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Introduction[*]

Au cours des dernières décennies, le travail salarié a subi de profondes mutations dans un double mouvement. L’autonomie s’est immiscée dans le salariat tandis que l’entrepreneur indépendant s’est ouvert à une forme « d’allégeance dans l’indépendance », faisant en sorte que « le modèle salarial a projeté son ombre sur le régime juridique du travail indépendant » (Supiot, 2000 : 136 et 132). À ces éléments transformatifs s’est ajoutée la modification des structures organisationnelles qui a remis en question l’organisation intégrée et hiérarchisée sur laquelle s’était construit le droit du travail et a promu leur désintégration verticale (Collins, 1990 : 35), avec une nouvelle répartition des risques (Morin, 2005 : 13-14). Le franchisage s’inscrit précisément dans ce phénomène de l’éclatement de l’entreprise (Weil, 2014 : 122). Au Canada, depuis plusieurs décennies, les franchises sont présentes dans les secteurs des services, du commerce de détail et de la restauration. Au Québec, en 2014, elles ont généré 8,22% du PIB (CQF, 2014).

Derrière ce succès se trame un modèle d’affaires qui consiste à externaliser les fonctions de distribution par la réitération d’un succès commercial grâce à une collaboration étroite et continue entre des entreprises juridiquement et financièrement indépendantes. À la tête du réseau ainsi formé se trouve le franchiseur. Ce dernier transmet au franchisé son savoir-faire, moyennant des contreparties financières. Mais cette transmission va au-delà de la simple mise à disposition d’une « recette ». Elle se prolonge par une assistance du franchiseur au franchisé afin que ce dernier soit en mesure de reproduire adéquatement cette réussite commerciale. Le contrat de franchisage se présente donc comme un outil de collaboration capable de fédérer, autour du processus de réitération, une série d’entrepreneurs indépendants (Le Tourneau, 2007 : 2).

Cependant, dans les faits, le respect de l’indépendance du franchisé, dans le cadre de l’interdépendance relationnelle exigée du contrat, n’est pas toujours respecté. D’aucuns estiment que de l’esprit de collaboration[1] apparent naît une certaine coercition (Haigh, 1996 : 9). Virassamy (1986) a même qualifié ce contrat de dépendance. D’ailleurs, la Cour de cassation[2] française n’a pas hésité à requalifier le contrat de franchisage en contrat de travail :

« Mais attendu que la cour d’appel a retenu que la société Fiventis avait, selon les stipulations du contrat de franchise, imposé à M. X… des obligations détaillées et applicables de bout en bout dans les relations avec les clients, renforcées ensuite par des instructions tout aussi détaillées, que, transformé en simple agent d’exécution, l’intéressé ne disposait d’aucune autonomie ».

À la différence du contrat de travail, le contrat de franchisage ne bénéficie d’aucune réglementation spécifique. Il répond des dispositions générales du Code civil du Québec pour le Québec ou des principes de Common Law pour les autres provinces[3]. Cependant, ces contrats ont en commun d’organiser une relation de pouvoir. D’ailleurs, ne faut-il pas voir dans la requalification possible du contrat de franchisage en contrat de travail le moyen de garantir la protection du franchisé ? Si au Québec pareille solution jurisprudentielle n’a pas été retenue, il n’en demeure pas moins intéressant d’examiner les similitudes entre ces deux contrats; c’est précisément l’objectif de cet article.

Naturellement, la « subordination » du franchisé dans un réseau de franchise ne s’appréhende pas de manière aussi évidente que celle du salarié dans la relation d’emploi. Nous n’entendons pas rechercher les caractéristiques du contrat de travail dans le contrat de franchisage, mais étudier la relation émanant de ce contrat à l’aide des facteurs juridiques (le caractère subordonnant de la relation contractuelle) et économiques (la puissance économique du franchiseur) qui la structurent.

Pour saisir cette relation, la théorie relationnelle du contrat développée par Ian MacNeil s’avère toute désignée (MacNeil, 2000; voir aussi Belley, 2000 : 139-140)[4]. Au coeur de cette théorie se trouve l’idée que chaque transaction est inscrite dans une relation complexe dont il faut dégager les éléments essentiels (MacNeil, 2000 : 881) afin d’aller au-delà des termes formels et anticipés du contrat pour tenir compte des facteurs juridiques et économiques qui la structurent. Cette théorie est particulièrement indiquée pour analyser des relations d’inégale puissance (Martin, 2016).

Pour ce faire, nous aurons recours à une méthodologie multidisciplinaire. Nous nous appuierons, d’un côté, sur une analyse sociojuridique de la jurisprudence québécoise, où les décisions sont utilisées pour leurs énoncés de faits révélateurs des relations de franchise et non pour leur portée dogmatique. L’analyse jurisprudentielle s’étendra de 1994, date d’entrée en vigueur du Code civil du Québec, à avril 2016. Deux banques de données, SOQUIJ et Canlii, seront ciblées et seules les décisions de droit commun ou des tribunaux administratifs du travail capables de livrer un exposé du contenu relationnel du contrat seront retenues. D’un autre côté, nous utiliserons les apports de la littérature économique pour comprendre les éléments de subordination et de puissance économique qui empreignent les relations entre franchiseurs et franchisés.

