amap est chronométrée. 

Juliette, éleveuse de bovins (viande) et de porcins

Nous observons ce que Pharo (2002 : 308) nomme « les relations fonctionnelles de caractère physique » comme une des dimensions du lien social. Celles-ci sont en quelque sorte exacerbées durant le temps des marchés. Malinowski et De la Fuente (1982 : 61) parlent, à propos du marché d’Oaxaca, d’« un musée éphémère et dramatique d’un jour » pour évoquer ses différentes fonctionnalités (une vitrine de l’histoire agricole locale, une organisation spécifique de l’espace urbain durant quelques heures, un enjeu vital de la vente pour les paysans). Dans un registre plus contemporain, Jean-Pierre Sélic (2006) présente les deux marchés urbains de Saint-Étienne qu’il a étudiés en tant qu’anthropologue comme de véritables lieux publics, avec leurs sociabilités et leurs processus de communication, momentanément construits et régulièrement reconstruits.

Mais nous avons montré comment les relations entre les individus impliqués se prolongent au-delà des deux heures de la tenue de la place marchande. Les échanges ne se limitent pas à la manifestation matérielle du marché. Des discussions et des débats se tiennent lors des repas entre producteurs et bénévoles. Cet aspect renvoie à une deuxième dimension du lien social que Pharo définit comme morale, éthique ou civique, et qui se traduit par des « relations plus réfléchies d’ajustements réciproques par des considérations logiques ou morales » (Pharo 2002 : 308). Nicole résume ainsi les thématiques abordées lors de ses repas ou lors de discussions plus informelles sur le marché : « On parle de l’alimentation, de la protection de la planète, de la façon de vivre en fonction de ce qu’on trouve sur place ». Le bien-être ensemble est primordial, mais il ne garantit pas à lui seul le ciment social et la permanence du marché dans le temps. Si la réussite du marché de Loubeyrat est attestée, cela tient au rôle important des bénévoles engagés, avec les producteurs, dans un projet réfléchi fait d’idéaux et de comportements pro-environnementaux partagés. Il résulte également de la mise en oeuvre par les membres de l’association d’un appareillage critique de modèles agricoles et commerciaux localement dominants.

Repenser un territoire agricole

Le marché de Loubeyrat est entièrement consacré à l’agriculture biologique. Le cas n’est pas fréquent dans le Puy-de-Dôme où nous relevons, en 2014, à l’échelle du département, quatre marchés alimentaires biologiques ouverts toute l’année et un seul durant l’été.

Offrir l’ensemble des variantes culinaires fut l’un des enjeux majeurs lors de sa création. Une vingtaine de familles d’aliments disponibles autorisent la constitution de repas entiers[5]. De manière implicite, cette diversité renseigne beaucoup sur l’histoire agricole locale des cinquante dernières années. Nous avons peine à imaginer la présence dans le paysage agricole des Combrailles d’une telle palette de production marchande de biens alimentaires. Certes, la région est restée, jusqu’au début des années 1970, une zone de polyculture encastrée entre deux grandes entités très spécialisées depuis le premier tiers du XXe siècle : le bocage bourbonnais avec sa race bovine à viande au nord (les blanches charolaises), et la région des Monts-Dore et du Massif du Sancy au sud, terre d’altitude où se rencontre la vache laitière. Christian Mignon et Pierre Vitte (1987) rappellent que la présence des grandes aciéries des Ancizes, au coeur des Combrailles, a participé à la viabilité des petites exploitations agricoles où la pluriactivité était la règle. Mais la situation évolue brusquement durant la décennie 1970-1980, comme en témoigne le recensement général de l’agriculture de 1981. Sous l’effet conjugué du rajeunissement des agriculteurs et d’un exode rural se produit un phénomène de concentration, de spécialisation et d’intensification des exploitations (ibid.). L’élevage laitier est abandonné, au même titre que celui du veau de boucherie. Le choix se porte sur le modèle développé dans le département voisin de l’Allier : l’élevage de bovins à viande. À partir du début des années 2000, la transformation des structures d’exploitation est avérée. Ainsi, dans le canton de Saint-Gervais-d’Auvergne, le dernier recensement général décennal de l’agriculture, mené en 2010, fait état des résultats suivants : 53 % des exploitations élèvent des bovins à viande constitués en très grande majorité de charolaises ; 9,8 % des bovins à lait ; 7,6 % des bovins mixtes ; 10,1 % des ovins, caprins et autres herbivores. Les céréales se cultivent dans 1,2 % des exploitations. Un maigre 0,6 % des exploitations perpétuent l’ancien système de polyculture et d’élevage (Agreste 2010). Au-delà de la petite région des Combrailles, l’agriculture du département du Puy-de-Dôme se caractérise par la présence de bassins spécialisés : le lait en milieu montagnard (Massif du Sancy, Livradois-Forez) et les céréales en plaine de Limagne.

