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1. Introduction et problématique

La proportion de jeunes issus de l’immigration, c’est-à-dire, d’une part, de jeunes de première génération qui sont nés à l’étranger et, d’autre part, de deuxième génération qui n’ont pas immigré mais dont les parents sont nés à l’étranger, est en constante augmentation au sein des écoles nord-américaines et européennes (Eurostat, 2016; Migration policy institute, 2014). Depuis plusieurs années, la proportion d’élèves immigrants est également grandissante au sein des écoles québécoises, en particulier à Montréal où plus d’un élève sur deux est issu de l’immigration (Comité de gestion de la taxe scolaire de l’île de Montréal, 2015). Ces élèves sont par ailleurs nettement plus susceptibles de vivre dans des quartiers défavorisés, ce qui constitue un facteur de risque d’échec et d’abandon scolaire (Ashiabi, 2005).

Prise dans son ensemble, la population des élèves issus de l’immigration réussit aussi bien que la moyenne des élèves québécois sur le plan scolaire (McAndrew, Balde, Bakhshaei, Tardif-Grenier, Audet, Armand, Guyon, Ledent, Lemieux, Potvin, Rahm, Vatz-Laaroussi, Carpentier et Rousseau, 2015). Par contre, lorsque l’on raffine les analyses et que la région d’origine est considérée, certains sous-groupes d’élèves issus de l’immigration affichent un profil scolaire plus ou moins avantagé. C’est notamment le cas des élèves originaires des Antilles et de l’Afrique du Nord qui se démarquent par leur taux de diplomation respectivement plus faible et plus élevé que la moyenne des élèves québécois (McAndrew, Ledent, Murdoch et Aït-Saïd, 2011). Nous en savons néanmoins peu sur d’autres indicateurs de la réussite éducative de ces élèves tels que l’engagement scolaire de ces élèves, un préalable pourtant essentiel au succès et à la persévérance scolaire (Finn, 1989). Les connaissances sont également limitées en ce qui a trait aux facteurs associés à ces différences constatées au plan de la diplomation entre les élèves originaires des Antilles, d’Afrique du Nord et du Canada, des groupes très présents au Québec, en particulier à Montréal. Or, il est reconnu que les parents jouent un rôle crucial dans le succès scolaire de leur enfant, et que ce rôle peut s’exercer différemment au sein des familles issues de l’immigration (Vatz-Laaroussi, Kanouté et Rachédi, 2008). Il est par conséquent plausible que ces groupes d’élèves soient exposés à des pratiques d’implication parentale dans le suivi scolaire qui divergent, et que ces pratiques soient associées de manière différentielle à leur réussite éducative. Par contre, nous en savons peu sur l’implication parentale dans le suivi scolaire des parents originaires des Antilles et de l’Afrique du Nord et sur son association avec la réussite éducative de leurs enfants. Cette étude a par conséquent pour objectif d’examiner si les relations qui existent entre l’implication parentale dans le suivi scolaire et la réussite éducative de l’élève varient selon la région d’origine du parent, afin de contribuer à une meilleure connaissance de deux communautés d’immigrants très présentes à Montréal en les comparant à un groupe d’élèves non issu de l’immigration dont les parents et les grands-parents sont nés au Canada.

2. Contexte théorique

2.1 La réussite éducative de l’élève : rendement et engagement scolaire

La réussite éducative est un préalable essentiel à la pleine participation d’un individu à la société et cela pourrait être d’autant plus vrai pour les élèves issus de l’immigration puisque, pour ces élèves, la réussite éducative représente un indicateur d’intégration et d’adaptation aux valeurs de leur société d’accueil (Suárez-Orozco et Suárez-Orozco, 2001). De nombreuses variables rendent compte de la réussite éducative de l’élève, mais deux d’entre elles ont fait l’objet d’une attention plus marquée dans les écrits de recherche : le rendement et l’engagement scolaire. Habituellement le rendement scolaire se définit par le résultat d’un élève aux évaluations continues des acquis dans le cadre scolaire (Bloom, Madaus et Hastings, 1981; Ward, Stocker et Murray-Ward, 1996). En ce qui a trait à l’engagement scolaire, la définition la plus consensuelle est celle de Fredricks, Blumenfeld et Paris (2004) qui le définissent comme un métaconstruit regroupant trois dimensions : affective, cognitive et comportementale. La dimension affective de l’engagement scolaire renvoie aux sentiments et aux attitudes des élèves envers l’école et varie selon la matière scolaire concernée. La dimension cognitive de l’engagement scolaire fait référence à l’autorégulation et au niveau d’investissement déployé par l’élève dans le but de mener ses apprentissages. Enfin, la dimension comportementale de l’engagement renvoie à la fois à la participation aux activités scolaires et parascolaires et aux comportements de conformité tels que respecter les règles de la classe et faire preuve d’assiduité. L’engagement scolaire, en particulier au primaire, est le plus souvent évalué par l’enseignant de l’élève en fonction de la fréquence d’apparition de comportements observables de conformité et d’assiduité (Fredricks et al., 2004). Par contre, il n’existe pas de mesures rapportées par l’enseignant qui permettraient de rendre compte des dimensions de l’engagement plus difficiles à percevoir de l’extérieur : affective et cognitive. Il est donc pertinent d’avoir recours, en complément aux mesures rapportées par l’enseignant, à des mesures auto-rapportées par l’élève dans le but d’obtenir une évaluation plus complète et exhaustive de son expérience scolaire. À cet égard, les élèves sont en mesure de rendre compte de leur engagement scolaire dès le deuxième cycle du primaire (Archambault et Vandenbossche-Makombo, 2013).

2.2 La réussite éducative des élèves issus de l’immigration

Aux États-Unis, plusieurs études portent sur le rendement scolaire des élèves issus de l’immigration ou de minorités ethniques (par exemple, Bempechat, Graham et Jimenez, 1999; Diemer, Li, Gupta, Uygun, Sirin et Rogers-Sirin, 2014; Fuligni, Alvarez, Bachman et Ruble, 2005; Kao et Tienda, 1995; Motti-Stefanidi, Masten et Asendorpf, 2015). Plusieurs des constats qui émanent des études américaines ne sauraient être appliqués au contexte québécois en raison des différences qui existent entre les populations immigrantes américaines et québécoises. En effet, les immigrants américains sont, d’une part, plus massivement défavorisés et d’origines moins diversifiées comparativement aux immigrants québécois (Baker et Rytina, 2013). D’autre part, aux États-Unis, environ la moitié des immigrants sont des résidents illégaux et près des trois quarts sont d’origine hispanophone, ce qui n’est pas le cas des immigrants du Québec. Enfin, les études américaines portent souvent sur la réalité des élèves afro-américains, une minorité ethnique dite involontaire qui réside aux États-Unis depuis de nombreuses générations de manière involontaire, qui ne peut pas être considérée comme issue de l’immigration et qui n’est pas présente au Québec (Ogbu et Simons, 1998). Pour cette raison, ces connaissances ne peuvent être généralisées au contexte québécois. En ce qui concerne l’engagement scolaire, les connaissances sont beaucoup moins développées. Quelques études ont cependant été menées aux États-Unis (par exemple, Conchas, 2001; Garcia-Reid, Reid et Peterson, 2005; Perreira, Fuligni et Potochnick, 2010; Suárez-Orozco, Pimentel et Martin, 2009). Celles-ci ont toutefois surtout porté sur les jeunes Latinos, un groupe d’immigrants très présent aux États-Unis, mais nettement moins prévalent au Québec. L’étude longitudinale de Suárez-Orozco, Gaytan, Bang, Pakes, O'Connor et Rhodes (2010) a porté sur un échantillon de 407 élèves immigrants du secondaire et a permis d’étudier les trajectoires d’engagement comportemental de ces élèves. Ces élèves, âgés entre neuf et quatorze ans au début de l’étude, étaient nés en Amérique Centrale, en Chine, en République Dominicaine, en Haïti ainsi qu’au Mexique. Les résultats suggèrent que les élèves immigrants représentent un groupe hétérogène au plan de l’engagement scolaire. Les élèves qui ne maîtrisaient pas la langue d’enseignement étaient plus enclins à manifester un faible niveau d’engagement comportemental, ce qui témoigne de l’importance de tenir compte de la langue lorsque l’on s’intéresse à l’engagement scolaire de cette population. Cependant, pour les raisons évoquées plus tôt, ces connaissances issues d’études américaines ne traduisent peut-être pas la situation de ces élèves dans le contexte québécois. À ce jour, une seule étude québécoise a porté sur l’engagement scolaire des élèves du primaire issus de l’immigration (Archambault, Tardif-Grenier, Dupéré, Janosz, Mc Andrew, Pagani et Parent, 2015). Cette étude met en lumière le fait que les pratiques enseignantes telles que l’utilisation d’un encadrement directif ont un impact plus positif sur l’engagement scolaire des élèves immigrants que chez leurs pairs natifs.

