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1. Introduction

Les industries textiles utilisent de larges quantités d’eau et de produits chimiques dont les colorants synthétiques. Ces derniers ont été élaborés pour être résistants aux conditions environnementales telles que la lumière, la température, l'attaque microbienne ainsi que les agents oxydants, rendent les traitements biologiques difficilement applicables et leur élimination des eaux résiduaires, basée sur la floculation par le sulfate ferreux et la chaux, n’est pas toujours efficace (EXTREMERA et al., 2012; GUO et al., 2013). Les eaux usées sont ainsi souvent fortement chargées en colorants (NI et al., 2007; DOS SANTOS et al., 2013). Cela pose problème en particulier dans les pays qui, ayant des ressources hydriques limitées, utilisent les eaux usées pour l’irrigation (BEGUM et al., 2011; GUMEL et al., 2015). Les colorants atteignent les sols et s’y accumulent. La toxicité pour les végétaux et la microflore du sol ainsi que le transfert dans la chaîne alimentaire après mobilisation par la plante sont, à moyen et long terme, des risques écologiques majeurs (BASCIALLA et REGAZZONI, 2008; MITTAL et al., 2009; BEN MANSOUR et al., 2011; GUO et al., 2013).

Dans cette étude le colorant considéré est le rouge de chlorophénol, un composé de la famille des phénolsulfonephtaleines substituées. Les sulfonephtaléines ont pour structure chimique de base celle du triphénylméthane (KHAN et NAZIR, 2015). La plupart d’entre elles possèdent la particularité d'être colorées, voire de changer de couleur en fonction du pH. Ces caractéristiques leur permettent d'être utilisées à la fois comme indicateur de pH, comme colorant dans l'industrie, ou comme colorant cytoplasmique (YOU et al., 2006; MITTAL et al., 2009). Ils sont solubles dans l’eau suite à la présence des groupements sulfonates (BEN MANSOUR et al., 2011). Leur toxicité est accrue par la présence de substituants sur le noyau aromatique, notamment des groupes hydroxyles et halogènes, particulièrement le chlore (BEN MANSOUR et al., 2011; GAO et al., 2013). Ces substances persistent dans l’environnement et sont hautement toxiques pour la biosphère (BAYLOR et HOLLINGWORTH, 1990; MITTAL et al., 2009; KHAN et NAZIR, 2015).

La décoloration des effluents de l’industrie textile peut être assurée par les procédés : traitement biologique pour les biodégradables, coagulation, adsorption sur charbon actif, par méthode électrochimique et par procédés membranaires (GUILLARD et al., 2003; YANG et al., 2015) qui se sont révélés efficaces mais, dans la plupart des cas, ils se sont avérés onéreux (YANG et al., 2015). Ce constat a permis aux chercheurs de s’orienter vers des procédés de traitement de faible coût utilisant comme matériaux les argiles, les zéolites, la tourbe et le bois (HO et MCKAY, 1998; GUO et al., 2013; YANG et al., 2015).

Plusieurs travaux ont montré que les hydroxydes doubles lamellaires (notés LDH) peuvent être utilisés pour le piégeage de polluants chimiques organiques ou inorganiques, en raison de leur forte capacité d’échange anionique (LAZARIDIS et al., 2003; DOS SANTOS et al., 2013). Les LDH s’apparentent à l’hydrotalcite naturelle de formule Mg6Al2(OH)16(CO3).4H2O dans laquelle des cations magnésium sont remplacés par des cations aluminium. La substitution partielle des cations trivalents aux cations divalents génère un excès de charge positive sur les feuillets. Afin d’assurer la neutralité électrique globale, des espèces anioniques sont alors intercalées dans l’espace interfeuillet, conjointement à des molécules d’eau. Les anions les plus fréquents dans l’espace interfoliaire des LDH sont les ions carbonate. Ces derniers, en raison de leur faible taille par rapport à leur charge (DE ROY et al., 1992), présentent une grande affinité pour ces matrices et sont, par conséquent, difficilement échangeables. L’emploi des LDH calcinés permet, par ailleurs, de s’affranchir des ions carbonate. Il semble en effet que de tels matériaux puissent se régénérer après calcination et former des oxydes mixtes (BASCIALLA et REGAZZONI, 2008; DOS SANTOS et al., 2013). Si l’anion est détruit dans le domaine de température de calcination, il peut être remplacé par un autre anion. Les oxydes mixtes obtenus après calcination des LDH, remis dans une solution contenant l’anion à intercaler, se réhydratent pour former une nouvelle phase LDH. Ainsi, plusieurs auteurs ont testé, en utilisant cette propriété des LDH à se régénérer par réhydratation après calcination, l’action décolorante de ces matrices et ont révélé une grande efficacité de décoloration des eaux (NI et al., 2007; AUXILIO et al., 2009; DOS SANTOS et al., 2013; DARMOGRAI et al., 2015).

