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Introduction

Au cours des dernières décennies, différents acteurs gouvernementaux, des organisations non gouvernementales et des organisations internationales telles que les Nations Unies et la Banque mondiale ont joint leurs efforts pour lutter contre la féminisation de la pauvreté, notamment en supportant les processus d’autonomisation économique des femmes. Dans la foulée de ces initiatives, des efforts notables ont été mobilisés afin de promouvoir l’entrepreneuriat féminin. Aujourd’hui, une progression du pourcentage d’entreprises appartenant à des femmes est observable, un taux atteignant globalement 37,8 % (Banque mondiale, 2014).

Cependant, malgré l’importance de ces initiatives, l’entrepreneuriat féminin comme objet d’étude est demeuré négligé, particulièrement en Afrique. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette lacune notamment le fait que les entreprises détenues par des femmes se situent davantage dans le secteur informel plutôt que dans l’économie formelle (Datta et Gailey, 2012 ; Della-Giusta et Phillips, 2006 ; Rutashobya, Allan et Nilsson, 2009 ; Spring, 2009), que ces entreprises sont généralement surreprésentées dans les secteurs traditionnels à opportunité de croissance faible et que les entreprises créées demeurent en périphérie de l’économie nationale (De Vita, Mari et Poggesi, 2014). De plus, dans la littérature scientifique, une grande partie de la recherche en entrepreneuriat a eu tendance traditionnellement à se concentrer presque exclusivement sur les hommes entrepreneurs et à soutenir l’absence de différences basées sur le genre (Bardasi, Sabarwal et Terrell, 2011 ; Colletah, 2000 ; Datta et Gailey, 2012 ; Gupta, Turban, Wasti et Sikdar, 2009 ; Welter, Brush et De Bruin, 2014).

Reconnaissant cette lacune, d’autres études dans des perspectives distinctes ont été réalisées sur l’entrepreneuriat féminin (Ahl et Marlow, 2012 ; Al-Dajani et Marlow, 2013 ; Calás, Smircich et Bourne, 2009 ; Carrier, Julien et Minvielle, 2006 ; Jennings et Brush, 2013 ; Knight, 2014 ; Rouse, Treanor et Fleck, 2013 ; Welter, Brush et De Bruin, 2014). Ces études, réalisées dans la perspective libérale, reconnaissent les différences entre les hommes et les femmes ainsi que les obstacles spécifiques que ces dernières rencontrent. Les quelques recherches réalisées en Afrique montrent la présence d’un environnement caractérisé par des normes sociales inégalitaires (Colletah, 2000 ; Datta et Gailey, 2012 ; Hossain, Naser, Zaman et Nuseibeh, 2009 ; Spring, 2009 ; St-Pierre et Cadieux, 2011 ; Zeidan et Bahrami, 2011) tout comme des enjeux aux plans individuel (éducation, motivation, compétences, confiance en soi), structurel (cadre juridique, règles fiscales, accès au financement, accès à des réseaux) et culturel (stéréotypes, responsabilités familiales, rapport à l’argent, modèle sexué pour l’accès à la propriété).

Face à ces obstacles, la nécessité de mieux soutenir les femmes entrepreneures africaines est maintenant reconnue. Certains auteurs (Colletah, 2000 ; Datta et Gailey, 2012 ; Hossain et al., 2009) mettent l’accent sur les besoins en formation et soulignent l’importance du soutien gouvernemental dans la création d’un environnement juridique et politique favorisant l’accès des femmes aux ressources nécessaires. Des organisations peuvent soutenir les femmes en ciblant et en appuyant celles présentant un fort potentiel entrepreneurial, notamment par l’accès au financement, le renforcement des capacités et l’établissement de réseaux d’affaires (Kabir et Huo, 2011 ; Kantor, 2001 ; Rutashobya, Allan et Nilsson, 2009 ; Spring, 2009). Malgré ces quelques mesures, force est de constater toutefois que peu de recherches ont été réalisées sur les stratégies de soutien pour les femmes entrepreneures et leur efficacité (Botha, Nieman et Van Vuuren, 2007 ; Dawa et Namatovu, 2014). Comme le soulignent Braidford, Stone et Tesfaye (2013), le soutien entrepreneurial demeure traditionnel et le manque de questionnement relatif au genre fait en sorte que la norme masculine est susceptible de demeurer. Dans ce contexte, une question demeure encore peu explorée : les services de soutien offerts aux femmes entrepreneures africaines sont-ils adéquats compte tenu de leurs spécificités ?

Afin de répondre à cette question, une recherche exploratoire a été réalisée en Afrique du Sud et au Rwanda. Dans ces contextes, différents facteurs historiques et contemporains ont contribué à la marginalisation des femmes dans les sphères économiques et décisionnelles. Reconnaissant l’importance d’étudier comment l’hétérogénéité de chaque groupe social influence les stratégies de soutien entrepreneurial et sur la base d’expériences en matière de soutien organisationnel, l’objectif de l’étude était d’identifier, à partir des données empiriques, les différentes stratégies permettant d’accompagner les femmes entrepreneures et de distinguer celles qui ont un impact réel sur le démarrage et la performance de leurs entreprises. Elle visait ainsi à documenter l’adéquation entre les services de soutien aux femmes entrepreneures et les caractéristiques de leur contexte spécifique, et le cas échéant la nature des retombées en matière de performance pour les femmes entrepreneures et leur entreprise.

Dans un premier temps, cet article présente les différentes approches théoriques qui ont servi de base au développement du cadre conceptuel de recherche. Par la suite, les principaux résultats issus d’une collecte de données qualitatives sur le terrain sont présentés selon les trois dimensions à l’étude soit le contexte, les stratégies de soutien et la performance des entreprises. En conclusion, cet article questionne les mesures existantes et propose une nouvelle approche dynamique, intégrée et collective permettant d’alimenter à la fois la recherche et les interventions sur le sujet.

1. Cadre théorique

Il existe peu d’études scientifiques portant spécifiquement sur les stratégies de soutien pour les femmes entrepreneures, particulièrement en Afrique. Dans ce contexte, ne pouvant s’appuyer sur un cadre théorique existant et spécifique pour cet objet d’étude, une combinaison des différents courants théoriques féministes, entrepreneuriaux et du développement international est proposée. Cette combinaison a permis d’aborder la recherche sous trois angles d’approches complémentaires et distinctives soit 1) l’approche contextuelle et la perspective poststructuraliste féministe ; 2) les approches liées au soutien offert aux femmes entrepreneures et 3) les approches relatives à la performance des entreprises créées par les femmes.

1.1. L’approche contextuelle et la perspective poststructuraliste féministe

L’importance de la variable contextuelle dans l’étude du phénomène entrepreneurial n’est pas récente (Welter, 2011). Cependant, l’analyse différenciée des variables contextuelles demeure encore peu considérée. Les études réalisées dans la perspective libérale (Bogren, Von Friedrichs, Rennemo et Widding, 2013 ; Kyrgidou et Petridou, 2013 ; Smith-Hunter, Kapp, Manimoy, 2010 ; Yao et Shen, 2011), même en tenant compte de certaines différences entre les femmes et les hommes entrepreneurs, ne considèrent pas suffisamment les obstacles résultant des normes entrepreneuriales à la fois androcentriques et ethnocentriques qui désavantagent les femmes. Ces obstacles concernent la division sexuelle du travail, les structures traditionnelles genrées et l’accès au financement. Les recherches prenant en compte les inégalités caractérisant ce contexte sont encore plus rares. L’une d’entre elles, l’étude d’Al-Dajani et Marlow (2013) portant sur l’entrepreneuriat féminin en Jordanie, montre comment le contexte affecte inégalement l’accès aux ressources entrepreunariales pour les femmes. Milanov, Justo et Bradley (2015) soulignent que le statut des femmes au sein d’un réseau donné s’inscrit comme facteur déterminant dans leur capacité à tirer profit des avantages de ce réseau. Le support familial, le support organisationnel et l’appui gouvernemental apparaissent aussi comme des facteurs facilitants. Le contexte est donc une dimension importante pour comprendre quand, comment et pourquoi l’entrepreneuriat émerge et qui est impliqué dans le phénomène. Or, comme le rappelle Welter (2011), les contextes sont multiples et peuvent être observés sur plusieurs niveaux d’analyse.