Plusieurs études québécoises ont porté sur le vécu scolaire en général des élèves issus de l’immigration (par exemple, Kanouté, Vatz-Laaroussi, Rachédi et Tchimou-Doffouchi, 2008; McAndrew, Garnett, Ledent et Ungerleider, 2008) et quelques-unes d’entre elles ont porté sur le rendement scolaire (McAndrew et al., 2011; Tardif-Grenier, Archambault et Janosz, 2011), mais une seule a traité de leur engagement scolaire (Archambault et al., 2015). Ces élèves font face à de nombreux défis qui pourraient affecter leur réussite éducative. Notamment, les élèves issus de l’immigration récente sont plus susceptibles de grandir dans un milieu défavorisé que les jeunes de troisième génération ou plus, et de vivre du stress attribuable aux efforts qu’ils doivent déployer pour s’adapter à une nouvelle culture (Kanouté, 2002; Lafortune, 2012). De plus, ils ne connaissent pas toujours la langue de leur pays d’accueil et de leur établissement scolaire. On peut donc en conclure que les élèves issus de l’immigration doivent déployer des efforts supplémentaires pour réussir sur le plan scolaire (Oppedal, 2006) et présumer que ces élèves bénéficient de l’implication de plusieurs acteurs, notamment celle des parents qui figurent sans doute parmi les acteurs de la réussite éducative les mieux placés pour aider l’élève à relever ces défis (Jeynes, 2005).

2.3 L’implication parentale et la réussite éducative de l’élève issu de l’immigration

Des études québécoises menées auprès des élèves issus de l’immigration montrent que l’association entre l’implication parentale et la réussite éducative est positive (Kanouté et Lafortune, 2010; Kanouté et al., 2008; Vatz-Laaroussi et al., 2008) et ce, malgré les nombreux défis auxquels font face les parents immigrants tels que le stress d’acculturation, le manque d’ouverture et de reconnaissance de la part de certains milieux scolaires, les enjeux linguistiques et d’insertion professionnelle (Kanouté et Lafortune, 2010). L’étude de Vatz-Laaroussi et ses collègues (2008) menée auprès de 24 élèves immigrants du secondaire a permis de documenter six types de collaboration école-familles immigrantes, définis sur la base de l’intensité des contacts entre l’école et les familles, allant de la collaboration avec distance assumée, qui renvoie à l’absence de contact entre les parents et l’école, à la collaboration fusionnelle, qui implique que le personnel scolaire participe à la vie de la famille en donnant, par exemple, de l’aide pour un déménagement. Cette étude qualitative souligne notamment que le capital social et culturel des parents détermine l’intensité et la nature des stratégies de mobilisation qu’ils mettent en place pour favoriser la réussite scolaire de leur enfant. Certaines communautés se démarquent par le capital culturel dont elles disposent, et il est par conséquent plausible que l’influence de l’implication parentale sur la réussite éducative varie en fonction de la région d’origine du parent.

Il n’existe toutefois pas de consensus quant à la définition et aux dimensions qui traduisent l’implication parentale dans le suivi scolaire. Nous avons choisi d’adopter le modèle de l’implication parentale dans le suivi scolaire récemment développé par (Tardif-Grenier et Archambault, 2016), car ce modèle comportant cinq dimensions a été validé au Québec auprès d’un échantillon de près de 711 parents d’élèves du primaire majoritairement issus de l’immigration. L’importance que le parent accorde à la réussite scolaire représente la valeur attribuée aux accomplissements scolaires, et des études montrent que cette dimension est positivement associée au rendement scolaire de l’élève du primaire (Barnard, 2004; Jeynes, 2005). La communication parent-enfant au sujet de l’école renvoie aux discussions portant sur l’école. Plusieurs auteurs suggèrent que cette dimension est associée à un haut rendement scolaire chez l’élève du primaire (Desimone, 1999; Jeynes, 2010; Park, 2008). En effet, en ayant des discussions portant sur l’école avec son enfant, le parent manifeste concrètement son intérêt à l’égard de la scolarisation de celui-ci et peut le conseiller lorsqu’il éprouve des difficultés. La dimension affective du lien école-parent réfère au niveau de confort et de confiance de ce dernier à l’endroit de l’école de son enfant. En revanche, la dimension comportementale du lien école-parent fait référence aux comportements que le parent déploie afin d’être en contact avec l’école de son enfant. Le lien affectif et comportemental entre les parents et l’école est aussi associé au rendement scolaire de l’élève du primaire (Grolnick, Kurowski, Dunlap et Hevey, 2000; Hill, Castellino, Lansford, Nowlin, Dodge, Bates et Pettit, 2004). Ainsi, les comportements parentaux visant à communiquer régulièrement avec l’enseignant et à participer à des activités qui ont lieu à l’école sont associés à un rendement plus élevé chez l’élève. Il en va de même lorsque les parents se sentent bienvenus à l’école et font confiance au personnel scolaire (Adams et Christenson, 2000; Kohl, Lengua et McMahon, 2000; Mapp, 2003). Enfin, le soutien et l’encadrement lors des devoirs renvoient à l’établissement d’un horaire et à la supervision parentale de cette activité, deux pratiques qui sont associées à un meilleur rendement chez l’élève (Gutman et McLoyd, 2000; Montandon, 1996).

Très peu d’études ont toutefois examiné les liens qui existent entre l’implication parentale dans le suivi scolaire et l’engagement scolaire de l’élève du primaire, et aucune d’entre elles n’a considéré l’implication parentale et l’engagement scolaire selon une perspective multidimensionnelle (Gonzalez-DeHass, Willems et Holbein, 2005). Quelques études ont cependant mis en évidence l’existence d’une association positive indirecte entre l’implication parentale dans le suivi scolaire auprès d’élèves du secondaire et leur niveau d’engagement scolaire (Bempechat et Shernoff, 2012; Mo et Singh, 2008). De surcroît, des auteurs ont montré que l’implication parentale dans le suivi scolaire a pour effet de favoriser d’autres comportements qui sont associés à l’engagement scolaire; par exemple, la motivation intrinsèque, l’autonomie, l’autorégulation, l’orientation vers les buts de maîtrise et la motivation à l’égard de la lecture (Gonzalez-DeHass et al., 2005). Ces études, qui concluent à la présence d’association entre l’implication parentale et l’engagement scolaire chez les élèves du secondaire, laissent présager qu’un tel lien pourrait aussi être observé chez les élèves du primaire.

