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Les études portant sur le tourisme et le patrimoine ne cessent de progresser vers des approches novatrices de ces deux secteurs de plus en plus interdépendants. Il en est de même des pratiques qui les recouvrent et des activités qui les animent. Qu’elles soient scientifiques, sociales ou professionnelles, les innovations dans ces secteurs sont d’une intensité telle qu’elles se propagent rapidement à l’échelle du monde. Elles se traduisent par des évolutions, voire des coupures radicales dans les manières de penser, de faire et de vivre chacun desdits secteurs. Au confluent des changements qui traversent les sphères de la culture, de l’économie, de la politique et de la technologie, le tourisme et le patrimoine interagissent fortement avec les nouveautés, mais aussi avec les crises dans toutes ces sphères. Ils constituent de ce fait d’excellents révélateurs des mutations sociales et des transformations culturelles en cours. En ce sens, ils sont autant objets qu’acteurs des innovations sociales et des expressions créatives qui ont rythmé les dynamiques culturelles et économiques des dernières années. Cela est d’autant plus significatif que les mouvements alternatifs qui façonnent et modifient les modes de produire, de consommer, de vivre et de représenter le monde ont plus particulièrement marqué les univers touristiques et patrimoniaux. Ils y ont trouvé des terrains propices à l’expérimentation de nouvelles formes de pratiques sociales et culturelles, ainsi qu’à la mise en évidence des nouveaux contre-modèles de production et de consommation. Ce faisant, ils ont non seulement dilué les frontières entre les disciplines scientifiques se penchant sur ces univers, mais ils ont aussi permis au binôme tourisme-patrimoine de servir de laboratoire dans lequel « se multiplient les hybridations entre le local et le global » (Lipovetsky et Sorroy 2008) et se concrétisent les nouvelles tendances en matière de créativité et d’innovations sociales et culturelles. Pour mieux saisir ces idées, nous esquissons dans ce qui suit les grandes lignes des changements et des innovations qui ont marqué chacun de ces deux domaines.

Tourisme et mise en ordre du monde

Bien qu’il soit difficile de faire état de tous les changements majeurs qui ont révolutionné le tourisme ces dernières années, il n’en demeure pas moins que l’on peut les décliner en deux dimensions qui caractérisent l’activité touristique au moins depuis le début du nouveau millénaire. La première est organisationnelle et concerne les nouvelles dynamiques et interactions qui régissent le fonctionnement de l’industrie touristique. Autant dire qu’au monde d’hier, dans lequel cette dernière était régie par la logique de l’offre et de la demande ou par le désir de l’ailleurs et la quête de l’authenticité, succède une nouvelle ère où le tourisme est envisagé comme un réseau global de destinations, d’objets, d’institutions, de marchés, de flux humains et commerciaux, d’imaginaires et de représentations.

Renforcé par l’hyper-mondialisation des médias, des cultures, des modes d’échange et de la mobilité à l’échelle planétaire, ce réseau contribue à la mise en ordre du monde et à la redéfinition des interactions du local et du global dans un contexte de globalisation. En témoigne l’insertion du tourisme dans plusieurs structures humaines et non humaines (Franklin 2004) : structures d’accueil de toutes sortes (hôtels, gîtes, maisons d’hôtes, échanges de maisons) ; agences de voyage et moyens de transport variés terrestres, aériens et maritimes ; organismes de développement gouvernementaux et non gouvernementaux ; publications et supports de communication diversifiés écrits, audiovisuels et numériques ; institutions financières, argent et devises de toutes provenances ; territoires, paysages et architectures de tous les styles, etc.

Ces structures sont d’autant plus connectées les unes aux autres que le phénomène touristique est plus fluide, de même que les ramifications qu’il génère sous forme de niches multiples de destinations, d’activités et de produits au fur et à mesure de sa propagation à l’échelle de la planète. Ce sont des ramifications qui placent le tourisme au coeur des interconnexions de la société-monde et font en sorte qu’il se rattache et s’articule aux objets, aux systèmes, aux machines, au pouvoir politique, à la bureaucratie, aux rapports sociaux, aux médias, au patrimoine, aux visiteurs et aux visités, aux valeurs sociales et culturelles, etc. Selon Franklin (2007), cette dynamique multiforme et dendritique de l’activité touristique se double de sa polyvalence spatiale dans la mesure où elle se produit dans des espaces variés allant de la ville au village, à la zone rurale, aux stations balnéaires, aux fermes et terres agricoles, aux musées et sites historiques.

Dès lors, l’agentivité du tourisme, son agency, soit sa capacité d’agir et de changer le monde tout en étant lui-même objet et produit des changements qui affectent ce dernier, a également été étudiée sous l’angle des nouvelles pratiques et des nouveaux rapports entre visiteurs et visités qui ont distingué le paysage touristique durant la dernière décennie (Lamers, van der Duim et Spaargaren 2017). Ces pratiques et rapports président à la deuxième dimension des changements, celle-ci touchant davantage à la question des relations et des interactions entre les touristes et les milieux d’accueil. Les deux dimensions font d’ailleurs voir le tourisme sous ses deux facettes les plus à même de le définir aujourd’hui, à savoir sa facette organisationnelle, réseautique, pour ne pas dire rhizomique, et sa facette expérientielle, pratique et relationnelle. Sur ce dernier point, van der Duim (2007) prend appui sur la théorie de l’acteur-réseau élaborée par Bruno Latour (2005) pour postuler l’idée d’un tourismscape qui serait animé par les relations tissées entre les gens et les objets dans tout espace-temps marqué par l’activité touristique. L’on peut ajouter qu’il s’agit de relations dont il n’est plus guère facile d’envisager la teneur, comme c’était le cas avant, en fonction de ce qui serait touristique et ce qui ne le serait pas, ou à la lumière de l’opposition qui a souvent structuré les rapports entre les touristes et les sociétés d’accueil, ou encore eu égard aux positions et rôles plus ou moins prédéfinis des gens et des objets dans les lieux les plus fréquentés par les flux touristiques. Ces relations prennent plutôt appui sur l’ampleur, l’intensité et la diversité des activités touristiques à l’échelle de la planète. Cela est d’autant plus significatif que les médias promotionnels et les réseaux sociaux de par le monde s’accordent à dépeindre cette dernière sous les traits d’une destination touristique éclatée, voire débordée, où tout est arrangé pour satisfaire les attentes des touristes.