Le caractère hétérogène des femmes entrepreneures, tant globalement que localement, doit donc être pris en considération. Une compréhension située et nuancée des besoins des entrepreneures (considérant la diversité sexuelle, le genre, l’âge, la classe sociale, l’ethnicité, etc.) et du rôle que ces besoins peuvent jouer dans la prestation des services de soutien est nécessaire. Autrement, les normes andro et ethnocentrées seront maintenues en tant que balises du développement des politiques entrepreneuriales et le travail des femmes continuera d’être marginalisé (Braidford, Stone et Tesfaye, 2013 ; Díaz-García et Brush, 2012).

Les impacts de ces systèmes discriminatoires accentuent l’importance d’adopter un cadre analytique intégrant l’intersectionnalité (Ahl et Marlow, 2012 ; Calás, Smircich et Bourne, 2009 ; Knight, 2014 ; O’Hagan, 2014). L’approche intersectionnelle vise la prise de conscience de l’existence des différents rapports sociaux inégalitaires et une meilleure compréhension de la façon, dont leur imbrication influence la vie des personnes (Bilge, 2010). L’analyse des inégalités mène également à la prise en compte de notions telles que l’agencéité et l’autonomisation qui sont cruciales à l’analyse de processus tels que les stratégies de soutien entrepreneurial. Ces stratégies ne devraient pas reproduire les structures paternalistes et assistancialistes, mais proposer des alternatives novatrices et ancrées dans une compréhension contextualisée des besoins. En ce sens, la perspective poststructuraliste féministe permet d’aller au-delà de l’étude des trajectoires individuelles des femmes afin de comprendre les facteurs systémiques influençant leurs choix (Calás, Smircich et Bourne, 2009) et d’analyser ces choix en les contextualisant globalement et localement (Ekinsmyth, 2013 ; Welter, Brush et De Bruin, 2014).

1.2. Approches liées au soutien offert aux femmes entrepreneures

Malgré le peu d’études sur le sujet, les quelques études ayant été menées récemment sur l’efficacité globale de programmes de soutien à l’entrepreneuriat féminin mentionnent surtout des lacunes au plan individuel liées au manque d’opportunités d’apprentissage, de formation et de développement professionnels (Davis, 2012). Les études répertoriées portent principalement sur la nécessité de mieux former les femmes entrepreneures. Une étude quantitative sur l’efficacité du programme d’entrepreneuriat féminin (WEP) en Afrique du Sud a montré que l’acquisition de nouvelles compétences et connaissances entrepreneuriales aurait permis une augmentation du nombre d’employés et du chiffre d’affaires chez les répondantes (Botha, Nieman et Van Vuuren, 2007).

Cela dit, les études qui abordent le soutien aux femmes entrepreneures le font dans une perspective globale sans présenter suffisamment de données à partir d’expériences concrètes et ancrées dans le milieu (Botha, Nieman et Van Vuuren, 2007 ; Braidford, Stone et Tesfaye, 2013 ; Davis, 2012). Bien qu’elles mettent l’accent sur l’accès à trois types de capitaux : financiers, humains et sociaux (Aldrich, 1990 ; Barès, 2004 ; Maggioni, Sorrentino et Williams, 1999), peu d’études abordent de façon spécifique ou approfondie les stratégies de soutien selon une perspective de genre particulièrement en Afrique (Derera, Chitakunye et O’Neill, 2014 ; De Vita, Mari et Poggesi, 2014 ; Marlow, 2014). Les pistes de soutien s’inscrivant dans la perspective libérale sont principalement axées sur l’amélioration des compétences et des connaissances individuelles des femmes plutôt que de proposer des mesures permettant de questionner et améliorer le contexte et les pratiques organisationnelles.

Conséquemment, le soutien entrepreneurial traditionnel tend à considérer un ensemble de normes comme étant applicable à tous les entrepreneurs, qu’ils soient hommes ou femmes (Braidford, Stone et Tesfaye, 2013). Devant le manque d’alternatives, les organisations de soutien se rabattent généralement sur des approches standardisées ou des modèles développés pour des contextes qui diffèrent du leur à plusieurs égards. Bien que plusieurs études mentionnent l’importance de pratiques endogènes dans le développement d’entreprises locales (Adebayo et Nassar, 2014 ; Naudé, 2009), la production scientifique qui traite spécifiquement des éléments à considérer dans la transférabilité des pratiques entrepreneuriales et des stratégies d’adaptations nécessaires, tant au niveau des approches que des services offerts, demeure à enrichir.

1.3. Approches relatives à la performance des entreprises créées par les femmes

Enfin, en matière de soutien aux entrepreneures, il est nécessaire de mieux comprendre la signification d’une entreprise dite performante et de son rôle dans la société (Braidford, Stone et Tesfaye, 2013). Cela est particulièrement pertinent pour les pays en développement qui s’inscrivent dans un contexte de lutte à la pauvreté et au sein desquels plusieurs facteurs peuvent faciliter ou contraindre la performance de l’entreprise tels que les stéréotypes envers les femmes, la présence d’une main-d’oeuvre qualifiée et un support financier pour le développement. Qui plus est, le concept de performance d’entreprise ne peut se définir qu’en fonction des objectifs nourris par les dirigeants.

Il importe donc de considérer la perception des femmes quant à l’impact du soutien qu’elles reçoivent sur la performance de leurs entreprises. Comme l’ont montré St-Pierre et Cadieux (2011), les objectifs privilégiés par les propriétaires dirigeants sont multiples, de même que leur façon de concevoir la performance de leur entreprise, celle-ci pouvant être sociale, personnelle, économique et pérenne. La performance des entreprises dans ce contexte ne peut donc être uniquement mesurée par les indicateurs traditionnels de profit, de chiffre d’affaires et d’emplois (Ahl, 2002). D’autres mesures axées sur des indicateurs plus personnels doivent être considérées. Par exemple l’épanouissement personnel, la conciliation travail-vie personnelle, la participation à la vie communautaire et la création d’un revenu (Braidford, Stone et Tesfaye, 2013). La motivation de mettre en place une entreprise non axée sur la croissance peut être basée sur une décision parfaitement rationnelle pour les femmes et les hommes.

Cette conception de la performance amène à réfléchir au développement de nouvelles façons de mesurer l’efficacité des entreprises, notamment celles créées par des femmes. Des enquêtes comme celle du Global Entrepreneurship Monitor présentent des portraits d’ensemble sur les types d’entreprises créées, mais elles ne permettent pas de distinguer le type d’entreprises créées (privée, coopérative, familiale, sociale, etc.) ni la performance d’un modèle en particulier. C’est pourquoi d’autres études intégrant des indicateurs qualitatifs tels que l’évolution du contexte local d’affaires, la participation, l’apprentissage et les répercussions sur la communauté (Mano, Iddrisu, Yoshino et Sonobe, 2012 ; McKenzie et Woodruff, 2013) s’avèrent nécessaires pour mieux rendre compte de l’impact de l’entrepreneuriat féminin sur le développement économique et social.