2.4 Différences sur le plan de l’implication parentale en fonction de la région d’origine

Il existe un relatif consensus autour de l’idée que l’implication des parents dans la vie scolaire de l’enfant diffère entre les parents immigrants et les parents natifs (Villiger, Wandeler et Niggli, 2014). La différence la plus fréquemment rapportée est que les parents immigrants s’impliquent moins dans les activités ayant lieu directement à l’école. S’ils sont moins présents à l’école, les parents immigrants n’en sont pourtant pas moins impliqués dans le suivi scolaire de leur enfant. Leur implication se traduit davantage par du soutien à la maison, notamment par des encouragements ainsi que par la transmission d’aspirations scolaires élevées (Kao et Tienda, 1995; Vatz-Laaroussi et al., 2008). Il existe des théories permettant d’expliquer les différences culturelles sur le plan des comportements.

Selon Le, Ceballo, Chao, Hill, Murry et Pinderhughes (2008), la culture est un phénomène dynamique qui représente la manière de vivre développée par un groupe de personnes afin d’assurer sa survie et de combler ses besoins psychologiques et émotionnels. Ces besoins varient en fonction de l’environnement où le groupe évolue (Hill, Murry et Anderson, 2005). En lien avec la notion de culture, la théorie de la niche développementale (Harkness et Super, 1996) nous renseigne sur la manière dont la culture se transmet par le biais des pratiques parentales. Selon cette théorie, la culture influence directement les pratiques parentales, puisqu’elle détermine les croyances relatives aux techniques parentales qui sont appropriées et efficaces, de même que les croyances quant aux besoins des enfants, ainsi que la perception de ce que devrait être le développement des enfants. Plus précisément, l’éducation des enfants est orientée vers le développement de compétences instrumentales adaptées au contexte au sein duquel l’enfant est amené à se développer (Ogbu, 1981). On entend par compétence instrumentale l’habileté à accomplir les tâches nécessaires aux rôles économique, politique et social de l’adulte. La valeur accordée aux compétences et le choix des compétences à développer est largement tributaire de la culture, et les parents orienteront l’éducation qu’ils prodiguent à leur enfant vers l’une ou l’autre de ces tâches, en fonction de leur culture. Des parents ayant eux-mêmes évolué dans un contexte différent de celui de leur pays d’accueil ont développé une conception des compétences adaptées qui découle de ce contexte. Par exemple, des différences importantes ont été observées entre les parents originaires d’Amérique latine et les parents natifs des États-Unis (Garcia-Coll, Meyer, Brillon et Bornstein, 1995). En effet, au sein de la culture Latino, l’interdépendance est valorisée et beaucoup d’importance est accordée à la famille élargie, ce qui n’est pas le cas de la culture nord-américaine qui a davantage tendance à valoriser l’autonomie, la réussite personnelle, la compétition ainsi qu’un noyau familial plus restreint. Or, ces chercheurs ont établi que ces valeurs sont associées à un niveau plus élevé de contrôle et d’autorité exercé par les parents Latinos à l’endroit de leur enfant que par les parents américains. Ces derniers étaient plus enclins à adopter des pratiques favorisant le développement de l’individualité; par exemple, l’encouragement à verbaliser ses idées et à exprimer son opinion.

Bien entendu, les pratiques parentales sont tributaires d’un ensemble de facteurs tels que le statut socioéconomique ou la santé physique et mentale du parent, et ces facteurs sont susceptibles d’interagir avec sa culture. Il est cependant indéniable que cette dernière influence les pratiques parentales et pour cette raison, on ne peut considérer les parents immigrants comme un groupe homogène. Il importe donc de distinguer des sous-groupes en fonction de la culture. Une manière de prendre en compte, du moins partiellement, la culture d’origine est notamment de considérer la région d’origine.

Afin de mieux rendre compte de l’hétérogénéité qui existe au sein de la population immigrante, nous nous intéresserons plus particulièrement aux élèves originaires des Antilles ainsi que d’Afrique du Nord, parce qu’il s’agit des deux groupes d’origine non-européenne les plus présents au Québec (Immigration et Communautés Culturelles Québec, 2009). Les personnes originaires d’Afrique du Nord constituent la grande majorité des musulmans francophones du Québec et ont immigré massivement au Québec depuis les années 2000, quittant leur pays pour des raisons économiques et parfois politiques (Aouli, 2011). Ils sont souvent très scolarisés et disposent d’un capital culturel élevé. Au Québec, la plupart des immigrants d’origine antillaise proviennent d’Haïti. Les Haïtiens ont immigré au Québec en deux vagues. Une première vague d’Haïtiens francophones très instruits est arrivée dans les années 1960, et une seconde vague d’Haïtiens créolophones peu scolarisés issus de milieux ruraux et défavorisés est apparue au Québec à partir des années 1970 (Lafortune, 2012). La communauté haïtienne est donc d’implantation plus ancienne que celle d’Afrique du Nord et moins scolarisée, n’ayant pas été sélectionnée sur la base des critères propres à l’immigration économique.

Une vaste étude québécoise menée à partir de données populationnelles incluant plus de 30 000 élèves du secondaire issus de l’immigration a permis de montrer l’existence de différences considérables entre les élèves originaires des Antilles et ceux originaires d’Afrique du Nord (McAndrew et al., 2011). Ainsi, lorsqu’on les compare aux élèves de troisième génération ou plus, les élèves originaires des Antilles présentent un profil scolaire globalement désavantagé, notamment sur le plan du rendement scolaire et de l’abandon scolaire. À l’inverse, les élèves originaires d’Afrique du Nord ont un profil scolaire nettement plus avantagé que les deux autres groupes en ce qui a trait à leur rendement et à leur taux de diplomation. Ces différences qui existent au niveau du rendement et de la persévérance scolaire entre les élèves originaires des Antilles, de l’Afrique du Nord et ceux de troisième génération ou plus n’ont pu être expliquées par les caractéristiques sociodémographiques, par les variables liées au processus de scolarisation ni par la nature des établissements fréquentés.

Il y a donc lieu d’explorer d’autres variables, notamment les pratiques d’implication parentale dans le suivi scolaire. Or, il n’existe aucune étude portant spécifiquement sur l’implication scolaire des parents originaires d’Afrique du Nord, mais quelques études qualitatives sur les parents d’origine haïtienne (Hohl, 1996; Kabasele-Ntumba, 2015; Pierre-Jacques, 1986). Plus précisément, Hohl (1996) s’est attardée au rapport à l’école de parents analphabètes d’origine haïtienne dont l’enfant est en situation d’échec scolaire. Cette étude a mis en lumière le fait que ces parents ont très peu de contacts avec l’école de leur enfant, bien qu’ils accordent beaucoup d’importance à leur réussite scolaire. Il s’agit cependant d’un sous-groupe bien particulier, non représentatif de la majorité des parents haïtiens. L’étude qualitative et exploratoire de Kabasele-Ntumba (2015) porte sur les relations école-parents d’origine haïtienne et permet d’identifier des facteurs qui nuisent à ces relations, tels que l’intrusion du personnel scolaire dans la vie de la famille et l’étiquetage des enfants. S’attardant aussi au rapport des familles haïtiennes à l’école québécoise, l’étude qualitative de Pierre-Jacques (1986) permet de mettre en évidence que certaines des valeurs de l’école haïtienne entrent en contradiction avec certaines valeurs de l’école québécoise, en particulier en ce qui a trait à la discipline, l’école québécoise étant nettement plus permissive à cet égard. Ces études ne permettent cependant pas d’identifier les pratiques qui favorisent la réussite éducative des élèves issus de ces communautés. En somme, compte tenu des différences importantes qui existent, sur le plan scolaire, entre les élèves originaires du Canada, d’Afrique du Nord et des Antilles, il nous apparaît pertinent de nous pencher sur l’association différenciée susceptible d’exister entre les pratiques d’implication parentale dans le suivi scolaire et la réussite éducative des élèves de ces trois sous-groupes.