Cette dilatation touristique de la planète a non seulement fait du tourisme un méga-moteur de globalisation par excellence, mais l’a également poussé à se réinventer en dehors des vieux paradigmes antagoniques qui le définissaient. Par exemple, la « vieille » définition du tourisme en tant que désir de s’évader de la routine de la vie quotidienne en vue de rencontrer un monde extraordinaire plus ou moins lointain n’est plus de mise aujourd’hui dans la mesure où le quotidien lui-même est « tourismifié », voire exotisé. En d’autres termes, le tourisme est tellement présent dans la vie quotidienne qu’il a transformé celle-ci en vie touristique. En témoignent la présence quasi permanente des touristes locaux et globaux dans le décor de tous les jours, l’intensité des activités culturelles et festives organisées tout au long de l’année en l’honneur de ces derniers, l’apparition de nouvelles formes d’hospitalité telles que les maisons d’hôte ou l’hébergement chez l’habitant, la tendance des résidents à fréquenter les lieux touristiques et à devenir eux-mêmes des touristes dans leur propre monde, etc. Ces changements ont, d’une manière ou d’une autre, favorisé une proximité relationnelle entre les visiteurs et les visités. Ce faisant, ils ont présidé à la disparition progressive des frontières entre l’intérieur et l’extérieur, pour ainsi dire entre l’ici et l’ailleurs, et ont agi sur la nature et la finalité même de la visite. Celle-ci n’est plus motivée par un regard touristique hautain, froid et dominant comme l’a si bien étudié John Urry (1990), mais par la tendance des touristes à faire plutôt qu’à regarder, c’est-à-dire à préférer les activités participatives, interactives et co-créatives susceptibles de les mettre en contact direct avec les populations d’accueil, ainsi que nous le développerons plus bas.

Cette tendance a d’autant plus profité des changements qui ont marqué le secteur du patrimoine, notamment en ce qui a trait aux usages de celui-ci en tant qu’espace d’immersion dans le milieu d’accueil et comme source d’inspiration et d’expérimentation de la culture locale. Ces usages concernent plus particulièrement le patrimoine culturel immatériel (PCI), d’où le foisonnement qu’ils ont connu dans la foulée de l’adoption par l’UNESCO de la convention sur le PCI en 2003. Celle-ci a fourni un cadre propice à l’élan de nouvelles pratiques et recherches sur le patrimoine qui iraient au-delà de l’approche hégémonique monumentaliste, et qui questionneraient les régimes nationaux et internationaux de patrimonialisation jusque-là prescriptifs, dominants et quelque peu technocratiques (Smith 2006 ; Willems 2014). Ces recherches s’articulent autour d’une approche holistique du patrimoine qui l’envisage dans sa totalité comme mode de penser et de vivre le monde, dépassant la notion de simple objet, monument ou chef-d’oeuvre à contempler et à classer. Selon cette approche, le patrimoine est en passe de sortir du « temps des monuments » (Fabre 2013) et du culte de l’objet dans la mesure où il se conçoit de plus en plus comme un « processus social » (Labrador 2011) impliquant diverses activités culturelles, artistiques, touristiques, environnementales. Il mobilise également différents acteurs : porteurs de traditions, opérateurs de voyage, artistes, touristes, migrants, réfugiés. Dans le même ordre d’idées, Richards et Wilson (2007) constatent que les quinze dernières années ont connu un changement remarquable sur le plan de la demande touristique et de l’offre patrimoniale. Les attractions culturelles habituelles telles que les sites et les monuments attirent moins de touristes que des attraits tels que l’atmosphère d’un lieu, l’art de vivre au quotidien, la gastronomie, la diversité culturelle et linguistique. L’on ose ainsi dire que la demande touristique est en voie d’être motivée principalement par le désir des touristes de « s’immerger » dans l’immatériel plus que par leur besoin de contemplation du matériel.

Dès lors, les interactions entre le tourisme et le patrimoine ne sont plus dominées par les seules lois binaires, voire manichéennes qui font du premier un mal absolu et du second un bien précieux. Elles sont plutôt revisitées sous l’angle de nouvelles innovations sociales qui laissent une grande place à la créativité, à l’initiative citoyenne et à l’implication des communautés locales dans les projets de développement économiques, culturels et sociaux. Cela est d’autant plus pertinent que des voix se sont élevées durant les dernières années pour dénoncer la vision univoque qui a imprégné tant les études que les industries touristiques en les poussant à privilégier la perspective des touristes plutôt que celle des populations hôtes. Les auteurs porteurs de ces voix sont pour la plupart animés par l’idée de rendre justice à ces populations (Jamal et Camargo 2014) en mettant l’accent sur le rôle actif et déterminant joué par celles-ci, notamment par la mise en place de nouvelles formes de médiation du patrimoine. À cet effet, ils appellent à revisiter le tourisme sous l’angle de théories, d’approches et de pratiques inspirées des valeurs universelles d’équité, de réciprocité, de partage et de respect mutuel entre visiteurs et visités (Chambers et Buzinde 2015 ; Prichard et al. 2011). Ils en appellent également à libérer le patrimoine du discours autoritaire et technocratique des experts, et à faire en sorte qu’il soit plutôt réinvesti et vécu par ses propres dépositaires en tant que processus social d’inclusion, de créativité et de durabilité des liens, d’expériences et de valeurs locales (Smith 2006).