Pour notre part, nous nous sommes intéressés à l’étude de l’élimination de la couleur des solutions aqueuses de rouge de chlorophénol par adsorption sur une hydrotalcite Mg-Al-CO3 et par son produit de calcination. Au cours de cette étude, nous avons mené des essais d’adsorption afin de déterminer les conditions optimales de rétention du rouge de chlorophénol sur ces solides : les influences du pH, de la concentration de l’adsorbant, de la concentration en rouge de chlorophénol de la solution et d’ions compétiteurs tels que chlorure et carbonate.

2. Matériaux et méthodes

2.1 Synthèse des matériaux

Les produits chimiques utilisés sont des réactifs Sigma-Aldrich de qualité RP (Mg(NO3)2, 6H2O, 99 %; Al(NO3)3, 9H2O, 98,5 %; Na2CO3, 10H2O, 99,5 % et NaOH, 98 %). La préparation de l’hydrotalcite [Mg-Al-CO3] a été réalisée selon la méthode de co-précipitation à pH constant (REICHLE, 1986). Une solution de 0,2 mole de Mg(NO3)2, 6H2O et 0,1 mole de Al(NO3)3, 9H2O dans 140 mL d’eau distillée est ajoutée goutte à goutte et sous forte agitation à 200 mL de solution aqueuse contenant 0,7 mole de NaOH et 0,18 mole de Na2CO3, 10H2O. La suspension obtenue, dont le pH est ajusté à la valeur de 10 par addition de HNO3 (30 %), est laissée sous agitation pendant 24 h à température ambiante. Après 20 h de mûrissement à 65 °C, la suspension est filtrée et le solide obtenu est lavé plusieurs fois à l’eau distillée. Le matériau obtenu, noté HT, est séché à 105 °C pendant 18 h, ensuite broyé et tamisé à 0,1 mm.

Le matériau HT a été calciné à 550 °C avec une montée de température de 60 °C∙h-1, suivie d’un plateau de 2 h à cette température. Le solide obtenu est noté HTC. Cette calcination lente permet d’éviter un départ trop rapide des molécules d’eau et des anions carbonate, qui conduirait après la reconstruction, à une phase faiblement cristallisée (CARLINO, 1997).

2.2 Techniques de caractérisation

Les analyses par diffraction des rayons X ont été effectuées à l’aide d’un diffractomètre Bruker D8- Advance (raie Kα du cuivre λ = 1,5418 Å, 40 kV, 20 mA) dans le laboratoire AGEs (Université de Liège, Belgique). Les spectres IR ont été enregistrés dans le domaine 4 000-400 cm-1 sur un spectromètre Jasco FT/IR-4200 type A à résolution 4 cm-1. Les solides sont dispersés dans de la poudre de KBr avant analyse.

