Corps de l’article

La gestion des ressources humaines (GRH) dans les petites et moyennes entreprises (PME) est à l’intersection de deux champs de recherche, offrant la richesse que peuvent apporter des regards croisés.

Or, d’une part, la communauté académique en GRH s’est longtemps peu intéressée aux PME. Certes, historiquement « les problèmes de gestion du personnel sont des problèmes de grand nombre (Jardillier, 1965, p. 121) ». Sans doute est-il également plus flatteur de s’intéresser à des entreprises bien connues, qui sont généralement les plus grandes. Nous l’avons d’ailleurs expérimenté à titre personnel, en tant que praticiens (Louart et Vilette, 2010a, p. 11).

D’autre part, la GRH est traditionnellement une thématique peu étudiée (ou, en tout cas, sur laquelle les PMistes publient peu). Une explication complémentaire peut être ici avancée : le sujet n’est généralement pas la priorité affichée par le dirigeant de PME. Non pas qu’il se désintéresse de ses salariés, dont il est quotidiennement proche, mais justement, de par la taille du collectif, il va souvent confondre management et gestion des ressources humaines.

Ainsi, parmi les revues académiques, la Revue internationale PME, créée en 1987, y a consacré un numéro spécial en 1998. Cette année correspondait à la 2e édition du premier ouvrage spécifiquement consacré à la GRH en PME en 1988 (le deuxième, 22 années plus tard – Louart et Vilette, 2010b). Dans les deux cas, Henri Mahé de Boislandelle en était le pilote.

Pour présenter cette 3e édition, il semble d’ailleurs intéressant de la mettre en perspective des deux premières.

Par rapport à celle de 1988, la 2e édition s’était significativement étoffée (de 320 à 480 pages), malgré un nombre de chapitres comparable. Les parties et sous-parties avaient été réagencées, et les deux chapitres portant sur le lien entre RH et stratégie (formulation, puis mise en oeuvre) déplacés après ceux développant le mix-social, un des apports majeurs de l’auteur à la littérature sur la GRH en PME. Un autre de ces derniers apparaissait dans le dernier (et nouveau) chapitre, à savoir l’effet de grossissement, et ses trois composantes : effets de nombre, de proportion et de microcosme (Olivier Torrès y ajoutera l’effet d’égotrophie – Torrès, 2003).

Quant à cette 3e édition, un léger amincissement est surtout dû à l’abandon d’annexes devenues obsolètes et d’index un peu lourds, ainsi qu’au toilettage de la bibliographie. La structure en parties et sous-parties a également été écartée, au profit d’un enchaînement plus fluide de chapitres.

L’introduction générale recèle des données actualisées de cadrage quantitatif, qui contribuent à remettre en cause certaines idées reçues sur les PME. Le chapitre 1 présente les particularités des PME en matière de gestion du personnel, terminologie volontairement retenue par l’auteur (au détriment de GRH), au motif qu’elle reste privilégiée dans nombre de ces structures. L’effectif et le dirigeant y jouent un rôle important. Celui de ce dernier sera d’ailleurs repris plusieurs fois… et dès le chapitre 2, qui distingue les trois niveaux (opérationnel, politique, structurel) et visions afférentes de GRH. Ceux-ci sont articulés aux composantes du mix-social évoqué précédemment. Les chapitres 3 à 6 développent alors successivement ces dernières (politiques d’emploi, de rémunération, de valorisation et de participation – qui couvrent donc l’ensemble des aspects de la GRH) sur 160 pages. Le chapitre 7 insiste sur les modalités d’évaluation (indicateurs en particulier) dudit mix-social. Le chapitre 8 reprend les éléments RH liés à la formulation de la stratégie et souligne l’émergence de paradigmes depuis le début de ce siècle (même si l’usage de ce mot peut sembler exagéré pour certains des exemples cités). Le chapitre 9 expose le rôle des RH dans la mise en oeuvre de la stratégie en PME. Le dernier chapitre rappelle les différents aspects de l’effet de grossissement, et ajoute un nouveau retour sur le dirigeant, tant vis-à-vis de ses salariés que de lui-même.

Par rapport à des ouvrages, comme le dernier que nous avons coordonné (Vilette, 2014), celui de Mahé de Boislandelle a l’avantage de balayer un spectre plus large de facettes de la GRH. Sa lecture est cependant « troublée » par deux bémols : d’une part, la subsistance des études antérieures à 1998 (ainsi que de références anciennes) peut altérer l’impact de celles menées depuis par l’auteur ; d’autre part, comme dans les précédentes éditions, certains développements, parfois longs, ne sont pas spécifiques, voire adaptés aux PME.

En conclusion, nous pouvons néanmoins affirmer que ce nouvel opus a naturellement toute sa place dans la bibliothèque de celles et ceux qui s’intéressent aux PME et à leur GRH.