Créativité, médiation et partage

La créativité, en tant que valeur sociale et culturelle émanant d’une expérience touristique basée sur une rencontre sensible et interactive avec les porteurs du patrimoine, est certes l’une des caractéristiques principales qui a conféré au binôme tourisme-patrimoine un nouveau « look » durant ces dernières années. Néanmoins, elle est loin de constituer un élément tout à fait nouveau dans l’évolution de ce binôme. Comme le soulignent Greg Richards et Dominique Poulot dans leurs articles respectifs publiés dans ce numéro thématique, elle trouve ses origines dans la tradition du Grand Tour, quand les jeunes « gentlemen » de l’époque de la Renaissance visitaient les sites et monuments de l’Antiquité dans le but de s’inspirer du génie créatif des anciens. Le nouveau dans ce « retour » post-touristique à la créativité ne réside donc pas dans le désir d’apprendre ou de s’inspirer du patrimoine dans sa forme objectale ou monumentale, mais plutôt dans la rencontre à établir avec les communautés patrimoniales. En d’autres termes, la créativité chez le touriste d’aujourd’hui n’est pas motivée par la quête d’un modèle à imiter ou à prendre pour une incarnation d’une beauté originelle à chérir et à contempler, mais beaucoup plus par la volonté de couper avec tout modèle, plus particulièrement avec le modèle suiviste du tourisme de masse, tant balnéaire que culturel. Il convient de préciser que nous parlons ici d’un touriste anti-touristique (Christin 2009) dont le profil est de plus en plus valorisé par les mouvements de tourisme alternatif. C’est un touriste qui, d’une manière ou d’une autre, rejette l’image stéréotypée du touriste de masse qui se laisse guider par la foule, qui observe nonchalamment à travers l’objectif de sa caméra ou qui se laisse isoler dans les hôtels de luxe au risque de se couper entièrement du milieu d’accueil. Par le fait même, il se dissocie du profil du touriste contemplateur d’oeuvres d’art vedettes exposées dans les grands musées et admirateur obligé des monuments et sites historiques les plus populaires dans le monde. Sans tourner définitivement le dos à ce type d’attractions, le nouveau touriste « alternatif » veut être lui-même artiste, auteur de sa propre expérience, guide de lui-même et créateur de sa visite en tant qu’évènement à vivre et à partager avec la société hôte. Ainsi le voit-on plus intéressé par l’atmosphère des lieux que par leur forme ou leurs vestiges, plus motivé par la signification des activités participatives ou interactives que par des excursions dans des sites historiques ou des évasions dans la nature.

Pour le dire brièvement, le touriste d’aujourd’hui cherche à vivre une expérience conviviale en faisant de la créativité un moyen de se mettre en osmose avec le milieu visité, d’autant plus que celui-ci est à son tour appelé à relever les défis de tels changements. En effet, les pourvoyeurs de produits touristiques, qu’ils soient industriels du tourisme et de la culture ou représentants de communautés locales réceptrices de touristes, misent désormais sur la créativité en tant qu’attrait et image de marque de leur région, d’où les slogans promotionnels tels que villes créatives, nations créatives, communautés créatives, etc. (Florida 2004 ; Andersson et al. 2011). L’on constate d’ailleurs que de telles destinations et acteurs de tourisme puisent dans leurs patrimoines artistiques pour se doter d’une image de destination créative. Pour preuve, la multiplication des festivals et des évènements culturels qui mettent de l’avant certains aspects de ce patrimoine, comme la danse, l’art culinaire, les savoir-faire et même les trésors vivants. Le concept du tourisme créatif, qui enveloppe de telles activités, est dès lors envisagé à travers le prisme de l’art et de l’artisanat, non seulement comme domaines de production d’oeuvres et d’articles recherchés par les touristes, mais aussi comme sources d’inspirations et d’expériences vécues par des visiteurs en quête de convivialité et de proximité créative avec des artistes et artisans. À force d’interagir avec les touristes et de s’exposer au regard de l’autre, ces derniers ont progressivement développé ce qu’on peut appeler une créativité touristique, voire une artouristicité. Il faut comprendre, par ce néologisme, les traits et les éléments qui soulignent clairement le caractère touristico-artistique de leurs productions et activités, mais surtout l’habileté à faire de leurs oeuvres et de leurs savoir-faire un condensé symbolique qui nomme la destination et la présente sous les traits d’une égérie exceptionnelle. Cette virtuosité, qui dans le cas de ces acteurs de la scène touristique a été le plus souvent réduite à sa valeur marchande, prédispose de tels acteurs de la scène touristique à jouer un rôle important dans la médiation du patrimoine.

Dans cette perspective, les artistes et artisans, de même que d’autres acteurs du milieu culturel et artistique (guides, architectes, urbanistes, organisateurs de festivals, conservateurs de musées, maires de villes) se voient de plus en appelés à répondre aux exigences du marché touristique, mais surtout à mettre leurs réalisations et leurs savoir-faire à l’épreuve de la mémoire et de l’identité culturelle qu’ils sont censés incarner et représenter aux yeux des touristes. Pour ce faire, ils se doivent de porter la double casquette d’incitateurs à la créativité vis-à-vis des touristes et celle de conservateurs des traditions ancestrales pour les sociétés hôtes. En d’autres termes, ils sont appelés à protéger le patrimoine et en même temps à le diffuser et à le vulgariser, entre autres par la créativité et la tourismification. Cette tâche, qui est à la fois complexe et paradoxale, nous conduit à examiner la créativité à l’épreuve des nouveaux enjeux de la médiation du patrimoine.

Force est de constater que les pratiques expérientielles du tourisme fondées sur des interactions créatives entre touristes et artistes favorisent l’émergence de nouvelles formes de médiation du patrimoine. À cet effet, l’on peut dire que le tourisme créatif, qui repose essentiellement sur des activités d’immersion interactives entre le tourisme et le milieu d’accueil, augure d’une manière ou d’une autre de la disparition du profil traditionnel du médiateur en tant qu’intermédiaire et trait d’union entre la destination et le visiteur. Ce faisant, il annonce la naissance du touriste guide de lui-même et artiste-artisan de sa propre expérience. L’on peut même dire qu’il prédit l’extinction du tourisme culturel sous sa forme monumentale et contemplative pour laisser place à sa régénérescence sous une forme plus conviviale et intime. En ce sens, la complicité créative entre le visiteur et le visité, qui se produit sous forme d’activités de co-création d’oeuvres et d’expériences mémorables, permet d’un autre côté à l’artiste-artisan, et par extension à la communauté qu’il représente, de se placer au premier plan de l’action de la médiation. Contrairement au guide « classique » qui se positionne souvent dans l’entre-deux, voire dans l’intervalle du contact entre visiteurs et visités, l’artiste-artisan, lui, s’affirme en interface de la culture d’accueil. Il introduit les visiteurs et les initie à celle-ci en faisant en sorte que la médiation du patrimoine soit assurée sous l’angle du partage de savoir-faire et d’échange convivial avec les visiteurs. Le partage est à comprendre ici non seulement dans le sens d’une connivence d’intérêts, de goûts et de sensibilités qui se produit ici et maintenant lors de la rencontre instantanée entre le touriste et l’artiste, mais aussi dans le sens d’une valeur humaine et universelle qui trouve ses origine dans l’essence même du patrimoine en tant que processus et espace de partage. Par processus, il faut penser aux trajectoires plurielles de « patrimonialisation partagée » (Aria et Favole 2011) qui résultent des confluences continuelles d’objets, de pratiques, de savoirs, de cultures, de modes de vie et d’expériences humaines, en fonction desquelles différents groupes participent et contribuent à la formation d’un patrimoine à la fois particulier et universel le long de l’histoire. Par espace, il faut entendre les cadres dans lesquels se déploient les programmes de diffusion, d’échanges et de transmission des pratiques, des expressions et des savoirs patrimoniaux, notamment dans les contextes de mobilité et de rencontres interculturelles tels que les contextes touristiques ou migratoires. Dans les deux cas, le partage, en tant que valeur universelle structurant la dynamique des dialogues, des tensions et des échanges intra et interculturels, demeure consubstantiel au double processus de construction et de médiation du patrimoine.