Si la subordination ou la dépendance du franchisé à l’égard du franchiseur a pu être mise en lumière, aucune analyse systématique n’a été réalisée à ce jour au Québec. Nous nous proposons donc de remédier à cette lacune en examinant l’aspect relationnel du contrat. Cette perspective théorique permet d’examiner la relation contractuelle au-delà des termes formels et anticipés du contrat, et elle constitue un apport significatif à la littérature sur le sujet. L’examen se fera à partir d’une grille analytique mise en lumière par Vallée et Bourgeault (2011 : 66-69), laquelle expose les trois composantes du droit de direction de l’employeur, soit la « direction des affaires », cette capacité dont dispose l’employeur à prendre des décisions de nature économique et stratégique (l’établissement des prix, des investissements,…), la « direction de la production » (les décisions relatives aux modes de production ou à la délivrance du service), et, enfin, la « direction du travail » (recrutement, rémunération et évaluation des tâches du personnel).

Aussi, dans un premier temps, sera mis en lumière le caractère subordonnant de cette relation contractuelle pour examiner, dans un deuxième temps, les éléments de la puissance économique du franchiseur.

Relation franchiseur-franchisé et subordination

La proximité de certains contrats de franchise avec le contrat de travail suggère que le rapport de collaboration peut flirter avec celui de subordination. Le franchisé peut adopter les traits d’un employé du franchiseur, plutôt que ceux d’un entrepreneur « collaboratif ». Et, le franchisé, lui-même employeur, peut voir ses attributs d’entrepreneur confisqués par le franchiseur, que ce dernier assumera pour le compte du franchisé.

Le franchisé sous les traits d’un salarié

Le parallèle entre la situation du franchisé et celle du salarié est d’abord mis en évidence par le processus de sélection du franchisé et l’exécution du travail presque personnelle qu’il se retrouve à effectuer. Le contrôle du franchiseur sur les activités du franchisé vient parfaire cette analogie.

Recrutement et sélection du franchisé

Former le projet d’ouvrir une franchise requiert mûre réflexion de la part des franchisés. Elle l’est tout autant pour les franchiseurs qui chercheront à débusquer les candidats pourvus d’esprits souples, voire « profanes, plus aisément susceptibles d’être formés à la méthode et à la discipline du réseau » (Licari, 2002 : 5), et capables de diffuser avec succès le concept original. Dans cette optique, le franchiseur ne ménage pas ses efforts pour sélectionner le futur franchisé. Ainsi, tests psychométriques[5], enquêtes de solvabilité[6], « aptitudes, qualités, compétences, ressources, état de santé, situations financières, antécédents, capacités, goûts (…) » (Gagnon, 2003 : 171; 378) feront partie de son attirail de sélection, en plus d’exiger un « stage d’observation » au cours duquel le franchiseur évaluera le candidat[7].

Mais pourquoi accorder tant de soin à la sélection du franchisé ? La théorie du contrat relationnel de MacNeil démontre l’importance de la personnalité individuelle dans un rapport économique centré sur la relation (1983 : 341). Ce soin s’explique d’autant plus que le franchisé sera souvent appelé à exécuter personnellement le travail.

Exécution presque personnelle

L’exécution personnelle du travail par le franchisé est souvent caractéristique d’une relation de franchisage. D’ailleurs, il n’est pas rare qu’au sein de la franchise la seule personne corvéable soit le franchisé. Cette situation est particulièrement présente dans les franchises de service (entretiens ménagers ou paysagers; soins aux personnes et aux animaux) où les franchisés s’apparentent à un travailleur individuel qui vend ou plutôt s’achète sa propre force de travail (Riley, 2012 : 102).

D’ailleurs, pendant plusieurs semaines les franchisés sont personnellement formés pour exécuter le travail[8]. Le franchisé est questionné sur « sa capacité à faire les sacrifices nécessaires, en temps et argent, pour faire fonctionner la franchise »[9]. Et, lorsque ces qualités ne sont pas au rendez-vous, l’échec de la relation s’en trouve justifié: « Il est clair qu’exploiter une franchise demande énormément d’efforts et de travail ». Et le juge d’ajouter que le franchisé « savait ou aurait dû savoir que sa présence quotidienne et continue, son travail et supervision persévérants étaient requis pour assurer le succès d’une franchise […] »[10].