Tableau 1

Présente l’ensemble des approches retenues et l’identification des variables spécifiques pour la collecte de données

Présente l’ensemble des approches retenues et l’identification des variables spécifiques pour la collecte de données

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2. Méthodologie

2.1. Approche qualitative s’inspirant des théories ancrées et situées

Compte tenu de la question de recherche et du cadre conceptuel, l’étude exploratoire qualitative s’est avérée la plus appropriée. Reconnaissant l’importance de donner la parole aux femmes dans cette recherche, la théorie ancrée (grounded theory) et la théorie de la connaissance située (standpoint theory) ont été mobilisées. La théorisation enracinée permet de générer une théorie « ancrée » à partir des données empiriques et de refléter concrètement la réalité observée (Strauss et Corbin, 1994). La théorie de la connaissance située (Harding, 2004 ; Stoetzler et Yuval-Davis, 2002) permet de reconnaître toute personne en tant qu’agent social, dont les opinions et les expériences s’inscrivent dans un contexte social, culturel et historique donné. Les histoires partagées par les participants et les participantes sont considérées comme une forme de connaissance qui ne peut être transmise que par des personnes qui ont vécu les événements narrés.

2.2. Choix de l’Afrique du Sud et du Rwanda

Les similarités contextuelles partagées par l’Afrique du Sud et le Rwanda, notamment le fait qu’ils sont considérés au même niveau en termes de promotion et d’application des droits des femmes[1], sont à la base de leur sélection pour mener la recherche exploratoire. En effet, selon le rapport de la Banque africaine de développement (BAD) publié en 2015, trois pays tirent leur épingle du jeu en matière d’égalité hommes-femmes : l’Afrique du Sud, la Namibie et le Rwanda. Dans ce dernier, 30 % des postes dans les instances de prise de décisions étatiques sont réservés aux femmes. C’est d’ailleurs le parlement rwandais qui compte le plus de femmes dans ses rangs (BAD, 2015). Bien que ces éléments attestent d’améliorations en termes d’égalité de droits, il demeure important de se questionner sur l’impact des inégalités systémiques qui rendent difficile l’atteinte de l’égalité de faits dans toutes les sphères de la vie des femmes, notamment concernant l’entrepreneuriat.

De plus, ce choix repose sur le fait qu’ils ont tous les deux reçu un appui similaire d’une organisation non gouvernementale (ONG) canadienne visant à soutenir des personnes (hommes et femmes) ayant démarré ou souhaitant démarrer une entreprise. Dans le cadre de leurs activités, cette organisation a soutenu plusieurs femmes dans le démarrage et la mise en oeuvre de leurs entreprises. Cette expérience représentait un laboratoire pertinent puisqu’il permettait de répondre à la question et d’alimenter les variables de recherche (Tableau 1). Il convient de mentionner que plusieurs femmes entrepreneures ont également reçu le soutien d’autres organisations et ont été invitées à partager leur expérience en ce sens.

2.3. Triangulation des données et profil des participantes et participants

Plusieurs techniques de collecte de données ont été mobilisées pour assurer une triangulation et permettre la validation des informations recueillies auprès des différentes sources (Locke, 2001 ; Yin, 1994). Cette collecte s’est traduite par la consignation des points de vue des différentes parties prenantes soit, des femmes entrepreneures (grâce à un sondage, des entrevues semi-dirigées et des groupes nominaux), de l’équipe de l’ONG canadienne (grâce à des entrevues semi-dirigées) et des partenaires liés aux différentes stratégies de soutien (grâce à des entrevues semi-dirigées). Ces dernières étaient principalement des représentantes d’associations locales de femmes. Il importe de préciser que comme cette première collecte visait d’abord à connaître le point de vue des femmes entrepreneures, celles-ci ont constitué l’échantillon principal de recherche. Les entrevues et groupes nominaux avaient pour objectif de collecter des données en profondeur alors que le sondage avait pour objectif de collecter de l’information précise auprès d’un plus grand nombre de femmes entrepreneures. Un guide d’entretien semi-dirigé a été développé à partir du cadre conceptuel. Des questions ont été formulées autour de chaque variable.

De plus, des données ont été collectées via l’observation participante sur le terrain en Afrique du Sud et au Rwanda et par une analyse documentaire (rapports annuels, profils d’entreprises, documents promotionnels, contenu de formation, plans d’action gouvernementaux, etc.). L’observation participante a était réalisée par le biais d’un stage de quatre mois sur le terrain réalisé par deux étudiantes de maîtrise, lesquelles étaient respectivement basées au sein de l’ONG en Afrique du Sud (Cape Town et Johannesbourg) et au Rwanda (Kigali et provinces). Elles ont participé à des réunions, formations, rédaction de documents, etc. et ont facilité la réalisation du sondage. Ces étudiantes, sous la supervision des chercheures, avaient préalablement été formées aux différentes techniques de recherche. Une grille formelle d’observation a été développée. Les chercheures ont effectué un séjour sur le terrain d’une quinzaine de jours pour réaliser les entrevues, groupes nominaux et visites d’entreprises détenues par des femmes.

La collecte de données s’est échelonnée de janvier à juin 2014. Au cours de cette période, un total de 79 personnes a été rencontré et 36 entrevues semi-dirigées ont été conduites, le principe de saturation des données ayant déterminé le nombre d’entrevues requises. Vingt entrevues ont été réalisées avec des spécialistes provenant des organisations de soutien et des parties prenantes (15 en Afrique du Sud et 5 au Rwanda). Seize entrevues semi-dirigées furent réalisées avec des femmes entrepreneures (12 en Afrique du Sud et 4 au Rwanda). Quatre groupes nominaux ont permis de recueillir les commentaires de 43 femmes entrepreneures : 31 provenant de l’Afrique du Sud (12 de Cape Town et 19 de Johannesburg) et 12 du Rwanda (provenant toutes de la ville de Kigali). En plus d’assister aux groupes nominaux, 35 participantes ont rempli un sondage contenant 37 choix multiples et des questions à court développement portant sur l’historique de leur entreprise et leur opinion concernant les stratégies de soutien et la performance. La diversité des participantes, en termes d’appartenance ethnique, d’âge et de classe sociale a permis la prise en compte de l’hétérogénéité des femmes entrepreneures (Tableau 2).

Il est à noter que, bien qu’un souci de diversité des profils ait guidé le recrutement pour les groupes nominaux (en incluant des entreprises allant de la phase de démarrage aux entreprises bien établies et oeuvrant dans divers champs d’activités, etc.), les femmes sélectionnées pour les entrevues individuelles avaient toutes des entreprises établies et un historique d’appui de la part de l’ONG. Ces critères visaient à assurer, par la prise en compte de la diversité des expériences, une documentation large et approfondie permettant de répondre à la question de recherche.