Contributions

Ce numéro thématique réunit onze contributions en français et en anglais, en plus de l’introduction. L’ouverture se fait par l’article de Greg Richards qui revient sur la genèse et l’évolution du tourisme créatif à la fois en tant que concept et en tant que pratique touristique. Ce faisant, Richards rappelle les changements majeurs qui ont marqué le tourisme au tournant du nouveau siècle. Il s’attarde notamment sur la massification du tourisme culturel, c’est-à-dire la tendance des acteurs de l’industrie touristique à faire de la culture un produit de consommation de masse mis en vente à des millions de touristes tout comme le soleil et la plage. Afin de se distinguer de cette marchandisation de la culture à grande échelle, certaines destinations touristiques ont recouru à la créativité en mettant de l’avant leur patrimoine culinaire, artistique et artisanal. Cela a coïncidé avec l’apparition des industries créatives et avec l’intérêt croissant, à l’échelle mondiale, pour le patrimoine culturel immatériel, ce qui a créé un terrain propice à la naissance du tourisme créatif comme nouvelle génération du tourisme culturel et comme alternative au tourisme de masse. Dans le même ordre d’idées, Dominique Poulot remonte le temps pour explorer les origines étymologiques, épistémologiques et philosophiques des mots et des expressions sociales et culturelles liées au tourisme : Grand Tour, voyage, récit, médiation, touriste, tourisme, etc. C’est ainsi que son exploration généalogique, du XVIIIe au XXIe siècle, lui permet de retracer les origines artistiques du tourisme ainsi que les liens très étroits entre créativité et médiation : « jusqu’au premier tiers du XXe siècle environ on tient que le tourisme est un “art”… Le Grand Tour vaut ainsi modèle de médiation et de créativité de la culture du tourisme », souligne l’auteur. En ce sens, celui-ci appuie sa réflexion sur une lecture approfondie des sources historiques et sur une vaste exploration de la littérature qui couvre une multitude de questions en lien avec le tourisme culturel et patrimonial.

Nelson Graburn se penche sur l’étude de l’art inuit au Canada en questionnant les courants de pensée qui ont présidé à la formation, pour ne pas dire à la déformation, du regard des chercheurs et voyageurs occidentaux sur l’art non occidental. Ainsi, il porte une réflexion critique sur les travaux d’auteurs qui ont, d’une manière ou d’une autre, exclu les arts des Premières nations des champs d’études anthropologiques et sociologiques, voire du domaine de l’esthétique. Ce faisant, il établit un parallèle entre le regard du touriste et celui de l’anthropologue. Et, pour déconstruire ce regard, il revient sur ses propres recherches effectuées auprès des Inuit canadiens à la lumière desquelles il parle d’une ethno-esthétique qui, en l’occurrence, serait révélatrice d’une « inuitude » et d’une agentivité, soit d’une puissance esthétique qui permet à l’art inuit de transcender le double regard touristique et anthropologique.

Mondher Kilani et Florence Graezer Bideau se penchent sur les liens entre tourisme et patrimoine à Malacca et à George Town dans la foulée de l’inscription de ces deux villes malaisiennes sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2009. Mettant plus l’accent, dans cet article, sur la ville de Malacca qui reçoit annuellement plus de 15 millions de touristes nationaux et asiatiques pour la plupart, ils examinent les enjeux de patrimonialisation et de tourismification à la lumière du contexte multiculturel et multiconfessionnel qui distingue cette ville. La valorisation du patrimoine, notamment sa médiation et sa diffusion auprès des touristes nationaux, constitue ainsi un triple défi politique, social et culturel dans la mesure où elle doit, d’une part, tenir compte des formations ethniques et culturelles composant la ville, et, d’autre part, résonner d’une identité malaisienne homogène telle que promue par l’État national. Ce défi se traduit, entre autres, à travers le travail des guides qui sont appelés à suivre « un cycle de formation une fois par mois » en vue d’être capable d’interpréter l’histoire et le patrimoine de chaque communauté, ce qui leur évite de « blesser » aucune d’entre elle. Il en est de même des artisans qui, eux aussi, jouent un rôle de « passeurs de mémoire » dans la mesure où ils exposent côte à côte dans les circuits de visite culturelle les arts représentatifs des différentes communautés.