2.5 Objectif de recherche et hypothèses

La présente étude a pour objectif d’examiner si les relations qui existent entre l’implication parentale dans le suivi scolaire et la réussite éducative de l’élève diffèrent en fonction de la région de naissance de parents nés en Afrique du Nord, dans les Antilles ou au Canada. Cette étude mettra en évidence les pratiques parentales d’implication dans le suivi scolaire qui sont les plus favorables à la réussite éducative de l’enfant et pouvant être mises en place en amont des difficultés de l’élève, avant qu’il devienne plus difficile d’intervenir. Compte tenu des écrits de recherche témoignant de l’existence d’associations entre les dimensions de l’implication parentale dans le suivi scolaire et le rendement ainsi que l’engagement scolaire chez les élèves du secondaire (Barnard, 2004; Bempechat et Shernoff, 2012; Desimone, 1999; Gonzalez-DeHass et al., 2005; Grolnick et al., 2000; Hill et al., 2004; Jeynes, 2010; Mo et Singh, 2008; Park, 2008), nous postulons l’existence de liens entre ces variables au sein d’un échantillon de parents d’élèves du primaire issus de l’immigration. Nous nous attendons à ce que les liens observés entre les dimensions de l’implication parentale et la réussite éducative de l’élève soient différents selon la région de naissance du parent. Considérant l’absence d’études dont le devis permettrait de comparer l’implication parentale dans le suivi scolaire des parents nés en Afrique du Nord, dans les Antilles et au Canada, il n’est pas possible de cerner avec précision la nature et l’intensité des différences attendues.

Cependant, à la lumière des résultats de recherche scientifiques sur ces populations une fois parvenues au secondaire, qui témoignent d’importantes différences entre ces groupes en ce qui a trait à leur réussite éducative (McAndrew et al., 2015), nous nous attendons à ce que ces élèves et leurs parents présentent des profils différents au primaire, et à ce que les liens entre l’implication parentale dans le suivi scolaire et la réussite éducative diffèrent entre les parents nés en Afrique du Nord, dans les Antilles ou au Canada. Nous nous attendons donc à ce que l’association entre les dimensions de l’implication parentale (lien comportemental et affectif avec l’école, soutien et encadrement lors des devoirs, importance accordée à la réussite scolaire et communication parent-enfant au sujet de l’école) et les dimensions de la réussite éducative (rendement scolaire, engagement scolaire affectif, cognitif et comportemental) varient selon la région de naissance du parent. Ces différences seront étudiées en contrôlant des prédicteurs de la réussite et de la persévérance scolaire, c'est-à-dire le statut socioéconomique et le niveau de scolarité des parents, ainsi que le sexe, l’âge, la langue maternelle et les difficultés de comportement antérieures de l’élève.

3. Méthodologie

3.1 Participants

Les données servant à la présente étude sont issues d’une recherche portant sur l’engagement scolaire de plus de 1400 élèves fréquentant des écoles en milieu défavorisé et pluriethnique (Tardif-Grenier et Archambault, 2016). La méthode d’échantillonnage par choix raisonné a été privilégiée; c’est une méthode non probabiliste selon laquelle le choix des sujets repose sur le jugement du chercheur en raison de leurs caractéristiques typiques de la population cible (Morin, 1990). Ces élèves provenaient de cinq écoles primaires situées sur l’île de Montréal. L’échantillon de la présente étude est constitué de 296 parents d’élèves de deuxième et troisième cycles, sélectionnés sur la base de leur région de naissance parmi les 711 parents qui ont participé au projet initial. Les répondants étaient la mère (69 %), le père (25 %) ou le père et la mère (6 %). Trois sous-groupes de parents ont été constitués : les parents nés au Canada dont les parents sont nés au Canada (n = 97), les parents nés en Afrique du Nord (n = 98) et dans les Antilles (n = 101). L’âge moyen des élèves était similaire dans chacun des sous-groupes : Canada (M = 10 ans), Afrique du Nord (M = 9,5 ans) et Antilles (M = 9,6 ans). Les parents originaires d’Afrique du Nord sont plus susceptible d’avoir terminé une scolarité de niveau collégial (46 %) que les parents originaires du Canada (37 %) et des Antilles (35 %). Très peu de parents ont terminé des études universitaires, ce qui est attribuable au fait que les écoles sont situées dans des quartiers hautement défavorisés. Chez les élèves, l’âge moyen était de 9,7 ans (ET = 1,3 ans) et on comptait 52 % de filles. Il appert que les parents nés au Canada sont majoritairement de sexe féminin et plus nombreux à être âgés entre 31 et 40 ans. Les enseignant(e)s (= 66) de ces élèves ont également été sollicités afin d’évaluer les difficultés comportementales, le rendement scolaire et l’engagement comportemental de ces derniers élèves. Principalement de sexe féminin (86,4 %), ces enseignant(e)s étaient pour la plupart âgé(e)s de moins de 40 ans (63,6 %) et cumulaient plus de 11 ans d’expérience en enseignement (46,4 %).

Tableau 1

Âge et sexe des groupes de répondants

Âge et sexe des groupes de répondants

Note. Cette variable renvoie au niveau de scolarité du parent répondant au questionnaire.

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3.2 Déroulement

Le taux de consentement des parents au projet initial était de 59 %. Le devis comportait trois temps de mesures, répartis sur une même année scolaire. En octobre 2012 (t1), les enseignants ont répondu à des questions portant sur les difficultés comportementales de chaque élève. En février 2013 (t2), un questionnaire écrit muni d’une enveloppe préaffranchie a été acheminé aux parents avec l’aide des enseignants des écoles participantes. Traduit en anglais, en créole et en arabe, le questionnaire portait sur les caractéristiques sociodémographiques des familles ainsi que sur l’implication des parents dans le suivi scolaire. Toutefois, seulement 3 % des parents ont choisi de répondre à une version traduite du questionnaire. En mai 2013 (t3), les élèves ont également répondu à un questionnaire informatisé portant sur leur engagement scolaire et ont indiqué leur sexe ainsi que leur âge. Au même moment, les enseignants ont rempli un second questionnaire écrit portant notamment sur le rendement scolaire et l’engagement comportemental de chacun des élèves. Le taux d’attrition des élèves entre le temps 1 et le temps 3 est de 4 %.

3.3 Instrumentation

3.3.1 Engagement scolaire de l’élève

L’engagement scolaire rapporté par l’élève (t3) a été mesuré à partir de l'Échelle des dimensions de l'engagement scolaire (ÉDES) (Archambault et Vandenbossche-Makombo, 2013). Cet instrument a été élaboré et validé pour des élèves québécois de deuxième et troisième cycle du primaire. L’instrument comporte quatre dimensions. D’abord, la dimension de l’engagement comportemental se traduit par huit items (par exemple, Je suis toujours les instructions de mon enseignant(e) durant les activités de mathématiques) (α = 0,79). Il est à noter que les alphas de Cronbach rapportés dans le texte reflètent la cohérence interne des échelles de mesure au sein de l’échantillon sur lequel repose la présente étude. La dimension de l’engagement cognitif comporte six items (par exemple Quand je finis une dictée, je vérifie pour m’assurer qu’il n’y a pas d’erreurs) (α = 0,78). La dimension de l’engagement affectif en mathématiques est mesurée par le biais de trois items (par exemple, Ce que nous apprenons en mathématiques est intéressant) (α = 0,78). Enfin, l’engagement affectif en français comprend trois items (par exemple J’aime lire et écrire) (α = 0,77). Les élèves répondent à chacun des items à partir de deux échelles de type Likert en cinq points (de 1 = pas du tout, à 5 = beaucoup; de 1 = presque jamais, à 5 = presque toujours). Les enseignants ont également évalué le niveau d’engagement comportemental de chaque élève (t3) à l’aide d’une échelle composée de neuf items (par exemple, Dans la classe, cet enfant écoute attentivement), auxquels ils répondaient à partir d’une échelle de type Likert en trois points (de 1 = jamais, à 3 = souvent) (α = 0,83). Pour toutes les échelles, la moyenne des scores obtenus sur chacun des items a été calculée.