2.3 Adsorption du rouge de chlorophénol sur les matériaux HT et HTC

Le colorant testé est connu sous le nom commercial rouge de chlorophénol (Chlorophenol red, sodium salt [3',3"-dichlorophenolsulfonephtalein, sodium salt ≈ C19H11Cl2O5SNa]). Il se présente sous forme de cristaux rougeâtres. Le réactif, de masse moléculaire 445,26 g∙mol-1 et de pureté 70 %, nous a été fourni par le groupe Sigma-Aldrich (EC N° 123333-64-2). L’étude de son spectre visible à des longueurs d’onde comprises entre 500 et 700 nm, réalisée à l’aide d’un spectrophotomètre UV-Visible type JENWAY 6305 muni d’une cuve de 1 cm de largeur, a permis de déterminer la longueur d’onde qui correspond au maximum d’absorbance (λmax), elle est de l’ordre de 571 nm. L’effet de la variation du pH sur la valeur de λmax et sur les variations du coefficient d’extinction moléculaire du réactif a été examiné à des valeurs de pH (7 < pH < 10). Les résultats montrent que le pH n’a pas d’influence sur l’absorbance du colorant. Dans un domaine compris entre 0 et 5 µmol∙L-1 en colorant, en accord avec la Loi de BEER-LAMBERT, la densité optique mesurée est linéairement proportionnelle à la concentration du colorant. L’équation de la courbe d’étalonnage est la suivante, avec un coefficient de détermination R2 > 0,99 (Équation 1) :

equation: 5038493n.jpg (1)

C représente la concentration en colorant.

Toutes les expériences d’adsorption ont été effectuées à la température ambiante (15-20 °C) et à pH en début d’expérience ajusté à 7 avec une solution décinormale de soude. Chaque expérience a été répétée au moins deux fois dans des conditions identiques. La détermination de la cinétique d’adsorption du colorant sur les matériaux HT et HTC a été réalisée sur une série de suspensions de 30 mg de matériau dans 50 mL de solution aqueuse du colorant à concentration initiale 0,015, 0,15 et 0,3 mmol∙L-1, pour des temps de contact allant de 10 à 180 min. Les deux premières concentrations sont du même ordre de grandeur que celles rencontrées dans les rejets industriels (LAZARIDIS et al., 2003). L’agitation, à la température ambiante (18-20 °C), est assurée par un agitateur rotatif. A la fin du temps imparti, chaque suspension est centrifugée. La concentration résiduelle en colorant a été déterminée par spectrophotométrie moléculaire. La quantité de rouge chlorophénol adsorbée sur les substrats (Qt, en mmol∙g-1) s’obtient à partir de la différence entre les concentrations initiales et les concentrations aux temps t.

L’influence du pH a été étudiée dans la gamme des valeurs de 7 à 10 sur des suspensions de 30 mg de solide dans 50 mL de solution de rouge de chlorophénol à 0,015 et 0,3 mmol∙L-1. Le pH des solutions du colorant est ajusté à la valeur désirée avec une solution décinormale de soude et les suspensions obtenues sont agitées durant 1 h. Les solides sont séparés par centrifugation et les concentrations en colorant dans le surnageant sont mesurées.

L’effet du rapport solide/solution (R) a été examiné sur une série de solutions aqueuses de 50 mL de colorant à 0,3 mmol∙L-1 avec une masse d’hydrotalcite calcinée (HTC) qui varie de 10 à 50 mg.

Les isothermes d’adsorption, en présence ou non des ions carbonate ou chlorure, ont été établies en utilisant des suspensions de 10 mg de solide dans 50 mL de solutions à teneurs croissantes en rouge de chlorophénol (0,015 à 1,5 mmol∙L-1). La compétition des ions carbonate ou chlorure, ions fréquemment rencontrés dans les eaux usées de l’industrie textile (RANGANATHAN et al., 2007; ELLOUZE et al., 2012), avec le colorant a été estimée sur HTC pour une concentration en carbonate ou en chlorure de sodium de 20 mmol∙L-1. Les suspensions sont agitées durant 1 h puis centrifugées. Dans le surnageant on note la concentration totale d’équilibre (Ce) en colorant.