Les rapprochements que l’on peut avancer à l’égard du contrat de travail sont multiples. En premier lieu, l’article 2085 du Code civil du Québec précise que seule la personne, en l’occurrence le salarié et nulle autre, s’oblige à fournir la prestation de travail. De cette exécution personnelle découle la disponibilité du salarié, « une présence physique (…) et (..) professionnelle » (Morin et al., 2010 : II-87). Or, ces deux exigences se retrouvent dans la convention de franchisage, car la mutualité des intérêts exige l’établissement d’un lien personnel. Le franchisé ne va pas jusqu’à assurer une forme d’assiduité, comme c’est le cas dans le contrat de travail : cependant, cette qualité semble indissociable du succès d’une telle entreprise. Comme l’employeur, le franchiseur recherche une force de travail, mais pas seulement un travailleur qui a pour unique richesse sa valeur d’usage, il souhaite une personne qui a les ressources nécessaires de posséder des moyens de production. Et c’est sur ce dernier point où l’analogie a ses limites.

L’exécution personnelle est palpable lors de la signature du contrat. Le franchiseur s’assure de contracter avec le franchisé en tant que personne physique. En effet, lorsque pour des raisons aussi légitimes que celle de limiter sa responsabilité personnelle ou de répondre de règles fiscales plus avantageuses, le futur franchisé décide de se constituer en personne morale, le franchiseur exigera des ententes tripartites (Gagnon, 2003 : 171; 320) afin de rendre responsable solidairement le franchisé-personne physique et le franchisé-personne morale[11].

Et pour s’assurer de l’attachement du franchisé en tant que personne physique lors de l’exécution du contrat de franchisage, la convention comprendra souvent une clause « (…) assurant au franchiseur que la personne physique, choisie par ce dernier, contrôle en tout temps la personne morale franchisée et assurera la surveillance et la gestion de l’entreprise franchisée » (Gagnon, 2003 : 171 ; 320). De telles dispositions ne font aucun doute quant au caractère personnel de l’exécution générale de la convention de franchise, mais jusqu’à quel point cette relation teinte la liberté d’entreprendre du franchisé ?

Rapport de subordination

Le franchisage organise la coopération entre des entreprises indépendantes. Cependant l’inégalité des partenaires et la domination du franchiseur en font un contrat que plusieurs qualifient de dépendance (Virassamy, 1986 : 81-86) ou de « franchise subordonnante » (Licari, 2002 : 87). Le contrat de franchisage est formé d’un enchevêtrement d’intérêts d’où transparaît un rapport de force: « [I]l suffit de lire une seule fois une convention de franchise pour comprendre que le franchiseur se trouve, en cours d’exécution du contrat, dans une situation tout à fait privilégiée vis-à-vis de son franchisé » (Gagnon, 2000 : 114). Bien qu’autonome, le franchisé reste dominé par le franchiseur, dont il reçoit des directives strictes qui ne se distinguent que mollement de celles reçues par un salarié.

Pour veiller au maintien de la protection de l’image du réseau[12], le franchisé s’engage à « exploiter sa franchise de façon strictement conforme avec les méthodes, procédures et techniques (…) » définies par le franchiseur[13]. Parfois, elles sont si détaillées que la part d’autonomie du franchisé se réduit comme une peau de chagrin[14].

Le franchiseur s’engage lui aussi à assister le franchisé. Cependant, l’assistance en raison de sa nature, sa portée et son intensité est si prégnante qu’elle est une forme de contrôle similaire à celle d’une relation salariale. Ainsi, des « conseillers », appelés aussi « superviseurs », effectuent des visites pour veiller à la conformité de l’image[15]. Et, en cas de non-conformité, le franchiseur peut, selon la gravité du geste posé, mettre fin au contrat[16].

Le contrôle s’étend aussi à la qualité des services offerts par le franchisé à sa clientèle[17] grâce à l’envoi de clients mystères[18] ou de directives[19]. En cas de défaillances, des mesures disciplinaires ou administratives peuvent être infligées au franchisé. Dans certains cas, le franchisé rencontre le représentant du franchiseur pour réviser son rendement[20].

Fondamentalement, ce type de contrôle ne se distingue pas de celui subi par le salarié, mais les tribunaux au Québec restent réfractaires à une requalification du contrat de franchisage en contrat de travail ou, encore, à le faire reconnaître comme « employeur unique » (Vallée, 2007), contrairement aux États-Unis (Weil, 2014 : 195). Examinons maintenant comment le franchisé voit ses prérogatives d’employeur-entrepreneur accaparées par le franchiseur.

Droit de direction limité de l’employeur-entrepreneur franchisé

Le franchisé peut embaucher des salariés, mais dispose-t-il en tout temps des prérogatives qui font de lui un employeur ? Autrement dit, assume-t-il l’entièreté de ses droits de direction ? Quel est l’impact de l’intuitu firmae, soit l’intérêt commun du réseau sur ses prérogatives (Contamine Raynaud, 1974 : 70-76) :

L’adhésion au réseau et l’entente de réitération propre au contrat de franchisage ne se justifient qu’en renonçant à certains attributs d’employeur et d’entrepreneur. Une fois dans le réseau, le franchisé n’exerce plus sa discrétion, car il est maillé à la stratégie du franchiseur qui lui doit assistance afin d’assurer la protection de l’intérêt commun (l’intuitu firmae)[21] et du concept. Or, il n’y a souvent qu’un pas à franchir entre l’assistance et le contrôle, « [l’] assistance est souvent utilisée (détournée ?) pour contrôler benoîtement les bénéficiaires (…) » (Le Tourneau, 2003 : 37).

