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Si différents thèmes concernant les femmes autochtones ont été le sujet d’articles au fil du temps dans la revue Recherches féministes (Guay 1988; Morales Hudon 2011; Neumark 2014; Perreault 2015), pour la première fois, un numéro entier est consacré à leur mouvement. En outre, aussi pour la première fois, la revue publie les résultats de recherches de femmes scientifiques autochtones. C’est un grand moment que je désirais voir se produire, comme directrice de la revue, et auquel je travaille depuis plus de dix ans. Il faut remercier chaque auteure de son apport généreux, éclairant et rigoureux; pour leur part, Anahi Morales Hudon, professeure à l’Université Saint-Paul, et Marie Léger, sociologue, ont agi comme responsables de ce numéro et accompli, avec générosité et intelligence, ce travail pionnier : elles sont au coeur d’un gisement qui témoigne de leur engagement.

À cette parole de femmes en mouvement suit en hors thème le texte « Des récits de réfugiées palestiniennes à travers la grille de l’intersectionnalité » des chercheuses Roxanne Caron, Dominique Damant et Catherine Flynn : leur texte rend compte de l’expérience des Palestiniennes qui vivent en exil dans le camp de Bourj el Barajneh. Entre le désir du retour en Palestine et la nécessité de l’adaptation, entre les responsabilités de mères nourricières et le combat contre l’oppression coloniale, l’image de la Palestinienne résistante est dominante dans la majorité des récits; se retrouvant au carrefour d’identités (réfugiées, apatrides, Palestiniennes, musulmanes, scolarisées ou non), elles « ne sont ni totalement victimes ni héroïnes en tous temps ».

Les deux textes qui suivent complètent la parution du numéro précédent de la revue Recherches féministes (29, 2) portant sur les Africaines sud-sahariennes, plus particulièrement sur la façon dont elles intègrent les normes sociales pour mieux les négocier. Léa Barreau-Tran, dans « Les courbes de son monde : mobilités d’une commerçante angolaise dans la périphérie globale » témoigne, à travers la parole d’une Angolaise, de la pratique d’Africaines qui font « le commerce à la valise » de marchandises qui peuvent être dissimulées comme des objets personnels, et qui n’ont pas toujours besoin d’être déclarées aux douanes, dans des pays latino-américains et asiatiques. Malgré les habiletés nécessaires et l’ampleur des distances parcourues (voir la carte à l’appui) le déficit de légitimité de ces pratiques féminines informelles empêche les possibilités de valorisation de soi grâce à cet exercice professionnel, car les mécanismes de solidarité ou d’actions collectives qui pourraient permettre une revendication des droits sont précaires et sans résultats concrets.

Enfin, le texte « Enseigner et prêcher au Sénégal : l’appropriation du savoir religieux par les femmes » de Mame Fatou Séne présente différents témoignages qui illustrent la complexité de l’engagement des femmes dans la diffusion de la religion au Sénégal.

Les articles de ce numéro contribuent tous à la valorisation des expériences propres aux femmes engagées dans des démarches solidaires de résistance et d’affirmation. La revue Recherches féministes poursuit ainsi son travail politique et nécessaire de rapprochement entre les milieux universitaires et les milieux étudiés, entre les féminismes institutionnels et militants.