3. Résultats et discussion

3.1 Caractérisation structurale

Le diffractogramme de RX du matériau HT (Figure 1a), semble bien résolu : l’ensemble des raies (00l) caractéristiques de l’hydrotalcite sont observées. La phase LDH(CO3) synthétisée se caractérise par un bon état de cristallinité. Le matériau HT obtenu correspond aux composés de type hydrotalcite en accord avec les données de la littérature (DE ROY et al., 1992; DOS SANTOS et al., 2013).

Figure 1

Diffractogrammes de rayons X des hydrotalcites de a) synthèse HT, b) calcinée HTC

X-ray diffractograms of the a) synthetic hydrotalcites HT, b) calcined HTC

Diffractogrammes de rayons X des hydrotalcites de a) synthèse HT, b) calcinée HTC

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Le diffractogramme de RX de l’échantillon calciné (Figure 1b) montre la disparition des raies de diffraction de la phase lamellaire, et seule une raie (200) appartenant à la phase MgO est observée. À cette température de calcination, les oxydes d’aluminium sont à l’état amorphe et non détectables (DE ROY et al., 1992).

Le spectre infrarouge du matériau HT (Figure 2a) est comparable à ceux présentés dans la littérature (DE ROY et al., 1992; EXTREMERA et al., 2012; GUO et al., 2013). On y observe :

  • deux bandes d’absorption (3 461 et à 1 633 cm-1) attribuées respectivement, aux vibrations de valence et de déformation des molécules d’eau intercalées et adsorbées;

  • deux bandes d’absorption (1 361 et 669 cm-1) attribuables aux ions carbonate interfoliaires;

  • trois bandes (783, 549 et 427 cm-1) correspondant à des vibrations caractéristiques des liaisons Mg-O et Al-O.

Le spectre infrarouge du matériau calciné HTC (Figure 2b) montre la diminution relative de l’intensité des bandes d’absorption caractéristiques des molécules d’eau. En outre, on observe que la bande située à 1 361 cm-1 est encore détectable. Néanmoins, la faible intensité de cette bande, comparée à celle observée pour le matériau de départ, suggère que des ions carbonate sont adsorbés à la surface des grains du matériau calciné. La présence de ces derniers serait due à une contamination par le dioxyde de carbone atmosphérique. Des observations analogues ont été rapportées par d’autres auteurs (DOS SANTOS et al., 2013; GUO et al., 2013).

Figure 2

Spectres IR de a) HT, b) HTC, c) HTC après adsorption du rouge de chlorophénol, d) rouge de chlorophénol

Infrared spectra of a) HT, b) HTC, c) HTC after adsorption of chlorophenol red, d) chlorophenol red

Spectres IR de a) HT, b) HTC, c) HTC après adsorption du rouge de chlorophénol, d) rouge de chlorophénol

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3.2 Adsorption du rouge de chlorophénol

3.2.1 Cinétique

Les tracés des quantités de rouge de chlorophénol adsorbées sur les matériaux HT et HTC en fonction du temps de contact sont présentés sur la figure 3. Nous notons tout d’abord que la capacité de rétention du matériau HTC est supérieure à celle du matériau HT. En effet, les rendements enregistrés en matière d’élimination du rouge de chlorophénol par adsorption sur HTC, pour des concentrations 0,015, 0,15 et 0,3 mmol∙L-1, sont de 100 %, 99 % et 98 % respectivement. En ce qui concerne ceux obtenus sur HT, ils sont respectivement de l’ordre de 29 %, 48 % et 54 %. Ceci peut s’expliquer d’une part par le déplacement des anions carbonate des LDH qui est connu pour être très difficile, notamment en raison de la faible taille de l’anion carbonate par rapport à sa charge (DE ROY et al., 1992), et d’autre part, par la présence dans la solution des espèces alcalines provenant essentiellement de la dissolution du CO2 atmosphérique, ce qui défavorise la réaction d’échange des anions carbonate intercalés par des anions du colorant. Ce résultat va dans le même sens que ceux des travaux effectués par d’autres auteurs (ZHU et al., 2005; GUO et al., 2013) lesquels ont rapporté l’échange non fructueux des anions carbonate de l’espace interfeuillet des LDH par des anions du colorant bleu brillant R et du colorant acide marron 14.