Tableau 2

Information sur le profil sociodémographique des participantes et participants

Information sur le profil sociodémographique des participantes et participants

Tableau 2 (suite)

Information sur le profil sociodémographique des participantes et participants

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Pour l’analyse des données, une analyse inductive par une lecture détaillée de données brutes (documents, sondage, transcriptions d’entrevues et groupes nominaux) a été effectuée afin de faire émerger des catégories permettant d’interpréter les données (Blais, et Martineau, 2006). Sur cette base, des liens entre le cadre conceptuel et les catégories identifiées ont été établis. Dans chaque catégorie validée ou émergente, des sous-catégories, y compris des points de vue opposés et de nouvelles perspectives, ont été analysées. Un regroupement des données a ensuite été effectué afin d’identifier les variables dans le système de codage en fonction de la nature et de la fréquence de chaque citation. Des citations ont par la suite été sélectionnées afin d’illustrer l’essence de chacune des catégories. Pour assurer la validité du processus d’analyse, l’équipe de recherche a effectué un codage aveugle parallèle et a validé certaines catégories avec des participantes et participants à l’étude. Le traitement et l’analyse des données ont été effectués à l’aide du logiciel QDA Miner. Le sondage a été réalisé à l’aide du logiciel SurveyMonkey.

3. Résultats

Les résultats de recherche sont présentés selon la structure et les différentes variables identifiées dans le cadre conceptuel (Tableau 1) soit : le contexte, les stratégies de soutien et la performance des entreprises créées par les femmes.

3.1. Contexte général des femmes entrepreneures

Comme mentionné précédemment, il a été important, à travers cette recherche, de définir le contexte et d’examiner son impact sur les femmes souhaitant lancer ou ayant lancé une entreprise. Les témoignages recueillis laissent entrevoir des progrès notables quant aux droits des femmes avec en toile de fond des événements marquants tels que le génocide rwandais et la fin officielle de l’apartheid en Afrique du Sud. Au plan légal : « Les femmes ont désormais le droit d’hériter. Avant cela, la succession était exclusivement réservée aux hommes, mais maintenant les femmes peuvent hériter, ce qui aide à démarrer une entreprise » (Groupe nominal – RW). Cependant, en dépit des progrès législatifs, de multiples iniquités sociales influencent encore la vie des femmes, notamment dans leurs opportunités entrepreneuriales. Le sexe, l’appartenance ethnique, l’âge et la classe sociale influencent particulièrement leurs possibilités de lancer une entreprise. Les citations suivantes illustrent ce contexte : « Les hommes sont plus facilement acceptés dans le monde des affaires que les femmes, surtout dans cette partie du monde » (Sondage – AS). « En Afrique du Sud, on a l’impression que les femmes noires ne sont pas assez bonnes » (Membre d’une organisation – AS).

Les structures patriarcales, la division sexuelle du travail et la prédominance des hommes ont été soulevées. Généralement, dans la pratique, les hommes ne sont pas seulement ceux qui prennent les décisions, mais aussi ceux qui inspirent la confiance : « Les hommes ont la vie plus facile parce que tout le monde leur fait confiance » (Sondage – AS). D’autre part, les femmes doivent rationaliser ou négocier leurs décisions : « C’est plus facile pour un homme que pour une femme. Une femme doit demander la permission alors qu’un homme décide seul » (Groupe nominal – RW). Il y a parfois une hiérarchisation des axes d’inégalités sociales, comme l’a observé l’une des participantes, qui mentionne que : « La race est un problème, plus qu’être une femme » (Groupe nominal – SA).

La vulnérabilité accrue causée par ce contexte inégal joue également un rôle dans la féminisation de la pauvreté, en particulier dans les zones rurales : « Moi je vais sur le terrain et vous devriez voir dans quelles conditions plusieurs femmes se trouvent dans certaines régions » (Membre d’une organisation – AS). Par conséquent, selon l’endroit où elles vivent, les femmes n’ont pas nécessairement les mêmes possibilités : « Dans les villes, un faible pourcentage de femmes ont des possibilités. Mais si vous allez dans les villages, les femmes n’ont pas de ressources. Il est aussi très difficile de démarrer une entreprise […] Les hommes dominent toujours » (Groupe nominal – AS). La notion de sécurité, ou plutôt d’insécurité et les violences limitent l’accès des femmes à certains espaces ou à des endroits géographiques où elles pourraient faire des affaires et établir leur entreprise. L’insécurité peut aussi signifier que les femmes doivent fermer leurs commerces plus tôt dans la soirée pour ne pas être exposées à des situations dangereuses.

3.1.1. Profils des femmes entrepreneures

Dans une perspective intersectionnelle, la diversité de l’échantillonnage en fonction de l’origine ethnique, de l’âge et de la classe sociale donne un aperçu intéressant de la diversité des femmes entrepreneures rencontrées. La majorité était âgée de 35 à 54 ans et la plupart avaient au moins un enfant. La situation matrimoniale varie, mais une forte prévalence de la monoparentalité a été observée. Bien que le fait d’être une femme ou une mère seule puisse engendrer des difficultés, le célibat est également associé à un certain type de liberté : « Ici, je prends mes propres décisions. Je n’ai pas de mari, donc je n’ai pas besoin de lui demander conseil » (Entrepreneure – RW). Pourtant, la force du système patriarcal demeure tangible. Les femmes que nous avons rencontrées travaillent surtout dans les domaines du tourisme, des communications, du textile et de l’agriculture. De l’avis des femmes entrepreneures et des membres des organisations de soutien, les femmes préfèrent les secteurs considérés comme « plus faciles ». Ce sont des secteurs qui semblent en continuité avec la division sexuelle et traditionnelle du travail et qui ont été historiquement plus accessibles aux femmes.

Bien que certaines femmes aient lancé des entreprises dans des secteurs non traditionnellement féminins, plusieurs d’entre elles sont plutôt dans le secteur informel. « Pour être dans le secteur formel, vous avez besoin de beaucoup de ressources et c’est encore plus difficile quand les femmes doivent s’occuper des enfants. Cela ajoute à la charge » (Entrepreneure – RW).

3.1.2. Facteurs facilitants

Le financement a été unanimement identifié comme étant le principal facteur. La question financière est primordiale dans l’opportunité de démarrer une entreprise, mais aussi ces chances de réussite : « Sans fonds, il est tout simplement impossible de démarrer votre entreprise » (Groupe nominal – AS). Le soutien familial et émotionnel est également mis en évidence comme un facteur essentiel pour concrétiser le projet d’entreprise. La citation suivante illustre la portée de ce soutien : « Sans ma famille et son soutien, je n’aurais pas pu étudier, puis lancer mon entreprise. Je leur dois beaucoup » (Entrepreneure – RW).

Deux autres types de soutien ont également été identifiés comme facteurs facilitants : le soutien gouvernemental et le soutien organisationnel. En Afrique du Sud et au Rwanda, des personnes ont souligné les changements historiques récents en ce qui concerne la législation et les politiques qui facilitent l’entrepreneuriat féminin : « Les politiques du gouvernement sud-africain visent à rattraper les déséquilibres que nous avions auparavant » (Entrepreneure – AS). Cependant, ces initiatives ne sont pas toujours suffisantes et doivent tenir compte de tous les obstacles structurels auxquels sont confrontées les femmes : « Il y a des fonds exclusivement destinés aux femmes entrepreneures. Une garantie de 25 % est allouée aux femmes, mais la femme ne détient pas les 75 % restants. » (Groupe nominal – RW). Le mentorat et le renforcement des capacités sont identifiés comme facilitant le processus.

Au plan individuel, beaucoup de femmes entrepreneures ont mentionné l’importance de leur expérience personnelle et de leur passion pour le domaine de l’entreprise. Les relations interpersonnelles et les contacts jouent également un rôle. « Connaître les bonnes personnes est central. Le réseautage peut vous aider, mais vous devez vraiment avoir de bons contacts » (Groupe nominal – AS).