3.3.2 Rendement de l’élève

L’enseignant a répondu à trois questions sur le rendement de chaque élève (t3) : Depuis le début de l’année scolaire, comment évaluez-vous le rendement moyen de cet élève en mathématiques par rapport aux autres élèves de sa classe? La même question a été posée au sujet du rendement en lecture et en écriture. L’enseignant répondait à ces questions à partir d’une échelle de type Likert en cinq points (1 = nettement sous la moyenne, à 5 = nettement au-dessus de la moyenne) (α = 0,92). Une échelle de rendement global a été construite à partir de la moyenne de ces trois items.

3.3.3 Implication parentale dans le suivi scolaire

L’implication parentale a été évaluée à l’aide du Questionnaire sur l’implication parentale dans le suivi scolaire (QIPSS) (t2). Ce questionnaire a été validé auprès de 711 parents d’élèves du primaire majoritairement issus de l’immigration et fréquentant une école en milieu défavorisé (Tardif-Grenier et Archambault, 2016) et il comporte cinq dimensions. D’abord, la communication parent-enfant au sujet de l’école est mesurée par cinq items (par exemple, Je parle avec mon enfant de l’importance de réussir à l’école), auxquels le parent répond à l’aide d’une échelle de type Likert en cinq points (1 = rarement, à 5 = à tous les jours) (α = 0,87). Ensuite, trois items portent sur l’importance accordée à la réussite scolaire (par exemple, Il est important de réussir à l’école pour réussir sa vie) et le parent y répond à l’aide d’une échelle de type Likert en quatre points (1 = totalement en désaccord, à 4 = totalement en accord) (α = 0,77). La dimension affective du lien école-parent est évaluée par le biais de trois questions (par exemple, Je me sens bienvenu-e à l’école de mon enfant), auxquelles le parent répond à partir d’un choix de réponses de type Likert en quatre points (1 = pas du tout, à 4 = beaucoup) (α = 0,71). Il est à noter que l’alpha de Cronbach obtenu pour l’échelle mesurant la dimension comportementale du lien école-parent au sein de cet échantillon est très faible (α = 0,36). Nous avons par conséquent choisi d’exclure cette échelle, même si celle-ci présentait une cohérence interne satisfaisante lorsque nous avons procédé à sa validation sur la base d’un échantillon en tous points similaire à celui de la présente étude (Tardif-Grenier et Archambault, 2016). Enfin, l’encadrement lors des devoirs est rapporté à l’aide de trois questions (par exemple, J’aide mon enfant à planifier son temps et à s’organiser pour ses devoirs) (α = 0,55). Le parent répond aux questions de cette section à partir d’un choix de réponse de type Likert en cinq points (1 = rarement/mon enfant n’a pas besoin, à 5 = chaque fois que mon enfant a des devoirs). Pour toutes les échelles, la moyenne des scores obtenus à chacun des items a été calculée.

3.3.4 Région de naissance du parent répondant

Le parent répond aux questions suivantes : Quel est votre pays de naissance et quel est le pays de naissance de votre mère/de votre père (t2). À partir des réponses obtenues à ces questions, nous avons créé trois catégories : (1) parents nés dans les Antilles (Cuba, Haïti, Jamaïque et République Dominicaine); (2) parents nés en Afrique du Nord (Algérie, Égypte, Libye, Maroc, Soudan et Tunisie); (3) parents nés au Canada et dont les deux parents sont nés au Canada. Il est toutefois important de spécifier que ces parents pourraient néanmoins être d’origine ethnique autre que canadienne, advenant que leurs grands-parents soient issus de l’immigration.

3.3.5 Niveau de scolarité du parent

Le niveau de scolarité du parent répondant au questionnaire est obtenu à partir de l’item suivant : Combien d’années avez-vous fréquenté l’école? (t1). Le parent répond à cette question à partir d’une échelle de Likert en quatre points (de 1 = 6 ans et moins (primaire), à 4 = plus de 16 ans (université)). Il a également été demandé au parent répondant au questionnaire de fournir l’information sur le niveau de scolarité de l’autre parent de l’enfant à partir de la même question.

3.3.6 Sexe et âge de l’élève

Le sexe et l’âge en années sont auto-rapportés par l’élève (t3) (0 = féminin; 1 = masculin).

3.3.7 Difficultés comportementales antérieures de l’élève

Les problèmes de comportement en classe ont été rapportés par l’enseignant de chaque élève (t1) à partir de l’échelle des troubles comportementaux de la version francophone du Strengths and difficulties questionnaire (SDQ-fra) (Shojaei, Wazana, Pitrou et Kovess, 2009). Cette échelle comporte cinq items (par exemple, En général obéissant-e envers les adultes), auxquels l’enseignant répond à l’aide d’un choix de réponse de type Likert en trois points (0 = très vrai, à 2 = pas vrai) (α = 0,60). Le score à cette échelle est obtenu en calculant la moyenne des items qui la composent.

3.3.8 Langue maternelle de l’élève

Le parent répondait à la question : Quelle est la première langue que votre enfant a appris à parler (t1) (0 = français, 1 = autre langue que le français).

3.4 Méthode d’analyse des données

Dans un premier temps, nous avons procédé à des imputations multiples en agrégeant les valeurs remplacées dans cinq banques de données (entre 0,6 % et 12,7 %) à l’aide du logiciel Statisticalpackage for the social sciences-SPSS 23. La variable de contrôle du niveau de scolarité du parent atteignait toutefois 58 % de valeurs manquantes, une question sensible ou incomprise par les parents. L’étude des patrons de valeurs manquantes indique que le mécanisme selon lequel les données sont manquantes est aléatoire. Nous avons pu imputer des valeurs à cette variable à partir d’autres variables étroitement liées au niveau de scolarité comme le revenu familial annuel ainsi que le niveau de scolarité de l’autre parent de l’enfant. Cette opération a été réalisée à l’aide du logiciel Statisticalpackage for the social sciences-SPSS 23. Dans un deuxième temps, nous avons établi la moyenne et l’écart-type de chacune des variables, à l’étude et nous avons déterminé les corrélations entre ces variables. Nous avons ensuite testé un modèle d’analyse de parcours sur l’ensemble de l’échantillon, sans égard à la région d’origine du parent et à l’aide de la méthode Maximum likelihood-ML. Cette méthode permet de tenir compte du fait que les variables sont discrètes. Cette étape, ainsi que les étapes ultérieures, ont été réalisées à l’aide de la version 7 du logiciel Mplus et en contrôlant plusieurs variables associées à l’engagement scolaire.