Il ressort également de la figure 3 que l’adsorption sur les matériaux étudiés est relativement rapide. En effet, l’équilibre est atteint en moins de 60 min de contact. Ce résultat a été confirmé par de nombreuses expériences (ZHU et al., 2005; EXTREMERA et al., 2012; GUO et al., 2013). Dans notre cas, le fait que les expériences sont effectuées au contact de l’air soulève la question d’un possible déplacement du colorant retenu par les ions carbonate (la présence de ces derniers serait due à une contamination par le dioxyde de carbone atmosphérique). C’est pourquoi nous avons prolongé les expériences pendant 180 min bien que le temps d’équilibre soit inférieur à 60 min. L’équilibre se manifestait par une constance de la concentration résiduelle en rouge de chlorophénol.

Figure 3

Cinétique de fixation du rouge de chlorophénol sur les matériaux HT et HTC

Fixation kinetics of chlorophenol red on HT and HTC materials

Cinétique de fixation du rouge de chlorophénol sur les matériaux HT et HTC

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Enfin, on note que l’adsorption est plus rapide à son début qu’à sa fin; phénomène dû probablement à la résistance au transfert de matière à l’intérieur des grains de solide. Le temps d’équilibre varie également avec la concentration initiale en colorant.

L’application du modèle du pseudo second ordre (Équation 2) (LAZARIDIS et al., 2003) à l’ensemble des points expérimentaux indique que les cinétiques d’adsorption sont correctement décrites par ce modèle, avec des coefficients de corrélation supérieurs à 0,99 (Figure 4).

equation: 5038497n.jpg (2)

Qe et Qt (mmol∙g-1) représentent les quantités adsorbées du colorant par unité de masse de l’adsorbant respectivement à l’équilibre et au temps t; k2 (g∙mmol-1∙min -1), la constante de vitesse apparente du second ordre et t (min), le temps de contact.

Figure 4

Courbes pour les constantes de vitesse de l’adsorption du colorant sur HTC

Curves for the rate constants for adsorption of the dye on HTC

Courbes pour les constantes de vitesse de l’adsorption du colorant sur HTC

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Ces résultats corroborent plusieurs études (ZHU et al., 2005; EXTREMERA et al., 2012), qui ont trouvé que les cinétiques d’adsorption du bleu brillant R et de l’orange acide 10 sur des hydrotalcites calcinées obéissent au pseudo-second ordre. Ces résultats ont permis aussi de déduire les constantes de vitesse apparente k2 du matériau HTC pour les concentrations initiales choisies. Les constantes de vitesse déduites sont égales à 330,94, 5,25 et 1,63 g∙mmol-1∙min-1 pour le matériau calciné pour les concentrations 0,015, 0,15 et 0,3 mmol∙L-1 respectivement.

3.2.2 Influence du pH

La figure 5 montre l’effet du pH initial de la solution sur l’adsorption des ions provenant du rouge chlorophénol. Nous remarquons que le pH dans la gamme pH 7 à pH 10 n’a pas d’effet significatif sur les quantités adsorbées du colorant. Notons aussi que les pH des solutions d’équilibre sont toujours supérieurs aux pH des solutions initiales et que ces valeurs varient entre 10 et 11 (Figure 5). De tels effets ont été rapportés par d’autres auteurs (DOS SANTOS et al., 2013; GUO et al., 2013), et pourraient être justifiés par le fait que les matériaux HTC, au cours du processus de réhydratation, libèrent des ions OH- (KAMEDA et al., 2003). Il en résulte une augmentation du pH de la solution.