Les producteurs du marché de Loubeyrat sont éloignés des grandes tendances présentées précédemment, et ce, à plus d’un titre. Ils proposent sur les étals des produits qui ne sont pas « représentatifs » du modèle dominant dans cette région, soit le bovin charolais. Les légumes, les plantes aromatiques et médicinales, les oeufs, le porc, les volailles, les fromages de vache, brebis ou chèvre, les fruits rouges, le miel, les pommes, les poires, la vigne, les céréales transformées en huile ou farine dérogent à la règle. Et lorsque nous trouvons de la commercialisation de bovins à viande, celle-ci se fait en biologique et les bêtes sont de races aubrac et ferrandaise, peu élevées en Puy-de-Dôme. Ces agriculteurs ou agricultrices recourent à la diversification de leur activité : Juliette accueille des groupes scolaires, et Nicole des adultes en situation sociale précaire, indice de l’importance des engagements civiques de nombre de producteurs dans des associations professionnelles, caritatives ou culturelles.

Mais un enjeu majeur soulevé par l’ensemble des producteurs lors des entretiens concerne la commercialisation en circuits courts. Tous signalent la dimension « chronophage » de cette activité. L’exemple le plus représentatif est celui de Jean, le céréalier, qui affirme passer 80 % de son temps à la vente de ses farines et de ses huiles (marché de Loubeyrat, Association de maintien de l’agriculture paysanne, salons ou foires occasionnels, vente directe à la ferme), condition nécessaire pour continuer à vivre de son métier. Six bénévoles suppléent ponctuellement ou plus régulièrement les producteurs-vendeurs lorsque ceux-ci ne peuvent pas se rendre au marché. Ainsi, la vente des oeufs, du vin, des farines et des huiles alimentaires, des plantes aromatiques et des fruits est assurée par ces aides. Ce fonctionnement est apprécié des producteurs concernés qui bénéficient ainsi d’un gain de temps pour se consacrer à d’autres tâches. Cette implication des bénévoles est saluée comme un soutien de première importance.

Les conceptions défendues par les membres du collectif servent une exigence de reproduction sociale des exploitations agricoles. Ces dernières sont dans leur grande majorité de petites structures tenues par des jeunes. Les choix agronomiques sont en dehors des voies généralement rencontrées dans la région. Concernant le marché proprement dit, les considérations fonctionnelles sont de plusieurs ordres. Pour les producteurs, le marché leur permet de se sentir épaulés par les bénévoles et les consommateurs, et constitue un lieu où ils peuvent parler de leur métier. Quant aux membres de l’association, ils trouvent là un moyen de se solidariser d’un projet agricole alternatif et de diffuser des informations pro-environnementales. Ces différentes déclinaisons du lien social ne relèvent pas d’un artifice discursif « non économique ». Elles agissent comme un levier matériel complémentaire, au même titre que de la plus-value financière retirée de la vente sur le marché par exemple, pour faciliter l’installation d’une nouvelle génération. Nous allons analyser dans quelle mesure la même relation de complémentarité, ou de contradiction, entre lien fonctionnel et lien réflexif agit pour réduire les aléas économiques.

Reformuler et expérimenter des attendus économiques

Appropriation de la question des aides

Nicole raconte en ces termes le contexte qui a présidé à la création du marché :

Ça s’est fait bizarrement, en fait je suis consommatrice bio depuis très longtemps et j’ai appris que dans mon village [voisin de Loubeyrat] un jeune maraîcher bio s’installait […] je suis allée le voir et on a discuté, j’ai appris qu’il avait des difficultés à mener de front son installation et la vente aux particuliers, il passait énormément de temps à la distribution. On a réfléchi à une solution et l’idée d’un marché a germé.