Nous avons vu plus tôt que ce contrôle peut être assimilé à celui qu’exerce un employeur à l’égard d’un salarié. Examinons maintenant comment ce contrôle peut entraver la liberté du franchisé de diriger le travail et corroder sa direction des affaires.

Direction du travail

Dans le cadre d’un contrat de travail, l’employeur dirige l’exécution du travail. Le franchisé, lorsqu’il choisit de devenir employeur, devrait conserver cette prérogative. Or, dans certains cas, le rôle du franchiseur est si prégnant qu’il semble s’arroger en partie cette direction, sinon l’orchestrer à la place du franchisé.

Dans l’affaire Charbonneau[22], le franchisé se voit littéralement dépossédé de son droit de direction du travail par le franchiseur, sans pour autant qu’il n’en assume une quelconque responsabilité (Gesualdi-Fecteau, 2008 : 33-36). En l’espèce, Charbonneau dépose plusieurs plaintes pour contester son congédiement. Elle est salariée d’une pharmacie d’un franchisé du Groupe Jean Coutu (PJC). Lors du procès, elle demande à ce que le franchiseur soit déclaré employeur conjoint et solidaire de Gabapharm (le franchisé), mais PJC s’y oppose. Plusieurs éléments, de fait, semblent soutenir l’opinion de la salariée. Ainsi, les paies, les relevés d’emploi sont effectués pour l’ensemble du groupe (par. 10). De plus, les conditions de travail sont uniformes d’une franchise à l’autre[23]. Chaque employé reçoit un « Guide des employés », préparé par le franchiseur, qui fait office de « contrat de travail » (par. 13).

L’objectif avancé par le franchiseur est d’assurer l’homogénéité entre les franchisés et d’éviter la concurrence entre eux. Si le juge concède l’existence d’une « certaine uniformité d’une pharmacie à l’autre en matière de conditions de travail », il remarque que « ceci ne signifie pas pour autant que le franchisé a perdu toute latitude face à ses employés » (par. 41). Il faut en conclure que l’intuitu firmae s’impose comme une forme de « contrôle administratif privé » auquel le franchisé ne fait qu’adhérer sans qu’il ne laisse prise à une quelconque responsabilité du franchiseur.

Dans l’exercice de son droit de direction, de quelle latitude dispose réellement le franchisé ? Très faible à vrai dire, car le non-respect des directives constitue « une véritable épée de Damoclès de nature à créer une pression adéquate sur le franchisé pour que ce dernier s’assure que les employés respectent les normes établies (…) »[24] par le franchiseur. Mais qu’en est-il dans le cadre de l’établissement de rapports collectifs de travail ?

Qui dirige le travail aux fins d’accréditation syndicale ?

L’accès à la syndicalisation des employés d’un franchisé pose plusieurs questions relatives au caractère approprié de l’unité de négociation. L’unité doit-elle comprendre les salariés des autres établissements franchisés ? Y a-t-il osmose entre le franchiseur et les franchisés au point de former une entité visée par la requête ?

D’emblée, soulignons que les tribunaux québécois ne reconnaissent pas au franchiseur ce rôle d’employeur des salariés du franchisé ni n’accordent l’osmose entre ces deux entités. En effet, il faut pour cela que les entreprises soient intégrées l’une à l’autre de manière à ne former, dans les faits, qu’une seule entreprise[25]. Or, si les tribunaux reconnaissent un rôle-conseil important du franchiseur, ils considèrent que le franchisé contrôle véritablement l’exécution du travail de ses salariés. En dépit de cette solution, il faut reconnaître que l’existence de ces litiges s’avère révélatrice de l’ambiguïté du rôle du franchiseur à l’égard des employés du franchisé.

En somme, l’intuitu firmae bride les prérogatives du franchisé dans son droit de diriger le travail ou, tout au moins, sème la confusion dans la détermination du véritable employeur. Il est aussi une source de monitorage de l’activité entrepreneuriale du franchisé.

Direction de la production et des affaires : le prix de l’intuitu firmae

Le devoir d’assistance du franchiseur à l’égard du franchisé est précisé dans un « Manuel d’exploitation », un document joint au contrat de franchisage. Véritable concentré des politiques administratives déterminées par le franchiseur, il comprend l’ensemble des règles d’exploitation et de fonctionnement que le franchisé devra respecter. Ce manuel est souvent assorti d’un système d’exploitation ou comptable commun à l’ensemble des franchisés (Gagnon : 2003, 310). Si de telles initiatives sont légitimes à l’égard de l’intuitu firmae, elles aboutissent aussi à surveiller étroitement le franchisé : «  PJC peut avoir accès aux informations contenues dans les ordinateurs des pharmacies »[26]. En outre, que dire de la prise de contrôle des affaires du franchisé lorsque le franchiseur se ménage le statut de mandataire auprès d’un client et se substitue à la relation franchisé-client[27] ?