Figure 5

Influence du pH (initial) sur l’adsorption du rouge de chlorophénol par HTC

Influence of pH (initial) on the adsorption of chlorophenol red by HTC

Influence du pH (initial) sur l’adsorption du rouge de chlorophénol par HTC

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3.2.3 L’effet du rapport solide/solution

D’après les résultats obtenus (Figure 6), nous constatons que l’adsorption du colorant sur le matériau HTC est affectée par une variation du rapport solide/solution (R). En effet, pour une diminution de R de 1 à 0,2 g∙L-1, l’adsorption est multipliée par un facteur 3,44. Ceci est en accord avec les résultats obtenus par d’autres auteurs (LAZARIDIS et al., 2003; ZHU et al., 2005), et communément interprétés par le fait que lorsque la masse de l’adsorbant augmente, les cristallites tendent à s’agglomérer, ce qui engendre une diminution de la surface de contact.

Figure 6

Effet du rapport solide/solution (R) sur l’adsorption du rouge de chlorophénol

Effect of ratio solid/solution (R) on chlorophenol red adsorption

Effet du rapport solide/solution (R) sur l’adsorption du rouge de chlorophénol

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3.2.4 Isotherme d’adsorption du rouge de chlorophénol

Les données d’adsorption sont traitées suivant l’équation linéarisée de Langmuir (Équation 3) :

equation: 5038501n.jpg (3)

Ce (mmol∙L-1), représente la concentration en colorant à l’équilibre dans la solution, Qt (mmol∙g-1), la quantité de rouge chlorophénol adsorbée sur HTC à l’équilibre, Qo (mmol∙g-1), la capacité maximum d’adsorption et b, une constante fonction de l’énergie d’adsorption.

Les courbes Ce/Qt en fonction de Ce (Figure 7), en présence ou non des ions chlorure et carbonate, sont des droites avec des coefficients de corrélation supérieurs à 0,99. Les isothermes d’adsorption du rouge chlorophénol par le matériau étudié sont décrites de manière satisfaisante par le modèle de Langmuir. L’exploitation des équations des droites de Langmuir permet de calculer les paramètres Qo et et b (Tableau 1). Le matériau HTC, en absence d’anions compétiteurs, a une capacité de rétention Qo de 1,70 mmol∙g-1, valeur inférieure à la capacité d’échange anionique moyenne d’une hydotalcite (3,5 mmol∙g-1) (HOURI et al., 1999). Ceci indique pour nos conditions expérimentales que les phénomènes d’échange entre les feuillets sont peu ou pas responsables de la rétention du colorant. Ceci pourrait être attribué à l’effet compétitif des ions carbonate, étant donné que l’opération est effectuée à l’air libre. Ceci suggère que les anions du colorant se fixent principalement par adsorption électrostatique sur des sites provenant des groupements situés sur les bords des feuillets (MgOH, AlOH). Ce résultat rejoint l’observation faite précédemment par NI et al. (2007) pour l’adsorption du méthyle orange sur une hydrotalcite calcinée.

Figure 7

Transformées linéaires des isothermes de Langmuir pour l’adsorption du colorant.

Langmuir isotherm linear transformations for the adsorption of dye

Transformées linéaires des isothermes de Langmuir pour l’adsorption du colorant.

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Tableau 1

Constantes de Langmuir pour le matériau HTC

Langmuir constants for the HTC material

Constantes de Langmuir pour le matériau HTC

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Il apparaît également, à travers les résultats du tableau 1, qu’il n'y a que peu d'influence des chlorures sur l'adsorption du rouge de chlorophénol par le matériau HTC (Tableau 1), leur présence entraînant une légère diminution de l'adsorption du colorant. En revanche, le rendement d’élimination du colorant est affecté par la présence d’ions carbonate, qui perturbent le traitement en occupant directement les sites d'adsorption. Ce phénomène pourrait s’expliquer par la compétition entre les anions présents dans la solution et le colorant vis-à-vis des sites actifs de l’adsorbant. Dans le domaine des pH basiques, la concentration des ions carbonate augmente aux dépens des ions bicarbonate. Ces ions étant de valence plus élevée, leur effet compétitif vis-à-vis des sites d’adsorption est plus prononcé.