Nicole

À sa fondation en 2011, le marché compte sept membres. L’association est de type Loi 1901[6]. Nous y rencontrons des consommateurs et des agriculteurs qui produisent en biologique. Cette modalité ne souffre d’aucune exception. Le budget issu des cotisations est intégralement réservé à des opérations de promotion du marché (rédaction de prospectus, organisation d’animations lors du marché festif mensuel).

La coopération entre les producteurs et les membres de l’association a été prépondérante lors du lancement du marché. Diverses compétences ont été mobilisées. Julien a mis à profit sa formation antérieure d’agent commercial pour réaliser une étude de faisabilité.

On a fait des offres de chalandise à 5, 10, 15 km, des distributions de prospectus pendant un an[7] ; il y a eu du boulot, on était cinq à six bénévoles. Chaque client repartait avec trois ou quatre petits dépliants et on leur demandait de les distribuer à des connaissances.

Julien

Le jour de tenue du marché est fixé au mercredi. Le choix de ce jour répond à deux considérations. D’une part, il se tient ainsi en dehors des jours de marché des villes importantes voisines (Riom, Châtel-Guyon, Cébazat). D’autre part, il permet aux mères d’y emmener leurs enfants : « le mercredi après-midi, ça permet aux mamans de venir avec les enfants, c’est bien que les enfants soient sensibilisés au bio » (Nicole)[8]. La plage horaire, 16 h 30-19 h, facilite la présence de personnes qui travaillent à l’extérieur du village. Durant les deux premières années de fonctionnement, Nicole et Odette multiplient les événements de communication. L’une anime des émissions de cuisine biologique sur la chaîne France bleue Auvergne. L’autre réalise des entrevues dans le journal régional La Montagne. Un journal local, Le Trou des Combrailles, est sollicité pour faire connaître l’existence et l’intérêt d’un marché biologique à proximité. Nicole s’est en grande partie chargée du recrutement des producteurs. Elle consomme des produits biologiques depuis plus de 20 ans et n’achète pratiquement rien en grande surface. Cela l’a amenée à construire un réseau avec les producteurs locaux chez qui elle s’approvisionnait pour sa propre consommation. Elle est aussi membre de la première heure de l’association Bio 63, créée en 1994 avec pour objectif de défendre et développer l’agriculture biologique dans le Puy-de-Dôme (qui porte le numéro 63). À cette occasion, elle a rencontré des producteurs et des consommateurs susceptibles de participer au projet.

En nous appuyant sur les travaux du psychologue social[9] Shalom S. Schwartz (2006), nous pouvons affirmer que le mode de fonctionnement du marché, plus précisément l’implication des producteurs et des bénévoles, renvoie à la valeur de « sécurité » et à un comportement fondé sur « la réciprocité des faveurs ». Par sécurité, il faut entendre dans notre cas de recherche la garantie des revenus des producteurs. Nous avons souligné comment le marché a pu constituer un coup de pouce pour le démarrage de l’activité. L’instigatrice du projet rappelle d’ailleurs que l’objectif qui a présidé à la création du marché « était de tendre la main à tous ceux qui se mettaient en bio », citant huit jeunes (cinq femmes et trois hommes) nouvellement installés qui vendent au marché de Loubeyrat. De leur côté, les bénévoles réalisent de manière concrète leur souhait de soutenir et de promouvoir la consommation de produits biologiques. Leur engagement dépasse le cadre du biologique pour s’étendre à la cause environnementale. En effet, le marché est un lieu où circulent, à l’initiative des bénévoles, des informations orales et écrites sur les causes environnementales.

Les coups de main apportés par les bénévoles sont en rupture avec le système traditionnel de l’aide en agriculture, véritable clé de voûte de l’agriculture européenne. Après les décennies 1960-1970, qui ont vu s’instituer un système de soutien aux revenus (avec la fixation de montants compensatoires), les subsides européens ont été attribués sur des critères de productivité orientés par filières. Aujourd’hui, avec les Droits à produire uniques (DPU), une réorientation est amorcée. Les DPU sont accordés par l’Union européenne aux exploitations à partir de modes de calcul découplant les conditions d’obtention des résultats productifs. Dès lors, les subventions sont soumises à des critères environnementaux, à des localisations géographiques, et à la taille de la ferme.