Il est indéniable que la précision avec laquelle sont mentionnées les exigences auxquelles doit ou devra se conformer le franchisé vise à contrôler tous les aspects d’une franchise, et à sanctionner leur non-respect[28]. Cependant, l’image commune ne se résume pas seulement à un logo commercial et aux recettes, elle peut aller jusqu’à comprendre celle « d’un commerce rentable et bien géré »[29]. On constate donc que le franchisé n’exerce, dans de tels cas, ni la direction de la production ni la direction du travail au sein de son entreprise. La prochaine section démontrera que le pouvoir du franchisé de diriger ses affaires est aussi fort limité.

Éléments de la puissance économique du franchiseur

La puissance économique du franchiseur tient à deux éléments : le contrôle important qu’il exerce sur les activités du franchisé et la dépendance économique de ce dernier. Si ces éléments de puissance jouent un rôle utile en permettant d’assurer l’uniformité de l’expérience client dans le réseau de franchise, leur conjonction aux éléments de subordination juridiques procure au franchiseur une arme contractuelle, dont il peut se servir pour actionner un levier économique à son avantage.

Autonomie contrôlée du franchisé

De prime abord, le franchisé se présente comme un entrepreneur qui assume ses propres risques de pertes et n’est rémunéré que par le profit qu’il réussit à soutirer de l’exploitation de la franchise. Cependant, ces revenus tirés exclusivement des profits constituent une source de vulnérabilité pour le franchisé et ils procurent au franchiseur un important levier de contrôle. De plus, la capacité de dégager des profits est strictement encadrée par le franchiseur en raison de son pouvoir de direction des affaires octroyé par le contrat de franchisage. Parfois, la puissance du franchiseur peut s’exercer au détriment des intérêts du franchisé.

Perception du revenu résiduel et contrôle des efforts

Le franchisé tire ses seuls revenus de la marge de profit dégagée, une fois payés tous les frais d’exploitation. À ce titre, il supporte donc directement les risques liés à une faible performance et à une faillite éventuelle (Hadfield, 1989 : 960), de même que tous les risques de non-paiement des créanciers (Davidson, 1994 : 32 et 34). Alors que le franchiseur perçoit des redevances directement calculées sur les revenus bruts de l’entreprise du franchisé, la rémunération du franchisé est tributaire des profits réalisés.

Le franchisé s’avère donc le seul bénéficiaire du revenu résiduel dégagé par l’entreprise franchisée. Une telle situation n’équivaut cependant pas à une situation de plus grande autonomie du franchisé. Ce statut de bénéficiaire résiduel du franchisé procure au franchiseur un important levier de contrôle (Lafontaine et Raynaud, 2000 : 261; Rubin, 1978). Le franchiseur a ainsi l’assurance que le franchisé mettra suffisamment d’efforts pour réussir (Argyres et Bercovitz, 2015 : 814).

La jurisprudence atteste, d’ailleurs, de l’importance de l’énergie que doit consentir un franchisé pour dégager une marge de profits. Ainsi, il est relevé dans la décision Pizza Pizza que les associés dans une franchise devaient chaque semaine, à eux deux, fournir 120 heures de travail pour pouvoir dégager un profit de 600$[30]. Dans la décision Cora, le juge note que « ce genre de franchise exige l’implication totale du franchisé pendant une longue période de temps »[31]. On comprend, dès lors, que la franchise soit parfois utilisée par un entrepreneur comme modèle d’organisation visant à augmenter l’effort et la cadence du travail (Davidson, 1994 : 40). Mais que ce soit un objectif principal du franchiseur ou un effet secondaire de l’organisation en franchise, toujours est-il que le statut de récipiendaire du profit constitue pour le franchisé un mécanisme de puissance aux mains du franchiseur.

Encadrement de la capacité de faire des profits

La capacité du franchisé de faire des profits est ainsi contrainte par les dépenses imposées par le franchiseur afin de rendre l’apparence de son établissement conforme aux normes de présentations du franchiseur (par exemple, le revêtement d’un plancher)[32], par l’obligation de s’approvisionner auprès de certains fournisseurs désignés et de contribuer au fonds de publicité nationale (Gilbert, 2014 : 80). La profitabilité de l’entreprise franchisée est aussi limitée par les façons de faire dictées par le franchiseur (Riley, 2012 : 104), par la détermination des prix (Grimes, 1999 : 252) et par la désignation de l’étendue du territoire que le franchisé peut desservir.

Le pouvoir de contrôle du franchiseur constitue un élément de puissance économique en raison de son impact sur la profitabilité de l’entreprise franchisée et du fait que ces conditions sont imposées sans que le franchisé ne puisse participer aux décisions stratégiques l’affectant (Riley, 2012 : 109). Certes, ce pouvoir de contrôle du franchiseur est généralement exercé dans un intérêt commun : celui du succès du réseau de franchises. Cependant, la latitude décisionnelle du franchiseur est si grande qu’il peut aussi l’exercer dans le but de servir ses intérêts propres au détriment de ceux du franchisé.