3.1.3. Barrières

Plusieurs des obstacles identifiés sont liés aux structures traditionnelles, aux stéréotypes et aux discriminations fondées sur le sexe et l’ethnicité. Les iniquités fondées sur les rôles sociaux associés aux femmes et aux hommes ont pour conséquence que les femmes sont moins enclines à développer les connaissances nécessaires à l’entrepreneuriat. Cette situation engendre des préjugés concernant la soi-disant « incapacité » ou « faiblesse » des femmes à des postes de gestion basés sur la description androcentrée d’un bon entrepreneur : « Les gens ne prennent pas les femmes au sérieux parce qu’elles nous associent à beaucoup d’émotions » (Sondage – AS).

En plus d’avoir des répercussions sur l’accès aux espaces d’éducation et de décision, des discriminations fondées sur le genre se font sentir dans des institutions telles que les banques, où les femmes entrepreneures devraient recevoir un soutien financier et technique : « C’est plus facile pour les hommes dans les banques traditionnelles. La loi en Afrique du Sud favorise encore les hommes et non les femmes. Si vous êtes une femme mariée, vous devez avoir votre mari pour signer avec vous. Cela ne s’applique pas aux hommes » (Sondage – AS). Dans ce contexte, le fait d’être une femme rend l’accès au financement plus complexe : « Les hommes ont tendance à avoir plus de possibilités de recueillir des capitaux, soit par des collègues, soit même par des idées “préconçues”, selon lesquelles ils sont de meilleurs hommes d’affaires que les femmes » (Sondage – AS). Malgré une importance accordée aux contacts stratégiques, plusieurs participants reconnaissent également que les iniquités fondées sur le sexe et la race limitent l’accès aux contacts considérés comme stratégiques ou ayant un impact important dans le domaine où elles souhaitent lancer leur entreprise.

Les limitations induites par le système patriarcal incluent également la division du travail selon le sexe, ce qui signifie pour les femmes que leurs tâches quotidiennes sont doublées et même triplées. Le fardeau lié à la prise en charge des membres de la famille est généralement laissé aux femmes, alors que « les hommes ne jouent pas un grand rôle dans les tâches domestiques (nettoyage, éducation des enfants, etc.) » (Entrepreneures – RW). La recherche d’emploi est ainsi perçue comme plus complexe pour les femmes et les mères : « les possibilités d’emploi ne sont pas bonnes ». Compte tenu des rapports sociaux de sexe, la plupart d’entre elles démarrent leur entreprise pour soutenir leurs enfants. « Les femmes feront n’importe quoi parce qu’elles ont la responsabilité de leurs enfants » (Membre d’organisation – AS). Beaucoup cependant reconnaissent la force et la résilience des femmes dans ce contexte : « Traditionnellement, les femmes ont été les porteuses de la famille et de la maison, en s’assurant que tout fonctionne. Ne pas avoir le choix oblige les femmes, surtout les noires, à être très fortes, très résilientes et très ingénieuses » (Entrepreneure – AS).

3.2. Stratégies de soutien pour les femmes entrepreneures

3.2.1. Modèles de soutien et stratégies mis en oeuvre

Les personnes interrogées reconnaissent l’importance du travail effectué par les organismes de soutien. On mentionne toutefois le dédoublement des services et le fait que diverses organisations offrent des activités similaires et standardisées (formation, possibilités de réseautage, encadrement et mentorat, accès au capital) : « Je me suis inscrite à toutes les organisations possibles qui soutiennent les entrepreneurs et c’est fascinant parce qu’elles donnent toutes les mêmes choses » (Entepreneure – AS).

Le manque de coordination entre les différentes organisations ciblant le même public a également été mentionné. Cela limite la complémentarité des activités disponibles et ne tient pas compte de l’hétérogénéité qui caractérise les hommes et les femmes entrepreneures. Le manque de ressources (tant humaines que financières) limite grandement l’offre de services et force les organisations à les concentrer dans les grandes villes. Cela se traduit souvent par une accessibilité et une souplesse limitées au niveau des services. Même si certaines organisations agissent comme des lieux de rencontre qui dirigent les femmes entrepreneures vers d’autres organisations qui peuvent leur offrir un soutien spécialisé (banques, programmes gouvernementaux, etc.), les services fournis ne sont pas toujours adaptés ou appropriés. Les postes de décision dans ces institutions, en particulier les banques, sont principalement occupés par des hommes et les structures existantes n’offrent donc pas d’approche sensible au genre.

3.2.2. Approche privilégiée et stratégie de gestion pour la « spécificité des femmes »

La plupart des répondantes ont mentionné que peu d’activités sont spécifiques aux femmes ou ont une perspective sexospécifique. De l’avis même d’une gestionnaire de l’ONG, cette spécificité n’est pas reconnue : « Nous sommes tous des entrepreneurs. Nous ne voulons pas être considérés comme un groupe différent » (Membre d’une organisation – AS). Ce type d’activités semble pourtant nécessaire et des initiatives sont même parfois lancées à la demande des femmes : « Il est nécessaire que des groupes de discussion plus petits rassemblent des entreprises similaires. Comme un club de lecture pour les femmes qui ont le même type d’entreprises, nous pouvons donc parler de nos défis » (Entrepreneure – AS). La présence des hommes ne favorise pas toujours l’expression des femmes : « s’il y a des hommes, peut-être que les femmes se disent, oh, si je pose cette question, ils vont penser que je suis stupide ! » (Membre d’une organisation – AS). Pour répondre à ces besoins, une représentante d’une organisation de soutien a mentionné qu’elle organisait des activités axées sur les femmes, mais aussi pour leurs familles afin de travailler en parallèle avec l’autonomisation des femmes en sensibilisant les familles et les communautés. Cependant, ces activités restent marginales.

La nécessité de rejoindre les femmes dans leur environnement quotidien a aussi été soulevée, car elles peuvent rarement se rendre à l’endroit où les services sont fournis, et encore faut-il qu’elles soient au courant de l’existence de ces services. D’une manière générale, les services ne tiennent pas compte des réalités spécifiques des femmes (certaines sont analphabètes, ne savent pas comment budgéter, ne parlent pas la langue officielle, etc.). En fait, aucune analyse de besoin spécifique ne semble avoir été faite par les organisations de soutien rencontrées : « Je ne pense pas que nous avons fait une étude de besoin au départ » (Membre d’une organisation – AS). De plus, ils ne tiennent pas compte de la pleine charge de travail des femmes : « Il y a beaucoup de besoins de formation sur la façon de gérer votre quotidien afin de ne pas se brûler personnellement parce que les hommes, ils se lèvent, ils se douchent et ils s’en vont » (Entrepreneure – AS).

Les résultats semblent ainsi montrer que les services ne comprennent pas de stratégies permettant un rattrapage historique nécessaire pour les femmes dans le secteur entrepreneurial : « Pour les femmes rwandaises, être capable de penser à démarrer une entreprise est vraiment nouveau. Il est donc difficile de connaître toutes les étapes à suivre. Une culture entrepreneuriale féminine doit être créée » (Groupe nominal – RW).

3.2.3. Profils des conseillers

La plupart des répondantes et répondants ont souligné l’importance du profil des personnes qui fournissent des services d’accompagnement. Ils reconnaissent que le soutien sur mesure est l’un des services les plus importants de leur expérience : « Les ateliers sont importants parce que vous entendez ce que les autres femmes connaissent, ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné, toutefois, dans une relation seule à seule, vous pouvez parler de choses dont vous ne parleriez pas dans un atelier » (Entrepreneure – AS).