Le « guidage », en tant que profession incarnant la forme la plus populaire de la médiation touristique et patrimoniale, fait l’objet de la réflexion de Sylvie Sagnes dans son article sur le travail des guides dans la Cité de Carcassonne. Dans le cadre de l’étude de terrain qu’elle a effectuée dans cette ville française, l’auteure examine le métier de guide et par extension le profil polyvalent de celui-ci en France, notamment dans les institutions culturelles telles que les musées et les sites et monuments historiques. En ce sens, elle dresse un portrait plus ou moins complet et réaliste de ce que seraient le médiateur et la médiation en tourisme et en patrimoine dans les milieux culturels en France. Selma Zaiane-Ghalia explore de nouvelles pratiques de médiation patrimoniales et touristiques menées pour la plupart par des acteurs de la société civile en Tunisie avant et après la Révolution du 14 janvier 2011. Ce faisant, elle s’attarde sur la créativité des Tunisiens, notamment les jeunes et les artistes, dans la mise sur pied de projets novateurs de mise en valeur du patrimoine matériel et immatériel. Cela est d’autant plus significatif que ces projets sont en grande partie destinés aux Tunisiens eux-mêmes dans le sens où ils visent essentiellement à faire du patrimoine un espace d’affirmation citoyenne par excellence. Dans le même ordre d’idées, Mourad Boussetta se penche sur l’étude du binôme créativité-médiation en effectuant des enquêtes de terrain auprès des artisans et des chauffeurs de taxi de l’île de Djerba en Tunisie. D’une part, il étudie la créativité des jeunes potiers ayant installé de nouveaux ateliers de poterie dans la zone touristique, c’est-à-dire en s’éloignant de ceux hérités de leurs pères, et ce dans le but de susciter de près l’intérêt des touristes en leur offrant des enseignements sur les savoir-faire traditionnels de fabrication d’articles d’artisanat à base d’argile. D’autre part, l’auteur examine le rôle joué par les chauffeurs de taxi dans la médiation du patrimoine artisanal. Ceux-ci se convertissent en interprètes de la culture berbère le temps de transporter en allers-retours les touristes qui visitent ces ateliers.

La médiation environnementale du patrimoine et la créativité collective des habitants du village de Merzouga dans le Sahara marocain quant à l’offre de nouveaux produits touristiques font l’objet de l’article de Marie-Lucie Gélard. Celle-ci analyse ce qu’elle appelle « l’inventivité des populations pour concevoir une “offre” touristique nouvelle, laquelle engendre une expérience spécifique et une mise en exergue de la culture et/ou du patrimoine local ». Cette inventivité consiste en la création d’un nouveau produit touristique appelé « bains de sable ». Il s’agit d’une pratique thérapeutique qui repose sur l’immersion des curistes dans le sable en vue de traiter certaines maladies comme les rhumatismes. Développée, ou plus précisément réinventée par les habitants du village précité, cette pratique est destinée plus spécifiquement aux touristes locaux venant d’autres régions du Maroc. Dans ce même ordre d’idées de créativité collective, Nicolas Navarro étudie les stratégies des acteurs du tourisme de la ville d’Annecy en France en vue de diversifier l’offre touristique tout en la dotant d’un nouveau look. L’auteur énumère ainsi les différentes activités mises en place dans la foulée des innovations qui s’articulent le plus souvent autour du tourisme expérientiel et événementiel. Ce sont de nouvelles tendances de l’offre touristique qui, analysées au regard du tourisme créatif, illustrent une double dynamique : « la mise en place d’infrastructures en tant que dispositifs de rencontre avec l’habitant » et « la convocation du symbolique au travers des expériences potentielles offertes aux visiteurs ».

Annette Viel se penche sur l’association entre créativité et territoire, ou plutôt sur le territoire en tant qu’espace et égérie de créativité et d’innovation. Pour ce faire, elle centre sa réflexion sur un ensemble de projets muséaux novateurs réalisés au Québec durant les dernières années, notamment la Cité de l’énergie à Shawinigan et le projet Boréalis à Trois-Rivières. L’étude de ces projets lui permet de saisir les alliances entre art, science et industrie qui président de nos jours à la créativité territoriale. De leur côté, Antonio Martínez Puche et Salvador Martínez Puche axent leur article sur la question du territoire à travers le prisme des fêtes et des arts traditionnels. En fait, ils étudient le territoire du Vinalopo dans la région d’Alicante en Espagne en développant le concept du tourisme des frontières. Il faut entendre par là les frontières territoriales entre régions voisines, mais aussi les frontières culturelles, historiques et ethniques qui président à des rencontres et à des contrastes entre les cultures, les peuples, les traditions et les modes de vie. Ce sont ces rencontres et contrastes qui suscitent la créativité des communautés et attirent les touristes, selon les auteurs. C’est ainsi qu’ils prennent pour étude de cas les fêtes appelées Maures et Chrétiens, organisées annuellement dans plusieurs villages de la région à l’étude. Elles célèbrent la mémoire des conflits entre chrétiens et musulmans à l’époque médiévale en Espagne en mettant en évidence la diversité culturelle de la région et sa manière de convertir les contrastes et les différences entre un village et un autre en attractivité touristique.

Studies on tourism and heritage are constantly moving towards innovative approaches in these increasingly interconnected fields. The same can be said of their overlying practices and the activities that fuel them. Whether scientific, social or professional, the innovations in these areas are so intense that they quickly spread around the world. They change or radically limit the ways of conceptualizing, performing and experiencing each of these fields. At the crossroads of changes that traverse the spheres of culture, the economy, politics and technology, tourism and heritage interact strongly with new elements, but also with crises in all spheres. They are therefore excellent indications of the social changes and cultural transformations underway. In this respect, they are both objects and actors in terms of the social innovations and creative expressions that have marked the cultural and economic dynamics of recent years. This is even more significant since alternative movements that shape and change methods of producing, consuming, experiencing and representing the world have more deeply affected the worlds of tourism and heritage. There, these movements have discovered fertile ground for experimenting with new forms of social and cultural practices, as well as for bringing to light new counter-models of production and consumption. In so doing, they have not only blurred the boundaries between the scientific disciplines concerned with these fields, but they have also enabled the tourism-heritage duo to serve as a laboratory where “the hybridizations between local and global are multiplied” (Lipovetsky and Sorroy 2008) and the new trends in creativity and social and cultural innovations take on form. For a better understanding of these ideas, the following will outline the changes and innovations that have marked each of these fields.

Tourism and the organizing of the world

While it is difficult to report all the major changes that have revolutionized tourism in recent years, it is still possible to clarify them in terms of two dimensions that have characterized tourist activity since at least the beginning of the new century. The first is organizational and involves the new dynamics and interactions regulating how the tourism industry operates. This amounts to saying that the world of yesterday’s tourism, when this industry was ruled by the law of supply and demand, the desire to travel, and the search for authenticity, has been replaced by a new era in which tourism is seen as a global network of destinations, objects, institutions, markets, a human and commercial flow, fantasies and pictures.