Dérives possibles du contrôle de l’autonomie du franchisé : l’obligation d’approvisionnement auprès des fournisseurs désignés

Le contrat de franchisage prévoit généralement que les franchisés doivent acheter leurs produits auprès de fournisseurs désignés par le franchiseur ou auprès d’un centre de distribution opéré par le franchiseur (Alepin et Boiteau, 2013 : 110). Comme nous l’avons noté précédemment, cette obligation limite les capacités du franchisé de faire des profits. En effet, les produits ne sont pas nécessairement offerts au meilleur prix (Davidson, 1994 : 33)[33]. De plus, les prix peuvent augmenter au cours de la relation (Argyres et Bercovitz, 2015 : 813-814) sans que le franchisé n’ait la possibilité de changer de fournisseur.

Le contrôle des décisions d’approvisionnement peut entraîner cependant un problème supplémentaire : le fait que le franchiseur ait la possibilité de tirer profit des contrats d’approvisionnement qu’il impose à son franchisé. Cette possibilité lui vient soit des ristournes que le fournisseur lui verse (Alepin et Boiteau, 2013 : 106) et qu’il n’a pas l’obligation de partager avec les franchisés ni de réinvestir dans le réseau (ibid. : 102), soit du contrôle qu’il détient sur le fournisseur (ibid. : 124-125).

En raison du contrôle qu’il exerce sur les franchisés et du fait de sa capacité de bénéficier du volume des achats d’approvisionnements, le franchiseur est en position de comprimer la marge de profits du franchisé de manière à retirer un revenu maximal de cette relation (Grimes, 1999 : 246). De plus, rien n’empêche le franchiseur d’utiliser les ristournes pour faire compétition aux franchisés en vendant à bas prix les mêmes produits au moyen de la vente en ligne ou par le truchement de commerce opérant sous d’autres bannières (Cloutier et Guay, 2008 : 137)[34]. On constate, à la lumière de ce qui précède, que les franchisés sont dans une situation d’autonomie contrôlée qui participe à leur assujettissement économique. La section suivante exposera comment cet assujettissement est accru par la relation de dépendance économique franchiseur/franchisé.

Dépendance économique du franchisé

La dépendance du franchisé constitue une caractéristique centrale du contrat de franchisage (Hadfield, 1989 : 959). Après avoir examiné les sources de la dépendance économique du franchisé à l’aide des théories économiques néo-institutionnalistes (Grossman et Hart, 1986), la dépendance du franchisé sera analysée à partir de l’importance que revêt pour lui le rattachement au réseau de franchise, seule façon de récupérer les coûts de son investissement initial. Cette dépendance constitue un mécanisme de contrôle aux mains du franchiseur qui, en raison de l’incomplétude des contrats, peut excéder ce qui est nécessaire au maintien de la qualité à travers le réseau : le franchiseur peut alors l’utiliser à son profit et au détriment des intérêts du franchisé.

Spécificité des actifs du franchisé comme source de dépendance économique

L’acquisition d’une franchise représente un investissement considérable et correspond souvent à une somme de 500 000 à 2 millions de dollars canadiens (Pouliot, 2015 : 12). Ce coût recouvre d’abord le droit initial (entre 15 000 $ et 100 000 $, voir Wilson, 2014) qui permet au franchisé d’entrer dans le réseau de franchise ainsi que d’utiliser le concept et les droits de propriété intellectuelle du franchiseur. À cela, il faut ajouter le coût de la formation aux façons de faire du franchiseur — formation qui généralement peut prendre plusieurs semaines[35] — , et les dépenses liées à l’aménagement du local, à l’achat d’uniformes et d’équipements propres au concept du franchiseur.

Ces investissements constituent des actifs spécifiques à la relation de franchise, des coûts irrécupérables (sunk costs en anglais, voir Hadfield, 1989 : 951). En économie, on considère que les actifs d’une personne ou d’un entrepreneur sont spécifiques lorsqu’ils ont été développés pour répondre précisément aux besoins d’une relation contractuelle (Grossman et Hart, 1986 : 692). Pour les franchisés, leur investissement dans l’acquisition de la marque, du savoir-faire particularisé du franchiseur et du matériel propre au concept de la franchise ne peut être réutilisé ailleurs. Ce qui accentue, pour les franchisés, l’importance de rester au sein du réseau de franchises, afin de ne pas perdre cet investissement initial. On évalue ainsi qu’un franchisé doit pouvoir exploiter son établissement pendant au moins trois ans pour espérer réaliser un retour sur l’investissement initial (Brickley, Misra et Van Horn, 2006 : 177).

