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Le concept de « tourisme résidentiel » est utilisé depuis la fin des années 1970 (Jurdao Arrones, 1979) pour expliquer les transformations induites par la construction de résidences secondaires dans les zones touristiques. Au cours des dernières années, ce concept a été utilisé pour faire référence à plusieurs régions du monde (Leontidou et Marmaras, 2001 ; Mantecón et Huete, 2008 ; Benson et O’Reilly, 2009a; Huete, 2009 ; Mazón et al., 2009 ; McWatters, 2009). De plus, le tourisme résidentiel comprend un large éventail de types de mobilités où les liens entre tourisme et migration sont parfois très flous (Williams et Hall, 2000 ; O’Reilly, 2003 ; Urry, 2007 ; Benson et O’Reilly, 2009b). Le concept de tourisme résidentiel se veut donc discutable, car il comprend deux termes que certains voient comme contradictoires : le tourisme est par définition synonyme de mobilité, alors que « résidentiel » représente l’immobilisme. Karen O’Reilly (2000) reconnaît la contradiction sémantique de cette expression. Toutefois, celle-ci croit qu’elle permet aux chercheurs de mettre en évidence les tensions qui apparaissent dans un système social où convergent les différents types de mobilités et de stratégies résidentielles. C’est justement la complexité de ces nouvelles réalités sociales qui a amené O’Reilly à utiliser dans ses publications les plus récentes la notion de « migration de style de vie » (lifestyle migration ou LM). Selon elle, la LM fournit un cadre conceptuel qui l’aide à expliquer les nouvelles formes de migration. Ces formes ont davantage à voir avec des projets d’autoréalisation et la quête d’une vie meilleure (Tremblay et Benson, à paraître). Mason McWatters (2009) pour sa part, est critique du concept de LM, le trouvant ambigu. Selon lui, la notion de tourisme résidentiel ne porte pas à confusion, car elle exclut toute forme de migration associée au travail, de migration non touristique et à caractère purement économique. Autre élément intéressant, dans sa définition McWatters inclut les migrants qui habitent dans leur résidence secondaire pendant une période de temps, déterminée ou non, mais à la condition que le déplacement ne soit pas permanent. Ici, la durée en relation avec le tourisme résidentiel se veut donc indéfinie.

Bref, le tourisme résidentiel est lié à l’élaboration de stratégies multi-résidentielles modernes et à des modes de vie transnationaux émergents. Ainsi, les schémas de migration sont devenus très complexes et ils englobent les formes de déplacements ludiques et qui s’apparentent, voire se confondent avec l’immigration (Williams et Hall, 1997 ; O’Reilly, 2003 ; Tremblay, 2006). Ce numéro spécial vise justement à faire ressortir toute la richesse, les limites et la complexité conceptuelle du tourisme résidentiel.

Les contributions à ce numéro

Carmen Gil de Arriba et Hamid Bouqallal proposent une réflexion sur les rapports entre tourisme international et migrations résidentielles d’agrément dans le cas concret du Maroc. Dans le contexte de mondialisation des dernières décennies, les interventions de l’Administration marocaine et des investisseurs étrangers ont conduit à un processus de mise en tourisme du territoire se traduisant par l’apparition d’espaces touristico-résidentiels, surtout dans certaines zones du littoral ou dans des villes historiques. Ces espaces adaptés aux besoins des touristes étrangers contribuent à produire et à reproduire des représentations et des imaginaires fondés sur la recherche d’altérité et le désir d’exotisme, utilisés comme éléments d’attraction.

Célia Forget s’intéresse quant à elle au caravaning à plein temps, mode de vie choisi par plusieurs millions de Nord-Américains. Est-il une forme de tourisme résidentiel ? C’est à cette question que son article tente de répondre en analysant le concept même de tourisme résidentiel et les concepts avoisinants pour saisir si le caravaning à plein temps présente des points communs avec celui-ci. Les destinations choisies par les caravaniers, en été comme en hiver, sont-elles liées au tourisme ? Le temps de résidence passé dans ces destinations a-t-il une influence sur la conception qu’ils se font de leur statut de touriste, de migrant ou de résident? En concentrant son analyse sur un certain type de caravaniers à plein temps, ceux qui élisent domicile pour plusieurs mois à un même endroit, il leur est possible de démontrer que ce mode de vie se distingue à maints égards de ceux généralement liés au tourisme résidentiel ou à la migration de style de vie.

Mohamed Hellal pose les bases de sa réflexion scientifique sur le tourisme résidentiel, qu’il considère comme un phénomène flou. Il tente de démontrer que le phénomène des résidences des étrangers est différent du tourisme en général, au moins dans le temps et dans le rapport au territoire. Face à la crise du tourisme de masse, ces dernières années, les villes touristiques en Tunisie semblent attirer des résidents étrangers. Dans le cas de la ville de Mahdia, on assiste à la mutation progressive du système touristique en un fonctionnement résidentiel qui s’accompagne de transformations profondes et de structures territoriales anciennes, comme la médina. Le fait que les étrangers deviennent propriétaires des logements avant de les rénover participe à l’évolution de la ville sur les plans économique, social et patrimonial. Ils transforment leur position en s’impliquant dans la vie quotidienne. Ils ne sont donc plus considérés comme des touristes, mais comme des acteurs-habitants de la vie sociale et économique.

Zainub Ibrahim et Rémy Tremblay présentent quelques-uns des principaux concepts utilisés dans les études sur la migration et le tourisme, dont la migration de style de vie ( lifestyle migrations ou LM). Ils se penchent en particulier sur le cas des Québécois en Floride. À la lumière de la littérature sur les migrations de style de vie, ils tentent de voir si ce cas correspond à la définition et aux caractéristiques de ce type de migration. Leur analyse se fonde sur des entretiens semi-structurés réalisés auprès de 30 migrants québécois en Floride.

Marie-Antoinette Maupertuis, Caroline Tafani et Audrey Poggioli présentent des résultats d’une étude qualitative conduite dans une commune littorale de Corse, l’une des grandes îles de Méditerranée. Leur article interroge les différentes formes du tourisme résidentiel. Considérant qu’habiter les lieux est plus que simplement y résider, les auteures analysent les pratiques de résidents secondaires et les liens qu’ils entretiennent aux lieux dans l’objectif de caractériser les territorialités qui les définissent.