Reinforced by the hyper-globalization of the media, cultures, methods of exchange and mobility on a planetary level, this network helps order the world and redefine interactions of the local and the global in the context of globalization. Consider the inclusion of tourism in several human and non-human structures (Franklin 2004): reception facilities of all kinds (hotels, bed and breakfasts, guesthouses, house exchanges); travel agencies and varied means of land, air and sea transportation; development organizations, both governmental and non-governmental; a variety of written, audiovisual and digital publications and communication media; financial institutions, currency from all over; territories, landscapes and architectural structures of every style, etc.

These structures are all the more connected to one another since the tourism phenomenon is more fluid, as are the ramifications it generates in the form of multiple destination niches, activities and products as it becomes a worldwide activity. These ramifications put tourism at the centre of society-world interconnections and cause it to attach itself to and be interpreted by objects, systems, machines, political powers, bureaucracy, social relations, media, heritage, visitors and visits, social and cultural values, etc. According to Franklin (2007), this multifaceted and dendritic dynamic of tourist activity is combined with its spatial versatility to the extent that it appears in a variety of spaces from city to village, the rural area, the seaside resort, farms and agricultural land, museums and historical sites.

Therefore, the agency of tourism, its ability to act and to change the world while at the same time being the object and product of changes that affect it, has also been studied from the perspective of the new practices and new relationships between visitors and hosts who have graced the touristic landscape over the past century (Lamers, van der Duim and Spaargaren 2017). These practices and relationships hold sway in the second dimension of changes, the one focusing more on the question of relations and interactions between tourists and host communities. The two dimensions, moreover, show tourism in the two aspects that can most aptly define it today, namely, its organizational, networking, almost rhizomic side and its experiential, practical and relational side. On this latter point, van der Duim (2007) finds support in the actor-network theory developed by Bruno Latour (2005) to advance the idea of a tourismscape which would be brought to life by the relationships cultivated between people and objects in any space-time context marked by tourist activity. It could be added that it is not at all easy to envision the content of these relationships, as was the case previously, in terms of what would or would not be considered touristic, or considering the opposition that has often structured the relationships between tourists and host communities, and regarding the more or less predefined positions and roles of people and objects in the most popular tourist destinations. These relationships are based more on the size, intensity and diversity of worldwide tourism activities. This is even more significant since promotional media and social networks around the world work together to portray the planet itself as a bursting, brimming tourist destination, where everything is organized to satisfy tourist expectations.

This touristic expansion of the planet has not only made tourism a highly effective mega-driver of globalization, but has also pushed tourism to reinvent itself outside the old antagonistic paradigms that defined it. For example, the “old” definition of tourism as a desire to escape the routine of daily life with the prospect of encountering an extraordinary world, more or less far from home, is not required now, since daily life itself has been “touristified,” even, exoticized. In other words, tourism is so present in everyday life that it has transformed life into touristic living. This is made clear by the almost permanent presence of local and global tourists in daily surroundings, the intensity of cultural and festive activities organized throughout the year in their honour, the appearance of new forms of hospitality, such as guesthouses and home stays, the tendency of residents to visit tourist spots and become tourists themselves in their own environment, etc.

In one way or another, these changes have fostered a relational proximity between visitors and host communities. In this way, the changes have caused the progressive disappearance of the boundaries between

inside and outside, so to speak, between here and elsewhere, and have influenced both the nature and even the purpose of the visit. The visit is no longer motivated by the haughty, cold and dominant gaze, so well-studied by John Urry (1990), but by the tourist tendency to do rather than view, that is, to prefer activities that are participative, interactive and co-creative, activities more likely to put them into direct contact with the host populations, as we shall further develop below.

This tendency has benefitted all the more from changes in the heritage sector, especially with host communities using heritage as an immersive space, a source of inspiration and a way to experience local culture. More specifically, these uses concern intangible cultural heritage, (ICH), which proliferated in the wake of the UNESCO 2003 Convention for Safeguarding Intangible Cultural Heritage.

This convention provided a framework conducive to boosting the momentum of new heritage practices and researches, which would go beyond the monumentalist hegemonic approach and would question both national and international heritage regimes, which had, until that time, been prescriptive, dominant and slightly technocratic (Smith 2006; Willems 2014). These researches revolve around a holistic approach to heritage, taking it as a whole, as a way of thinking about and experiencing the world, going beyond the idea of a simple object, monument or masterpiece to be contemplated and classified. According to this approach, heritage is in the process of emerging from the “time of monuments” (Fabre 2013) and the cult of the object, and is increasingly perceived as a “social process”(Labrador 2011) involving various cultural, artistic, touristic and environmental activities.

It also mobilizes as various stakeholders: tradition bearers, travel operators, artists, tourists, migrants, refugees. Similarly, Richards and Wilson (2007) note that these past fifteen years have witnessed a remarkable change in terms of tourism demand and heritage supply. The usual cultural attractions, such as sites and monuments, attract fewer tourists than do features like the atmosphere of a place, the art of daily living, gastronomy and cultural and linguistic diversity. It could therefore be said that the tourism demand is in the process of being motivated mainly by the desire of tourists to “immerse themselves” in the intangible more than by their need to contemplate the tangible.

Thus, interactions between tourism and heritage are no longer dominated by mere binary, almost Manichean laws, which make the first an absolute evil and the second an invaluable possession. They are, rather, revisited from the point of view of new social innovations which leave the door wide open to creativity, to citizen initiative and to the involvement of local communities in economic, cultural and social development projects. This is more relevant since voices have been raised in recent years to denounce the unequivocal vision permeating both research and the tourist industries by pushing them to favour the perspective of tourists rather than that of host populations. The authors who have raised these questions are, for the most part, inspired by the idea of ensuring justice for host populations (Jamal and Camargo 2014) by emphasizing the active and determining role they play, especially through the establishment of new forms of heritage mediation. They therefore call for a revisiting of tourism in terms of theories, approaches and practices inspired by the universal values of equity, reciprocity, sharing and mutual respect between visitors and hosts. (Chambers and Buzinde 2015; Prichard et al. 2011). They also call for heritage to be freed from the authoritarian and technocratic discourse of the experts, and make sure that is it reinvested and experienced by its own stakeholders as a social process of inclusion, creativity and sustainability of relationships, experiences and local values (Smith 2006).