La spécificité des actifs du franchisé est source de dépendance économique envers le franchiseur, car ce dernier a la faculté d’accorder ou de retirer le droit d’accès au réseau de franchises. De Boüard note ainsi le « caractère vital, pour le partenaire placé en situation de dépendance, de sa relation contractuelle avec son partenaire privilégié » (2007 : 2-3). Cette dépendance économique liée à la spécificité des actifs est similaire à celle du salarié qui a investi temps et efforts dans l’apprentissage de compétences spécifiques à son travail et ne peut donner la pleine mesure de sa productivité qu’en demeurant dans l’entreprise (Hart, 1995 : 57).

Dépendance économique comme mécanisme de contrôle

Du point de vue du franchiseur, la dépendance économique du franchisé induite par la nature irrécupérable de son investissement initial constitue un mécanisme de contrôle qui complète celui mis en place par le statut de bénéficiaire résiduel du franchisé (Lafontaine et Reynaud, 2000). Le pouvoir d’exclure le franchisé du réseau constitue un important levier pour le franchiseur qui peut lier cette faculté de demeurer dans le réseau à l’observation de ses standards de qualité (ibid. : 264).

Les contrats de franchisage octroient, en effet, la possibilité pour le franchiseur de le résilier, sans avis ou moyennant un préavis de cinq à dix jours (Gilbert, 2014 : 98) advenant le défaut du franchisé de se conformer à ses obligations contractuelles ou au manuel d’exploitation. Non seulement ces clauses permettent-elles au franchiseur de réagir en cas de manquements du franchisé, mais la simple possibilité que le franchiseur y ait recours motive le franchisé à se discipliner lui-même (Lafontaine et Reynaud, 2000 : 266).

Le mécanisme de contrôle lié à la dépendance économique du franchisé envers le franchiseur est d’autant plus efficace que la profondeur de cette dépendance n’est pas mutuelle. La résiliation du contrat de franchisage implique pour un franchisé la renonciation à recouvrir son investissement, la perte de son attrait principal, son affiliation au réseau — et la clientèle qui y est attachée —, ainsi que l’obligation d’altérer physiquement les lieux[36], le tout généralement assorti d’une clause de non-concurrence (Riley, 2012 : 103). En comparaison, pour le franchiseur, la résiliation du contrat n’emporte que la perte des redevances perçues auprès de ce franchisé et celle d’un établissement porte-étendard du réseau.

De plus, plusieurs franchiseurs sont à même de minimiser les pertes relatives à un départ du franchisé du réseau en raison de leur contrôle des locaux utilisés par les franchisés, soit à titre de locataire principal[37], soit à titre de propriétaire (Hadfield, 1989 : 934). Ce contrôle permet au franchiseur, en cas de résiliation du contrat de franchisage, de rompre le contrat de location qui l’unit au franchisé et de continuer à opérer l’établissement franchisé dans un court délai (Felstead, 1991 : 51). Les franchiseurs prennent, d’ailleurs, soin de conserver au sein de leur organisation les compétences de gestion nécessaires à l’opération d’une franchise (Michael, 2000 : 510) en gardant généralement la propriété du tiers des commerces du réseau (Froment, 2014 : 9).

Le contrôle des locaux accroît la puissance du franchiseur en lui donnant le droit de déposséder physiquement le franchisé (Hunt et Nevin, 1974 : 189) lors de la résiliation du contrat ou lors du non-renouvellement de celui-ci. La puissance du franchiseur est d’autant plus grande que le contrat de franchisage contient souvent une clause de « défaut-croisé » stipulant que le défaut de respecter toute autre entente contractuelle convenue entre le franchiseur et le franchisé constituera un défaut au contrat de franchisage, entraînant la résiliation immédiate de celui-ci (Coiquaud, 2004 : 381-382).

Le contrôle des locaux permet ainsi au franchiseur de s’approprier entièrement la clientèle développée par le franchisé lors de l’exploitation de la franchise (Argyres et Bercovitz, 2015 : 813). La littérature rapporte, de plus, que certains franchiseurs utilisent de façon opportuniste ce pouvoir de résiliation afin de mettre la main sur les franchises les plus performantes du réseau (Atwell et Buchan, 2014 : 181). On constate ici que le franchiseur est en position d’utiliser son pouvoir d’exclure le franchisé du réseau, non seulement pour contrôler la qualité de la performance du franchisé, mais aussi pour en tirer indûment profit. Cette possibilité lui vient de l’incomplétude des contrats de franchise.

Dépendance économique et incomplétude de contrats comme source de puissance

La nature incomplète du contrat de franchisage (Hadfield, 1989) accroît la dépendance économique du franchisé induite par la spécificité de ses actifs, ce qui a pour effet d’octroyer, comme nous le verrons, une réelle puissance économique au franchiseur puisqu’il peut tirer profit de l’exécution du contrat aux dépens du franchisé.

Le contrat de franchisage est incomplet à plusieurs titres (ibid.). D’abord, ces contrats sont notoirement peu explicites quant aux obligations du franchiseur[38]. Le fait qu’on ne puisse aisément distinguer entre l’exercice légitime du pouvoir de contrôle du franchiseur et un exercice opportuniste de celui-ci en atteste (ibid. : 953).