Malgré l’importance du suivi personnalisé par le mentorat et le counseling, les profils des conseillers ne semblent pas répondre réellement aux besoins des femmes entrepreneures. D’une part, les femmes conseillères sont rares : « La formation est pour la plupart dispensée par des hommes » (Groupe nominal – RW). D’autre part, « La capacité des personnes qui soutiennent les entrepreneurs n’est pas toujours adéquate. […] Ils ne comprennent pas mon projet d’entreprise et ce n’est pas un partenariat. […] Pourtant, la capacité de cette personne est cruciale » (Entrepreneure – AS).

3.2.4. Le niveau de participation des femmes aux activités (obstacles et motivations)

Les obstacles abordés dans la section relative au contexte ont un impact réel sur le niveau de participation des femmes aux activités proposées par les organisations. Le manque de temps est l’un des éléments récurrents qui empêchent les femmes de profiter de ces activités. Les questions liées au surcroît de travail des femmes, à leurs responsabilités familiales (qu’elles aient ou non des enfants), mais aussi aux restrictions résultant du système patriarcal sont donc importantes : « L’année dernière, j’ai organisé une clinique sur le financement, j’avais environ 13 participants, mais seulement 5 étaient des femmes, dont une qui n’a pas pu terminer le programme parce qu’elle attendait un bébé » (Membre organisation – AS).

Dans ce contexte, les questions liées aux services offerts (lieux, types et qualité) doivent être considérées pour comprendre la participation ou la non-participation des femmes, comme le montre ce témoignage : « [Les prestataires de soutien] doivent être conscients que les femmes de mon milieu, elles doivent se lever à quatre heures du matin pour qu’elles puissent faire bouillir de l’eau pour laver les enfants, faire le déjeuner pour la famille, puis elles doivent prendre un bus et faire tout le chemin à l’endroit où se tient l’atelier […] elles arrivent, elles ont faim et il n’y a même pas un biscuit. Elles sont assises dans une salle de classe, une personne blanche leur parle de philosophie : elles vont s’endormir ! » (Entrepreneure – AS).

Tout en reconnaissant que les obstacles limitent leur participation, les femmes mentionnent plusieurs facteurs qui motivent leur participation aux activités proposées par les organisations de soutien ; pouvoir faire des contacts, promouvoir leurs affaires, parler à des personnes confrontées aux mêmes défis et partager des solutions avec elles. « Pour intensifier mon potentiel, je dois continuellement être en mesure de m’appuyer sur quelqu’un pour me soutenir et qui sera en mesure de répondre à mes questions et me donner des conseils sur ce qu’il faut faire et ne pas faire » (Entrepreneure – AS). La formation et le partage d’expérience contribuent également à développer la confiance en soi. Un élément essentiel à leur implication constante dans le processus entrepreneurial : « Même si les choses évoluent progressivement, les femmes manquent encore de confiance pour lancer des entreprises, notamment des grandes entreprises. Il est important de les soutenir, de travailler sur leur estime de soi » (Membre d’une organisation – RW). Toutefois, pour maximiser leur temps, les femmes doivent veiller à ce que les activités auxquelles elles participent bénéficient directement à elles et à leur entreprise.

3.2.5. Taux de satisfaction des femmes à l’égard des activités

Dans l’ensemble, les femmes interrogées par les divers outils de collecte de données se disent satisfaites des services fournis. Cependant, les commentaires montrent l’existence d’un conformisme social pour lequel il est moins facile pour les femmes d’exiger ou d’exprimer une option négative : « Nous avons tellement peur d’offenser que dans la fiche d’évaluation nous mettons toujours très satisfaite » (Entrepreneure – AS). Si les besoins sont grands, un soutien, aussi petit soit-il, sera apprécié dans une certaine mesure : « L’entrepreneuriat peut être très solitaire et on a besoin de tout le soutien qu’on peut obtenir » (Entrepreneure – RW).

À cela s’ajoute la nécessité de recevoir des services de personnes formées dans le domaine spécifique de leur entreprise et dans les opportunités d’affaires : « Je pense qu’il y a un grand besoin de soutien de la part des ONG, mais les gens qui travaillent dans les ONG ne proviennent généralement pas du secteur de l’entreprise. Ils ont une approche de type diachylon ce qui est agréable, mais ce n’est pas assez » (Entrepreneure – AS). Certaines mentionnent également que les services offerts ne sont pas présentés dans une approche systémique et ne traitent pas toutes les étapes que les femmes entrepreneures doivent suivre : « [Les stratégies] sont plus axées sur les gens qui ont déjà démarré leur entreprise. Pour celles qui commencent, c’est plus difficile d’obtenir tout le soutien » (Entrepreneure – AS).

3.3. Performance des entreprises des femmes entrepreneures

3.3.1. Motivations des femmes pour leur entreprise

La passion du domaine est l’une des principales motivations pour choisir le secteur d’activité. L’idée est que « si vous faites quelque chose qui vous passionne, vous aurez du succès » (Entrepreneure – SA). La nécessité de répondre aux besoins de leur famille joue également un rôle crucial. Bien que les journées puissent être très longues, cela permet une flexibilité qui leur semble essentielle. « Vous pouvez mener avec succès une entreprise de votre maison et structurer votre journée pour assumer toutes vos responsabilités » (Entrepreneures – AS).

Les gains financiers représentent également une motivation pour beaucoup d’entre elles, mais les femmes expriment également une préoccupation sociale qui ne semble pas être aussi répandue chez les hommes : « Les hommes, quand ils obtiennent de l’argent, ils achèteront de belles voitures, des vêtements, des montres de luxe, etc. Les femmes attendent, elles verront d’abord les besoins. Les hommes dépenseront certainement l’argent, les femmes économiseront l’argent pour des projets plus importants » (Entrepreneur – AS). Si les projets masculins sont analysés comme plus individualistes, les femmes se concentrent sur leur volonté de faire une différence pour elles-mêmes, leur famille et leur communauté. Le fait d’avoir des revenus aidera à changer leur situation familiale, mais la création d’emplois aura une portée plus communautaire et sociale, comme le montrent les citations suivantes : « Je rêve d’une école de design accessible à tous et qui profitera à la communauté » (Entrepreneure – RW) ; « Avec mon entreprise, je veux aider à développer mon pays » (Entrepreneure – RW).

3.3.2. Les facteurs facilitants et les obstacles à la performance des entreprises

Les facteurs qui facilitent ou limitent la performance des entreprises appartenant à des femmes sont essentiellement les mêmes que ceux mentionnés précédemment en raison du contexte. En effet, les structures et le contexte marqués par des stéréotypes sexistes (mais aussi par l’ethnicité et la classe sociale) influencent la performance des entreprises et la notion de succès. « Il y a une idée que le succès est individuel, que vous réussirez si vous voulez et si vous recevez de l’appui. Mais nous ne tenons pas compte des structures sociales. Sur le plan structurel, beaucoup de femmes n’ont pas accès aux outils leur permettant de développer leur activité ou de développer une entreprise avec succès » (Membre d’une organisation – AS).

Les participantes ont mentionné des difficultés pour la recherche d’employés qualifiés en qui elles pouvaient avoir confiance. Cela est crucial pour la réussite et la durabilité des entreprises. « Même si tous ces clients arrivent, si mon personnel n’est pas prêt à leur répondre, c’est inutile. Je dois d’abord renforcer les capacités de mon personnel. Et c’est un problème que j’ai vu dans plusieurs entreprises » (Entrepreneure – AS). Cette observation amène certaines femmes à développer les compétences de leur personnel. « J’aimerais créer un centre de formation. Si je devais arrêter demain, je laisserais au moins un héritage. Pour moi, il est important de construire l’ensemble de compétences de mes employés » (Entrepreneure – RW).