Creativity, mediation and sharing

Creativity, as a social and cultural value arising from a tourism experience based on a sensitive and interactive encounter with heritage bearers is definitely one of the main characteristics that has conferred a new “look” on the tourism-heritage duo in recent years. Nevertheless, it is far from acting as an entirely new element in the evolution of this duo. As pointed out by Greg Richards and Dominique Poulot in their respective articles on this thematic issue, it originated with the tradition of the Grand Tour, when young gentlemen of the Renaissance would visit the sites and monuments of Antiquity to draw inspiration from the creative genius of the ancients. What is new in this post-touristic “return” to creativity does not lie in the desire to learn or be inspired by heritage in its object-like or monumental form, but rather in the encounter to be established with heritage communities. In other words, the creativity of today’s tourist is not motivated by the quest for a model to imitate or take as an embodiment of pristine beauty to be cherished and contemplated, but much more by the desire to break with all models, especially with

the follow-the-leader model of mass tourism, both sea-side and cultural. It is worth noting that I am speaking here of an anti-tourism tourist (Christin 2009), whose profile is increasingly valued by alternative tourism movements. He is a tourist who, in one way or other, rejects the stereotypical portrait of the mass tourist who lets himself be guided by the crowd, who looks nonchalantly through his camera lens or who allows himself to be isolated in deluxe hotels at the risk of cutting himself off entirely from the host community. He also dissociates himself from the profile of the tourist who contemplates famous works of art hanging in great museums and who compulsively admires the world’s most popular monuments and historical sites. Without definitively turning his back on this kind of attraction, the new “alternative” tourist wishes to be an artist himself, the author of his own experience, his own guide and the creator of his visit as an event to be experienced and shared with his host society. As a result, he is more interested in the atmosphere of the places than in their form or remains, more motivated by the meaning of participative or interactive activities than by excursions to historical sites or escapes into nature.

In a word, today’s tourist is looking for an enjoyable experience, making creativity a means of absorbing the environment visited, since it too must take on the challenges of such changes. Indeed, the suppliers of tourism products, whether industrial tourism and culture or representatives of local tourist-hosting communities, are now focusing on creativity as an attraction and brand image of their region, giving rise to promotional slogans, such as creative cities, creative nations, creative communities, etc. (Florida 2004; Anderson et al. 2011). Moreover, it can be said that such destinations and tourism stakeholders draw on their artistic heritage to create an image for themselves as a creative destination. Proof of this is in the growing number of festivals and cultural events featuring certain aspects of this heritage, such as dance, culinary art, traditional skills and even living treasures. The concept of creative tourism, which packages such activities, is then viewed through the prism of art and craftsmanship, not only as spheres of production for works and items sought by tourists, but also as sources of inspiration and experiences for visitors in search of social interaction and creative proximity with artists and craftspeople. Through interaction with tourists and openness to scrutiny on the part of the other, tourists have gradually developed what could be called touristic creativity, or artouristicity. Through this neologism, it is necessary to understand the characteristics and elements that clearly underscore the touristic-artistic nature of their productions and activities, but above all, the skill in making their works and know-how a symbolic summary that names the destination and the present as an exceptional muse. This virtuosity, which in the case of these actors on the tourism scene was commonly reduced to its market value, inclines such actors to play an important role in heritage mediation.

In this respect, artists and craftspeople, along with other stakeholders in the cultural and artistic community (guides, architects, urban planners, festival organizers, museum curators, town mayors) are also called upon to meet the requirements of the tourism market, but especially to put their products and collective know-how to the test of memory and cultural identity, which they are supposed to embody and represent under the gaze of tourists. To achieve this, they are expected to wear two hats: one as instigators of creativity vis-à-vis tourists and the second as preservers of ancestral traditions for the host societies. In other words, they are expected to protect the heritage, while at the same time sharing and popularizing it through creativity and touristification. This complex and paradoxical task leads us to examine creativity in the face of the new issues in heritage mediation.

To this end, it can be said that creative tourism, which relies mainly on interactive immersion activities between the tourist and the host environment in some way augurs the disappearance of the traditional profile of the mediator as the intermediary and link between destination and visitor. In this way, creative tourism signals the birth of the self-guided tourist who is the artist-artisan of his own experience. It can even be said that this new type of tourist forecasts the extinction of cultural tourism in its monumental and contemplative form to make room for its regeneration in a more congenial and intimate form. In this sense, the creative intimacy between visitor and host, which takes the form of co-creation activities and memorable experiences, enables the artist-artisan, and by extension the community he represents, to take the lead in the action of mediation. Contrary to the “classic” guide who often finds himself the go-between, filling the gap in the contact between visitor and host community, the artist-artisan becomes the interface for the host culture. He introduces visitors to the host culture by ensuring the mediation of heritage from the perspective of sharing know-how and a friendly exchange with visitors. Sharing should be understood here not only in the sense of collaboration with regard to interests, tastes and sensibilities, which are produced here and now during the instantaneous encounter between the tourist and the artist, but also in the sense of a human and

universal value originating in the very essence of heritage as a process and a space for sharing. By process, think of the multiple trajectories of “shared heritagization”(Aria and Favole 2011) that result from the continual confluences of objects, practices, knowledge, cultures, lifestyles and human experiences, through which various groups participate in and contribute to forming an individual and universal heritage through the course of history. Space means the frameworks of programs for the dissemination, exchange and transmission of heritage practices, expressions and knowledge, especially in the contexts of mobility and cross-cultural encounters, such as touristic or migratory contexts. In both cases, as a universal value which gives structure to the dynamics of dialogue, tensions and exchanges within and between cultures, sharing remains inherent to the dual process of building and mediating heritage.