Comme le suggère Kline (2015), nous avons d’abord testé un modèle saturé incluant tous les liens possibles entre les covariables, les variables observées et les variables latentes. Ce modèle a été testé sur l’ensemble de l’échantillon, sans égard aux sous-groupes qui le constituent. Nous avons ensuite retiré successivement les liens non significatifs du modèle et examiné les indicateurs d’ajustement aux données du modèle ainsi obtenu. Ces indicateurs sont le Comparative Fit Index-CFI, le Tucker-Lewis IndexTLI, le Root Mean Square Error of Approximation-RMSEA, le Standardized Root Square Mean Residual-SRMR et le χ2. Un score de plus de 0, 99 au Comparative Fit Index-CFI et au Tucker-Lewis IndexTLI indique un excellent ajustement; un score de plus de 0, 95 à 0, 99 suggère un bon ajustement, alors qu’un score situé entre 0, 90 et 0, 95 témoigne d’un ajustement acceptable (Little, 2013). Une valeur égale ou inférieure à 0, 01 obtenue pour le Root Mean Square Error of Approximation-RMSEA ainsi que pour le Standardized Root Square Mean ResidualSRMR indique un excellent ajustement, une valeur située entre 0, 05 et 0, 02 suggère un bon ajustement, alors qu’une valeur située entre 0, 08 et 0, 02 est jugée acceptable (Little, 2013). Le χ2 doit être non significatif. Le critère d’information d’Akaike-AIC et Bayésien-BIC serviront à comparer les différents modèles obtenus entre eux. Plus ces critères sont faibles, plus le modèle satisfait le critère de parcimonie.

Nous avons ensuite testé l’invariance de ce modèle afin de vérifier si les liens entres les variables du modèle demeurent significatifs parmi les sous-groupes définis par la région de naissance du parent (Hoyle et Smith, 1994). Cette méthode est basée sur la comparaison d’un modèle dont les paramètres sont contraints, c’est-à-dire égaux d’un groupe à l’autre, et d’un modèle dont les paramètres sont libérés, c’est-à-dire qu’ils peuvent être estimés à différentes valeurs dans des échantillons différents. Nous avons constaté l’absence d’invariance entre les sous-groupes et par conséquent, nous avons procédé à des modèles d’analyses de parcours multi-groupes. Ainsi, pour chacun des sous-groupes définis par la région de naissance du parent, chaque lien entre l’implication parentale et l’engagement ainsi que le rendement scolaire ont fait l’objet d’un test de différence d’ajustement du modèle (Cheung et Rensvold, 2009). Si ce test est significatif, on peut alors postuler qu’il existe une différence entre les groupes. Ce test s’effectue par le calcul de la différence des chi carrés et des degrés de liberté entre le modèle avec contraintes et le modèle sans contrainte. Cette procédure permet de vérifier si les différences constatées entre les sous-groupes sont statistiquement significatives.

3.5 Considérations éthiques

Un formulaire de consentement traduit en anglais, en créole et en arabe a été acheminé aux parents. Le consentement écrit ou verbal a été obtenu de tous les participants et un code non nominatif leur a été attribué afin de préserver leur anonymat. Les membres du personnel des écoles participantes ont pris connaissance des résultats de cette étude par le biais de conférences présentées dans chacune des écoles.

4. Résultats

4.1 Statistiques descriptives et corrélations

Les moyennes et les écarts types de toutes les variables sont présentés au tableau 2 et correspondent aux valeurs attendues. Les corrélations de Pearson sont également présentées au tableau 2. La plupart de ces corrélations vont dans la direction attendue, mais certaines, en particulier celles entre les variables parentales et les indicateurs de la réussite scolaire sont faibles ou inexistantes, ce qui pourrait être attribué à la faible variance de certaines variables, à la présence de relations non linéaires entre les variables, à des variations importantes entre les sous-groupes ou à l’absence de relation entre ces variables. À l’exception du niveau de scolarité du parent répondant au questionnaire, toutes les variables à l’étude présentent une distribution asymétrique, puisque le zéro n’est pas inclus dans l’intervalle de confiance de l’indice d’asymétrie (skewness) qui est calculé à l’aide de l’erreur standardisée (moyenne d’asymétrie +/- (1,96*erreur standardisée).

Tableau 2

Matrice des corrélations de Pearson et statistiques descriptives

Matrice des corrélations de Pearson et statistiques descriptives

Note. Le niveau de scolarité renvoie au niveau de scolarité du parent répondant au questionnaire.

Note. * p < 0,05 ; ** p < 0,01

-> Voir la liste des tableaux

4.2 Modèle d’analyse de parcours global

Nous avons d’abord testé le modèle saturé incluant tous les liens possibles entre les variables. Les indices d’ajustement de ce modèle suggèrent qu’il est juste-identifié (justidentified), c’est-à-dire que le nombre de paramètres variables est égal au nombre de valeurs fixes et que le modèle ne comporte pas de degrés de liberté (Lei et Wu, 2007). Le modèle d’analyse de parcours global obtenu après le retrait successif des liens non significatifs présente un bon ajustement, selon les critères de Little (2013) (AIC = 4399,59; BIC = 4632,77; CFI = 0,98; TLI =, 0,96; RMSEA = 0,03; [Intervalle de confiance : 90 % : .00, .05]; SRMR = 0,04). Nous avons testé l’invariance du modèle d’analyse de parcours global en comparant chacun des trois sous-groupes, en libérant puis en contraignant l’ensemble des liens compris dans le modèle. Les résultats suggèrent l’absence d’invariance entre le sous-groupe des parents nés au Canada et celui des parents nés dans les Antilles, Δ χ2 = 180; Δ ddl = 72; p < 0,01, ainsi qu’en Afrique du Nord, Δ χ2 = 217,76; Δ ddl = 72; < 0,01, les différentiels de chi-carré sont hautement significatifs. Il y a également absence d’invariance entre le sous-groupe des parents originaires des Antilles ainsi que ceux nés en Afrique du Nord, Δ χ2 = 220,30; Δ ddl = 72; p < 0,01. Nous avons conclu à l’existence de variance entre ces groupes et procédé à des modèles d’analyses de parcours multi-groupes.

4.3 Modèles d’analyses de parcours multi-groupes

Les variables de contrôle n’ont pas été incluses dans la figure afin d’éviter d’en surcharger la présentation. Plusieurs associations statistiques significatives ont été constatées entre les variables de contrôle : le sexe, l’âge et la langue maternelle de l’élève, ses problèmes de comportement antérieurs ainsi que le niveau de scolarité de ses parents.

4.3.1 Encadrement lors des devoirs

La dimension de l’encadrement lors des devoirs est associée négativement à l’engagement comportemental rapporté par l’élève chez ceux dont les parents sont nés dans les Antilles (ß = -0,18; = 0,02) Cela n’est toutefois pas le cas des élèves dont les parents sont nés au Canada ainsi qu’en Afrique du Nord. De plus, il n’y a pas de différence entre les trois sous-groupes au niveau des liens entre la dimension de l’encadrement lors des devoirs et le rendement ainsi que les dimensions cognitive, affective et comportementale de l’engagement scolaire rapportées par l’élève.

4.3.2 Dimension affective du lien école-parent

Cette dimension est associée positivement à l’engagement affectif en français chez les élèves dont les parents sont nés au Canada (ß = 0,18; p = 0,03). La dimension affective du lien école-parent est associée positivement à l’engagement comportemental rapporté par l’enseignant chez les élèves dont les parents sont originaires des Antilles (ß = 0,29; p = 0,001) et ce lien est également positif, mais marginalement significatif chez ceux dont les parents sont nés en Afrique du Nord (ß = 0,17; p = 0,06). Néanmoins, les trois sous-groupes ne se distinguent pas en ce qui a trait au lien entre cette dimension et le rendement scolaire ainsi que les dimensions cognitive, comportementale et affective en mathématiques de l’engagement scolaire rapportées par l’élève.

