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Cet ouvrage est le premier livre consacré à l’édifice du Morrin College, aussi connu sous le nom de Morrin Centre, pôle culturel de la communauté anglophone de Québec. Il résulte du travail de trois auteurs qui ont souhaité faire connaître l’histoire de ce bâtiment et des institutions qui lui sont associées.

Donald Fyson, historien spécialiste de l’histoire du Québec aux XVIIIe et XIXe siècles, signe la première partie de l’ouvrage qui porte sur l’ancienne prison de Québec. Ses travaux de recherche sur la justice pénale, la peine capitale et sur l’emprisonnement au Québec lui ont permis de documenter de façon approfondie la fonction originelle de l’édifice. La seconde section porte sur le Morrin College, institution d’enseignement, puis oeuvre caritative, qui a jadis occupé l’édifice auquel elle a laissé son nom. Elle a été rédigée par Patrick Donovan, doctorant en histoire à l’Université Laval et ancien directeur général du Morrin Centre. La dernière section de l’ouvrage est écrite par Louisa Blair, réviseure, traductrice, auteure et membre de la communauté anglophone de Québec. Elle porte sur la Literary and Historical Society of Quebec. Enfin, la contribution de Louise Penny a été sollicitée pour rédiger la préface. Cette auteure de romans policiers s’est prise d’affection pour l’édifice du Morrin College et la bibliothèque de la Literary and Historical Society au point d’en faire le lieu de l’intrigue d’un de ses romans.

La première section de l’ouvrage commence par un portrait des lieux d’incarcération et des conditions de détention depuis l’époque de la Nouvelle-France. Cette introduction permet de comprendre la nécessité de doter la ville de Québec d’un lieu conçu pour l’emprisonnement, et ce, dans le contexte de la réforme carcérale du XIXe siècle. D’ailleurs, les idées de l’un des principaux acteurs de cette réforme, le Britannique John Howard, ont influencé la conception de la prison. Érigé d’après les plans de l’architecte François Baillairgé, le bâtiment n’a cependant pas atteint l’idéal visé par Howard et, dès son ouverture, il présente des lacunes importantes. La partie consacrée à l’architecture de l’édifice est intéressante, mais en raison des transformations qu’a subies le bâtiment au fil des ans, des plans d’origine disparus, de l’absence de documentation visuelle portant sur l’intérieur du bâtiment, cet aspect est moins développé qu’il n’aurait pu l’être. L’ouvrage privilégie d’ailleurs une approche plus historique qu’architecturale. Des histoires de prisonniers notoires, de pendaisons marquantes ou d’évasions célèbres sont racontées, mais aussi les récits d’individus oubliés par l’histoire. L’intérêt porté à ces derniers permet de dresser un portrait plus large du contexte social de la ville de Québec au XIXe siècle.

À partir de 1868, l’ancienne prison de Québec, délaissée au profit d’un nouveau bâtiment érigé sur les plaines d’Abraham, change complètement de vocation. Elle devient le Morrin College, une institution d’enseignement fondée en 1862 par le révérend John Cook. Cette section de l’ouvrage traite du système scolaire aux XVIIIe et XIXe siècles et fait état des rivalités alors existantes entre les catholiques et les anglicans. Le Morrin College, associé au presbytérianisme, est l’une des institutions anglo-protestantes du Québec du XIXe siècle, mais la seule de la ville de Québec à offrir un enseignement supérieur à cette communauté. D’ailleurs, deux des trois facultés du collège sont, à l’époque, affiliées à l’Université McGill de Montréal. Par ailleurs, le Morrin College figure parmi les premières institutions à Québec à décerner des diplômes universitaires à des femmes. En raison du déclin de la population anglo-protestante et de la situation économique difficile au tournant du XXe siècle, le Morrin College cesse ses activités d’enseignement et devient une association. Son histoire est par ailleurs intimement liée à celle de la Literary and Historical Society depuis 1862.

Le livre se conclut sur l’histoire de cette société savante, la plus ancienne au Canada. Fondée en 1824 par George Ramsay, gouverneur de l’Amérique du Nord britannique, la Literary and Historical Society a joué un rôle significatif dans la vie intellectuelle et culturelle du Québec et du Canada. Sans appartenance religieuse ou linguistique, cette société occupe, au XIXe siècle, une place importante dans le développement des sciences, notamment grâce aux recherches, aux publications et aux conférences de ses membres. Elle crée également un musée et une bibliothèque dont les collections sont développées autour des sciences naturelles. La Société a par ailleurs promu les arts en soutenant des artistes dont elle exposait les oeuvres dans son musée. Ce dernier n’a pas survécu aux années et une partie importante des collections de la Société ont été perdues, soit lors d’incendies ou de ventes aux enchères. Malgré ces pertes, la Société conserve sa bibliothèque qui loge, depuis 1868, dans l’édifice du Morrin College.

Étagères et barreaux de fer. Une histoire du Morrin Centre est un ouvrage bien documenté, dont les textes s’appuient sur des documents d’archives et une bibliographie exhaustive. Les illustrations sont abondantes et supportent bien les propos développés. Les trois sections du livre, bien que rédigées par des auteurs différents, sont construites de façon similaire. Cela contribue à l’uniformité, bien que chaque partie soit autonome et pourrait faire l’objet d’une publication individuelle. Cet ouvrage constitue une contribution intéressante à l’histoire de Québec, et plus particulièrement à l’histoire carcérale et aux institutions anglophones de la ville.