3.3.3. Indicateurs de rendement et de satisfaction des entreprises

Les indicateurs de performance issus de la collecte de données sont largement basés sur ce qui motive les femmes à lancer une entreprise. Par conséquent, la flexibilité d’être leur propre patron et la possibilité de répondre aux besoins de leur famille sont des indicateurs de succès importants. La création d’emplois et la génération de revenus sont également pris en compte par les femmes étant donné leur impact sur les communautés par le développement social. Les gains financiers et l’expansion des entreprises sont d’autres indicateurs de succès mentionnés par les participants, mais dans une moindre mesure : « Les occasions d’accroître les bénéfices sont évidemment importantes, mais il est crucial d’avoir un impact sur sa famille et sa collectivité » (Groupe nominal – RW). « Les femmes entrepreneures veulent faire des changements, elles veulent gagner de l’argent, bien sûr, mais elles veulent aussi changer l’environnement » (Entrepreneure – AS).

Cette vision est également liée à la prise de risques chez les femmes. Les femmes sont prêtes à prendre des risques pour améliorer leurs performances commerciales tant que cela n’affectera pas leur situation familiale : « La sécurité et la stabilité sont les éléments les plus importants pour les femmes parce qu’elles ont des enfants. Si le risque représente une menace pour votre stabilité et la sécurité de vos enfants, je suppose que vous n’allez pas prendre ce risque » (Entrepreneure – AS).

Bien qu’il a été souligné que l’objectif principal des femmes est de pouvoir répondre aux besoins de leur famille, plusieurs d’entre elles souhaitent également voir leur entreprise croître comme le montre cette citation : « Je ne suis pas satisfaite, je veux gagner plus d’argent » (Groupe nominal – AS).

Enfin, les personnes interviewées ont établi un lien entre le soutien qu’elles ont obtenu et la performance des entreprises : « Ils m’ont aidé à comprendre ma vision et m’ont donné le courage de continuer » (Sondage – SA). Un élément important est le fait que plusieurs femmes ignorent leurs besoins en matière de soutien jusqu’à ce qu’elles obtiennent un soutien organisationnel : « Le soutien m’a fait comprendre que j’avais besoin d’aide » (Sondage – SA).

Le tableau 3 présente une synthèse des résultats, en fonction des trois dimensions à l’étude : le contexte (situation des femmes), les stratégies de soutien pour les femmes entrepreneures et la performance de leurs entreprises.

Tableau 3

Synthèse des résultats de recherche

Synthèse des résultats de recherche

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4. Discussion et conclusion

Cette recherche en contexte sud-africain et rwandais avait pour objectif d’identifier, à partir des données empiriques, les différentes stratégies permettant d’accompagner les femmes entrepreneures et de distinguer celles qui ont un impact réel sur le démarrage et la performance de leurs entreprises. Sur la base du cadre conceptuel initial et les données recueillies, l’apport principal de cette recherche est de montrer que les services de soutien offerts par les organisations demeurent encore mésadaptés, voire insuffisants pour les femmes entrepreneures. Ce constat s’appuie sur plusieurs éléments qui méritent d’être présentés en conclusion et donne lieu à l’émergence d’un nouveau modèle pouvant alimenter la réflexion et les interventions dans le domaine.

4.1. Une situation familiale influençant le cheminement entrepreneurial à considérer

Une des contributions de cette recherche est de montrer que la famille occupe une place centrale dans la vie des femmes entrepreneures, que ce soit leurs parents, leur conjoint ou leurs enfants. Le soutien familial pour démarrer une entreprise semble donc crucial pour les femmes, y compris le soutien moral et financier, sachant que la plupart des femmes ne peuvent pas bénéficier d’un prêt sans l’autorisation de leur père ou de leur mari. Leur rôle de mères et les devoirs familiaux restreignent leur horaire de travail et affectent ainsi leur cheminement entrepreneurial et le type de soutien, dont elles disposent. L’aspect familial est aussi inséparable de l’appréciation que les femmes font de leur performance. Les résultats montrent que les femmes accordent une priorité à l’impact positif de leur entreprise sur leur famille et leur communauté. Comme l’ont souligné Calás, Smircich et Bourne (2009), les femmes sont mises dans des situations de vulnérabilité qui influencent les choix, les opportunités et les activités entrepreneuriales. Ces discriminations systémiques limitent le travail des femmes entrepreneures de diverses façons et affectent la performance de leur entreprise.

Cet élément renforce l’importance, comme le soulignent plusieurs auteures ayant cette perspective poststructuraliste féministe, de prendre en compte les dimensions contextuelles propres aux femmes dans leurs activités entrepreneuriales, en gardant à l’esprit que les deux sont inséparables (Pathak, Goltz et Buche, 2013 ; Welter, Brush et De Bruin, 2014). Cette analyse contextuelle est essentielle pour comprendre les spécificités et la diversité de l’entrepreneuriat féminin (Bourne et Calás, 2013). L’expérience des femmes renforce également l’idée que l’entrepreneuriat est une activité sociopolitique et une construction sociale au sein de laquelle les iniquités influencent les opportunités, les expériences et les comportements entrepreneuriaux (Al-Dajani et Marlow, 2013).

4.2. Une approche générique et androcentrique à revoir

Une autre contribution de cette recherche et de montrer que les réalités contextuelles ne sont pas vraiment prises en compte par les organisations dans les services de soutien pour les femmes entrepreneures. Nos résultats repris dans le tableau 3 montrent bien que la situation différenciée entre les hommes et les femmes est pratiquement inexistante lorsqu’il s’agit de développer des stratégies et des activités de soutien à l’entrepreneuriat. L’approche choisie est une approche générique et normalisée offrant un soutien peu ciblé et sans réellement d’activités spécifiques pour les femmes ou ayant une perspective sexospécifique. En outre, les services de soutien et l’offre de services dans les zones rurales sont limités ; c’est pourtant le lieu où vivent beaucoup de femmes. Les conseillers ou les experts qui offrent ces services sont principalement des hommes, ce qui n’est pas sans perpétuer les stéréotypes sexistes qui accordent la supériorité et une plus grande crédibilité aux connaissances et aux expériences masculines.

De plus, les organisations utilisent généralement une approche basée sur le développement individuel qui ne tient pas suffisamment compte du contexte et des différentes parties prenantes qui influencent l’activité entrepreneuriale, à savoir la famille, les banques, la main-d’oeuvre, etc. Cette vision est conforme à la perspective libérale qui suggère une approche basée principalement sur l’amélioration des compétences ou des connaissances des femmes plutôt que sur l’amélioration des structures et pratiques organisationnelles (Ahl et Marlow, 2012). À quelques exceptions près, les parties prenantes ne font pas partie d’une approche intégrée, coordonnée et collective visant à soutenir les femmes et à fournir une expertise adaptée pour un véritable changement. Comme l’ont mentionné d’autres études (Colletah, 2000; Hossain et al., 2009 ; Drine et Grach, 2012 ; Pardo del Val, 2010 ; Treanor et Henry, 2010), l’importance de l’appui du gouvernement pour la création d’un environnement juridique et politique aidant les femmes à avoir accès aux ressources nécessaires au lancement et au développement de nouvelles entreprises n’est pas observée de manière significative. Dans une situation où les biais sexistes des institutions financières ont été mentionnés par la majorité des personnes interrogées, il est évident que le soutien financier, plus élaboré que le microcrédit et permettant le développement des entreprises à plus grande échelle, était manifestement limité.

