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Présentation

La violence à l’école est un phénomène préoccupant tant au plan économique et social que pour l’individu. Les conséquences directes pour les élèves victimes, mais aussi pour les agresseurs, sont sérieuses. D’importantes sommes sont investies en services éducatifs et sociaux auprès de ces élèves, mais les efforts de réadaptation déployés connaissent des succès mitigés et soulignent la nécessité de mieux comprendre les difficultés vécues par ceux-ci.

Dans ce sens, l’ouvrage de Beaumont, Galand et Lucia regroupe plusieurs contributions de différents pays (Belgique, France, Espagne, Suisse, Québec) afin de dresser un portrait instructif sur le phénomène de la violence à l’école. D’abord, l’ouvrage débute avec un préambule intéressant sur le concept de la civilité qui permet d’illustrer, dans une perspective sociologique, l’importance du milieu scolaire pour l’apprentissage et la pratique des règles de civilité qui, en modulant les interactions entre les individus, sont la base d’un environnement scolaire sécuritaire et de confiance mutuelle. L’ouvrage se divise ensuite en deux parties.

La première partie permet, dans son ensemble, de bien définir les comportements d’intimidation (violents, harcelants) entre élèves, agresseurs et victimes, et d’identifier certaines des caractéristiques individuelles et environnementales qui y sont associées. Les études de Lucia et de Galand et Baudoin concernent les élèves agresseurs et permettent de documenter tant les facteurs liés au contexte que ceux plus intrinsèques comme les raisons qui poussent à l’intimidation (croyances, attitudes, émotions). Les études de Leclerc et de Blaya portent plutôt sur les facteurs associés au fait d’être victime d’intimidation ou de cyberintimidation. Dans l’ensemble, les résultats des différentes études montrent l’importance d’intervenir non seulement sur les caractéristiques des élèves, mais aussi sur l’environnement scolaire. D’une part, il y aurait avantage à favoriser l’autocontrôle et l’association aux pairs prosociaux chez les élèves agresseurs et, d’autre part, à améliorer le soutien parental, le soutien des pairs et les capacités de résolution de problème chez les victimes. Dans tous les cas, il s’avère important de créer un climat scolaire coopératif et sécuritaire où, clairement, l’intimidation et la cyberintimidation ne sont pas tolérées.

La seconde partie de l’ouvrage concerne plus spécifiquement l’évaluation de l’implantation et des effets d’interventions menées auprès des élèves qui présentent des comportements violents à l’école et se découpe en quatre chapitres. D’abord, Jesus-Comellas, en se basant sur une mesure de sociogramme en classe, propose une manière de regrouper les enfants selon leurs affinités qui s’avère plus que satisfaisante du point de vue des enseignants. Ils notent une amélioration des compétences sociales des élèves, de leur estime de soi et du climat de classe en général, en plus de favoriser une pratique réflexive chez les enseignants. Ensuite, Beaumont, en s’appuyant sur les résultats d’études réalisées au cours des 15 dernières années, montre que d’impliquer les élèves agresseurs dans des programmes de pairs aidants à l’école pourrait avoir un effet positif sur les compétences sociales, cognitives et affectives de ces élèves, bien entendu, à condition que ce programme soit rigoureusement implanté et s’intègre dans une vision plus globale d’amélioration du climat scolaire. Les deux derniers chapitres portent sur des interventions de dernier recours menées à l’école (l’étude de Dethier) ou à l’extérieur de l’école (l’étude de Moignard) afin d’éviter l’expulsion permanente des élèves les plus «difficiles». Il en ressort l’importance de définir des objectifs d’intervention clairs, de bien sélectionner les élèves qui peuvent bénéficier de l’intervention et de s’assurer des ressources financières et humaines disponibles, dont la mise en place de collaborations efficaces à l’école et à l’extérieur de l’école.

Point de vue

En regroupant des études réalisées dans différents pays européens et nord-américains, l’ouvrage de Beaumont, Galand et Lucia propose une compréhension multiculturelle et multidisciplinaire (psychologique, sociologique, criminologique) des comportements d’agression et de victimisation chez les élèves du primaire et du secondaire. Un des avantages certains est qu’il permet de porter un regard tant sur les élèves agresseurs que sur les élèves victimes. Dans son ensemble, l’ouvrage permet de bien définir les comportements d’agression (harcèlement en Europe et intimidation au Québec) et de victimisation, d’identifier des facteurs de risque et des facteurs positifs associés. Il propose aussi une réflexion pertinente sur les différentes modalités d’intervention à promouvoir. En fait, chaque étude permet de formuler des recommandations claires pour l’intervention et, dans tous les cas, les études mettent à l’avant-plan l’importance d’intervenir sur l’environnement scolaire.

De plus, le chapitre de Blaya permet un éclairage intéressant et nouveau sur la cyberintimidation, un phénomène qui semble avoir été peu étudié dans un contexte scolaire. Même si cette forme de violence s’exprime plus souvent à l’extérieur de l’école, comme elle prend souvent sa source à l’école et compte tenu des conséquences majeures qu’elle peut avoir sur les relations sociales des élèves, il en ressort clairement l’importance d’impliquer le milieu scolaire dans les interventions pour contrer la cyberintimidation.

D’un point de vue pédagogique, cet ouvrage est particulièrement pertinent puisque c’est en s’appuyant concrètement sur des résultats de recherches actuelles qu’il permet l’acquisition de nouvelles connaissances sur le phénomène de la violence à l’école. Suffisamment vulgarisé, l’ouvrage peut très bien s’adresser aux enseignants du primaire et du secondaire, aux intervenants scolaires et aux étudiants en enseignement, en psychologie, en psychoéducation, en travail social, en criminologie, etc. Il s’agit d’un ouvrage bien construit, intéressant et accessible qui propose des pistes d’intervention prometteuses pour l’amélioration des compétences sociales des élèves en difficulté, victimes et agresseurs.