Les diffractogrammes de rayons X obtenus après réhydratation du matériau HTC (Figures 8a et 8b), en présence des ions carbonate ou du rouge de chlorophénol respectivement, sont similaires : la raie de diffraction qui correspond à la distance interfoliaire de l’ordre de 7,7 Å, n’évolue pas. Ce résultat a été confirmé par de nombreux travaux (EXTREMERA et al., 2012; DOS SANTOS et al., 2013; GUO et al., 2013). Par contre, la présence ou l’absence des molécules du colorant dans l’espace interfoliaire est difficilement vérifiable. D’après EXTREMERA et al. (2013), l’absence de modifications majeures n’exclut pas l’éventuelle présence de molécules du colorant dans l’espace interfoliaire et suggère que les molécules du colorant étudiées se placent parallèlement au feuillet.

Figure 8

Diffraction des rayons X des hydrotalcites calcinées HTC après a) traitement par les ions carbonate, b) adsorption du rouge de chlorophénol

X-ray diffraction of HTC after a) treatment with carbonate ions, b) adsorption of chlorophenol red

Diffraction des rayons X des hydrotalcites calcinées HTC après a) traitement par les ions carbonate, b) adsorption du rouge de chlorophénol

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Le spectre IR du matériau HTC après traitement par le rouge du chlorophénol (Figure 2c), présente une bande de vibration aux alentours de 1 380 cm-1, attribuée à des ions carbonate intercalés. L’espace interfoliaire est occupé majoritairement par les ions carbonate et les molécules d’eau. Ce résultat est en accord avec celui révélé précédemment par diffraction des rayons X.

Entre 1 600 et 400 cm-1, 7 bandes sont observées :

  • une bande à 1 590 cm-1, liée à la présence des liaisons (C=C) dans le cycle aromatique (SAEHR et al., 1978; KUMAR et al., 2010; LIU et al., 2012);

  • trois bandes (1 040, 1 228 et 1 180 cm-1) attribuées à la vibration d’élongation du groupement sulfonate (YANG et al., 2015);

  • une bande à 1 125 cm-1, caractérisant les liaisons (C-H) dans le cycle aromatique (KUMAR et al., 2010);

  • deux bandes (840 et 690 cm-1) attribuées à des vibrations d’élongation de la liaison (C-Cl) dans le cycle aromatique (KUMAR et al., 2010).

La présence de ces bandes confirme que certains anions du colorant sont adsorbés à la surface des particules du solide HTC.

4. Conclusion

Le matériau Mg-Al-CO3 a été élaboré par une méthode de coprécipitation à pH constant et selon un rapport Mg/Al = 2. Les études par diffraction des rayons X et spectroscopie FTIR ont permis de montrer que (1) le matériau obtenu correspond aux composés de type hydrotalcite avec une bonne cristallinité; (2) le mécanisme de rétention du rouge chlorophénol sur l’hydrotalcite calcinée s’effectue par un processus d’adsorption électrostatique sur des sites provenant des groupements situés sur les bords des feuillets.

L’étude des phénomènes physico-chimiques qui régissent les interactions entre une phase Mg-Al-CO3 calcinée vis-à-vis du rouge de chlorophénol révèle que l’hydrotalcite calciné pourrait être un bon candidat pour le piégeage de ce colorant. La capacité d’adsorption de l’hydrotalcite calcinée est d’environ 1,7 mmol∙g-1 pour des solutions de 0,015 à 1,5 mmol∙L-1 de rouge de chlorophénol.

Des tests de désorption du colorant considéré en présence d’anions carbonate permettraient de valoriser davantage les propriétés des hydrotalcites calcinées dans le traitement des eaux polluées. Le recyclage par restitution et calcination-reconstruction devrait favoriser l’accumulation des composés toxiques.