Contributions

This thematic issue brings together French and English articles from eleven contributors, in addition to the introduction. It opens with an article by Greg Richards, who reviews the genesis and development of creative tourism both as a concept and a touristic practice. In doing so, Richards recalls the major changes that marked tourism at the turn of the new century. He elaborates on the massification of cultural tourism, or in other words, the tendency of the tourist industry to make culture a mass consumer product sold to millions of tourists, just like sun and beach destinations. In order to be viewed as separate from this large-scale commodification of culture, some tourist destinations have used creativity by putting forward their culinary, artistic and artisanal heritage. This has coincided with the emergence of creative industries and growing global interest in intangible cultural heritage, which has created fertile ground for the birth of creative tourism as a new generation of cultural tourism and an alternative to mass tourism. In the same vein, Dominique Poulot takes us back in time to explore the etymological, epistemological and philosophical roots of words and social and cultural expressions tied to tourism: Grand Tour, travel story, mediation, tourist, tourism, etc. ,

In this way, his genealogical exploration from the 18th to 21st century enables him to retrace the artistic origins of tourism and the very close ties between creativity and mediation: “Until about the first third of the 20th century, tourism was held to be an ‘art’… as such, the Grand Tour stands as a model of mediation and creativity in terms of culture and tourism,” explains the author. In this sense, he bases his reflection on an extensive reading of historical sources as well as a thorough review of the literature covering a multitude of questions related to cultural and heritage tourism.

Nelson Graburn examines the study of Inuit art in Canada, exploring the patterns of thought that led to the formation, if not the deformation, of the perceptions of Western scholars and travelers on non-western art. In so doing, he brings to bear a critical reflection on the works of authors who have, in one way or other, excluded First Nation art from the fields of anthropological and sociological study, and even from the field of esthetics. In so doing, he establishes a parallel between the view of the tourist and that of the anthropologist. In order to deconstruct this view, he returns to his own research with Canadian Inuit in the light of which he speaks of an ethno-esthetic which, in this case, would indicate an “Inuitness” and an agency, meaning an esthetic power that allows Inuit art to transcend the dual view of tourism and anthropology.

Mondher Kilani and Florence Graezer Bideau study the links between tourism and heritage in Malacca and Georgetown following the inclusion of these two Malaysian cities on the 2009 UNESCO World Heritage List. With more emphasis in this article on the city of Malacca, which each year welcomes over 15 million tourists, mostly nationals and Asians, they examine heritagization and touristification issues in light of the multicultural and multi-confessional context of this city. The promotion of heritage, especially its mediation and dissemination to national tourists, constitutes a threefold political, social and cultural challenge in that it must consider the ethnic and cultural components which comprise the city on one hand and, on the other, take into account a homogenous Malaysian identity as promoted at the national level. This challenge finds expression through the work of guides who are required to follow “a training cycle once a month” with a view to being able to interpret the history and heritage of each community, thus avoiding “hurting” any of them. The same is true of craftspeople who also play a role as “conveyors of memory”, together showcasing arts that are representative of the various communities in their cultural itineraries for visitors.

“Guiding” as a profession, which embodies the most popular form of touristic and heritage mediation, is the subject of Sylvie Sagnes’ reflections in her article on the work of guides in the City of Carcassonne. In the context of the field study carried out in this French city, the author examines the work of the guide and, by extension, the multifaceted profile of a guide in France, particularly in cultural institutions, such as

museums and historical sites and monuments. In this sense, she paints a more or less complete and realistic portrait of what a mediator and mediation would represent in terms of tourism and heritage in France’s cultural communities. Selma Zaiane-Ghalia explores new practices in heritage and touristic mediation pursued by most of the actors in Tunisia’s civil society before and after the Revolution of January 14, 2011. In doing so, she concentrates on the creativity of Tunisians, especially the young and the artists, in setting up innovative projects to promote the tangible and intangible heritage. This is all the more significant when one considers that these projects are, for the most part, destined for Tunisians themselves, aiming essentially to make heritage a space for citizen affirmation. Along the same lines, Mourad Boussetta presents a study of the creativity-mediation duo by conducting field surveys with artisans and taxi drivers on Jerba Island in Tunisia. First, he studies the creativity of young potters who have set up new pottery workshops in the tourist zone, moving away from those inherited from their fathers, with the aim of attracting tourist interest and offering them lessons in the traditional know-how of making clay-based wares. The author further examines the role played by taxi drivers in the mediation of artisanal heritage. They become interpreters of the Berber culture while tourists make the round trip to visit these workshops.

The environmental mediation of heritage and the collective creativity of residents of the village of Merzouga in the Moroccan Sahara in terms of the offer of new tourism products are the subject of an article by Marie-Lucie Gélard. The author analyzes what she calls “the inventiveness of populations in designing new offerings for tourists, which gives rise to a specific experience featuring culture and local heritage.” This inventiveness consists of creating a new tourist product called “sand baths.” It involves a therapeutic practice based on immersing the people who come for health cures in sand to treat certain illnesses, such as rheumatism. Developed, or more precisely, reinvented by the residents of the above-mentioned village, this practice is aimed more specifically at local tourists from other regions of Morocco. In the same spirit of collective creativity, Nicholas Navarros studies the strategies of tourism stakeholders in the French city of Annecy, who are planning to diversify their touristic offering while giving it a new look. The author enumerates various activities set up in the wake of innovations that most often hinge on experiential and event-related tourism. These are new trends in tourism which, when analyzed in terms of creative tourism, reflect a twofold dynamic: “the establishment of infrastructures as a means of meeting inhabitants” and “the summoning of the symbolic through experiences offered to visitors.”

Annette Viel looks at the relationship between creativity and territory or, rather at the territory as space and inspiration for creativity and innovation. To do this, she focuses her reflection on a combination of innovative museum projects carried out in Quebec in recent years, particularly Cité de l’énergie in Shawinigan and the Boréalis project in Trois-Rivières. A study of these projects enables her to grasp the connections between art, science and industry that serve to guide territorial creativity. In their article, Antonio Martínez Puche and Salvador Martínez Puche focus on the question of territory through the prism of festivals and traditional art forms. More specifically, they study the territory of Vinalpo in Spain’s Alicante region by developing the idea of border tourism. This means the territorial boundaries between neighbouring regions, but also the cultural, historical and ethnic boundaries that preside over encounters and contrasts between cultures, peoples, traditions and ways of life. According to the authors, it is these encounters that give rise to creativity in communities and attract tourists. They do a case study of festivals called Moors and Christians, organized each year in several villages of the study region. These festivals commemorate conflicts in Spain between Christians and Muslims in medieval times, by highlighting the cultural diversity of the region and its way of turning the contrasts and differences between villages into tourist attractions.