4.3.3 Importance accordée à la réussite scolaire

Les trois sous-groupes ne divergent pas significativement en ce qui a trait aux liens entre la dimension de l’importance accordée à la réussite scolaire et les dimensions de la réussite éducative de l’élève.

4.3.4 Communication parent-enfant au sujet de l’école

Chez les élèves dont les parents sont nés dans les Antilles, la communication parent−enfant au sujet de l’école est associée négativement au rendement (ß = -0,18; p = 0,01). Cette relation n’est pas significative dans le cas des enfants des deux autres groupes. De plus, aucune disparité entre les trois sous-groupes n’a été observée en ce qui concerne les liens entre cette dimension et les dimensions de l’engagement scolaire.

Figure 1

Modèles d’analyses de parcours multi-groupes illustrant les différences significatives entre les élèves dont les parents sont nés au Canada, en Afrique du Nord et dans les Antilles

Modèles d’analyses de parcours multi-groupes illustrant les différences significatives entre les élèves dont les parents sont nés au Canada, en Afrique du Nord et dans les Antilles

(~p < 0,10; * : p < 0,05; ** : p < 0,01)

Le modèle comprend également des variables de contrôle mesurées au t1 (statut socioéconomique et niveau de scolarité des parents, sexe, âge, langue maternelle et difficultés de comportement de l’élève).

-> Voir la liste des figures

4.3.5 Engagement comportemental

-Élèves dont les parents sont nés au Canada

Les garçons présentent un engagement comportemental rapporté par l’enseignant moins élevé que les filles (ß = -0,36; = 0,02). Les élèves plus âgés ont un engagement comportemental rapporté par l’enseignant plus élevé que les élèves plus jeunes (ß = -0,12; = 0,04). Les élèves présentant un niveau élevé de problèmes de comportement rapportent un engagement comportemental (ß = -0,71; = 0,001), affectif en français (ß = -0,76; = 0,02) et cognitif (ß = -0,67; = 0,002) moins élevés. À noter qu’aucune association significative entre le niveau de scolarité parental, la langue et les dimensions de la réussite éducative n’a été observée au sein de ce sous-groupe.

-Élèves dont les parents sont nés en Afrique du Nord

Les garçons rapportent un engagement comportemental (ß = -0,29; = 0,003) et affectif en français (ß = -0,28; = 0,004) moins élevé que les filles. Les élèves dont les parents ont un niveau de scolarité élevé rapportent un engagement affectif plus élevé en mathématiques (ß = 0,20; = 0,04). Aucune relation significative entre l’âge de l’élève, ses difficultés comportementales antérieures, sa langue et les dimensions de sa réussite éducative n’a été observée au sein de ce sous-groupe.

- Élèves dont les parents sont nés dans les Antilles

Les garçons rapportent un engagement affectif plus élevé en français (ß = 0,23; = 0,01) et un rendement moins élevé (ß = -0,22; = 0,03) que les filles. Les élèves plus âgés rapportent un engagement affectif en mathématiques moins élevé que les élèves plus jeunes (ß = 0,23; =  0,01). Les élèves qui présentent un niveau antérieur de problèmes de comportements plus élevé rapportent un engagement comportemental (ß = -0,24; = 0,02) et affectif en français (ß = -0,25; = 0,01) moins élevé. Les élèves dont la langue maternelle est une autre langue que le français rapportent un engagement affectif plus élevé en français (ß = 0,20; = 0,01). Aucune relation significative n’a été observée entre le niveau de scolarité du parent répondant au questionnaire et les dimensions de la réussite éducative de ces élèves.

5. Discussion des résultats

Le but de cette étude était de documenter les différences sur le plan des associations entre les pratiques d’implication parentale dans le suivi scolaire et la réussite éducative de l’élève en fonction de la région de naissance du parent. Les résultats indiquent qu’il existe des différences significatives entre les parents nés au Canada, en Afrique du Nord et dans les Antilles. Ces différences reflètent l’hétérogénéité qui prévaut au sein de la population immigrante et renforce l’importance de prendre en compte les sous-groupes qui constituent celle-ci.

Comme nous nous y attendions, des différences sur le plan de l’association entre les pratiques parentales d’implication dans le suivi scolaire et la réussite éducative de l’élève ont été constatées. Ces résultats surprenants, novateurs et significativement différents de ceux obtenus dans le cas des parents nés au Canada et en Afrique du Nord semblent témoigner d’une particularité du sous-groupe de parents originaires des Antilles. Les résultats suggèrent que les parents originaires des Antilles se distinguent des deux autres sous-groupes par le fait que les discussions sur une base régulière avec leur enfant à propos de l’école sont associées à un faible rendement scolaire chez ce dernier. Nous remarquons également que les parents antillais qui exercent un encadrement assidu durant la période des devoirs voient leur enfant moins enclin à suivre les instructions en classe, à faire des efforts pour réussir en mathématiques et en français. Il est possible que ces résultats soient le reflet de la réaction du parent antillais qui, face aux difficultés éprouvées par son enfant, adopte un suivi scolaire plus serré, notamment en encadrant la période des devoirs et en discutant sur une base régulière avec l’enfant à propos de son vécu scolaire. Ces pratiques seraient cohérentes avec certaines valeurs haïtiennes accordant davantage d’importance à l’encadrement sévère et à la discipline par comparaison avec les valeurs québécoises qui mettent peut-être davantage l’accent sur l’autodiscipline et la non-directivité dans l’éducation des enfants (Pierre-Jacques, 1986). En ce sens, du point de vue de mères originaires d’Haïti rencontrées dans le cadre de l’étude de Kabasele-Ntumba (2015), une discipline et des règles strictes ainsi qu’un soutien important dans l’apprentissage des leçons font en sorte que leurs enfants sont plus assidus et persévèrent à l’école. Ces mères d’élèves du primaire ont pour la plupart affirmé surveiller et exercer un contrôle sur les études de leur enfant. Il est donc possible que les parents originaires des Antilles communiquent avec leur enfant et encadrent la période des devoirs de façon autoritaire, voire coercitive, et que pour cette raison, ces pratiques ne favorisent pas la réussite éducative chez leur enfant. Bien que le devis de la présente étude ne permette pas de vérifier ces hypothèses, puisque la direction des liens observés ne peut être spécifiée, ce résultat fournit une piste importante à explorer dans les recherches futures. Il importe par ailleurs de considérer ces résultats en gardant en tête que les conditions de vie engendrées par la pauvreté qui touche fréquemment les familles immigrantes peuvent faire en sorte que des variations dans les pratiques soient erronément attribuées à des facteurs culturels (Ashiabi, 2005; Hill, 2001). En effet, lorsque l’immigration se conjugue avec la défavorisation, les conditions de vie et de travail peuvent influencer l’intensité et la nature des pratiques parentales qui tendent alors à être plus coercitives en raison du stress attribuable à la pauvreté (Kao et Tienda, 1995), d’où l’importance de tenir compte du statut socioéconomique des parents, comme dans la présente étude.

Cette étude n’a toutefois pas permis de cerner les éléments qui caractérisent et distinguent les parents originaires d’Afrique du Nord et leurs enfants. Cette absence de différence significative suggère qu’il est possible que les pratiques d’implication parentale dans le suivi scolaire comprises dans le modèle de Tardif-Grenier et Archambault (2016) ne soient pas associées à la réussite éducative de ces élèves et qu’il serait souhaitable d’explorer d’autres pratiques parentales prévalentes au sein de cette communauté. Il est cependant difficile de s’avancer en ce qui a trait aux pratiques qui caractérisent ce sous-groupe en raison du manque de connaissance sur les parents originaires d’Afrique du Nord, ce qui confère à la présente étude un caractère novateur. Il serait donc nécessaire de produire des études sur cette communauté qui représente plus du quart des élèves québécois issus de l’immigration (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport -MELS, 2013). Il serait d’autant plus souhaitable de poursuivre les recherches en ce sens, compte tenu du profil avantagé que les élèves issus de cette communauté présentent au plan du rendement et de la persévérance scolaire, ce qui pourrait fournir des pistes quant aux vecteurs de résilience en contexte migratoire.