La pratique observée à Loubeyrat constitue un exemple original. Il s’agit d’une forme de soutien au prix puisqu’elle assure la rentrée de numéraire grâce à une garantie de consommateurs régulièrement présents du fait de l’offre diversifiée des produits, elle-même rendue possible grâce à l’engagement de bénévoles. La différence importante avec les « distributions » financières classiques est l’engagement citoyen des individus qui entourent les agriculteurs. Producteurs et bénévoles s’approprient ainsi localement la reformulation de la question des aides.

Appropriation de la question de la concurrence

Un mercredi d’avril 2014, un nouvel étal fait son apparition sur le marché. Nous pensions qu’il s’agissait d’un de ces agriculteurs qui vient ponctuellement vendre un surplus ou un bien unique. C’est parfois le cas de Roger, maraîcher à Volvic qui propose, pendant deux ou trois semaines d’affilée, des choux fleurs ou des salades. Ou bien de Frédéric, cueilleur occasionnel, qui fournit l’ail de l’ours au printemps. Nous comprenons rapidement que Bastien et sa mère ne sont pas « comme les autres ». Le fils propose, en plus des légumes de saison, des oranges, des pamplemousses et des tomates, autant de produits exotiques ou non présents dans les cultures au mois d’avril. Sa mère commercialise des cosmétiques et des produits d’entretien. En fait, ils sont revendeurs. Or, la règle est d’accueillir des producteurs. Lors de discussions sur le pourquoi de cette situation, nous sentons une certaine tension entre un des agriculteurs et une des bénévoles, le premier arguant que leur présence apporte une diversification des biens proposés aux clients, la seconde invoquant la règle de non-concurrence au sein du marché, règle intangible selon elle. En effet, Nicole rappelle que la présence de deux stands de légumes est un risque de mise en compétition au niveau des prix. Selon elle, la question de la fixation des prix par les producteurs répond à la nécessité d’une rétribution de leur travail « au plus juste ». En effet, nous avons vu dans les paragraphes précédents en quoi le prix payé par le consommateur constitue une forme de soutien à la production.

Cet épisode « marginal » lors du marché est intéressant dans la mesure où il signale le souci de ne pas créer de situation de concurrence sur les prix. C’est en ce sens que la présence de deux agriculteurs pratiquant les mêmes cultures ou élevages n’est tolérée qu’à titre exceptionnel dans les statuts de l’association. Or, dans le cas présent, le souci d’apporter une offre supplémentaire aux consommateurs peut entrer en contradiction avec une dimension réflexive menée au sein de l’association sur le principe de non-concurrence. Celui-ci, de manière insidieuse, interroge les fondements mêmes de l’économie agricole tels qu’ils sont aujourd’hui admis dans la société française. Rappelons-en les termes. Une « bonne » économie agricole est celle qui propose une alimentation à prix bas et qui satisfait aux objectifs de rentabilité de l’exploitation ; laquelle passe par la spécialisation des productions, la concentration des terres et la compétitivité entre agriculteurs. Nous avons vu comment les agriculteurs du marché biologique reformulent d’autres attentes concernant la spécialisation et la concentration. À travers les attitudes présentées dans le paragraphe précédent, nous voyons aisément comment l’impératif de la concurrence est remis en cause. Les entretiens nous apportent des éléments de compréhension supplémentaires. Julien justifie la nécessité d’une non-concurrence, entendue comme l’absence de plusieurs producteurs d’une même filière, en ce qui a trait à la question du prix de vente :

On a un marché où l’on ne veut pas de concurrence tout en sachant que l’on a un prix moral, on ne reste pas le moins cher pour dire je suis le moins cher, mais on reste dans un prix où l’on ne considère que la production de ce que l’on vend ; moi, quand je pars du marché, il ne me reste rien à vendre.

Julien

En interrogeant plus en avant Julien, nous comprenons qu’il signifie par cette phrase appliquer le prix le moins cher, selon lui, car il n’a pas de perte. Son prix de vente n’est pas fixé en fonction d’une recherche de captation de la clientèle par rapport à un autre vendeur de produits identiques. Lors de cette discussion, Nicole renchérit en ces termes : « si on introduit la concurrence, ça va être la course au prix bas et on coulera des producteurs ».