L’incomplétude du contrat de franchisage, jointe au droit d’accès au réseau détenu par le franchiseur, impliquent que ce dernier peut utiliser la dépendance économique du franchisé pour agir de façon opportuniste (ibid. : 952 et 987) en précisant à son avantage certaines conditions, sous peine de mettre fin au contrat. Cette façon de procéder est couramment appelée la technique du « braquage » (en anglais, hold-up, voir Klein, Crawford et Alchian, 1978 : 298-301). Celui qui en dispose est en réelle situation de puissance : il peut poursuivre ses intérêts au détriment de ceux de l’autre (Hadfield, 1989 : 989)[39].

La question des empiétements par le franchiseur ou par d’autres franchisés du territoire du franchisé constitue un exemple révélateur de cette puissance induite par l’incomplétude des contrats. En effet, un nombre grandissant de contrats de franchise ne contiennent pas de clause d’exclusivité territoriale (Emerson, 2010 : 205-206). Ainsi, un franchisé s’est vu débouté de sa réclamation pour dommages subis à la suite de l’ouverture d’une autre franchise sur un territoire qu’il exploitait.[40] De plus, peu de contrats encadrent la capacité du franchiseur de livrer concurrence à ses franchisés, que ce soit au moyen du commerce électronique (ibid. : 224), du développement des nouvelles formules, telles des magasins à rabais[41] et des comptoirs express (Gilbert, 2014 : 7-8).

Ces empiétements sur le territoire du franchisé lui sont très onéreux lorsqu’ils ont pour effet de restreindre son bassin de clientèle, réduisant d’autant ses profits. Les empiétements n’ont pas le même effet pour le franchiseur puisque les redevances qu’il perçoit sont calculées sur les revenus des établissements franchisés plutôt que sur leur profit (Emerson, 2010 : 204). Tant que l’ouverture d’un nouvel établissement lui apportera davantage de revenus que la diminution des sommes perçues à l’établissement plus ancien, le franchiseur sortira gagnant de l’empiétement (Kalnins, 2004 : 478).

Conclusion et pistes de solution

La relation de franchise comporte une forte composante de subordination et d’assujettissement pour le franchisé qui est aussi réelle que celle imprégnant la relation de salariat. À partir de ce constat, quelle piste d’action le droit devrait-il retenir ?

Plusieurs pistes sont possibles. L’une d’elles consiste à faire reconnaître comme salarié le franchisé afin qu’il puisse bénéficier des protections du droit du travail, une avenue cependant parsemée d’embûches. Si elle peut s’avérer fondamentale pour ces « faux franchisés » qui sont en réalité enrégimentés dans un contrat de travail, les tribunaux manifestent peu d’appétit pour cette solution[42], d’autant qu’elle ne peut convenir à la majorité des franchisés qui sont engagés eux-mêmes dans une relation d’employeur et qui détiennent fréquemment plus d’une franchise (Griessmair, Hussain et Windsperger, 2014). Une autre piste, régulièrement évoquée par la doctrine québécoise (Teasdale, 2008 : 121; Alepin, 2013 : 126) réside dans l’adoption d’une loi encadrant l’établissement et le contenu des contrats de franchise, comme il en existe dans plusieurs provinces canadiennes[43]. Ces lois contiennent deux types de dispositions : l’obligation d’agir équitablement et l’obligation de divulgation du franchiseur d‘informations spécifiques (Riley, 2012 : 109-110; Alepin, 2013 : 81-85). Si ces lois ne sont pas des panacées, elles permettent néanmoins de réduire l’asymétrie informationnelle existante entre franchiseur et franchisé (Riley, 2012 : 105) et elles reconnaissent la dimension relationnelle du contrat de franchisage.

À ces propositions pourrait être ajouté un meilleur encadrement de ce qui constitue le « concept » sur lequel s’appuient les franchiseurs pour séduire les franchisés. Avec le développement du franchisage de service, il n’apparaît pas toujours évident de voir en quoi le franchiseur apporte ce savoir-faire unique, éprouvé, substantiel, secret, conférant un avantage économique pour lequel le franchisé est prêt à payer et à se lier. Quel contrôle est exercé sur l’intégrité du concept ? À ce jour, il faut compter sur la vigilance du franchisé, un rempart trop mince face à la liberté laissée à certains franchiseurs de dévoyer ce modèle d’affaires en créant des concepts qui n’en sont pas et en créant un réseau de faux franchisés.

En l’absence de la promulgation d’une loi particulière, une autre piste serait de reconnaître l’inégalité de puissance économique (Martin, 2016) au coeur du contrat de franchisage et d’interpréter, à la lumière de cette inégalité, les obligations implicites et les usages découlant du contrat de franchisage et de l’obligation de bonne foi (Rolland, 1999). Pourrait alors se développer « un droit de la dépendance dans l’indépendance » (Pélissier, Supiot et Jeammaud, 2004 : 211) qui recouvrerait ces multiples situations d’entrepreneuriat dépendant, dont la franchise n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.