Par ailleurs, il est pertinent, sur le plan pratique, de constater que des similitudes se dégagent entre les parents des trois sous-groupes car cela suggère des pistes d’intervention pouvant convenir à ces trois sous-groupes. Dans tous les cas, le fait que les parents se sentent en confiance et accueillis à l’école est associé positivement à des aspects de la réussite éducative. Cette association est toutefois marginalement significative chez les parents originaires d’Afrique du Nord. Alors que les parents originaires des Antilles et d’Afrique du Nord qui ont un lien chaleureux avec l’école voient leur enfant faire davantage d’efforts pour réussir et être attentif en classe, tel que perçu par l’enseignant, chez les enfants dont les parents sont originaires du Canada, on constate une association positive avec l’intérêt pour la lecture et l’écriture chez leur enfant. Cela est peu surprenant dans la mesure où les parents qui se sentent à l’aise et bienvenus lorsqu’ils sont en contact avec l’école de leur enfant transmettent à ce dernier une image positive de son milieu scolaire, ce qui facilite certainement l’adoption par l’enfant des valeurs et des comportements attendus par l’école (Taylor, Clayton et Rowley, 2004). Cependant, on peut également présumer que la relation observée témoigne du fait que les parents dont l’enfant réussit bien à l’école sont plus à l’aise lorsqu’ils sont en contact avec le milieu scolaire que les parents dont l’enfant a des difficultés au plan scolaire. Ce résultat est pertinent dans la mesure où la relation entre l’aisance et la confiance ressentie par les parents et le rendement scolaire de l’élève a été documentée (Adams et Christenson, 2000; Kohl et al., 2000), mais aucune étude ne s’est attardée au lien qui unit ce paramètre à l’engagement scolaire chez les jeunes issus de l’immigration. Une autre similitude constatée entre les sous-groupes est que ceux-ci ne se distinguent pas quant à l’association entre le niveau d’importance que les parents accordent à la réussite scolaire et les indicateurs de la réussite éducative de l’élève. Or, ce résultat est plutôt surprenant dans la mesure où de nombreuses études ont attribué le succès scolaire de certains sous-groupes issus de l’immigration à l’accent mis sur la réussite scolaire par leurs parents (Kanouté et al., 2008; McAndrew et al., 2015). Il aurait été plausible que la réussite éducative des élèves dont les parents sont originaires d’Afrique du Nord soit en partie expliquée par le fait que les parents accordent de l’importance à la réussite, mais il semble que ce ne soit pas le cas, alors que cette relation est bien documentée au sein des populations non-issues de l’immigration (Barnard, 2004; Jeynes, 2005).

6. Conclusion

Cette étude reposant sur une approche quantitative a permis de montrer l’existence de différences sur le plan de l’association entre l’implication parentale et la réussite éducative en fonction de la région de naissance du parent à l’aide de modèles d’analyse de parcours multi-groupes. En plus de s’appuyer sur des analyses statistiques robustes et un devis longitudinal, cette étude a pour principale force de prendre en considération les différences attribuables à la région d’origine du parent. Il importe cependant de considérer certaines limites. D’abord, la taille de l’échantillon est plutôt petite, ce qui n’est pas sans influencer la puissance statistique des analyses. Plus précisément, la taille d’échantillon suggérée par Kline (2015) pour mener ces analyses, en tenant compte de l’ensemble des paramètres estimés, est de 310 sujets, alors que cette étude repose sur un échantillon de 296 sujets. En dépit de cette taille d’échantillon non optimale, nous avons toutefois observé plusieurs résultats significatifs, ce qui témoigne de la robustesse des résultats. Les études futures devraient donc s’appuyer sur des échantillons plus grands afin de permettre la réalisation de ce type d’analyses complexes sans porter atteinte à la qualité des modèles estimés. De surcroît, la présence potentielle de relations non linéaires entre les variables pourrait avoir un impact négatif sur la validité du modèle testé, notamment en limitant sa généralisation. Une autre limite inhérente à l’échantillonnage est que celui-ci a été recruté exclusivement au sein d’écoles situées en milieu défavorisé, et cela a un effet indéniable sur la généralisation des résultats. Bien que le statut socioéconomique des familles des élèves qui fréquentent ces écoles ne soit pas nécessairement faible, il serait pertinent de valider ces résultats auprès de familles immigrantes fréquentant des écoles situées en milieu plus favorisé. Cependant, puisque les élèves et leurs parents originaires d’Afrique du Nord et des Antilles se retrouvent surtout en milieu défavorisé à Montréal, on peut affirmer que l’échantillon est relativement représentatif de cette population. Enfin, même si les difficultés comportementales antérieures des élèves ont été prises en compte, il n’a pas été possible d’effectuer les analyses en contrôlant le rendement et l’engagement scolaire antérieurs, ce qui représente une limite importante affectant la robustesse des résultats que les études futures devraient pallier.

Par ailleurs, cette étude n’a pas permis de dégager les éléments caractérisant l’implication parentale dans le suivi scolaire des parents originaires d’Afrique du Nord, et il serait essentiel que les études à venir s’attardent à cette population très présente au Québec. Au-delà des différences constatées pour les parents originaires des Antilles, il ressort que le sentiment de bienvenue et de confiance que le parent éprouve à l’endroit du milieu scolaire de son enfant est associé à une meilleure réussite éducative chez ce dernier sans égard à son origine ethnique. Des interventions visant à rendre l’école plus chaleureuse pourraient s’avérer favorables à la réussite éducative en milieu scolaire pluriethnique et défavorisé, d’autant plus que ces interventions sont peu coûteuses et demandent peu de planification.

Enfin, quelques pistes pour la recherche à venir émergent de cette étude. Pour les fins de la présente recherche, nous n’avons ciblé que deux régions d’origine, mais il existe d’autres groupes d’élèves qui présentent soit un profil avantagé ou désavantagé et au sujet desquels il serait pertinent d’acquérir des connaissances. Notamment, les élèves québécois originaires d’Asie du Sud ou d’Amérique latine manifestent des difficultés scolaires, alors que les élèves originaires d’Asie de l’Est ou d’Afrique subsaharienne affichent des performances scolaires au-dessus de la moyenne (McAndrew et al., 2011; Mutombo, 2003). Également, la majorité des parents ayant répondu au questionnaire sont de sexe féminin, et cela est d’autant plus vrai pour le groupe de parents nés au Canada. Les études à venir devraient inclure davantage de pères dans leurs échantillons afin de cerner la contribution unique du père. Enfin, compte tenu du fait que certaines pratiques d’implication parentale sont de façon contre-intuitive associées négativement à la réussite éducative, il serait essentiel d’étudier des modèles qui permettent de prendre en compte la bidirectionnalité qui existe entre l’implication parentale et le vécu scolaire de l’élève issu de l’immigration. Ces modèles permettraient concrètement de voir dans quelle mesure l’engagement et le rendement scolaire de l’élève influencent les pratiques du parent. En effet, il a été démontré que les ressources motivationnelles de l’enfant ont une influence sur les pratiques mises en place par le parent (Grolnick et Slowiaczek, 1994), et il serait utile de voir si cette relation diverge selon la région considérée.