Cette appropriation de la question de la fixation du prix est fréquemment présentée par les protagonistes du biologique sous un angle moral : le prix de vente est celui du prix du travail et il intègre les coûts « indirects » (de santé par exemple) que négligent les prix de l’agriculture conventionnelle. Mais cette conception n’intègre pas le prix social du produit. La non-concurrence, sur un petit territoire déterminé, garantit aussi la viabilité des exploitations et le revenu des agriculteurs. L’exemple est fort bien analysé par Paul Jorion (1983) dans son article sur l’« Effet attracteur de la performance économique moyenne dans un village de pêcheurs… ». À partir d’un ensemble de données comptables recueillies auprès de douze pêcheurs de l’île de Houat durant un an et d’une généalogie des familles, Jorion a étudié les corrélations entre la production et les consommateurs qui en dépendaient. Sa conclusion est la suivante : dans un contexte de biens limités, dans son cas un certain volume de pêche possible, les individus privilégient des options de nombre de casiers relevés adaptées à un niveau de vie moyen. Jorion (1983) parle d’effet attracteur de la moyenne dans la mesure où au sein d’un petit territoire, la taille du gâteau économique étant limitée, si quelqu’un s’accapare un volume important des biens, il reste d’autant moins de gâteau à se partager. La thèse de l’adoption de comportements collectifs non concurrents traverse des textes sociologiques et économiques d’importance (Foster 1965 ; Sahlins 1972 ; Tchayanov 1990 [1925]), mais a fait l’objet d’une relative marginalisation au cours du XXe siècle jusqu’à être considérée comme une caractéristique d’une agriculture traditionnelle ou de pratiques relevant de sociétés non industrialisées. La recherche de Jorion apporte un démenti à ces clichés. Dans le même ordre d’idées, les thèses de la « repaysannisation partielle » des sociétés occidentales soulignent la prégnance de la question de la non-concurrence, liée à celle de la recherche d’autonomie, qui ensemble offrent des formes d’agricultures alternatives (Buhler et al. 2010).

La ressemblance avec la situation observée à Loubeyrat est évidente. Dans un contexte d’émergence du biologique dans un territoire restreint, les agriculteurs ont tout intérêt à proposer une diversité des productions et à éviter une course à la captation de la clientèle par une stratégie d’agrandissement des exploitations et une politique de prix bas. La survie de la « ressource » biologique est à protéger. La concurrence est déjà réelle avec le biologique « venu d’ailleurs » proposé dans les grandes surfaces avoisinantes. Le fait n’est pas anodin. L’une des critiques les plus acerbes apportées au projet de traité constitutionnel européen de 2005, traité rejeté par les Français cette année-là lors du référendum du 29 mai, portait sur l’article premier, lequel stipulait « la concurrence libre et non faussée » au sein du marché intérieur de l’Union européenne[10]. Les opposants de gauche à ce traité pointaient le risque majeur de ce principe pour les services publics français et le tissu industriel, agroalimentaire compris. C’est un peu de ce débat que nous retrouvons à l’échelle du marché de Loubeyrat. Les discussions autour du grand Marché européen lors des élections européennes rejoignent, dans d’autres mots, celles du petit marché des Combrailles. Mais dans les deux cas, elles témoignent d’une vitalité démocratique et, pour ce qui est de notre marché, d’une volonté d’agriculteurs et de non-agriculteurs de s’approprier, concrètement et dans la pratique, le débat sur une règle économique qui est la clé de voûte de l’économie agricole capitaliste européenne et mondiale de ces cinquante dernières années.

Conclusion

En nous appuyant sur les travaux de Pharo (2002), nous avons mis en évidence deux dimensions du lien social. Un lien « physique », qui se donne à voir à travers la convivialité, le plaisir de se retrouver et de discuter, les émotions, la réalisation concrète des entraides. Mais l’analyse des entretiens, l’observation et la participation à des discussions ont également mis en exergue une autre direction du lien social, plus réflexive et éthique, qui porte sur de nouveaux attendus de l’agriculture combinés à une critique du modèle dominant aux échelles locale, nationale et européenne. Ainsi, les producteurs du marché ont élaboré, pour tout ou partie, des pratiques alternatives à la spécialisation du territoire, au système des aides et à la compétition professionnelle.

Nous dépassons la contradiction entre l’économique et le non économique vu comme un avatar au profit d’une approche réflexive. Celle-ci entremêle bilan critique de l’histoire agraire locale, débats sur l’enjeu de la fixation des prix et sur les modalités idéologiques de la mise en concurrence des ressources produites sur un territoire. Le marché concret devient alors, dans la lignée du voeu formulé par Malinowski et De La Fuente (1982), un véritable observatoire des changements agricoles.