Comme le suggèrent les résultats, l’activité entrepreneuriale est encore considérée comme une activité économique désincarnée. Cette recherche montre clairement que le soutien octroyé aux femmes par les organisations reste fidèle aux connaissances traditionnelles, malgré les études récentes qui considèrent l’entrepreneuriat comme un processus de changement social sensible au genre (Calás, Smircich et Bourne, 2009 ; Davis, 2012). Le contexte et les besoins des femmes demeurent ainsi sous-estimés, ce qui affecte les opportunités de croissance et le sentiment de satisfaction des femmes envers leurs entreprises.

4.3. Une logique stéréotypée concernant la performance des entreprises à déconstruire

Les résultats de la recherche mettent aussi en évidence la vision androcentrique et ses effets qui se traduisent par une présumée incapacité des femmes, malgré le soutien qu’elles reçoivent, à développer leurs compétences et à atteindre un niveau de performance équivalent à celui des hommes. Cette recherche alimente le fait que le taux de satisfaction des femmes par rapport à leurs performances est biaisé par les constructions sociales genrées. Des éléments intéressants de différents entretiens soulignent cette observation puisqu’il a été noté que les hommes seraient compétitifs et qu’ils auraient besoin de plus pour être satisfaits alors que les femmes seraient plus facilement satisfaites. Suivant cette même logique, on considère que les femmes préfèreraient les secteurs considérés comme « plus faciles ». Cette hypothèse est basée sur l’idée préconçue que les femmes ne seraient pas intéressées à construire de grandes entreprises. Il a également été noté que les femmes seraient moins susceptibles de prendre des risques. Ces remarques montrent le manque d’une perspective prenant en compte les inégalités sexospécifiques qui aident à comprendre que la division du travail et la socialisation influent grandement sur les possibilités et les choix des femmes.

La recherche a montré que le problème ne réside pas dans le manque d’ambition et la motivation individuelle chez les femmes, parce que les gains financiers et la croissance sont également une motivation pour plusieurs d’entre elles. Les entrevues ont plutôt mis en évidence le fait que les femmes sont bloquées dans des secteurs généralement dépréciés et leur étant historiquement plus accessibles. Cette situation résulte du processus de socialisation qui doit être pris en compte afin de mieux soutenir les femmes. Ce constat renforce également d’autres études (Braidford, Stone et Tesfaye, 2013 ; Díaz-García et Brush, 2012) qui questionnent la prédominance de cette norme masculine et critiquent cette catégorisation des femmes entrepreneures dans des entreprises moins performantes.

4.4. Une approche dynamique et collective à étudier et à implanter

En fonction de ces éléments et malgré une limite de cette étude concernant la généralisation des résultats, une contribution importante de cette recherche est de mettre de l’avant une nouvelle approche plus dynamique et intégrée des services de soutien. Le contexte spécifique des femmes entrepreneures, particulièrement la situation familiale, doit davantage orienter le soutien aux entrepreneures, tant sur le plan de la nature des services, de l’approche utilisée que de l’accessibilité des services. En nous basant sur nos résultats, le cadre conceptuel initial et les travaux de Welter (2011), la figure 1 illustre de façon originale l’analyse simultanée et genrée de l’interinfluence de trois dimensions (le contexte, le support et la performance) et le nécessaire alignement entre les trois pour assurer un soutien adéquat aux femmes entrepreneures. L’importance de la variable contextuelle dans l’étude du phénomène entrepreneurial n’est pas récente, mais dans la majorité des cas, on se limite à l’analyse du contexte en tant que variable influençant l’entrepreneuriat en amont et peu d’études incluent la boucle inverse, soit l’effet de l’entrepreneuriat sur le contexte.

Ce nouveau modèle, pouvant servir pour la réalisation d’autres études, permet de mettre l’accent sur le contexte et le processus entrepreneurial comme un construit social et un processus de changement social sensible au genre (Ahl et Marlow, 2012 ; Calás, Smircich et Bourne, 2009 ; Knight, 2014 ; O’Hagan, 2014). L’analyse du contexte social et familial des femmes permet de mieux comprendre l’expérience entrepreneuriale expliquant la plupart des choix et des difficultés des personnes et ouvre aussi de nouvelles avenues aux organisations pour améliorer les stratégies de soutien pour les femmes entrepreneures.

Figure 1

Interinfluence du contexte, des services de soutien et de la performance

Interinfluence du contexte, des services de soutien et de la performance

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Enfin, ce modèle souligne l’importance de repenser l’approche privilégiée pour soutenir les femmes entrepreneures par une approche collective plutôt qu’individuelle. Au lieu d’offrir un service standardisé axé uniquement sur la capacité des femmes entrepreneures, cette nouvelle approche permet d’analyser l’influence des iniquités sociales et la création de stratégies et d’activités endogènes qui tiennent compte du contexte et permettent la mobilisation et l’engagement des différentes parties prenantes à soutenir l’approche entrepreneuriale. Dans cette optique, la femme entrepreneure reste au coeur de tout projet d’entreprise, mais l’importance de l’environnement, du contexte et des structures inégalitaires pour la création, la croissance et la survie des entreprises souligne la nécessité pour les communautés de s’impliquer et de s’engager.

Cela amène la création d’une nouvelle culture entrepreneuriale et propose des alternatives entre les différentes parties prenantes qui permettent de définir, d’identifier et de développer des opportunités spécifiques au contexte où vivent les femmes. Il sera toujours nécessaire de travailler directement avec les femmes en matière de formation, mais cette perspective nous amène à tenir compte des facteurs limitant l’accès aux activités (y compris la distance entre le lieu de résidence et de formation, les questions économiques, la charge familiale, l’analphabétisme, etc.). Cela signifie également d’offrir une formation qui va au-delà du contenu strict d’affaires, c’est-à-dire aborder des thèmes tels que la santé, la conciliation travail-famille, la gestion du stress, le harcèlement, les stéréotypes, etc. Au plan organisationnel, ce modèle illustre la pertinence d’établir des mécanismes de coordination et de consultation avec les parties prenantes locales (y compris les institutions financières, les organisations gouvernementales et les organisations communautaires) dans une approche systémique. En plus de sensibiliser les intervenants et intervenantes aux réalités des femmes, ces mécanismes permettront de développer de nouvelles formes de compétences et une main-d’oeuvre qualifiée susceptible d’interagir avec les femmes entrepreneures.

Évidemment, cette étude n’est pas sans limites. Son caractère exploratoire et inductif ne permet pas la généralisation. Nous avons également choisi de nous concentrer sur deux pays, et de passer par le biais d’une ONG spécifique. La vérification de l’adéquation des services offerts aurait avantage à être réalisée dans plus d’organismes pour vérifier si les mêmes constats ressortent. Il est également possible que des biais aient persisté lors de la collecte de données. Les membres des organismes ont pu tenter de présenter leur organisation sous un bon angle, et les femmes entrepreneures, malgré la garantie de confidentialité, ont pu retenir certains commentaires de peur de ne plus recevoir le soutien de l’organisme. En contrepartie, la richesse et la diversité des données (méthodes de collecte multiple, entrevues en profondeur et observation participante) nous permettent de penser que les constats issus des résultats, de même que le modèle émergent, permettront de faire avancer la réflexion sur la nécessité des approches contextualisées en entrepreneuriat, particulièrement pour les femmes entrepreneures africaines.